mercredi 21 mai 2008

Avalanches

Mars 1991

Soixante dix tonnes d'explosif. C'est la quantité moyenne de dynamite que font parler chaque hiver les pisteurs et autre artificiers sur les pentes enneigées des montagnes françaises. Pour déclencher par onde de choc, préventivement, les départs d'avalanches qui menacent les pistes, et parfois les vallées bâties. Si l'on compte une moyenne de 2,5 kilos employés par détonation, on assiste ainsi chaque hiver à 28.000 emplois d'explosifs dans nos blanches montagnes. Un chiffre considérable, qui traduit la préoccupation croissante de "sécuriser" des domaines skiables de plus en plus gigantesques. Car les massifs français, qui représentent près du tiers du domaine skiable mondial, prennent des allures titanesques avec plus de 1 100 kilomètres carrés de pistes et plus de 6 millions de skieurs annuels, dont un million d'étrangers. Malgré toutes les précautions prises, il se produit une quarantaine d'accidents avalanches par an, avec le triste résultat de 20 à 30 décès.
Dans les grandes stations dont la réputation est en jeu, c'est l'inflation à la sécurité. Non seulement on balise et on ferme de plus en plus facilement des pistes au moindre risque de déclenchement de coulée, mais les artificiers et leurs assistants enchaînent des nombres impressionnants d'"actions temporaires actives", comme on désigne techniquement ces feux d'artifice de neige.

Concrètement, cela consiste encore la plupart du temps pour les pisteurs-artificiers à partir avant l'aube, vers 4 ou 5 heures du matin, pour rejoindre les pentes à traiter. Pour gagner des points soigneusement repérés et identifiés, pas toujours facile d'accès, et balancer en contrebas, au bout d'une corde, la charge explosive. Parmi les victimes d'avalanches, on compte ainsi des artificiers. Le plus souvent en raison du départ plus important que prévu de l'avalanche, qui suprend les techniciens les plus chevronnés (et ce qui interdit en principe le déclenchement des avalanches au-dessus de zones construites). Plus rarement en raison d'un accident d'explosif. Pour contourner ces risques, mais aussi pour pouvoir traiter davantage de couloirs à avalanches avant que les premiers fanatiques de poudreuse ne se soient élancés dans la griserie des pistes, les techniciens innovent. Ils tentent de mettre au point de nouvelles méthodes pour débarasser la montagne de sa neige instable, mais aussi de nouvelles astuces techniques.

La grande solution, inventée en France par le Cemagref, et devenue déjà relativement classique, consiste à installer un câble qui passe en surplomb des zones de départ d'avalanches. On envoie des charges explosives, suspensues à ce câble, et on peut traiter plusieurs couloirs d'avalanches simultanément. Mais le Catex est un sytème coûteux (300.000 francs par kilomètre installé) qui peut s'avérer dangereux. Il arrive que les charges, soumises au chocs du transport sur ce mini-téléphérique, à l'humidité, n'explosent pas. Les explosifs amorcés sont alors particulièrement redoutables.

Une solution qui paraissait d'avenir dans les années 70, le canon, ou plus exactement le propulseur de flèches explosives, a aujourd'hui perdu beucoup de partisans : les flèches de deux mètres de longeur qui doivent se ficher dans le mantea neigeux ont du mal à grimper des dénivellées importantes en étant propulés par de l'azote comprimé dans le canon. Ce qui oblige les artificiers à prendre des risques en venant se placer en contrebas de la zone des départs d'avalanche. Et le système est en définitive relativement coûteux.

Plus simple, et très efficace, le bombardement. "Certaines stations augmentent simplement la cadence des tirs en utilisant l'hélicoptère", explique François Rapin, de la division nivologie du Cemagref (centre de recherche sur le matériel agricole) de Grenoble. Depuis deux ans, le contrôle strict des activités d'artificiers dans la montagne a en effet dérogé, pour les hélicoptères et des équipages entraînés, à la rêgle de toujours rendre un explosif éventuellement non détonné accessible, de manière à pouvoir le récupérer. Une manière de rendre possible le "bombardement" intensif des sites de départ d'avalanche, simplement en jetant la dynamite amorcée depuis l'appareil. Pour assurer une plus grande sécurité, les amorces de ces charges sont doublées, "pour éviter que l'explosion n'ait pas lieu, et qu'un montagnard puisse ramasser une charge dangereuse", précise François Rapin. C'est cher (l'heure d'hélicoptère est à plus de 7.000 francs), mais très efficace. Certaines stations parviennent ainsi à provoquer 50 explosions par heure !

