dimanche 27 janvier 2008

La face sombre du Soleil

1991

La face cachée du Soleil

Notre Soleil, la grosse boule qui nous réchauffe, est une pelote hérissée de mystère. Dernier exemple en date : la brusque "panne" de l'astre, en 1990. D'autant plus étrange après les colères de 1989, des spasmes qui avaient plongé neuf millions de personnes dans le noir au Québec en faisant "sauter les plombs" de la distribution électrique, provoqué des dizaines d'aurores boréales, et fait chuter plusieurs satellites qui se trouvaient en orbite. Munis de leurs archives, calculs à l'appui, les astronomes s'attendaient à ce que 1990 soit pire encore. L'année de tous les dangers solaires, du moins le "sommet" le plus actif du cycle d'activité de 11 ans qui anime notre bonne vieille étoile. Attention, disaient-ils à l'adresse des cosmonautes qui séjournent dans l'espace, mais aussi des utilisateurs des fréquences radio...
Hélas, la crise annoncée, le paroxysme n'a pas eu lieu. Et sans que l'on sache pourquoi, l'astre a brutalement décidé que cela suffisait comme cela, que le cycle de 11 ans serait cette fois plus court d'une année, et qu'en guise de sommet d'activité, on se contenterait des orages magnétiques du mois de mars 1989. "Ce furent tout de même les plus forts jamais provoqués par le Soleil", estime Pierre Lantos, responsable des prévisions solaires à l'observatoire de Paris-Meudon. "C'est une leçon : les prévisions solaires, ce n'est pas encore la météo", ajoute-t-il

Bizarres, les astronomes. Pour tenter d'en savoir plus sur l'étoile reine de notre ciel, ils s'enfouissent sous les montagnes, s'immergent dans le grand bleu des océans, installent leurs détecteurs dans les galeries obscures des mines. Le dernier cri du temple cosmique dans le style bunker sous-terrain, c'est Gran Sasso, près de Rome. Associés aux Allemands et aux Italiens, les chercheurs français viennent de l'inaugurer, sous un sommet de 2 900 mètres. Objectif : percer les mystères de la chaudière du Soleil. Un casse-tête dont l'explication occupe des équipe de chercheurs dans le monde entier.
Tapis dans la montagne, les astrophysiciens y traquent dans une cuve de 30 tonnes de gallium les très étranges créatures que sont les neutrinos. De petites particules insaisissables vomies par milliards par le Soleil et qui ont la fabuleuse propriété de traverser comme du beurre tout ce qu'elles rencontrent. Et notamment la Terre, de part en part. Alors, pour se protéger, se débarrasser de tout autre "bruit", les scientifiques s'enfouissent comme des taupes. "Le sol fait écran, et sous terre nous sommes certains que les seules particules que nous détecteront sont bien des neutrinos, puisque ce sont les seules qui peuvent arriver ici", explique Michel Cribier, physicien au Commissariat à l'Energie Atomique.

Une précaution vitale. Dépourvu de masse, le neutrino est incroyablement difficile à détecter, puisqu'il traverse tout sans dommages, même les détecteurs. Alors pour le voir... A tel point que sur les 65 milliards de ces particules que le Soleil envoie chaque seconde sur chaque centimètre carré de notre planète, le détecteur à chlorure de gallium du Gran Sasso en "verra" seulement une par jour ! Autant éviter que ce fragile témoignage soit autre chose que celui d'un neutrino. Alors on déploie un luxe de précautions inouï : pour éviter la radioactivité naturellement émise par le plomb, on a récupéré du métal très ancien, très stable, incapable d'émettre des rayonnements. On est allé le chercher sur des gallions espagnols coulés depuis plusieurs siècles. Pareil pour l'eau utilisée dans les expériences. Elle a été puisée dans le désert du Sinaï, dans des poches vieilles de plusieurs milliers d'années.

Mais pourquoi s'acharne-t-on à vouloir compter des particules aussi fantomatiques, quasiment indétectables ? Tout le problème, c'est que le nombre que l'on en observe pour l'instant ne correspond pas du tout à celui qui est prévu. On en "voit" trois fois moins que les calculs qui simulent le fonctionnement du Soleil l'annoncent. Un résultat qui irrite passablement les physiciens. La théorie est-elle fausse ? Ne comprend-on rien au Soleil ? Ou les détecteurs sont-ils incapables de fonctionner proprement ?

Les chercheurs s'arrachent d'autant plus les cheveux que le dernier résultat en date, obtenu par des savants soviétiques et américains, fait état de zéro neutrinos ! "On a rien vu du tout", disent-ils. De quoi saper le moral du plus obstiné des chercheurs. "Mais ils ont probablement un problème de détecteur", souffle Michel Cribier, dans un élan d'optimisme.

Précisément, aujourd'hui tous les regards sont tournés vers le Gran Sasso. Peut-être dans quelques mois est-ce là, que se soulevera le voile de mystère qui pèse aujourd'hui sur les neutrinos solaires et le fonctionnement de la chaudière solaire.

Après, les astronomes ne seront pas au bout de leurs peines. Car il n'y rien de plus trompeur que la grosse boule de feu qui se promène dans le ciel du matin au soir. D'abord le Soleil n'est pas stable, mais variable. Un coup de faiblesse, une petite panne de quelques années, oh rien du tout, juste une baisse de rendement de quelques % de la sa chaudière thermonucléaire à 15 millions de degrés pendant 50 ans, et c'est le grand froid. Un coup de blizzard qui s'installe sur Terre, comme pendant le "mini-âge glaciaire de Maunder". Entre 1645 et 1715, le soleil est devenu paresseux et avait même pris un embonpoint de 2 000 km de diamètre. Un coup de barre, une faiblesse qui avait fait geler les fleuves et les lacs d'Europe comme jamais, pourri les étés et les récoltes. Pourquoi cette panne ? La question n'a pas de réponse, mais une chose est sûre, la machine Soleil n'est pas sans failles...

Le plus rageant, c'est que plus on l'étudie l'astre, moins on le connait. A chaque fois que les astronomes mettent en place de nouveaux instruments pour regarder droit dans le feux de cet enfer à 15 millions de degrés d'hydrogène et d'hélium, on trouve de nouvelles questions.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour !
Je suis arrivé sur votre blog par le biais de l'émission "la tête au carré".
J'avoue qu'il est vraiment génial, les articles sont super !
J'aimerais avoir des précisions concernant celui-ci :
-Que signifie la date de 1991 sous le titre ?
-Si les événements relatés se sont passés à cette date, à t-on des nouvelles du Gran Sasso ? Quels ont été les résultats ?

Merci et bonne continuation !
Fred

(.) a dit…

Bonjour
oui la c'est la date de l'article
ce sont des "archives"

merci beaucoup de vos commentaires !

je n'ai pas d'infos très fraiche mais en faisant une petite recherche par Google je suis sur que vous trouverez des résultats, sur les site des laboratoires participant à ce programme
Cordialement

(.) a dit…

Par exemple ce lien
http://www.science.gouv.fr/index.php?qcms=zoom,view,2667,marquant,155,7,,,,
bien à vous
pl

Anonyme a dit…

Merci beaucoup pour le lien !
J'avais entendu parlé des neutrinos il y a 5 ans de cela quand j'étais en seconde au lycée et j'avais cru comprendre que c'était quelque chose d'assez nouveau, donc en voyant la date...
Visiblement je me suis trompé
Cordialement,
Fred