mercredi 6 février 2008

Brèves Novembre 91

D'où vient l'atmosphère de la Terre ? De son sous-sol. Cette réalité scientifique propulsée au rang d'évidence depuis quelques décennies est pourtant une mini-révolution, qui n'a été rendue possible que par l'analyse de composants chimiques du sous-sol, et en particulier les gaz rares : hélium, néon, argon et xénon. Le grand dégazage, d'ailleurs, continue : seule la couche supérieur du manteau (de 10 à 650 km de profondeur) étant dégazée. Le reste du sous-sol de la planète, lui, comporte encore ses bulles. Par où émerge ce gaz ? Par les volcans, bien entendu, mais surtout par les dorsales sous-marines, qui occupent plus de 60.000 km de longueur à travers le fond des océans, et se caractérisent par de véritables "sources" de gaz.
Les isotopes (variantes d'un élément, de formule atomique légèrement différente) des gaz argon et xénons présents dans le sol ayant d'ailleurs clairement indiqué aux géophysiciens que le dégazage du sol de la Terre a été très rapide dans un premier temps : 95 % de la masse de l'atmosphère se serait dégagée en quelques centaines de millions d'années. Seule exception, quasiment, l'oxygène. Un gaz qui n'a été séparé des autres éléments que par les premières formes de vie, puis par les végétaux, et qui a permis le développement extrèmement diversifié du monde vivant sur l'ensemble de la planète. Pour ne pas faire d'erreur, les géophysiciens sont pourtant obligés de tenir compte des éléments contenus dans les micro-météorites qui parviennent jusqu'au sol. On estime qu'entre 5.000 et 10.000 tonnes de matériel cosmique arrive ainsi sur Terre chaque année, et les composés chimiques présents sur ces "poussières" cosmiques peuvent provoquer des déséquilibres entre les isotopes présents dans le sous-sol. L'enquête sur l'origine précis de notre atmosphère n'est donc pas terminée...


besoin d'un coup de main pour élever la marmaille ? Kidnappez une nurse. C'est ce que fait le "white-winged chough", un proche parent de Corcorax melanorhamphos", incapable de nourrir seul ses petits extrèmement voraces (il faut jusqu'à quatre adultes pour satisfaire l'appétit d'un seul jeune). L'ornitologue australien Robert Heinsohn a observé que des adultes étrangers au nid venaient fréquemment donner un coup de main. Mais ces "aides" ont l'air de tout, sauf d'être volontaires. C'est en effet au terme de combats parfois très violents entre des groupes opposés d'oiseaux, se défiant d'abord de branche à branche, que de jeunes adultes sont littéralement "kidnappés" par des parents en difficulté,pour venir les aider à nourrir leur progéniture; Un "coup de main" qui peut durer une année entière, jusqu'à ce que la nichée soit capable de se débrouiller seule.

brève
El Nino, le courant marin qui oscille au large du Pérou, est-il responsable des dégats causés au Japon par une série de typhons en automne ? Survenant en moyenne tous les trois ans, ce phénomène d'inversion des couches chaudes et froides du Pacifique, près de l'Amérique du Sud est tenu par les spécialistes comme responsable des bouleversements climatiques qui surviennent alors dans toute la région, depuis l'Afrique, jusqu'aux Etats-Unis. Mais c'est la première fois qu'on envisage qu'il pourrait être lié à des perturbations aussi importantes dans la région du Japon et de la mer de Chine.


L'art d'éviter de craquer sous le poids de la maternité est également partagé par les mères kangourou. Ces dernières gardent fréquemment un embryon au chaud dans la matrice, pendant qu'un autre petit est en train de grandir dans la poche ventrale. Et quand celui-ci est devenu assez grand, la mère "réactive" l'embryon dormant, pour le faire croître à son tour. Cette "planification" des naissances par la mère a été étudiée par Meredith Smith, du Museum d'Australie du Sud, qui pense que la mère contrôle la situation au moyen d'une hormone spécifique.
Plusieurs autres mammifères sont capables de contrôler la croissance des embryons, notamment en fonction de la disponibilité de la nourriture ou des conditions climatiques. Mais le kangourou semble être le seul a pouvoir l'enrayer totalement. Il semble que la croissance s'arrête trois à quatre jours après la fécondation, et la réactivation a lieu quand le petit qui occupait la poche est sur le point de quitter les lieux. Deux à trois semaines plus tard, selon les espèces, le nouveau-né vient prendre la place.

Mauvaise nouvelle pour les chenilles : les biochimistes d'Agracetus, au Wisconsin, ont greffé sur des plantes le gène du venin de scorpion. But de la manoeuvre contre nature : produire un toxique "écologique" fatal aux chenilles, sensibles à ce poison que les scorpions destinent principalement aux insectes. Les insectes devenant de plus en plus résistants aux produits chimiques classiques, l'idée semble bonne. D'autant que la molécule employée parait "dégradable" dès qu'elle est relachée dans le milieu naturel (quand la moisson a été faite). Une bonne nouvelle donc pour les espèces animales en général, et les rapaces en particulier, directement menacés par les doses de plus en plus massives d'insecticides épandus dans la nature. D'autres recherches se poursuivent, notamment sur des venins d'araignée, ou des toxines produites par des bactéries. Ces autres pesticides "verts" pourraient aussi être directement répandus sur les plantations, leur durée de vie étant suffisante pour réaliser l'objectif : limiter les pullulations d'insectes dévoreurs.

Les chenilles aussi ont de la suite dans les idées : elles se gavent de toxines secrétées par certaines plantes, pour décourager leurs prédateurs. C'est le cas de Neodiprion sertifer, qui se nourrit d'aiguilles de pin contenant des résines acides. Deux entomologistes de l'université d'Upsala en Suède ont montré que les chenilles qui s nourrissaient ainsi échappaient mieux aux fourmis, leurs prédateurs naturels que les autres. pour dissuader les fourmis de les attaquer les chenilles régurgitent leur salive contenant les aliments ingérés, donc les acides que détestent les fourmis.

brève
Du méthane a été découvert dans l'espace, loin de tout astre. Gazeux ou solide, ce composé a été observé depuis l'Observatoire d'Hawaii en compagnie de dizaines d'autres, dans le milieu intersellaire, dans des régions occupées par des nébuleuses de poussières cosmiques.

brève
Deux fois la surface de la Grande-Bretagne. C'est la taille d'une gigantesque explosion de plancton, observée par satellite dans l'Atlantique, au sud de l'Islande. La densité d plancton varie en permanence sur toutes les mers du globe, et l'on en étudie désormais les "floraisons" saisonnières pour tenter de mesurer l'impact de cette flore sur la composition de l'atmosphère.

La mémoire des co-propriétaires, c'est quelque chose... A l'Université de Caroline du Nord, des chercheurs ont montré que des mâles de "hooded warbler" qui revenaient dans leur forêt après la migration hivernale étaient capables de se souvenir des chants de leurs voisins. Destiné à marquer le territoire, ce signal est mémorisé de façon permanente, car un oiseau sait reconnaitre les limites du territoire d'un mâle qu'il a cotoyé l'année précédente. Les chercheurs pensent que le fait d'avoir une telle mémoire "musicale" est un avantage pour les oiseaux, qui recouvrent ainsi plus facilement leur territoire que les mâles qui ont un moins bon souvenir des chants de leurs voisins. En retrouvant plus rapidement leur place dans la forêt, ils peuvent davantage se consacrer à leur petite famille.

Brèves décembre 91

Chez les moutons, la reproduction est une horloge. 21 semaines, à un jour ou deux près, après la fécondation, c'est la mise bas
Comment cet animal fait-il pour être aussi bien règlé ?
Deux équipes, l'une américaine et l'autre néo-zélandaise, viennent de comprendre que c'est en fait le cerveau du foetus qui envoie un signal déclenchant la mise bas.
Deux glandes, émettant l'hormone adrenocorticotropique (ACTH) et du cortisol qi en sont les commandes : la première hormone raccourcissant la gestation, la seconde commandant le début du travail chez la mère. Mais ces glandes sont commandées par le cerveau du petit, ont montré les chercheurs. C'est dans l'hypothalamus, une région profonde du cerveau, que s'élabore ainsi l'ordre chimique de mobiliser les glandes hormonales. L'un des chercheurs pense même que l'hypothalamus joue le rôle d'ordinateur central, attendant d'avoir reçu des signaux en provenance de plusieurs organes devant achever leurs structures. Une fois ces feux verts chimiques reçus, le cerveau commande la mise bas.
Cette découverte pourrait avoir des conséquences sur la manière de traiter les prématurés humain, notamment en tentant de mettre au point des substances qui retardent un peu les naissances humaines.


La meilleure forme pour une antenne satellite ? C'est encore celle d'une marguerite. Edward Joy, ingénieur au Georgia Institute of Technology, aux Etats-Unis, réalise des antennes de réception des émissions satellites plus performantes, en les dotant de pétales. L'inconvénient des antennes classiques, en forme de soucoupe à bords circulaires est de faire cesser subitement la rélexion du signal sur l'arrète de l'antenne, ce qui génère un certain nombre de perturbations parasites. Par contre, en adoptant la forme des pétales d'une fleur, on crée une sorte de halo progressif pour la disprition du signal, dont la réflexion cesse progressivement. Ce qui supprime une bonne part des phénomènes parasites... Les fleurs auraient-elles inventé la meilleure forme pour capter le soleil ?


Au revoir la 10-ème planète ?
On cherchait, certains espéraient encore la dénicher. La 10-ème planète (on n'en connait que 9 aujourd'hui), aurait bien arrangé certains points de vue sur la répartition des masses dans notre système solaire, et expliqué des perturbations que l'on pouvait déceler dans l'orbite d'Uranus. La quête de la Planète X, qui occupe toujours quelques astronomes de par le monde, comme l'américain Bob Harrington, risque pourtant de tourner définitivement court, car les satellites d'observations infra-rouge de type IRAS (Infra-red astronomical Satellite), n'ont absolument rien détecté dans les régions ou aurait du se trouver la planète secrète. Il n'y aurait donc définitivement que neuf planètes.

Connaissons-nous vraiment le soleil. Non, pense Juliana Sackmann, du Caltech à Pasadena (californie). Pour elle, l'astre de nos jours aurait perdu 10 % de sa masse au début de sa vie. Ce qui expliquerait pourquoi les idées sur la géologie de la Terre ne cadrent pas avec les hypothèses sur la vie du soleil. En effet, au début de sa carrière, la Terre était très chaude. Il y a 4,2 milliards d'années, lors de sa formation, elle était quasiment en fusion. Hors les calculs sur la vie du soleil montrent qu'à cette époque, son activité était seulement 75 % de celle qu'il connait aujourd'hui. D'où une contradiction certaine. Mais si l'on imagine un astre avec une masse supérieure de 10 %, on calcule que sa luminosité aurait été plus importante de 30 %. Ce qui aurait mis la Terre en ébulition, et permis à l'eau de devenir liquide sur Mars, où elle aurait ainsi pu creuser le relief que l'on y observe aujourd'hui sans vraiment l'expliquer.


Les aurores polaires seront-elles comprises un jour ? Jusqu'à présent, les scientifiques pensaient que ces manifestations lumineuses spectaculaires trouvent leurs origines dans une doule couche de charges électriques, à quelques centaines de kilomètres dans l'espace. Procédant comme une gigantesque machine électrostatique, elles attireraient les particules en provenance du soleil et leur permettraient de franchir la barrière magnétique de la Terre, plus faible dans les régions polaires, en les accélérant vers le sol. Une fois parvenues dans l'atmosphère, les particules solaires provoquent la luminescence bien connue du phénomène en heurtant à haute vitesse les molécules de gaz de l'atmosphère.
Oui mais voilà, le satellite Chemical Release and Radiations Effects, lancé l'année dernière, ne détecte aucunement cette double couche électrique dans l'espace proche de la planète

La révolution carbone 60

1991

Rien de plus connu que le carbone. Vulgaire graphite, ou diamant flamboyant, les dés étaient, croyait-on, jetés pour cet élément depuis la nuit des temps. Jetés ? 1991 a tout changé. En une année, les publications scientifiques sur les molécules complexes formées de cet élément ont livré un ouragan d'informations, de quoi éditer une encyclopédie en 12 volumes. Avec plus de 6 publications par jour, ces travaux ont atteint "un rythme fou, qui rappelle celui des supraconducteurs", constate André Rassat, responsable du laboratoire d'activation moléculaire de l'Ecole Normale de Paris. Désormais on ne parle plus du carbone, mais de fullérènes ou footballène (60 atomes de carbone formant une sphère aux allures de ballon de football), de tubes ou de quasi-cristaux, voire de semi-conducteurs. Une épopée qui pourrait très bien n'en être qu'à son prologue, car elle risque de bouleverser des pans entiers de la chimie des prochaines décennies.
Les premiers indices de ce monde peu ordinaire de carbones complexes sont venus au début des années 80. Des ballons d'exploration stratosphérique, bardés d'équipements, décèlent au loin dans le cosmos des particules qui semblent faites de chaînes importantes d'atomes de carbone.