Une autre innovation, toute récente, risque cette fois de rencontrer un succès aussi important. Renonçant cette fois à toute utilisation d'explosif, le Gaz-Ex de la société Schippers présente en outre l'avantage d'être télecommandé. Il s'agit tout bonnement d'un gros tube (de 1,5 mètre cube de volume), ancré sur un bloc de béton, orienté face à la pente, et alimenté par de l'oxygène et du propane en bouteilles (déposées dans un abri pendant l'été). On commande à distance (par radio ou câble) le remplissage du tube, puis la mise à feu du mélange. L'explosion est alors particulièrement efficace pour déstabiliser le manteau de neige. Le seul inconvénient du système est celui du prix : un seul tube, en fonction de la complexité du site, peut coûter entre 200.000 et 400.000 francs, et ne pourra jamais faire partir les mini-avalanches que sur un seul couloir. Pour une protection complète, il faudrait multiplier les tubes par le nombre de réservoirs à valanches

A la veille des Jeux Olympiques d'Albertville, il importe aux responsables de la sécurité avalanches des massifs de renforcer encore leurs efforts. Des mesures particulières de sécurité ont ainsi été prises sur les sites olympiques, indique-t-on au Comité d'Organisation, comme sur la face de Bellevarde, qui surplombe Val d'Isère. Mais aussi sur les routes qui mènent aux stations. ce sont la plupart du temps des mesures "passives", comme les tunnels de protection, les rateaux de fixation de la neige sur les pentes. Pour éviter de voir des milliers de spectateurs bloqués dans une station par simple coupure de la route d'accès par une coulée.

Brèves avril 1991

ANNEAUX
Dans le passé, la Terre elle a du posséder des anneaux, à la manière de Saturne, pense Kaare Rasmussen, du Musée National de Copenhague. Ses études statistiques sur les élements historiques relatant les passages de météorites depuis 800 avant J.-C.lui font dire qu'à certaines périodes les objets errants de l'espace ont formé des anneaux autour de la Terre. Et ce genre de captures peuvent très bien se reproduire à nouveau, selon lui.

COURANT
Les courant électriques du sous-sol font frémir les géologues australiens. Ils viennent de mettre la main sur un courant de plus de 6.000 km de longueur, entre 15 et 45 km de profondeur. Très faible, ce courant induit par le champ magnétique terrestre constitue un élément de plus pour comprendre la formation des continents, les mouvements de notre sous-sol et ses surprises électriques.

QUARK
Plus dense que le quark, l'actuelle "ultime" brique qui forme les particules elles-mêmes, cela n'existe pas. A tel point qu'un groupe de chercheurs norvégiens, à l'université de Trondheim, pense que des étoiles pourraient êre faites de tels quarks. Ce qui rendrait certaines d'entre elles plus lourdes que ce qu'on pensait jusqu'ici, et expliquerait la fameuse "masse manquante" entre le poids théorique de l'univers et celui que l'on observe en comptant les étoiles. La chasse au quark stellaire est ouverte...

SEISMES
Les séismes, désormais, se traquent depuis l'espace. Avec le futur satellite SEISM, que les géophysiciens français ont proposé au CNES, ils seront en mesure, à la fin de la décennie, de repérer depuis une orbite basse les perturbations du champ électromagnétique terrestre liées aux épicentres des séismes. Une constatation qui avait été fait par hasard avec d'autres satellites, et qui permettra demain, peut-être de prévoir certains d'entre eux

COUP DE FOUDRE
C'est beau, mais cela s'épingle difficilement sur un sapin de Noël. La foudre en boule a été reproduite artificiellement dans le laboratoire japonais de l'université Waseda à Tokyo, en provoquant des décharges de plasma (gaz très chaud, ionisé) à l'aide de puissantes émissions de micro-ondes.