Au sol, des expérimentateurs astucieux ont su retrouver, d'abord sous des bombardements de graphite par des lasers, puis dans de la suie produite par des arcs électriques entre des électrodes de graphite sous ambiance d'argon ces structures moléculaires révélées par le cosmos. Des assemblages de 60, 70 et 84 atomes de carbone, sous la forme de ballons de football (60) ou de rugby (70) et peut-être de citrouille (84). Tout ce qu'il fallait, pour commencer à rêver, c'était la capacité de produire des quantités raisonnables de ces molécules. Depuis cette année, c'est chose faite. La recherche, l'imagination commencèrent à galoper : et pourquoi pas des molécules faites de plusieurs centaines d'atomes, se demandait-on dans les laboratoires. A vrai dire, la course internationale prenait des allures de jeu géométrique. C'était à qui dessinerait, sur le papier ou sur ordinateur, toutes les structures possibles comportant des trièdres et des pentagones (plans à cinq côtés). Et on ressortait les grimoires des plus anciens mathématiciens pour voir si une possibilité de figure n'avait pas échappé aux théoriciens ou aux programmes des informaticiens.

Le diamant et le graphite, les structures naturelles connues de l'élément carbone comportant respectivement cinq et six atomes avec des propriétés fort différentes en raison, précisément, de leurs architectures variées. Les liens étroits entre les 5 atomes de chaque molécule donnent au diamant toute sa solidité. C'est la structure la plus robuste connue sur cette planète. Tandis que les carreaux plats de six atomes donnent au graphite sa structure en feuilles, ou en tuiles qui se détachent facilement les unes des autres, et en font un lubrifiant très prisé.

Harry Kroto (université du Sussex) et Rick Smalley (Rice University, Texas), qui furent parmi les premiers à reproduire la structure du C60 dans une expérience en 1985 compliquèrent les choses en baptisant leur trouvaille du nom d'un architecte connu pour des structures formées de combinaisons de pentagones et d'hexagones, Buckminster Fuller. Cela donne : "buckminsterfullérène". Simplifié dans les laboratoires en "bucky ball".

Cette grande cage creuse a bien entendu des propriétés totalement différentes du diamant et du graphite. Elle devrait pouvoir contenir en son sein d'autres atomes, ou encore des substances pharmaceutiques, auxquelles elle pourrait servir de cage protectrice ou encore offrir des possibilités de supraconductivité, en s'associant avec d'autres éléments. Son goût pour les électrons lui ouvre des perspectives en électronique, dans le domaine des batteries. Il pourrait également révolutionner le monde des alliages métalliques, en s'associant, comme on vient de le montrer à l'université de Philadelphie, à des métaux alcalins comme le rubidium.

A côté des chercheurs qui voient là un objet tellement nouveau qu'ils sont tentés d'en faire un élément à part entière, d'autres lui trouvent des propriétés surprenantes. D'abord celle de ne pas s'arrèter à 60 atomes, puisque les Japonais de la firme NEC viennent d'obtenir des tubes creux formé d'une nappe d'atomes de carbone. Apparue spontanément lors de séance de production de C60, ces tubes de carbone sont assez proches des tuiles de graphites, dont les lèvres se rejoindraient pour former un cylindre. Une tendance qui pourrait se voir exploitée dans le domaine des matériaux ou dans celui des membranes de filtration, et qui ouvre de nouvelles perspectives pour la conceptionde formes moléculaires.

Ensuite en France, des chercheurs du CNRS et de plusieurs universités ont unis leurs efforts pour mettre en évidence un nouveau visage de ces molécules de carbone : ce seraient là des quasi-cristaux (1), les premiers sous forme moléculaire ! Cet état de la matière différent découvert en 1984 par des chercheurs israéliens, américains et français, se différencie des cristaux classiques. De certains alliages métalliques correspondant à ce critère on fait désormais des plaques de cuisson très performantes, parce qu'elles conduisent remarquablement la chaleur.

En laissant du footballène cristalliser dans une solution en évaporation lente, on obtient en effet des bâtonnets à 10 faces rectangulaires, ce qui est tout à fait inhabituel pour un cristal. Si cette découverte est confirmée, il s'agira là de la première molécule quasi-cristalline organique. Un pas dans une direction jusque là inexplorée : les symétries moléculaires anormales. Des cas eut-être beaucoup plus fréquents qu'on ne pensait jusqu'ici et qui fera peut-êre de 1992 une autre année carbone ?


(1) CNRS Info 15 décembre 1991
Labo. de chimie physique de la fac. de pharmacie de Tours
Labo. d'activation moléculaire de l'Ecole Normle de Paris
Labo de chimie physique des matériaux amorphes d'Orsay
Group de dynamique des phases condensées de Montpellier

Brèves Janvier 92

Aurores boréales : ailleurs aussi. L'interaction entre les particules énergétiques émises par le Soleil et l'atmosphère de la Terre provoque les fameuses aurores polaires, bien que l'on discute encore pour savoir comment (cf brève mois précédent). Mais notre planète n'est pas la seule à bénéficier de ces superbes phénomènes. Les autres planètes dotés d'atmosphère, et notamment Jupiter, y sont également soumises.
La sonde Voyager en avait ainsi déjà repéré lors du survol de notre voisine, mais les astronomes Kim et Baron, eux, viennent de réaliser une prouesse : observer les aurores polaires joviennes depuis la Terre. C'est en observant des ions hydrogène, produits à partit d'hydrogène moléculaire (H2) dans la haut atmosphère de JUpiter que les chercheurs ont mis en évidence les amours spectaculaires du soleil et de cette planète. Ce qui doit leur fournir des information sur la composition de cette atmosphère, mais aussi sur celle du cosmos à proximité de Jupiter et de son satellite Io.



Diversité génétique

C'est désormais à la vitesse de onze millions d'hectares par an que s'évapore la forêt tropicale de la Terre. Avec pour effet immédiat de réduire la diversité biologique du monde vivant : 1,4 million d'espèces ont été recensées et on estime à plusieurs millions celles qui ne l'ont pas été. parmi elles, une majorité d'insectes minuscules, et des plantes secondaires, dont la disparition aura bien souvent lieu avant même que l'on se soit aperçu de leur existence. Car le mouvement continue de s'accélérer, selon François Lévèque, directeur adjoint du Centre d'études des Ressources Naturelles de l'Ecole des Mines. Selon les simulations utilisées aujourd'hui, quand un milieu est détruit à 90 %, le nombre d'espèces y diminue de moitié. ce qui signifie la perte de 10 % des espèces environ d'ici à 2015. Si on imagine un monde soumis à la pression humaine, où seuls les îlots de parcs et réserves seraient préservés, 40 à 70 % des espèces disparaitraient. A l'échelle humaine, c'est terrifiant. A celle du globe, ce n'est pas une première, puisque la plus grande part des espèces ayant vécu sur cette planète ont disparu... Ce qui ne résout en rien la question.

Le pluies acides et le réchauffement de la planète ont-ils un lien entre eux ? Oui, car leurs effets s'opposent. C'est l'avis de la commission des Nations Unies sur le changement de climat, présenté dans son dernier rapport. Selon cette analyse, la pollution soufrée de l'atmosphère liée aux combustibles fossiles comme le charbon et le pétrole aurait diminué les effets de serre liés aux gaz absorbeurs d'infra-rouges solaires, comme le CO2 et le méthane. Les particules polluantes auraient en effet la bonne idée de bloquer une partie du rayonnement solaire, et de la réexpédier vers l'espace avant qu'il ait été absorbé par les gaz à effet de serre.
L'amélioration actuelle de la qualité de l'air émis par les centrales de production électrique et les usines aurait donc pour effet, à court terme, d'augmenter l'effet de serre des gaz que nous avons accumulé dans l'atmosphère ! Par ailleurs, le même rapport souligne que la réduction constatée de la couche d'ozone, qui compromet la protection contre les UV solaires, aurait pour effet de rafraichir globalement l'atmosphère. Le casse-tête atmosphérique se complique encore !

Les plantes médicinales sous la pression : l'urbanisation de l'Afrique et l'accroissement global de la population pose un problème aux sorciers, sangomas et autres marabouts : les plantes qu'ils emploient pour soulager plaies et bosses de leurs clients deviennent de plus rares, et sont parfois menacées de disparition.
Dans la région du Cap, la flore est l'une des plus variées d'Afrique, sur un petit territoire qui bénéficie de conditions climatique exceptionnelles. A tel point que la région est classée parmi les biotopes les plus variés de la planète. L'urbanisation de la région et la croissance de la population et les traditions d'utilisation des plantes médicinales fait peser une menace directe sur ce potentiel. Mais après quelques arrestation de cueilleurs, les ethnobotanistes universitaires et les sorciers se sont entendus pour mettre en place la culture des principales plantes utilisées dans les remèdes.

brève
Où sont passées les galaxies bleues ? Ces petites galaxies bourrées d'étoiles bleues et jeunes devaient peupler le cosmos autrefois. Comment ont-elles disparu ? En se se "suicidant", pensent les théoriciens, qui estiment que la taille de ces groupes d'étoiles n'était pas suffisante pour retenir les matériaux expulses par les premières explosions d'étoiles en leur sein, les supernovae.


brève
Coup de vieux pour l'univers, qui "prend" 15 milliards d'années d'un coup. Joseph Hoell et Wolfgang Priester de l'université de Bonn ont passé au peigne fin les quasars les plus lointains de notre univers? Ils pensent avoir trouvé dans leurs signaux la preuve d'existence de galaxies très lointaines, et quasiment invisibles, ce qui vieillirait l'univers considérablement.

Les moeurs du Vervet
Les limites de l'éthologie comparée peuvent-elles être clairement identifiées ? Robert Seyfarth, psychologue à l'université de Pennsylvanie, à Philadelphie, a consacré des années de travail au Vervet (Cercopithecus aethiops), tentant de définir la ligne rouge qui sépare le comportement animal de celui de l'homme.
Pour établir le parallèle, il a voulu définir les "images" mentales qui motivent et structurent le comportement du singe dans des actions types.
Deux éléments caractérisent la conclusion de ce chercheur. D'abord, l'antropomorphisme est une vraie technique de travail, dans la mesure ou il permet de bâtir de vraies stratégies d'étude, en anticipant sur la réponse des singes. Il s'agit ainsi d'un vrai modèle, mais dont l'utilisation doit être strictement limitée à cette fonction.
Ayant observé les interactions entre dominants, parents, et dominés, Seyfarth parvient à la conclusion que les vervets mémorisent parfaitement les rangs et les rôles sociaux des individus, qu'ils établissent des conclusions sur les influences des liens de parenté sur le pouvoir, même sur des individus d'un groupe qu'ils ne connaissent pas de longue date. Ils "reconnaissent" d'emblée les hiérarchies et les structures des groupes, mais ils sont par exemple incapables d'anticiper, d'avoir des stratégies de conquète de pouvoir qui fassent intervenir plus de deux acteurs complices. Essentiellement parce qu'ils sont incapables de "sentir" ce que pense l'autre. En tant que tels, les vervets voient probablement le monde comme étant peuplé de "choses" qui réagissent à leur comportement (leurs congénères), ou qui s'imposent à eux, mais ils ne les perçoivent pas comme des individus capables d'intelligence. Ils sont d'ailleurs eux-mêmes dépourvus de l'auto-réflexion : "je sais que je sais", estime Seyfarth.


brève
L'Australie, l'Antarctique et l'Amérique du Sud formaient bien un seul continent, et cela il y a 60 millions d'années "à peine". C'est une molaire d'Obdurodon, un ancètre de l'ornithorynque, retrouvée en Patagonie qui le prouve : les descendants de ces animaux ne subsistent plus qu'en Australie.
(carte dans Pour la science de janvier, page 17)

Le dragonnet a toujours eu de la chance : pas assez intéressant pour finir dans nos assiettes, il n'a jamais vraiment attiré les industriels de la pêche. Cette aubaine va également nous bénéficier. Particulièrement bien répandu en conséquence le long de nos côtes atlantiques, ce poisson vient d'être choisi par l'Ifremer pour devenir le témoin de la qualité des eaux du littoral. Au moindre signe suspect de présence de d'hydrocarbures ou de PCB (polychlorobiphénils), voire d'insecticides dans l'estomac de ce poisson, les chercheurs le sauront et pourront déclencher des enquètes pour retrouver les pollueurs. Ce type de suivi qualitatif des eaux est très délicat à mettre en oeuvre, et les chercheurs ont besoin de veritables "sentinelles", bien connues et repertoriées, pour déclencher l'alarme en temps utile.
Des stratégies du même type seront mises en place à travers toute la Mediterranée, avec cette espèce ou d'autres encore.

Le bigorneau peut être un véritable perceur de coffres. Pardon, de coquillages. Ocenebra erinacea est un redoutable guerrier de 4 à 5 cm de long, qui se fixe sur la valve des coquillages, plus particulièrement des huitres, des palourdes et des moules. Les coquilles St Jacques, plus mobiles, lui échappent.
Pour attaquer ses mets préférés, le gastéropode utilise une sorte de lâme dentée, la "radula", qu'il emploie comme un foret pour percer la coquille de nacre. Pour faciliter le travail, il dispose aussi d'une arme chimique, un composé acide. En quelques heures, ou quelques jours pour les coquillages les mieux défendus, un trou parfaitement ciculaire de quelques millimètres de diamètre est percé. Et le bigorneau se régale, en suçant le contenu de sa victime.
Predateur redoutable, Ocenebra envahit à l'heure actuelle les parc à huitres des côtes atlantiques. Aucune défense n'existe encore, et il faut se contenter de récolter ses oeufs au printemps. Les Chercheurs de l'Ifremer espèrent pourtant mettre au point une arme odorante : un parfum désagréable qui pousserait le gastéropode à fuir les bancs.

brève
l'univers dans un nuage de molécules
Dès le premier âge de l'univers, des molécules de monoxyde de carbone étaient présentes dans le cosmos. Une découverte d'astronomes américains qui bouleverse les visions actuelles du big-bang. Ce serait là un indice démontrant que les étoiles et les galaxies ont des durées de vie plus courtes que celles que l'on pensait jusqu'ici, et se renouvellent plus fréquemment. Un monde plus actif, en quelque sorte.

Brèves février 92

Qui mène le bal, de la fleur ou du papillon ? Il semble bien que ce soit de temps à autre la plante qui commande, ou du moins qui oriente les insectes. Martha Weiss, de l'Université de Californie montre dans un travail récent que bon nombre de fleurs influent sur le comportement de leurs pollenisateurs, en changeant de couleur pour leur indiquer quelles sont les fleurs à polleniser. Lantana camara, qui passe ainsi en quelques jours du jaune à l'orange et au rouge (voire au violet), semble plus attirante quand elle vient de s'ouvrir et qu'elle est jaune. Le signal de couleur semble signifier : "je suis à polleniser", et pour l'insecte, la récompense en sera une dose accrue de nectar. pr contre, une fois passée au rouge, la fleur n'offre plus qu'une dose réduite de nectar. La combinaison des deux élements ayant tendance à orienter les insectes vers les fleurs jaunes, à féconder. Seuls se trompent les jeunes papillons, à peine sortis de leur chrysalide. mais grâce à son système de signalisation et de récompense, la fleur a vite fait de les remettre sur le chemin de la bonne couleur.
Une stratégie originale ? Que neni... 74 familles de plantes à fleurs (une sur cinq) ont la propriété de changer la couleur des pétales.

spécial mousson
La mousson n'en fait qu'à sa tête : depuis plus de 350.000 ans, elle échappe à tout lien avec le rythme des glaciations. ce résultat, contraire à tout ce que l'on pensait jusqu'ici, a été obtenu par une équipe britano-américaine.
La mousson d'été, induite par le réchauffement du continent asiatique par rapport à l'océan indien, et renforcée par les précipitations au-dessus de l'Asie, a des effets notables sur les sédiments. En favorisant certains types de courants marins (upwellings), ou remontée d'eau froides, elle laisse des traces correspondant à son importance; En étudiant ces traces sur le fond marin par carotage, les chercheurs ont pu conclure que l'intensité des vents de mousson ne correspondait pas aux périodes froides de notre climat. Un nouveau problème pour lé compréhension des relations du climat et des tendances à long terme des équilibres atmosphériques.

Les déserts sont peuplés de bruits et de musiques : les chants des dunes. Ces stries géologiques ondulant sous l'effet du vent résonnent parfois comme des harpes, émettent des sonorités d'orage, ou miment des instruments à cordes (archets de violons). Si les indiens d'Amérique les connaissent et Marco Polo les relate, personne ne sait d'où viennent vraiment ces sonorités naturelles.
Mais le plus surprenant est peut-être l'observation de David Criswell, de l'université de Houston. Il a détecte des chants de dunes sur la Lune, à l'aide des géophones mis en place par les missions Apollo au début des années 70. Des vibrations, sorte de tremblements de Lunes sont générées dans les dunes. Une énigme à l'échelle cosmique, donc...


Qui se soucie des champignons ? Plusieurs dizaines d'espèces sont menacées de disparition en Europe, et pas seulement les comestibles. ce qui signifie que c'est l'état général de nos forêts qui est en régression, avec la perte de diversité qu'entraîne l'exploitation de nombreux bois, mais aussi l'invasion des produits utilisés par les agriculteurs, comme les produits azotés, ou encore la qualité de l'air. Une extinction discrète, comme celle des grenouilles.

Célèbre, le Mont Bego culmine dans la vallée des Merveilles, à quelques 80 km de Nice. Couvert de gravures sur ses dalles rocheuses (1800 av JC), le sens de ces traces était jusque là incompris. Un premier pas vient d'être franchit par Emilia Masson, qui dans une note à l'Académie des Sciences, estime entre autres que l'iconographie coupe le site en deux domaines : le monde des mortels, un autre pour les immortels.

Une station d'études des cyclones installée à La Réunion. C'est la quatrième du genre au monde, et la seule à couvrir le sud de l'océan Indien où les cyclones tropicaux sont pourtant très fréquents. Dotée des moyens les plus perfectionnés, cette station devrait passer les cyclones au scanner de son radar et de son système à haute résolution, pour une compréhension meilleure du phénomène.


Les gros oeufs font-ils les plus beaux oiseaux ? Un chercheur de l'université d'Edimbourg, Mark Bolton, a eu la bonne idée de poser la double question de savoir si c'est la taille de l'oeuf qui fait le beau poussin, ou la façon dont les parents entourent le nouveau-né et le bichonnent. Les deux mon capitaine. Après une série d'observations, le chercheur a pu constater que les parents débrouillards font plus fréquemment les plus gros oeufs, donc les plus beaux poussins, mais ce sont aussi, la plupart du temps, ceux qui s'occupent le mieux de leur progéniture après que celle-ci ait percé la coquille.
Larus fuscus, le goéland étudié a pourtant montré que les soins des parents sont finalement plus importants que la taille initiale de l'oeuf. Quand on brouille les cartes, et mélange les oeufs entre divers parents, on s'apperçoit en effet que ce sont les oisillons les mieux soignés qui ont la meilleure espérance de survie, quelque soit la taille de leur oeuf d'origine. C'est logique, puisque la limite physiologique que conditionne la taille des oeufs, c'est surtout la quantité de nourriture dont disposent les parents.

Brèves avril 92

Brève
Jeune, toujours plus jeune. Pour Michael Pierce du Kitt Peak National Observatory, dans l'Arizona, l'univers n'aurait pas plus de 10 millairds d'années, au lieu des 15 dont on parlait jusqu'ici. C'est le souffle de l'explosion d'une supernova qui le lui a révélé.

Brève
Biosphère II, la jungle sous bulle dans l'Arizona est-elle une gigantesque tricherie ? Face aux critiques grandissantes de ne pas respecter les règles de l'isolation de ce monde autarcique, les responsables de l'opération ont accepté qu'un comité d'experts scientifiques vienne juger cet été sur pièce de l'intérèt de l'expérience.

C'est devenu le nouveau sport scientifique : retrouver de l'ADN, le code génétique vital, plus vieux que Mathusalem, sur les fossiles les mieux conservés. Eclair de génie, Raul Cano de l'Université Politechnique de Californie vient de se souvenir des abeilles tombées dans de la résine végétale voici 40 à 50 millions d'années, lorsqu'elles étaient jeunes, et qui sont remarquablement conservées. Effectivement, les gènes de ces rescapées de l'île de Saint Domingue sont en très bon état (les séquences reconnues sont 10 à 20 fois plus longues que tout ce qui avait été retrouvé jusqu'ici et devraient permettre de réaliser des comparaison avec les gènes de leurs descendantes, qui volètent aujourd'hui dans les prés. Enjeu : savoir comment les hyménoptères ont évolué durant tout ce temps.

Des gouttes qui sautent.... A-t-on jamais vu un liquide se déplacer par bonds ? Dans une expérience de physique fondamentale, qui devient aussi de la physique amusante, les chercheurs du Centre d'Etudes Nucléaires de Saclay, près de Paris, se sont apperçus que les gouttes qu'ils fabriquaient sur un support solide s'obstinaient à progrsser par petits bonds. En fait, la goutte est bloquée sur le support par un jeu de forces superfieccelles, la tenson de surface. Mais au fur et à mesure que les températures des gouttes et du support se rapprochent, le support fond légèrement, et libère subitement la goutte, qui effectue un petit saut... Une découverte qui montre que nous sommes encore loin de tout savoir du comportement de la matière, aussi simple paraisse a priori la situation observée.

Comment chantent les oiseaux ? Le mystère est plus passionnant que jamais. Et la capacité d'apprentissage des mélodies chez le rossignol atteint des sommets que l'on soupçonnait à peine. En se livrant à des expériences sur le chanteur des jardins, des zoologues de Berlin se sont apperçus que les oisillons étaient capables d'apprenre les airs de plus de 60 phrases musicales, en les entendant une fois par jour pendant 15 à 21 jours en moyenne.
Un rossignol honnête connait naturellement 900 mélodies ou phrases musicales simples. Mais si on le sollicite un peu davantage, le rossignol Luscinia megarhynchos estcapable d'apprendre des chansons nouvelles de plus de 50 secondes, qu'il semble stocker dans sa tête d'oiseau en découpant la mélodie en petits élements plus courts. Une astuce mnémotechnique qui pourrait nous apprendre beaucoup sur la structure de la mémoire chez l'oiseau, mais aussi chez l'homme.

Les bouches à feu de la planète n'ont qu'à bien se tenir. Si la plupart des éruptions meutrières de la décennie, du Chichon au Mexique (1982) au Nevado del Ruiz en Colombie (1985) ont eu lieu sur des volcans peu connus et à fortiori mal surveillés, cela pourrait changer. Les techniques d'utilisation des satellites et d'interprétation de leurs données pour la surveillance des volcans sont en pleine révolution. Par ailleurs, les coûts sont en nette régresssion et devraient permettre durant la prochaine décennie, de multiplier ces applications de télésurveillance.
Ce n'est pas un hasard. Vulcanologues, spécialistes des satellites et de leurs images se sont associés pour aboutir à de nouveaux instruments de surveillance. les images très grossières des satellites Landasat sont ainsi spécialement traitées pour ne livrer que les écarts de température par rapport à la normale, autour d'un cratère.
On peut aussi identifier les coulées de lave, les fumerolles, et constater leur évolution depuis le ciel.