PURIFIER
De petites graines, des semences qui ressemblent à des "chickpeas" (en anglais ds le texte) pourraient devenir un moyen économique de débarrasser l'eau des régions tropicales de bon nombre de parasites, bactéries et virus.
Les graines de Moringa Oleifera (horseradish tree), commun en Afrique, Asie et Indonésie, contiennent des protéines qui forcent les particules contenues dans l'eau à coaguler . Avec cette augmentation de masse, elles précipitent au fond du réservoir ou de la mare.
Cette pratique était déjà connue dans certaines ethnies africaines, mais les chercheurs britanniques de Leicester University veulent la répandre à une très large échelle.

IMPITOYABLES
La compétition commence avant la naissance. James Michaelson, du centre anti-cancéreux de Boston pense que dans un embryon de mammifère, les cellules sont déjà en compétition entre elles pour constituer les organes. Une guerre avant la naissance. Et ce sont les cellules qui correspondent le mieux au "programme" et aux compétences demandées qui survivent. Les autres, les briques mal fabriquées, sont éliminées.

Brèves mai 1991

Terre Sauvage

DAUPHINS
Selon des chercheurs espagnols (Alex Aguilar, univ Barcelone), c'est la tiédeur relative des deux derniers hivers en Méditerrannée qui est à l'origine de l'hécatombe parmi les dauphins (plus de 500 cadavres retrouvés en Espagne). Pour ce spécialiste, cette température trop haute et le manque de pluies ont fait baisser les stocks de nourriture a disposition des cétacés. Les dauphins auraient alors consommé leurs réserves de graisses, ce qui les aurait intoxiqué aux PCB (polychlorobiphényls), subtance toxique qui se concentre dans les tissus adipeux. Des virus et d'autres malades habituelles auraient fait le reste sur ces individus ainsi affaiblis.

REMEDES NATURELS
L'institut de Hong-Kong pour les Biotechnologies vient de s'associer à la firme pharmaceutique américaine Syntex et à l'Académie des Sciences de Chine pour un grand oeuvre à l'échelle de ce pays : la recherche, dans les remèdes traditionnels à base de plantes, des substances actives.
Tous les composés des mixtures de soins traditionnelsseront ainsi analysés, testés et évalués, pour voir s'ils peuvent être introduits dans la pharmacopée contemporaine et industrielle. Une démarche qui vise à explorer les plantes, mais aussi les champignons et les micro-organismes associés, qui sont souvent eux-mêmes capables de produire des substances actives en se nourissant des plantes ou des champignons. Il faut notamment tenir compte de la manière de "préparer" les médicaments traditionnels. Une enquète complexe, mais qui devrait livrer aux chimistes de nombreuses nouvelles pistes , car la Chine jouit d'une diversité de la flore qui a été relativement peu mise à profit jusqu'ici par les chercheurs de molécules actives.

BIOINSPIRATION
Toujours à l'affut des astuces de la nature, les industriels en veulent davantage. Les voici, aux Etats-Unis, qui veulent s'inspirer des structures, comme celles des piquants d'oursin, mais aussi des composés chimiques des coquilles d'huitres, des noix de pécan, ou de la plie.
Le secret de la résitance du piquant d'oursin est étonnant. Réalisé dans un matérieu très fragile, la calcite, il est incroyablement solide. Une résitance due à la présende proteines souples entre les fragments de calcite. Tout début de cassure se trouve donc très vite stopée par ces joints souples. Une astuce qui pourrait inspirer les ingénieurs des l'aéronautique et de la métallurgie.
La coquille d'huitre, elle, contient de l'acide polyaspartique, une molécule qui detient le pouvoir de relier fortement les cristaux de carbonate de calcium. Son usage intéresse les industriels, qui veulent s'en servir pour éviter les dépots de calaire à l'interieur des tuyaux, des pompes et des vannes, sans polluer l'eau.
La plie résiste remarquablement au froid, dans de l'eau atteungant moins deux degrés C, elle est à peine incommodée. Et cela grâce à un antigel naturel, un polypeptide qui empêche les cristaux de glace de se construire. Un antigel écolgique et particulièremente efficace, qui remplacerait avantageusement le sel, par exemple, dans les systèmes anti-froid industriels.
Les coquilles de noix de pécan, pour leur part, pourraient être mélanées à des matières plastique, dont elles améliorent la tenue, tout en les rendant partiellement biodégradables.