Les lucioles sont rusés. Au masculin. Sous les tropiques américains, les espèces sont si nombreuses qu'il faut dans la nuit à chacune émettre un signal différent pour attirer la bonne femelle. Comme un phare, dont chacun a sa période. Les mâles Photinus émettent ainsi des paires de flash écartés d'un temps mort caratéristique de l'espèce, mais d'autres viennent souvent s'interposer et brouiller les cartes pour dérober les femelles. Mais le grand spectacle est celui de l'espèce Pteroptyx, en Asie, dont les mâles se groupent en essaims pour émettre en choeur. Etrange stratégie, puisu'elle met tous les individus sur un pied d'égalité. cela semble pourtant une bonne solution, pour être certain da'ttirer les bonnes femelles, tant les espèces sont nombreuses. cela permet aussi de troubler par le nombre les pradateurs, d'autres lucioles dévoreuses de lucioles, les Photuris.
Un peu à la manière des poissons qui nagent en bancs serrés pour augmenter leurs chances de survie. Toujours est-il que les organes qui contrôlent cette lumineuse activité font l'objet d'études très poussées à Boston, aux Etats-Unis, tant le mystère de cette synchronisation est étrange


Les archaebactéries, découvertes en 1977, depuis dormaient tranquilles. Come leur nom l'indique, on supposait qu'elles sont les ancètres des autres formes microscopiques, et notamment des eucaryotes. Dépourvues de noyau, ces eucaryotes semblent en effet plus simples, et furent cataloguées procaryotes (sans noyau). Mais là où le bât blesse, c'est que ces bactéries dites primitives vivent souvent dans des eaux très chaudes (notamment sous de hautes pression, dans les sources hydrothermales des grands fonds ou dans les geysers), à plus de 100 degrés C, très acides, très basiques, ou extrèmement salés. Et les mécanismes qui les protègent de ces agressions externes, quand on les observe de près, sont en fait très sophistiqués. Pour Patrick Forterre, du CNRS d'Orsay, ces êtres vivants sont donc des formes très évoluées des bactéries. Ce qui remettrait en cause une vision première et superficielles de l'évolution chez les unicellulaires.

Brève
Les lacs de boue de la fosse des Mariannes intrigiunet les océanographes. Par plus de 4.000 mètres de fond, ces boues vertes sont le résultat de la résurgence de l'eau contenue dans les roches écrasées par les mouvements des plaques. Un phénomène assez puissant pour créer à la longue des montagnes de sédiments et modifier notre vision des fonds des grandes profondeurs.

Brève
C'est une équipe américaine qui a découverte le pot aux roses. Si l'homme, comme on le supposait depuis longtemps est sensible lui aussi aux phéromones, ces molécules messagères mais inodores, c'est parce qu'il possède un organe pour les détecter. Un bulbe cellulaire situé à la racine du nez, et tout à fait différent des récepteurs olfactifs. Tellement petit qu'il avait été négligé par les physiologistes.

mardi 5 février 2008

Brèves mai 92

A force de faire plop dans les balles de golf, sur les ponts arrières des paquebots de luxe, les plaisanciers des Caraïbes menacent les tortues. Au rythme d'une demi-million de balles de plastique et de caoutchouc qui passent par-dessus bord chaque mois, et sachant que les tortues sont particulièrement attirées par ces petites boules blanches, on imagine les dégâts : les balles peuvent étouffer les tortues, mais aussi se retrouver dans l'estomac des dauphins et des requins. Elles sont d'ailleurs sur la liste des polluants dont le rejet est interdit à l'eau depuis 1989.
Un inventeur de San Diego, Californie, a trouvé la solution : un balle de golf soluble dans l'eau de mer. Plock, plouf, et puis plus rien. la petite balle de Patrick Lane est faite de pâte à papier et son noyau es fait de bicarbonate de soude et de citrate de sodium. De quoi la faire pétiller et fondre comme un comprimé effervescent, pendant quelques secondes.

Les maths au coeur des fleurs (plus long !!)
Comment font les plantes et les fleurs pour bâtir leurs structures ? Voilà une question qui intéresse les scientifiques depuis belle lurette. Par exemple, comment expliquer la taille croissante des futures graines sur le disque d'un tournesol, qui dessine une progression des fleurons en forme de spirales complexes. Pourquoi toutes les futures graines n'ont-elles pas la même taille, et pourquoi cette disposition géométrique complexe ?
On en a une vague idée depuis Leonardo Fibonacci, mathématicien du XIIIèe siècle, et découvreur de la fameuse série qui consiste à additionner un chiffre à son précédent : 1,1,2,3,5,8,13,21,etc... Une progression qui se retrouve souvent dans le monde naturel, et notamment chez les plantes, dans les disposition des étamines, ou la répartition des feuilles sur une branche.
Mais l'analogie de la suite mathématique et de la figure observée chez les fleurs n'expliquait rien, jusqu'ici. Tout ce que l'on savait, c'est que la croissance de la fleur est en cause, puisque c'est en libérant de la place à la surface de son disque floral en augmentant de surface que la fleur permet à de nouveaux fleurons d'aparraître, et de se glisser entre les anciens.
Cette répartition se fait en respectant les lois d'un minimum énergétique : le commentaire est de MM Douady et Couder, du Laboratoire de Physique Statistique de Paris, qui ont trouvé un modèle physique pour parvenir aux mêmes phénomènes. Ils ont lâché dans un champ magnétique de petites gouttes aimantées, et observé comment elles tombent sur un disque en rotation. Chaque goutte arrivée à destination influant sur le trajet de la suivante. Finalement, à certaines cadences, les gouttes ont dessiné les mêmes spirales étranges que les fleurons de tournesol. Et cette répartition correspondant à une dépense minimale d'énergie par le système. Les fleurs sont donc avant tout économes, estiment les chercheurs, puisqu'elles produisent des fleurs, mais aussi des feuilles là où cela leur coûtera le moins de travail.


Un coléoptère peut servir de lieu de rendez-vous galant. C'est du moins l'avis du pseudoscorpion (Cordylochernes scorpioides). Non seulement ce petit acarien d'amérique du sud et centrale, qui élit domicile dans des bois pourrissants se déplace d'un site à un autre en bondissant sur le dos de coléoptères (Acrocinus longimanus). Il profite de ces loisirs pour faire des rencontres. Il est en effet assez courant que plusieurs pseudoscorpions utilisent le même coléoptère pour se transporter, ont noté David et Jeanne Zehn du Smithonian Tropical Research Institute de Panama. D'où des rencontres en série. Il semble même que les femelles soient plus particulièrement réceptives aux avances de ces messieurs aux moments du transport. D'où l'expression : transports amoureux.
Certains mâles descendent du dos de leur transporteur et accompagnent la femelle fécondée, pour fonder une nouvelle colonie en sa compagnie. Mais d'autres ont une stratégie différente : ils restent sur le dos du coléoptère et attendent les dames de passage, pour en féconder le plus grand nombre. Une forme de péage ?


Pourquoi les choses ont-elles une masse ?
Pas si simple. Si le sens commun confond volontiers poids et masse à travers la notion de densité (plus un objet est compact, plus on dira qu'il est lourd), on ne peut s'en contenter longtemps. En absence de pesanteur, la force qui nous plaque sur cette planète, un objet n'aura ainsi plus de poids, mais toujours sa masse. Si on le lance, il aura une certaine inertie et il faudra un travail comparable à celui du lancé pour le stopper.
Les physiciens eux, cherchent dans les entrailles de la matière, pour expliquer d'où vient cette masse qui encombre notre univers et en détourne l'énergie (depuis Einstein, la masse est reliée à l'énergie, E=mc2). Ce n'est pas une explication suffisante. Aujourd'hui, on cherche les particules qui expliqueraient l'origine de la masse. Outre le "gluon", les chercheurs essaient ainsi de mettre en évidence des "bosons de Higgs". Des corps annoncés par la thorie, et qu'il faut maintenant observer dans une nouvelle génération d'accélérateurs géants.
Ces particules-là ne pourront en effet devenir visibles que dans des faisceaux représentant des énergies colossale. Deux nouvelles machines géantes en préparation dans le monde s'apprêtent ainsi à s'affronter dans la quête du secret de la masse : le LHS de Genève, au CERN européen, et le SCC américain, au Texas.

Supercontinent en cycles
Tous les 500 millions d'années les continents se retrouvent. Un rendez-vous planétaire, animé par les mouvements des plaques de l'écorce terrestre, dont le moteur est la vielle chaudière, qui depuis 4 milliards d'années, fait bouillir le noyau de la Terre.
Cette version de la théorie de la tectonique des plaques est proposée par Brenbdan Murphy et Damian Nance, deux géophysiciens canadien et américain, qui s'appuient sur les travaux les plus récents sur les mouvements des plaques continentales.
Le scénario est celui d'une casserole de lait sur le feu : une peau se forme à la surface, la Pangée. Puis elle se déchire quand elle devient trop épaisse, ce qui permet d'évacuer un peu de chaleur; puis les mouvements l'amènent à recoller les morceaux, et se redéchirer à nouveau. Nos continents seraient ainsi, à la surface d'une asthénosphère chaude et mouvante, les pièces géantes d'un puzzle qui se reforme périodiquement.
Cette thèse est notamment soutenue par l'analyse des formations des chaînes montagneuses, dont plusieurs ne s'expliquent pas correctement par les mécanismes en cours actuellement, mais qui nécessite un rassemblement des plaques vers un continent unique à certaines périodes. Ainsi que par les variations des traces de champs magnétiques enregistrées dans certaines roches (paléomagnétisme). Ou seront les frontières entre la France et le Canada, demain ?


La seiche détient-elle un secret pharmaceutique ? Jinichi Sasaki, de l'université de Hirosaki, au Japon, pense avoir trouvé un composé anti-cancéreux dans l'encre de la seiche commune. Une découverte qui doit tout au hasard : les chercheurs ne s'attendaient à rien de particulier dans l'encre de seiche, mais étudiaient simplement les possibilités de "recyclage" des déchets de cet animal, dont les Japonais font une grande consommation.
Après une étude de routine, où rien de particulier n'était attendu, la surprise est de taille.
Il semble que les glucides contenus dans le cocktail chimique de l'encre aient des vertus anticancéreuse, puisque 60 % de souris cancéreuses ont été guéries grâce à ce composé.
L'hypothèse actuellement retenue : les glucides de l'encre activeraient les macrophages, des globules blancs jouant un rôle important dans l'activation du système immunitaire, favorisant l'élimination des cellules cancéreuses de tumeurs encore localisées. Reste à vérifier sir la substance ne produit pas, à doses pharmaceutiques, de effets secondaires en interdisant l'usage.

Brèves sept 92

Quelle est l'origine des bulles ? Question irritante. Jusqu'ici, personne n'a vraiment compris comment le mince film d'eau de de savon, ou de toute autre matière visqueuse, peut supporter de telles déformations. Même le grand Newton, avec des études sur la lumière blanche, s'était pourtant intéressé au mystère. Les physiciens du CEA (Commissariat à l'Energie Atomique) viennent de reprendre le flambeau. Pour essayer d'y voir clair dans toute cette transparence incomprise, ils ont bombardé les bulles de rayons X. Avec leur longueur d'onde plus courte, ces rayons-là permettent de descendre explorer un domaine invisible jusqu'ici : les molécules qui forment le voile liquide et savonneux, celles qui font le mur des bulles. Le "film noir", qui apparait quand la mince paroi, à force de s'étirer, n'irise plus la lumière, devient alors un objet d'étude. Jacques Benatar, du CEA d'Orsay, non loin de Paris a ainsi pu voir comment le film mincit, mais reste toujours rugueux et inégal. Les molécules d'eau se répartissent de façon étrange, saturant d'eau certaines régions. D'autres, par contre, restent aussi sèches que le sable du désert.
Ce voisinage surprenant peu mettre les chercheurs sur une piste nouvelle, qui leur ouvrirait les portes de la maîtrise des bulles de savon, mais aussi de la bière, de la mousse au chocolat, des crèmes desserts et autres émulsions qui tracassent aujourd'hui les laboratoires des grands groupes de l'agro-alimentaire.


Guerre électronique chez les gymnotes. Gymnotes carapo, un poisson électrique d'Amazonie émet de faibles décharges électriques pour observer son environnement. Des capteurs placés sur son corps lui permettent en effet de capter la réponse du milieu où il évolue à ses émissions électriques. De quoi construire une sorte de carte "radar" de l'endroit où il vit. Pratique, car il aime les eaux sombres.
Mais ce signal lui permet aussi d'identifier ses camarades : chaque poisson a sa signature et selon Peter McGregor de l'université de Nottingham, ils sont capables de se reconnaître entre eux à ce seul indice. la preuve , le gymnote, poisson territorial, ne supporte pas qu'un congénère vienne traîner sur son domaine. par contre, quand son voisin est absent, il va volontiers faire des incursions chez lui. Mais au moindre signal de retour (il suffit d'enregistrer un signal électrique, et de le lui simuler), le fraudeur s'en retourne chez lui à toutes nageoires.


Quand les espèces se mèlent, que se passe-t-il ? Quelles en sont les conséquences génétiques et évolutives ? Des chercheurs de l'Université de Princeton se sont posés cette question à propos du pinson de Darwin, à travers trois de ses espèces présentes dans l'archipel des Galapagos. Geospiza fortis, G. scandens et G. fuliginosa sont très reconaissables et occupent des niches écologiques différentes. Par la technique du baguage, et des essais de croisement en laboratoire, les chercheurs ont pu constater que les hybrides de ces oiseaux sont en fait les individus qui ont le plus de chances de transmettre leurs gènes à leur descendance. Il semble notamment que le fait de disposer d'un bec "moyen", de taille intermédiaire soit un avantage pour pouvoir exploiter plusieurs niches écologiques. Reste à savoir pourquoi, en dépit de ces qualités des hybrides, trois espèces différentes ont subsisté, malgré, surtout, le peu de représentants de l'une d'entre elles. Le mystère du pinson plane toujours...


Les météorites sont des pierres dans notre jardin de Terriens. Il en tombe plusieurs milliers de tonnes sur notre planète chaque année, la plus grande partie sous forme de poussières, heureusement. Certaines d'entre elles sont encore plus étranges que les autres : elles ont des vitesses largement supérieures, ce qui les distingue infailliblement du lot. Ce qui conduit également Thomas Brophy de l'université de Tokyo, à penser qu'il s'agit de morceaux provenant d'autres systèmes solaires !
Ces corps célestes miniatures possèdent en effet une vitesses supérieure à celle qu'ils auraient pu acquérir par les seules lois de la mécanique dans notre système solaire (42 km/s) et qui les amène d'ailleurs fatalement à le quitter. Poussières de passage, ces météorites pourraient donc constituer un indice de poids pour prouver que d'autres systèmes solaires existent dans notre galaxie. Qui sait, peut-être un jour pourra-t-on les dénombrer par une méthode de ramassage à la pelle, dans nos jardins...


On a oublié les bactéries ... Un groupe de micro-biologistes des l'Institut des sciences de l'Oregon demande que l'on prenne en considération les micro-organismes rares, comme certaines bactéries et champignons dans le cadre de la sauvegarde du patrimoine génétique des espèces vivantes.


Des oiseaux comme les "lapwings" (en anglais), soit Vanellus vanellus en bon latin, construisent leur nid dans des champs ouverts et exposés, où les seules activités agricoles menacent sérieusement leurs couvées. Selon Ake Berg, e l'université d'Upsala, ce comportement est du à une préférence des oiseaux. Même si la menace de perdre leur nichée est énorme en raison du travail des hommes dans les champs, elle semble inférieure à celle des prédateurs habituels de l'espèce, essentiellement d'autres oiseaux, qui détruisent les nichées quand elles sont établies au pied des arbres. Il semble que le risque ponctuel, à la saison des travaux de printemps, soit ainsi préféré à celui, permanent, des prédateurs, qui eux, répugnent à s'aventurer en terrain découvert. Des nichés suivies au long cours ont en effet montre que l'espérance de vie était de 15 % supérieure dans le cas d'une menace agricole, par rapport à une menace des prédateurs.
L'homme transformé en épouvantail à corbeaux... Il fallait y penser !


Pourquoi les rhinos sont-ils aussi costauds ? Ce sont surtout les os de leurs jambes qui sont bien plus résistants qu'ils n'ont réellement besoin de l'être, estime Robin McNeil de l'université de Leeds. L'étude des os du rhinocéros blanc (Ceratotherium simum) montre en effet, comparée aux travaux sur les contraintes dynamiques de l'animal en pleine course, que la marge de sécurité est énorme. Pour donner un ordre de grandeur, un rhino ne pèse guère plus qu'une girafe (1500 contre 1200 kilos), et on distingue d'emblée la différence de section des os.
En fait, cette surdimension des os entrave le rhino. Sa course est limitée à 7 mètres par seconde, contre 11 mètres par seconde pour une girafe. On peut penser que le rhinocéros n'a guère besoin de courir vite, puisqu'il dispose d'autres arguments pour sa défense face à ses prédateurs. Mais selon Robin McNeil, cela n'est pas suffisant pour expliquer la dimension démesurée de ses os. A moins que ses ancêtres n'aient eu d'autres ennemis à affronter ?


Quand la terre tremble de froid.... C'est tout à fait possible, selon Walter Mitronovas, du réseau de surveillance sismique de New York, qi a enregsitré des phénomènes sismiques liés aux grands froids.
Ces phénomènes qui surviennent en général la nuit, quand la température chute de manière brutale sur un sol déjà gelé, sont moins impressionnants que les autres séismes. Ils ne creusent que des fissures longues de quelques centaines de mètres dans le pire des cas. Mais ils sont tout de même capables de provoquer des dommages importants aux chaussées et aux bâtiments. Surtout, ils sont très peu étudiés et compris, et restent imprévisibles. La manière la plus simple de les déceler : le bruit. ils provoquent de sinistres craquements, liés, selon le chercheur, à la libération des tensions que provoque la prise en glace de l'eau présente dans le sol.

L'intelligence artificielle est-elle possible ?

L'intelligence artificielle tombe-t-elle sous le sens ?
1992

L'intelligence fera-t-elle un jour son nid dans les circuits de silicium des ordinateurs ? Cela fait 35 ans, depuis la naissance du terme "intelligence artificielle" dans le laboratoire américain de Carnergie Tech, que la question est comme affichée sur les frontons des laboratoires de recherche, irritante. Et la réponse est plus que fuyante.
Si certains chercheurs sont convaincus que les machines battront dans un proche avenir les champions d'échecs, et que petit à petit elles grignoteront les domaines de compétence de l'esprit humain, d'autres experts sont plus pessimistes. Ils croient discerner aujourd'hui les indices de la faillite de l'informatique dans sa folle ambition de rivaliser avec notre cerveau. Qui a raison ? Jacques Arsac, professeur à l'université Paris VI, correspondant de l'Académie des Sciences a été le titulaire de la première chaire de programmation créée en France. Pessimiste, il a son intime conviction sur le sujet. Mais il tente de poser le problème sur le fond.


Q. A la lumière des derniers indices disponibles aujourd'hui, peut-on dire si une authentique intelligence artificielle, comparable par ses performances à l'esprit humain, devient imaginable ?

J. A.Le problème de fond, est que la machine n'a pour l'heure pas accès au sens. Elle ne manipule que des termes formels, des images, vides de connatations, d'évocations, de significations. Pour une machine, un arc-en ciel sera définit par d'autres mots, comme polarisation de la lumière, ou image poétique. Moi, à l'audition de ce mot, je ressens fortement cette image poétique, et ma pesrsonne, Jacques Arsac, pense au texte de la Bible, quand les animaux sortent de l'Arche de Noé, et que l'arc-en-ciel est désigné comme le symbole de l'Alliance. C'est ma culture, mes sensatsions. Essayez d'enregistrer toutes les cultures, dans un ordinateur, et plus encore, les sensations !

Q La séparation est définitive ?

J. A. Une telle différence pose une double question : le sens des choses existe-t-il, n'existe-t-il pas ? S'il existe, alors on sait en quoi l'homme et la machine différent, puisque celle-ci n'aura probablement jamais accès au sens. Mais existe-t-il vraiment ?
On le voit, il y a là une première difficulté, et de taille : définir le sens des mots et des choses, afin de pouvoir estimer si un jour les machines le partageront avec nous
Ce n'est pas évident, on est renvoyé à notre vision intime de l'homme. Soit nous sommes des machines biologiques, avec des neurones qui échangent des substances bio-chimiques, comme le perçoit Jean-Pierre Changeux dans "L'homme neuronal". Mais si l'on pense, comme moi, que l'homme est autre chose qu'une simple machine, on peut se dire que jamais une machine ne copiera tout à fait le fonctionnement du cerveau.

Q. Dans la pratique, comment peut-on séparer notre monde, celui du sens de celui, formel, accessible aux ordinateurs ?

J.A. C'est un fait reconnu aujourd'hui, même par les optimistes partisans de l'intelligence artificielle, que l'informatique repose sur les systèmes formels, où ne plane aucun doute sur le sens des choses. On échafaude des théories, on tente de faire entrer du sens dans cet univers formel, par exemple par les "réseaux sémantiques", des dictionnaires de milliers de mots, dans lesquels on établit des liaisons entre les mots. Comme quand on dit que "tigre" et "carnivore" vont ensemble. L'un fait référence à l'autre.
Le linguiste Umberto Eco a étudié ces tentatives dans son ouvrage "Sémiotique et philosophie du langage". Il pense clairement que ce jeu de renvois de mot à mot ne crée aucun sens. Si l'on injecte pas à un moment ou à un autre du sens sur certains mots, on tourne en rond. Admettez que vous ayez un dictionnaire d'un dialecte martien. Vous n'y comprendrez rien si vous n'injectez pas de la signification quelque part, en partagent quelques jours la vie des martiens, ou en sachant que tel mot correspond à tel sens dans votre langue.

Q Pour vous, le sens est une pure création de l'esprit humain. S'il ne peut exister ailleurs, notamment dans les machines ne vaut-il pas mieux arrèter toutes les recherches en intelligence artificielle ?

J A . Non, il faut absolument poursuivre les travaux pour tenter de voir clair dans cette affaire. Actuellement aucune théorie, aucune expérience ne permet de conclure. Dans ces conditions les gens se battent sur leurs croyances, même s'ils ne veulent pas admettre que c'est au niveau de la croyance que cela se passe. Mais c'est là que la quète devient passionnante.
Honnètement, je pense que l'on restera dans l'ambiguité. On aura des exemples, comme des ordinateurs champions d'échecs qui feront dire aux optimistes "vous voyez on va y arriver", mais il restera suffisamment de trous, de zones d'ombre pour que les pessimistes puisse tendre des pièges à l'intelligence des ordinateurs.
Le sens est une espèce de mur dressé sur la route de l'informatique.
C'est peut-être le mur du son, et alors on le passera, c'est peut-être celui de la lumière, pour l'heure ionfranchissable. Peut-être aussi approchera-t-on de ce mur à 99,9 % et il ne restera que quelques poèmes de Rimbaud que l'on ne pourra pas traduire automatiquement en japonais ou alors la plupart des choses complexes resteront inaccessibles aux machines.


Q Dans un domaine précis, comme celui de la traduction, pourra-t-on aller plus loin ?

J A : Il existe de nombreux cas ou l'on peut traduire sans comprendre, c'est une chance. Mais un bon traducteur perçoit le sens d'un texte et dit ce sens dans un autre langue. La bonne traduction est celle qui conserve le sens et les images, pas les structures de la phrase. Alors que faire face à une expression du type "Paul ferme la porte", qui possède déjà trois sens : la fermeture de la porte par Paul, un ordre de fermer la porte, ou d'un Paul qui porterait fermement quelqu'un ?
Quand de Gaulle dit à Alger "Je vous ai compris", on ne sait pas vraiment ce qu'il a voulu dire, et pourtant cela se traduit très facilement pour un ordinateur.
Ou bien l'ordinateur ne pourra jamais faire tout ce que nous faisons, ou bien il y parviendra, et alors le sens est une illusion. C'est imparable. En attendant, les gens choisissent leur camp, en fonctions de leurs croyances.

Brèves oct 92

Faire du plastique à partir de bois, au lieu de pétrole. La technique a été mise au point à l'université de Waterloo, dans l'Ontario. Le secret de cette alchimie : chauffer le bois à plusieurs centaines de degrés pendant deux secondes pour obtenir un polymère qui puisse être rafiné comme du pétrole.