RADIOACTIVITE
En Norvège, on veut purifier les brebis et les vaches. Du moins les débarasser des élements radioactifs qui ont pu aboutir dans leur organisme à la faveur de l'accident nucléaire de Tchernobyl.
La technique consiste à faire ingérer aux ovins du bleu de Prusse en comprimés une substance qui se lie très facilement au césium, pour l'emporter dans son transit intestinal cette substance radioactive (césium 137), hors de l'animal.
La technique devrait être adoptée rapidement par les zones agricoles d'Ukraine et de Biélorussie qui ont éte touchées de plein fouet par le nuage radioactif, et dont les herbages ont été fortement entachés de césium 137. C'est en broutant que les animaux ingérent la substance, qui se fixe dans leur organisme, s'y concentre, et pollue le lait, mais aussi la viande, et risque d'entrainer à terme des maladies génétiques.

CANNIBALES
Le cannibalisme a toujours fasciné les hommes. Peut-être au point de leur faire prendre un certain nombre de vessies pour des lanternes. Le plus troublant, pense l'anthropologue britannique William Aren, c'est que par exemple les conquistadors pensaient ques les Aztèques étaient cannibales, mais que les Indiens pensaient excatement la même chose de leurs envahisseurs espagnols.
Par ailleurs, estime Aren, bon nombre de restes, d'ossements retrouvés et interprétés comme ayant été produits par des pratiques anthropohages de la part des Néanderthaliens ou d'autres hominidés sont constestables. Comme les récits parfois "passionnés" des explorateurs, colonisateurs et autres missionnaires. Fortement constesté par d'autres chercheurs, les propos d'Aren ont le mérite de poser, une fois de plus une simple question : sommes nous bien certains que notre regard sur les autres et même sur nos ancètres est aussi proche de l'objectivité qu'il devrait l'être ?

MALARIA
Une herbe chinoise, le Qinghaosu (Artemisia annua) sera-t-il le remède du deuxième millénaire contre la malaria ? Elle est en tous cas déjà depuis 2.000 ans le médicament des Chinois pour lutter contre le paludisme. Les premiers essais sur des volontaires occidentaux vont commencer aux Etats-Unis et aux Pays-Bas. Si les tests sont positifs, cette nouvelle arme ne sera pas de trop pour lutter contre une maladie en pleine recrudescence sous les tropiques, de plus en plus résistante à la quinine.

Simuler le cerveau (Jean-Pierre Changeux)

Simuler le cerveau pour le comprendre
mai 1991


Ils sont environ cent milliards par tête, et on va en parler ce matin entre chercheurs et militaires. Les neurones intéressent l'armée. Dans le cadre des journées "Science et Défense", qui se déroulent mardi et mercredi à Paris, les sciences du cerveau font l'objet d'une série de communications par des chercheurs provenant de laboratoires dont certaines activités sont financées par la Délégation Générale à l'Armement (DGA). Parmi les centres d'intèrêt des militaires en matière de cerveau : l'ergonomie cognitive. Des connaissances intimes sur nos neurones, qui permettront demain de concevoir des machines, des systèmes pouvant être utilisés en tenant compte de la manière de travailler du cerveau humain. Améliorant du coup le confort, la sécurité et l'efficacité du combattant, mais aussi des civils, qui bénéficieront à terme tout autant de ces recherches de base.
Une question clef surgit : pourra-t-on demain faire fonctionner un ordinateur comme un cerveau humain ? Jusqu'ici, le cerveau était souvent considéré comme une "boîte noire", dont on connaissait un peu les entrées et les sorties, mais très mal le fonctionnement.

Depuis quelques années, des laboratoires de plus en plus nombreux se lancent dans cette voie, et tentent de déterminer comment les divers "étages" du cerveau fonctionnent. Ils en appellent à de nouvelles caméras (à positons), pour scruter sans les défaire les entrailles de nos lobes cérébraux, mais aussi à la "modélisation", la reconstitution dans un ordinateur des règles qui gouvernent la vie des neurones. Un travail difficile, puisqu'une fonction comme la parole, ou la reconnaissance des traits met en oeuvre des parties très différentes du cerveau. Et que les mécanismes qui interviennent dans un réflexe pour vous empêcher de recevoir une goutte d'eau dans l'oeil et ceux impliqués dans la prise de décision d'un capitaine d'industrie ne mettent pas en jeu les mêmes "niveaux" cérébraux.

Malgré ces difficultés, Jean-Pierre Changeux, académicien, professeur au Collège de France, directeur d'un laboratoire de recherche (CNRS-Institut Pasteur) est optimiste. Il présente à "Science et Défense" le travail qu'il mène avec Stanislas Dehaene (INSERM-CNRS) sur la modélisation de fonctions cognitives du cortex pré-frontal. "J'estime que comprendre les bases neurales de la cognition est désormais un problème abordable scientifiquement, et nous proposons des modèles, précisément pour établir un lien entre la manière dont les neurones sont organisés et les fonctions cognitives qui sont remplies".
Pas facile pourtant. Pour mettre en relation la structure, la façon dont cette boule de cent milliards de neurones est organisée, avec les fonctions qu'elle remplit, il faudra du temps et de la sueur. Un travail théorique, en pleine effervescence à travers le monde, qui mobilise des chercheurs venant de tous les horizons : physique, mathématique, informatique, intelligence artificielle, sciences de l'ingénieur, psychologie.

Parmi les performances déjà réalisées, il faut mentionner le fait de pouvoir prendre en compte, au sein d'un réseau artificiel de neurones, des interactions avec l'environnement, le monde extérieur. C'est important, car les scientifiques sont aujourd'hui convaincus que le cerveau se façonne tout au long de la vie de l'individu, avec une forte influence de l'environnement, dans un échange permanent avec le milieu culturel, familial et social.
Mais il faut bien avouer que pour l'heure, le fonctionnement de ces machines, réseaux modélisés, reste rudimentaire, et ne présente que des "analogies naïves avec les performances humaines", concède Changeux. Alors, même si les "reproductions neuronales" simulées par des machines savent déjà aujourd'hui apprendre à lire l'anglais (Net Talk, qui tient compte de ses erreurs pour progresser), et si les prochaines générations d'ordinateurs neuronaux, conçues dès le départ pour respecter une architecture comparable à celle des cellules nerveuses, devraient faire des merveilles, il reste à définir le niveau de fonction où ces modèles doivent fonctionner.

Les chercheurs distinguent actuellement plusieurs "niveaux " dans l'organisation du cerveau. Il y a tout d'abord les fonctions très simples, les "circuits élémentaires", généralement des schémas d'action fixe. Du type : "mes sourcils se froncent quand je sens une mauvaise odeur". Ce sont des circuits que l'on retrouve chez la mouche par exemple, dans le réflexe de décollage d'urgence. Quelques neurones montés en "logique câblée" y suffisent. Dans certains laboratoires de robotique, comme au Mobot Lab du Masachussetts Institute of Technology de Boston, les chercheurs mettent sur pattes des "insectes-robots" de ce type, dont les circuits électroniques très simples et très spécialisés s'inspirent des réseaux neuronaux des fourmis ou des abeilles.

A un niveau plus élevé, le "groupe de neurones", constitué en assemblée de plusieurs centaines ou milliers de cellules. Chaque neurone "vote" en faveur d'un élément "codé" de la tâche à accomplir, le résultat global donnant lieu à un ordre ou une représentation. Les règles du codage sont inconnues, mais nous voila à l'étage de la représentation symbolique, de l'entendement (les idées a priori), de la synthèse d'éléments provenant de l'extérieur et de l'intérieur (sensations).
Enfin, à l'étage encore supérieur, voici la raison, la réflexion. Des assemblées de neurones associées dans différents sites du cerveau remplissent les tâches complexes de la connaissance, de la décision, de la stratégie.

Dans leur démarche, Changeux et Dehaene simulent sur ordinateur des fonctions caractéristiques d'une petite et essentielle région du cerveau, le cortex pré-frontal, lié aux architectures de la raison, estiment-ils.

"Le réseau informatique dont il est question doit être capable de sélectionner par l'expérience parmi plusieurs règles qui associent, dans une tâche d'apprentissage, des traits définis d'un objet, par exemple couleur et forme" explique Changeux. Pour tester ce genre de compétence chez l'homme, on dispose de jeux de cartes (de Wisconsin) avec des familles de motifs par forme et couleurs. Le sujet testé doit découvrir la "règle" avec laquelle on lui présente les cartes, s'apercevoir quand elle change, etc....

Les sujets qui ont une lésion pré-frontale, et les personnes âgées réussissent plus difficilement à ce test que les autres. Par contre une machine respectant l'architecture neuronale et capable de passer ce test a été conçue par nos deux chercheurs. En mesure de se souvenir, de raisonner, de tirer bénéfice de l'expérience passée, elle constitue une belle avancée. "Mais nous sommes encore bien loin de la raison humaine !" s'exclame Changeux.