Le système de navigation magnétique des oiseaux est incroyablement élaboré. Il ne s'agirait pas seulement de cellules à magnétite, Fe3O4, une subtance qui s'oriente suivant le champ terrestre et permettrait de distinguer le nord du sud. De tels cristaux, véritables compas biomagnétiques ont été retrouvés dans les cellules des animaux, de l'homme, et même de certaines bactéries qui migrent en respectant les lignes du champ terrestre. Mais pour naviguer en se référant au magnétisme ambiant, relativement faible, les oiseaux migrateurs utiliseraient aussi des photorécepteurs de leurs yeux, sensibles à l'orientation des photons de la lumière, et, simultanément, au magnétisme terrestre. La manière dont le récepteur capte la lumière jouant le rôle d'amplificateur naturel de la magnéto-sensibilité.
John Philips et Chris Borland, de l'Indiana University de Bloomington, pensent que cette double sensbilité permettrait aux très faibles variations géomagnétiques d'êtres détectées par les cellules vivantes, ce qui sur le plan théorique, était loin d'être évident. Pour le démontrer, des mâles Notophthalamus viridescens ont été placés dans des enclos isolés du champ terrestre, et soumis à des variations de lumière et de magnétisme ambiant.


Dans les grottes, attention au radon. Cette mise en garde s'adresse surtout aux pratiquants réguliers des grottes, comme les paléontologues, ou les spéléologues, et concerne avant tout les massifs granitiques. Les concentrations en gaz radioactif peuvent ateindre (dans des grottes britanniques) 2900 becquerels par mètre cube, alors que les recommandations sanitairessont de 200 Bq par mètre cube maximum.
Mais surtout, dans certaines grottes, la dose atteint 155 000 Bq/mètre cube, ce qui augmente, en une dizaine d'heures de respiration dans un tel lieu, de manière notables les probabilités de contracter un cancer des poumons .


Il y avait déjà les excès du CO2, voilà les défauts d'oxygène (O2). Ralph Keeling et Stephen Shertz, du Centre National de Recherches Atmosphériques de Boulder, dans le Colorado, pensent avoir détecté une baisse du niveau d'oxygène correspondant, depuis trois ans, aux quantités de ce gaz utilisé dans la combuston des substances fossiles énergétiques. Ce qui confirmerait que la production de CO2 par l'industrie est la première responsable de cette évolution, et que la régression des forêts tropicales n'a pas de prise, à court terme, sur ce mécanisme de pollution supplémentaire. Le taux d'oxygène dans l'air, surveillé avec précision depuis trois ans, est mesuré par interférométrie. Mais il reste à évaleur la part des 7 milliards de tonnes de CO2 qui s'engloutit tous les ans dans les océans.


Les poumons des oiseaux snt bien plus sophistiqués que ceux des mamifères. A travers le circuit des trachées, l'air suit un parcours à sens unique, qui permet, à taille égale, de bien plus importants échanges d'air que dans un poumon en cul-de-sac, comme celui de l'homme ou du chien.
La question était jusqu'ici de savoir comment les oiseaux faisaient pour forcer l'air à respecter ce labyrinthe complexe, dans la mesure ou il n'existe aucune valve anti-retour sur le parcours.
Ning Wang, de Harward, pense avoir trouvé le fin mot de l'histoire. Il a déniché une "valve aérodynamique", baptisés "segmum accelerans", en fait une contraction musculaire de la trachée, lors de l'inspiration. Celle-ci provoque (par effet Venturi) une accélération de l'air et le force à passer, sans pouvoir tourner, devant les orifices de sortie des poumons. Plus loin, toujours dans la conduite principale (mésobronche), l'air peut enfin pénetrer dans les bronches, et suivre le parcours qui l'amène à ressortir, tout près de la valve accélératirce. Le système est surtout utile au repos. En vol, la vitesse du vent force de toute manière l'air à suivre ce parcours.


Certains pères dévirent leurs petits. Mais sait-on pourquoi ? Guy Hoelzer, de l'Université du Nevada, a étudié le problème du cannibalisme filial chez le Stegastes rectifraenum, poisson des côtes du Mexique.
Une fois les oeufs pondus, la femelle laisse le mâle monter la garde. Ce n'est pas toujours une bonne idée, puisqu'il consomme jusqu'à 5 % des oeufs, même s'il n'a aucun problème d'alimentation. En fait, la clef semble tout de même se situer dans le domaine énergétique. En consommant une partie de sa descendance, le mâle renouvelle son stock énergétique plus facilement, et peut se remttre à courtiser des femelles ou à honorer la sienne plus rapidement. En comparant plusieurs populations, le chercheur a observé que celle qui était le plus abondamment nourrie était aussi celle où l'acitivité reproductrice était la plus intense, et à terme, les progénitures les plus nombreuses et les individus de taille plus importante.


Le Merriam's kangaroo rat, du Deep Canyon Desert de Californie, sort la nuit, sauf s'il y a de la pleine Lune. Quand l'astre de nos nuits est rond, il reste tapi dans son terrier. Par contre, les nuits sans Lune, il reste à se promener dehors, tranquille.
Martin Daly, de la McMaster University d'Ontario, au Canada, a monté des émetteurs rado sur le dos des rats, et a observé que lorsque la Lune est pleine les animaux attendent le début ou la fin de la nuit, les heures les plus sombres, pour aller se nourrir. C'est apparemment la meilleure manière, pour eux de se nourrir tout en échappant aux rapaces et aux serpents, leurs prédateurs habituels.


Demain, les paratonnerres seront des lasers. C'est ce que pensent des ingénieurs japonais, qui viennent de réussir à modifier le parcours de la foudre à l'aide d'un laser qui ionise l'air sur le parcours que l'on veut imposer à la décharge électrique.


L'ibis rose japonais (Nipponia nipon), dont il ne reste plus qu'un mâle et une femelle vivants, est l'exemple cuisant de l'échec de protection d'une espèce par l'agence japonaise de l'Environnement. Ses plumes ont valut à l'animal d'être traqué dans l'archipel nippon au début du siècle, et son habitat a été detruit par le développement depuis. Et cela malgré sa protection depuis 1934, et son importance dans la mythologie japonaise.
En 1981, les cinq oiseaux survivants avaient été capturés pour tenter de favoriser leur reproduction. Au cours de cet essai, trois ibis moururent
La dernière occasion de préserver un peu du parimoine de cette espèce vient de s'évanouir avec l'impossibilité pour le mâle de se reproduire avec une femelle d'ibis chinois, dans le zoo de Pékin où il avait été transporté.


Le meilleur endroit pour bien vivre dans une bande d'oies sauvages (Branta leucopsis) est au bord du troupeau. Les rassemblements d'hiver, qui peuvent dépasser 2000 individus, imposent aux oiseaux des bords extérieurs de veiller aux prédateurs. Pour cela, ils picorent plus rapidement que les autres, pour passer moins de temps la tête en bas. Ce faisant, ils mangent davantage. Non seulement la nourriture est ici plus abondante qu'au centre de la horde, mais comme le cercle se déplace vers l'extérieur, les oies de la périphérie trouvent sans cesse des terres vierges, estime Jeff Black, ornithologue aux Parcs Nationaux britanniques. Les places sont chères : les oies se font la guerre pour savoir qui aura la veine d'être en bordure, malgré le risque acru que représente évidement cette situation.

Comment volent les mouches

1992

Pas plus que nous pensons à nos pas, une mouche ne se soucie du labeur incessant de ses ailes. Et pourtant, quelle usine ! Chez la drosophile, la petite gourmande de vinaigre aux yeux rouges, il faut 200 battements par seconde pour s'arracher du sol. Avec, à chaque fois, un choc violent entre les ailes, dans le dos de l'insecte, qui permet de créer un phénomène stupéfiant : une petite dépression d'air, qui induit des tourbillons précis, et provoque finalement une portance sans rapport avec la ridicule surface des ailes.

Un exemple aérien et frappant, quant à la manière dont le vivant se joue des lois de la mécanique terrestre !
WLa conquête de l'air eut lieu il y a 300 millions d'années, au carbonifère, dans les forêts de grands arbres qui deviendront plus tard (par compression) de vastes bassins houillers. Dans ces arbres, les insectes acquièrent d'abord la capacité de planer sur quatre ailes rigides, puis celle de les faire battre pour générer de la pousséeW, explique le mathématicien britannique James Lightill, de l'University College de Londres (1). Préoccupé de WbiomécaniqueW, ce chercheur traque dans la compréhension des systèmes naturels une bonne dose d'inspirations pour ses travaux sur les phénomènes physiques. En partant du principe que le vivant est créatif, et somme toutes, économe.

Pas si simple, pourtant. Pour savoir comment voletent vraiment les insectes, les scientifiques ont dû, au cours des dernières décennies, faire passer des ailes d'Orthoptères (ordre de ces vieux planeurs préhistoriques, et auquel appartiennent nos modernes sauterelles) dans des souffleries, afin de mesurer avec précision l'efficacité de leur portance statique et dynamique. Résultat, les grands insectes actuels battent effectivement tout bonnement des ailes pour voler. Mais les petits hyménoptères et diptères, eux, à l'instar de la drosophile déjà mentionnée, doivent jongler plus hardiment avec les lois de l'aérodynamique : leur musculature n'est pas suffisante pour brasser de grandes ailes. C'est la découverte du vol instable chez les insectes, avec des caméras tournant à 7.000 images par seconde, pour mettre en évidence ces ailes qui se frappent et qui pivotent en permanence sur leur axe, pour offrir le meilleur profil au mouvement. Ce qui souligne, si l'on en doutait encore, que les animaux petits ne sont pas des simplets, mais souvent des innovateurs...

Dans un tout autre chapitre, les chercheurs se sont facilement aperçus, en comparant les grands nageurs entre eux, que le meilleur profil pour générer de la poussée chez les animaux marins rapides était la nageoire en forme de croissant. Comme chez le thon ou le requin. Surprise, on retrouve la même forme chez le martinet, ou l'hirondelle, oiseaux de sprint.
Pour la compréhension de la portance chez les mêmes oiseaux, ce fut plus difficile, rapporte le mathématicien britannique. Ce n'est qu'en 1987 qu'une équipe déchiffra enfin le mouvement du WpoignetW qu'effectue le pigeon lors de son vol, afin de réduire la portance lors du mouvement vers le haut de ses ailes, et de l'augmenter lors de la poussée vers le bas. Les tourbillons complexes et utiles générés par ce geste ont été analysés en visualisant le sillage de l'oiseau par des bulles d'hélium.

Agréable et stérile jeu de savants, la biomécanique ? Alors que penser de la manière dont on cerne aujourd'hui le mouvement des cellules sanguines à l'approche des ramifications artérielles (les globules passent plus vite dans les étranglements que le plasma), ou de la façon dont on suit la répartition de la pression en fonction de l'effort du coeur ? On s'aperçoit aussi qu'une aorte en bonne santé et de bonne facture mesure le quart de la longueur d'onde de la composante fondamentale de la circulation du sang à cet endroit. Ce qui arrange, comme par hasard, bien des problèmes de plomberie humaine.
Etudiée notamment par une équipe de l'Imperial College de Londres, (dont sir Lighthill et le Pr Caro) la circulation artérielle s'est toutefois révélée rétive aux simplifications.

Mais les travaux mathématiques dans ce domaine ont permis de trouver un lien entre la diminution de la vitesse du sang sur certains sites des parois artérielles, et l'apparition d'artériosclérose.

A une autre échelle, celle de l'infiniment réduit, les mécaniciens du vivant se sont aussi attachés à comprendre comment se meuvent les germes. Bon nombre de bactéries disposent par exemple de flagelles, de petits fouets qui leur permettent de se mouvoir. Une orgie d'innovations. Certains microbes, comme Ochromonas, sont remorqués par un flagelle qui les WtireW en avant. D'autres sont munis de flagelles velus, qu'il s'agit simplement d'agiter alternativement (ondulation), mais la plupart doivent délivrer à leurs appendices lisses un mouvement en forme d'hélice. Comme l'énergie disponible à bord d'une bactérie est plutôt rare et précieuse, les mouvements, crée par des moteurs moléculaires, sont rentabilisés à l'extrême. La forme de chaque flagelle devient alors une démonstration. La courbure de ces WnageoiresW chez WEuglenaW est parfaitement conforme à l'idéal. Sans cela, le mouvement de de flexion ferait tourner la bactérie sur elle-même. Mais grâce à cette courbure, la rotation est évitée, et l'efficacité de la propulsion augmentée par un autre effet d'hélice, note James Lighthill.