Brèves Juin 1991

TAILLE
En étudiant la taille du corps, la distribution géographique et l'abondance de 147 espèces d'oiseaux, Sean Nee, du département de zoologie de l'Univ d'Oxford a confirmé que plus les oiseaux sont grands, moins ils sont nombreux, les deux chiffres étant corrélés par un coefficient négatif de 0,75.
Un coefficient qui varie cependant avec les espèces, et notamment chez les groupes importants d'oiseaux de taille modeste, dont la variation est moins forte. Ce qui signifierait, selon les chercheurs britanniques, que les oiseaux membres d'un groupe important utilisent et répartissent mieux l'énergie disponible pour se nourrir. Mais à la question : "vaut-il mieux, dans un tel groupe, être un petit ou un gros individu ?" la réponse, d'un point de vue énergétique, semble tout de même demeurer "plutôt un gros".

HUMIDES
Des plantes aquatiques à racines profondes, Victoria amazonica, survivent en ayant les pieds submergés par l'eau. Comment ? En se servant d'un système de pompe à chaleur pour améliorer la fourniture en oxygène de leurs racines.
Les racines de ces plantes ont des conduites spéciales pour acheminer jusqu'à elles l'oxygène, mais elles sont parfois à plus de 4 mètres de distance des feuilles. Pour améliorer la circulation, elles se servent d'un système de ventilation, explique Wolfgang Grosse, botaniste à l'Univ de Cologne.
Ce sont les feuilles qui jouent le rôle de ventilateur, en utilisant un phénomène physique : la thermo-osmose. Les feuilles sont en effet dotées de minuscules pores entre leurs tissus de photosynthèse et les autres. Comme les température à l'intérieur de la feuille et à l'extérieur sont en permanence différentes de près de deux degrés C, les pores créent un effet de sur-pression à l'intérieur de la feuille, ce qui permet de forcer la circulation de l'oxygène à l'intérieur de la plante. A une telle pression, que l'air ainsi forcé sort parfois en traversant les racines, ce qui fait de ces plantes aquatiques des aérateurs de marais.

TELESCOPE
C'est le plus profond regard au monde. Le télescope européen de l'ESO, le NTT (New Technology Telescope à La Silla, au Chili. En visant une région du ciel ou l'on ne connaissait rien, dans la constellation des sextants , on a découvert une dizaine de galaxies (jusqu'à la magnitude 29).

METHANE
Le méthane qu'émettent les rizières en Chine, et plus généralement en Asie contribuerait bien davantage à l'effet de serre qu'on ne le pensait jusque-là. Des études menées conjointement par les Américains et les Chinois à TuZu, dans la province du Szechwan montrent en effet que les plantations chinoise émettent entre quatre à dix fois davantage de méthane que les rizières américaines ou européennes.
Cette différence, que l'on peut imputer aux conditions même de la culture, et aux circonstances climatiques qui favorisent une plus grande activité des micro-organismes locaux associés à ces zones humides, amène les scientifiques à revoir leurs prévisions d'évolution de l'effet de serre atmosphérique. Si la gaz carbonique est aujourd'hui considéré comme le premier gant responsable du réchauffement de l'atmosphère, le méthane pourrait dans les décennies à venir lui voler la vedette. Ca gaz est 25 fois plus absorbant de rayonnements infra-rouges solaires que le CO2, et sa production mondiale est en croissance plus rapide que celle du CO2 industriel. Ceci sous l'effet de la démographie humaine, et de l'augmentation associée des activités agricoles et avicoles impliquant des fermentations émetrices de méthane.

NEUTRINOS
Sous nos pieds, la Terre impénétrable. Des chercheurs japonais ont une idée, pour observer les entrailles de la planète et comprendre la géologie profonde : capter les antineutrinos, des particules qu'émet toujours le noyau terrestre, pour faire une sorte de "radiographie" de la planète. Seul problème, on ne sait guère comment intercepter d'aussi insaisissables particules dans de détecteurs...