Le vol du pigeon, la nage du requin ou la ruée des bactéries : dans un cas comme dans l'autre, la sélection évolutive des formes et des gestes a créé une diversité de compromis entre les lois de la nature et la mécanique érigée par le vivant. Comme si la perfection était inscrite quelque part dans le geste, à partir du moment où il est à la fois WbioW et WmécaniqueW. Reste à savoir lire et déchiffrer le travail de création réalisé par le vivant. Pour les chercheurs, il s'agira bien souvent de sortir du strict cadre de leurs disciplines, pour s'aventurer aux frontières troublantes de plusieurs territoires : biologie, anatomie, physique, mathématiques.


(1) Dans sa conférence du 18 novembre 1991, reprise par WLa Vie des Sciences, Comptes RendusW, série générale, tome 9,1992, numéro 2.

samedi 2 février 2008

Aux racines de Jurassic Park

1992

Des dinosaures au coin du bois ? Des plantes, des mouches, des puces du Crétacé franchissant le mur du temps pour déferler sur nos cités ? Dans ce cauchemar, il suffirait d'isoler une pincée de matériel génétique d'une créature préhistorique, dans quelques restes bien conservés, pour voir, quelques années plus tard, le dit revenant slalomer entre les éprouvettes d'un laboratoire de biologie moléculaire.

Ceux qui ne sont pas encore informés de cette éventualité de débarquement de lointains moustiques ou dinosaures en cette fin de second millénaire pourront se faire expliquer l'affaire en cinémascope dans quelques mois, lors du la sortie du film de Spielberg inspiré du roman "Parc Jurassique" de Michael Crichton. Pour l'heure on peut se contenter du texte de ce (bon) roman. On y suit un milliardaire passablement obstiné, enfouissant des génies sous des brassées de dollars, afin qu'ils reconstituent sur une île inhabitée un zoo de "lézards terribles", nos dinosaures. Tout cela avec la complicité d'un ordinateur géant, et au prix de quelques géniales astuces de biochimie moléculaire. Clou de l'intrigue : l'idée d'aller extraire le code génétique des dinosaures dans les intestins des mouches qui les ont piquées. Celles-ci s'étant alors, il y a 65 millions d'années, empressées de se faire emprisonner et conserver dans de la résine devenue ambre jaune.

"Le roman est un travail remarquable, reposant sur nombre de techniques actuellement disponibles en laboratoire. Mais ne rêvons pas, la probabilité de parvenir à ressusciter des espèces préhistoriques disparues est proche de zéro. On ne peut évidemment pas dire que l'on y parviendra jamais. Mais pour moi, cela relève vraiment du domaine du phantasme". Simon Tillier, spécialiste de systématique moléculaire au Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris brise le rêve. C'est un peu comme vouloir édifier une tour Eiffel de plusieurs centaines de kilomètres de hauteur.

Rien n'interdit de penser que l'on est capable d'y parvenir, puisque l'on a su bâtir le modèle parisien. Mais n'importe quel spécialiste de résistance des matériaux réalisera d'emblée qu'un tel projet est au-delà des capacités de nos alliages les plus résistants, et de nos composites les plus légers, puisque la masse d'une structure augmente beaucoup plus vite que sa résistance. Si dans le domaine des édifices il existe ainsi une frontière "naturelle", dans celui de la génétique moléculaire, on est loin d'avoir accumulé les connaissances théoriques nécessaires à rejouer le scénario du vivant. "Surtout, dans ce domaine, le tout est plus qu'une simple addition des parties", renchérit Simon Tillier. A savoir que même si l'on disposait du code génétique complet d'un dinosaure, cela ne serait pas suffisant pour le faire "fonctionner".

Pourquoi tant d'agitation autour de ce rêve de Phénix génétique ? Au départ de la rumeur médiatique, et à l'origine du livre de Crichton, on trouve les propos plutôt optimistes d'un groupe de scientifiques de Berkeley : l'"Extinct DNA study group", sous la houlette de l'entomologiste George Poinar, de l'Université de Californie. Ce chercheur s'est fait une spécialité de l'étude des codes génétiques d'insectes conservés dans l'ambre, tout comme ses principaux compétiteurs, dont l'équipe de Dave Grimaldi et Rob DeSalle, à l'American Museum of Natural History (1). Depuis quelques années une véritable "course au temps" s'est installée entre ces équipes.

Le pionnier de cette démarche fut Allan Wilson, de Berkeley, qui clona en 1984 l'ADN (molécule supportant le codage génétique) de quagga, une chimère zèbre-cheval éteinte depuis 111 ans. Le matériel de départ étant la peau sèchée de l'un des derniers specimen de l'animal.

Après cet essai, le premier grand saut dans le temps intervint la même année, avec l'analyse d'un morceau d'ADN d'un mammouth préservé depuis quarante mille ans dans le sol sibérien.

Aujourd'hui Poinar comme Grimaldi travaillent notamment sur des échantillons d'ambre de 30 millions d'années provenant de République Dominicaine (des abeilles pour Poinar, des termites pour Grimaldi). Les deux groupes ont publié ces travaux cette année (2) et ont enfoncé le record précédent, une séquence génétique de feuille de magnolia âgée de 17 millions d'années "seulement" (Edward Golenberg, Waine Universtity, 1989). Un record nouveau qui n'est évidemment qu'une étape. D'autres équipes travaillent sur de l'ADN de poisson de 200 millions d'années (Université du Colorado), sur les incontournables dinosaures, des brachiopodes de 400 millions d'années (Smithonian Institution).

En fait, la multiplication des laboratoires et des compétences dans ce domaine va déboucher une nouvelle science : la paléontologie moléculaire. On n'étudiera plus l'évolution biologique des espèces en mesurant la taille des os, des empreintes, mais aussi en comparant les séquences génétiques des individus. Dans le cas des termites, par exemple, la question qui se pose désormais est de savoir pourquoi dans les Caraïbes un certain nombre d'espèces, révélées par l'analyse génétique, ont disparu au profit d'une seule d'entre elles, survivante aujourd'hui.

Il n'y pas dans ces nuances de quelques millions d'années de véritable enjeu scientifique. Mais l'impact médiatique (ce qui aux Etats-Unis est important) n'est pas à négliger. En marge des travaux de fond, on peut donc parier que certains chercheurs s'attacheront à battre des records pour accroître leur renommée, s'attirer des fonds, et mener des recherches encore plus audacieuses...

(1) Voir Science vol 257, p 1933
(2) On ne parle ici que de fractions du code génétique. La structure du ruban moléculaire est très instable, sensible à la température, et sur les milliers de bases qui constituent la mémoire cellulaire d'un termite ou d'une mouche, seules de petites séquences de quelques dizaines de bases sont en général lisibles après amplification par la technique moléculaire dite "PCR". C'est suffisant aux yeux des scientifiques. Ces renseignements leurs permettant éventuellement classer les espèces, de les comparer à leurs descendants. Mais même en accumulant les données, il paraît impossible de reconstituer des gènes complets, dans la mesure où les séquences les plus fragiles sont probablement toujours les mêmes, et manquent systématiquement à l'appel. A moins d'une astuce de laboratoire ?

Fourmis et papillons

1992
Pacte entre chenilles et papillons


Professeur émérite à la Sorbonne, à Paris, Rémy Chauvin est un habitué des surprises que nous réservent les insectes. Cet entomologiste, spécialiste des insectes sociaux, sait que les fourmis sont capables de s'organiser, même entre fourmillières voisines, en vastes fédérations territoriales, pour contrôler des régions de plusieurs dizaines de kilomètres carrés. Elles organisent alors des routes, où l'on voie des trains de fourmis transporter des masses impressionnantes de matériaux d'une colonie à l'autre. Certaines fourmillières se spécialisent alors dans un type d'activité, d'autres dans la surveillance du territoire. mais ce n'est pas tout. Les fourmis savent aussi mettre à profit des plantes et d'autres animaux, comme les coléoptères, dont elles prélèvent des sucs. A moins que ce ne soit elles qui ne se trouvent, au bout du compte, exploitées ?

Ainsi Thisbe irenea. Une paisible dévoreuse de feuilles, appelée à devenir un petit papillon riodinide assez banal dans les cohortes voletantes et colorées des forêts d'Amérique tropicale. Des ailes décorées, sans trop, et des ocelles sobres. Une vie banale ? Loin de là. Grâce à quelques astuces machiavéliques, Thisbe vit sa vie de chenille plus que sereinement, débarassée du stress des prédateurs voraces. Pour assurer sa quiétude, elle a réduit des fourmis au rôle de gardiennes de son corps, une défense anti-aérienne motivée, un rempart qui rapplique au moindre signe de sa part. Comment ? Les chercheurs s'en sont intrigués (1)...

Comme toutes les chenilles, Thisbe commence sa vie en sortant de son oeuf, dans un arbre, sur des arbres croton. Déjà, son destin est scellé. Car les crotons passionnent les fourmis. Les nectaires de cet arbre secrétent un suc légendaire, qui les attire par légions depuis la nuit des temps. Mais apparemment elles ne font pas que se gaver, car lorsque l'on empêche les fourmis de grimper aux arbres, les chenilles disparaissent, emportées et dévorées par leurs héréditaires ennemis : les guêpes. Philip DeVries, de l'université d'Austin, aux Etats-Unis, constate rapidement que ce sont bien les fourmis qui défendent les chenilles, en se dressant sur leurs pattes postérieures, et en agressant résolument la tueuse. Pourquoi ?

La reconnaissance du ventre semble être la clef de l'échange. Les chenilles secrétent un miellat dont raffolent les fourmis. Ce sont des organes spécifiques, en forme de doigt de gant, qui délivrent ce liquide qui retient les fourmis (pour certaines pendant une semaine). Abasourdies par ce régal, elles sollicitent sans cesse de leurs pattes ces glandes situées tout à l'arrière du corps, sur les derniers segments, jusqu'à obtenir une goutte de miellat par minute.

Bien entendu, rien n'est gratuit. Et l'association entre la fourmi et la chenille fonctionne dans les deux sens. Motivée pour rester sur place, la fourmi va, à la moindre alerte aux guêpes, subir un signal chimique, émis par un appendice situé près de la tête de la chenille. Ce cocktail chimique doit ressembler comme deux gouttes à un signal d'agression en langage fourmi. Car instantanément, les fourmis adoptent une position hostile, mordant tout ce qui passe à portée de mandibules. En cas de pénurie de combattantes, la chenille possède même un dernier atout. Une paire de baguettes qu'elle porte sur le premier segment de son corps va frotter des petites irrégularités, et produite un "chant". Un très faible crissement, dont les vibrations sont véhiculées par la plante jusqu'aux pattes de fourmis lointaines. A l'écoute de cette complainte, les renforts arrivent, en nombre, et s'interposent entre la guêpe et la nourricière.

Pour vérifier, le chercheur est allé jusqu'à amplifier et à enregistrer ces sons normalement inaudibles, pour les rejouer à des fourmis. Pas de problème : de nombreuses d'entre elles sont sensibles à ce chant même si elles ne l'ont jamais entendu.
D'où vient cette symbiose particulière, remarquable parmi toutes les myrmécophilies (associations avec les fourmis) ? Probablement de l'opportunité saisie par quelques papillons pour s'interposer dans une relation hautement intéressée entre une fourmi et une plante à nectar.

Mais cette relation complexe constitue aux yeux des entomologistes un précédent. On ne connaissait jusqu'ici aucune communication sonore entre des espèces différentes d'insectes. Et elle pourrait bien obliger à revoir certains modes de fonctionnement entre des espèces complémentaires.

Si elle est plus connue, la communication sonore entre insectes de la même espèce demeure elle aussi souvent une surprise. Il a fallut des décennies avant que Julian Monge-Najera, de l'université du Costa-Rica n'explique enfin le bruit de castagnettes que l'on entend souvent résonner au fond de la forêt ombrophile de son pays. Filmant des papillons Hamadryas à grande vitesse, et enregistrant ces étranges sons de mitraillette, il s'aperçut que le bruit, audible à une cinquantaine de mètres, est provoqué par l'entrechoquement répété et vigoureux des ailes du papillon.

Sa fonction ? Probablement attirer les femelles, mais surtout repousser d'autres mâles, et libérer un peu d'espace sur le chemin qu'empruntent les femelles, au retour de leurs activités butineuses...

(1) Pour la Science, Décembre 1992, p 82

Pourquoi le chien aboie

Et si les chiens n'aboyaient pas ?
Patrice Lanoy (2,5 flts)

On n'a jamais vu un loup aboyer. Ni un renard. Comme si les Canidés, la grande famille des chiens, s'étaient interdit cette possibilité dès qu'ils sont sauvages. Surprise, notre ami domestique détient l'exclusivité de l'aboiement. Et même s'il redevient sauvage, comme le Dingo australien, il perd sa voix. Certains on voulu savoir pourquoi, alors que le chien domestique et ses parents sauvages sont de très proches cousins.

"On retrouve des indications d'aboiement de coyote dans la littérature scientifique, mais c'est tellement exceptionnel que le fait est décrit sur des pages entières", souligne Mark Feinstein, du Hampshire College, au Massachusetts. Avec Raymond Coppinger, les scientifiques ont tenté de comprendre ce phénomène, qui amène certains chiens à aboyer jusqu'à sept heures durant (record officiel), ou à pousser plus de 90 aboiements par minute dans la cas du cocker.

C'est tout à fait insupportable aux oreilles de l'homme. Et c'est peut-être là qu'il faut rechercher la solution de l'énigme, estiment les chercheurs. L'aboiement canin se situe quelque part entre le cri de détresse d'un bébé, particulièrement efficace pour se signaler à des oreilles humaines, et le grondement féroce d'un animal sauvage. Autre signal redoutable, spécialement pour nos aïeux des cavernes.

Bien entendu, tous les Canidés ont les moyens physiques de le produire, la meilleure preuve en étant que les louveteaux ou les jeunes coyotes jappent durant leurs premiers mois. Mais par la suite, ce mode d'expression disparait, comme s'il devenait superflu.

Et si l'aboiement, développement du jappement chez le chien adulte, était en fait un pis aller consenti par l'animal à ses besoins de communications avec l'humain ? Une concession dans le processus de domestication, en quelque sorte.
C'est une expérience de Dimitry Beliayev, un chercheur russe, qui a mis les Américains sur cette voie. Sur une vingtaine de générations, en partant de renards sauvages, Beliayev a sélectionné les individus les plus dégourdis, et les a domestiqués peu à peu. Dans le même temps, les renards commencèrent à aboyer...
Le parallèlle avec la domestication du loup et d'autres Canidés est tentant : pour les amadouer, contrôler leur agressivité, nos ancètres auraient développé chez eux la dépendance à la nourriture. Précisément, que fait un chiot pour obtenir la têtée ou un coup de patte maternel pour manger ? Il jappe. L'aboiement serait donc une séquelle très forte du processus de domestication. Encouragé chez le jeune, il a été soutenu chez le chien adulte, habitué à quémander de la nourriture à l'homme. dans le même temps. Cette faculté de communication aura en quelque sorte été perfectionnée par le chien pour augmenter son interaction avec l'homme, et remplir son ventre... Bel effort, qui permet aussi aujourd'hui aux Canidés domestiqués de communiquer entre eux, par-delà de longues distances. Au détriment de nos oreilles.

On retrouve des traces de domestication de chiens 7 millénaires avant Jésus-Christ en Anatolie, et jusqu'à 13.000 ans en Sibérie. A quoi servaient-ils alors ? "Rabateurs et pisteurs de gibier, ils faisaient des auxiliaires de chasse précieux. Mais également omnivores, ils étaient commodes à nourrir, et faisaient de parfaits éboueurs dans les campements", note Jean-Pierre Digard, ethnologue et directeur de recherches au CNRS.

Lévrier de chasse, ou ramasse-tout dans les poubelles antiques, le chien était d'abord utile. Source de nourriture appréciable, sa chair a été visiblement consommée dans l'Europe néolithique et en Amérique pré-colombienne, et plus récemment, en Chine, au Ghana, au Canada, ou en Allemagne (la dernière boucherie canine a fermé ses portes à Münich entre les deux guerres, note Digard dans son ouvrage "L'homme et les animaux domestique", ed Fayard). Mais le chien était bon à bien d'autre services. Ses poils filés, tressés, sa peau tannée, son agressivité encouragée pour la défense, sa force utilisée pour tirer des charges, le chien aurait aussi quelques raisons d'aboyer pour demander des comptes à l'homme... Mais comme chacun sait, notre "ami" à poils est peu rancunier.

Un muscle pour aider le coeur

1993

C'est en 1985 que Sylviane Paska commença à vivre avec son coeur hors du commun. Une tumeur ne lui laissait guère le choix. Le Pr Alain Carpentier décida "sur l'insistance des infirmières et de l'équipe, émus par la situation et la personnalité de cette jeune femme de 37 ans", de tenter une première mondiale, au moyen d'une technique en cours de développement dans son laboratoire. Il s'agissait d'exciser la tumeur, mais surtout de détourner un muscle dorsal afin d'en entourer le coeur, pour combler le déficit de puissance.
Huit ans plus part, Mme Paska va bien, très bien. Son coeur enturbanné d'un ancien muscle du dos lui offre une vie normale, ou presque.
"Que vous dire ? Cet homme c'est mon dieu, mon sauveur. J'ai pu élever mes filles, je mène une vie normale, et depuis quatre ans j'ai monté une entreprise..."
L'espoir d'Alain Carpentier, patron du service de cardiologie de l'hôpital Broussais de Paris, c'est aujourd'hui de pouvoir généraliser ce geste. Du 24 au 26 mai il organise à Paris un symposium, une confrontation entre cardiologues allemands, américains, espagnols, anglais, au chevet de sa technique, la cardiomyoplastie.
"Pour notre équipe, ce sera émouvant. Cette chirurgie, qui consiste à utiliser un muscle du squelette du malade, à l'enrouler autour de son coeur , et à lui commander autant de contractions qu'en produit le muscle cardiaque passera à l'âge adulte... et pourra sauver des milliers de vies à travers le monde". Un procédé susceptible, aux yeux du cardiologue, de devenir une alternative à la transplantation cardiaque, pour des milliers de patients.
"Au vu des résultats sur plus de 300 malades dans le monde, cela paraît certain. Nous obtenons une espèrance de vie de plus de 70 % des malades à trois ans, pour des insuffisances cardiaques où elle est de 20 % si l'on ne fait rien. Et en moyenne, on gagne près de 20 % sur la puissance du muscle, avec une dégéneresence cardiaque enrayée".
Tout en parlant, le chirurgien allonge le pas. Lui filer le train jusqu'à la pizzeria, face au porche de l'hôpital Broussais relève du sprint. "Vous savez, j'aime bien m'accorder une demi-heure de récréation par jour, alors je vais grignoter..."
Slalom entre les voitures qui passent et voici le grand patron planté au milieu de la rue, en sabots de chirurgien, une blouse blanche dissimulant les habits verts du bloc. Un geste à l'attention du serveur, et deux chaises surgissent. Une table, extirpée de la salle est dressée là, sur un trottoir il y a encore un instant dévolu aux passants. "J'ai besoin de prendre l'air... Je passe mon temps entre mon bureau et le bloc... Quand j'habitais l'hôpital, il m'arrivait même de prendre ma voiture et de tourner dans Paris, pour prendre le rythme de cette ville".
Direct, le Pr Carpentier manie le verbe à l'énergie davantage qu'en nuances. Paradoxe, c'est une apparente froideur qui fait une bonne part de sa séduction. L'économie du propos, son efficacité un peu brutale, lui permet en fait d'offrir une écoute peu banale aux autres. En dépit d'un agenda totalement paré à exploser. C'est bon signe. Car à soixante ans l'un des chirurgiens les plus célèbres de France, connu et reconnu à l'étranger, n'a pas fini de courir. Triple transplantation coeur-foie-poumon, valves cardiaques de nouvelle génération, amélioration de la cardiomyoplastie, transplantation de coeur d'origine animale sur l'homme, les thèmes de recherche et les malades affluent comme jamais. Comme les canditatures de jeunes médecins. "Ils viennent me proposer leurs projets, je les retiens s'ils sont bons..."
Ajoutez à ce tri des hommes une étonnante capacité du patron à décrocher des budgets de recherche en provenance du privé. "Je l'avoue, j'ai un truc. Je finance un travail de recherche avec l'argent qui m'a été donné pour un programme plus ancien, qui était déjà terminé. Cela permet de gagner des années et donne une souplesse peu banale".
Chez Carpentier on travaille dur. Mais si l'on vénère la sueur et le labeur bien ciselé, on accepte volontiers de faire savoir. "Je connais le pouvoir des mots et des images. Si l'on veut des moyens, si l'on veut pouvoir travailler, il faut savoir communiquer le fruit de son boulot".
L'homme n'a rien d'un bateleur. Il est immergé dans une réalité où le temps de dérobe, où "la maladie gagne si l'on s'endort". Mais la frontière entre la communication et la mystifications lui semble évidente. "Si vous voulez être crédible il ne faut parler que des résultats les plus certains, les plus indiscutables de votre travail. Et encore, si vous avez obtenu une amélioration de 25 % sur un système, annoncez 20 %. Lors des vérifications, on vous en sera gré... Alors que si vous aviez parlé de 30 %, pour arrondir, vous auriez perdu une part de votre crédit et prêté le flanc aux critiques... Je ne comprends pas que certains passent leur temps à raconter des sornettes. Cela vous retombe toujours dessus, mais c'est surtout tricher avec soi, et empêche toute vraie prise de responsabilités. " Fatigué, le Pr Carpentier ne parlera pas du malade qui était sur la table voici encore un quart d'heure, et dont l'opération s'est compliquée d'un anévrisme au niveau de l'aorte. Ce qui a mobilisé toute l'équipe bien au-delà de ce qui était prévu. Il ne dira rien aujourd'hui de ses recherches sur le coeur artificiel. Et nous n'aurions rien vu des valises de médicaments en partance pour son Institut du Coeur, au Vietnam, si nous n'avions par hasard croisé un chirurgien en partance.
Aujourd'hui, ce sont les patients que le chirurgien veut pousser sous les projecteurs. Ceux qu'il a sauvés d'une mort quasi certaine au moyen de la cardiomyoplastie dynamique.

En France, 6O personnes ont bénéficié de cette technique mise au point avec les Dr Juan-Carlos Chachques et Pierre Grandjean. Et dans le monde, ils sont plus de 300, à avoir été été opérés par des équipes prestigieuses, à partir des formations dispensées par les cardiologues français.

"Le problème, c'était de transformer le muscle fatigable du dos en un muscle de type cardiaque, infatigable. C'est la condition pour éviter qu'il ne se tétanise, à devoir se contracter 60 à 90 fois par minute."

L'idée fut alors d'amener progressivement, au moyen d'un excitateur électrique, le muscle à se contracter de plus en plus souvent. Un apprentisage progressif de six semaines en moyenne, mené étape par étape. Surprise, la plasticité des cellules musculaires est telle que ce régime se solde par la transformation des fibres musculaires rapides du grand dorsal en celles, dites lentes, d'un muscle qui ne fatigue jamais...

L'avenir ? "Ce sera de séparer le muscle dorsal de ses vaisseaux, et de ses nerfs. Nous pourrions alors mieux entourer le coeur, par des tissus plus puissants, et gagner de précieux points sur le débit cardiaque". Il faudra pour cela maîtriser la dégénerescence nerveuse qui se produit quand on sectionne les neurones... Le Pr Carpentier admet même que l'on puisse un jour remplacer le coeur par une prothèse ventriculaire, et la faire fonctionner grâce à la seule puissance de ce muscle du dos. Ce coeur "bionique", structure artificielle mue par un muscle naturel, est encore un rêve lointain. Mais une telle solution aux insuffisances cardiaques serait capable de précipiter les infinies précautions de la transplantation, et les gourmandises énergétiques des moteur des pompes actuelles dans les oubliettes de la chirurgie. Une promesse que dégustent déjà, à pleines goulées de vie, plusieurs centaines de témoins souriants.