ELLE TOURNE
La surveillance de la rotation de notre vieille planète : une jeune discipline en plein essor. Soumises à des vices de fabrication et des caprices sur son orbite annuelle autour du Soleil, notre planète est, depuis 1988, sous la haute surveillance d'un réseau international d'une soixantaine de stations, qui visent des satellites artificiels ou la Lune avec des rayons laser pour se positionner. Dérive du pôle, précessions, nutation, autant de phénomènes causés par le déplacement des eaux à la surface de la Terre, sous l'effet de sa rotation et de l'attraction du Soleil et de la Lune. Egalement induites par des déformations du noyau liquide et du manteau, le sous-sol fluide de notre planète, qui provoque à la surface des déformations de près de 50 cm d'amplitude. Sans oublier, l'atmosphère, qui se déforme avec les saisons et fait qu'en août, la Terre tourne un peu plus vite qu'en janvier. Résultat, la durée du jour varie, s'allonge de 0, 0024 seconde par siècle, et du coup, la Lune accélère et s'éloigne...


MANTE
La mante religieuse, célèbre parce qu'elle est conduite à décapiter son mâle pour pouvoir procréer, est en outre dotée d'une centrale de détection anti-radars hyperfréquences à faire pâlir les avions de chasse modernes.
Le neurobiologiste américain David Yager, de l'Univ du Maryneland a étudié le système d'écoute des ultra-sons des mantes mâles. Celui-ci leur sert principalement à détecter l'approche de chauves-souris en chasse, pour se mettre en position de combat en moins d'un dixième de seconde. L'insecte entame alors une série d'acrobaties aériennes, de freinages, de virages serrés destinés à semer l'agresseur. Mais les vrilles, loopings, piqués et autres accélérations sont adaptées à la proximité du danger, toujours détectés par le système de mesure des ultra-sons. Une tragégie arienne brillante, qui assure à la mante une bonne probabilité d'échapper à son prédateur. Une manoeuvre "extrème" est même prévue, quand la vitesse supérieure de la chauve-souris (9 mètres/seconde) est sur le point de lui donner l'avantage sur sa proie (4 mètres/seconde, mais capacités évolutives supérieures). A ce moment-là,l mante tente un "crash-landing", se laissant brutalement tomber au sol. Elle de fortes chances d'y survivre, moyennant quelques bosses, mais la chauve-souris, elle, ne peut suivre la manoeuvre.

MOUCHES
Chez les drosophiles, les mâles "battent la mesure", grâce à leurs ailes, pour charmer les femelles. Et entre deux espèces, le rythme de la chanson varie. Des chercheurs anglais et américains qui ont travaillé sur ces chants de séduction ont mis en évidence un gène "métronome", qui conditionne le rythme de l'hymne nuptial. On a même pu modifier par manipulation génétique le rythme, le faire perdre à certaines mouches, ou le rendre à d'autres.
Le plus intéressant sera de savoir si la nature et la variation de ce chant influe sur l'apparition de nouvelles variétés de drosophiles (mécanisme de différenciation des espèces), et pourquoi il est lié au rythme circadien (sur 24 heures) de la mouche.

SEXE A PLUMES
Les paonnes aiment les paons avec de belles et grandes roues. Cela, on le savait déjà. Mais comment, et de combien ? Une étude détaillée de MM Petrie et Halliday, tous deux britanniques, vient enfin de préciser le mécanisme de séduction par la roue.
Sur dix mâles présentés à des femelles, un seul assurait 36 % des accouplements, et deux ne s'accouplaient jamais. L'heureux élu était celui aux plumes les plus colorées. Mais quel est l'intérèt pour l'espèce ? Car si les femelles sélectionnent les mâles aux plus belles plumes, rien ne certifie que ce seront les meilleurs reproducteurs, ou de bons associés pour nourrir la famille. L'hypothèse serait que les couleurs et la taille des plumes ont un effet déclencheur sur le potentiel reproductif de la femelle, et favoriserait un plus grand nombre de fertilisations. Augmentant ainsi les chances de survie des individus les plus motivants sexuellement. Bref, on ne sait toujours pas relier la beauté du ramage avec l'efficacité génétique de la sélection. Un siècle après Darwin, le mystère demeure, et les paons continuent de faire la roue...

Quand les machines vous reconnaissent

Au doigt, à l'oeil et à la voix...
Juillet 1991 (Les Echos)


C'est inévitable, dans tout film d'anticipation qui se respecte il faut montrer patte blanche. Et quand on dit patte, ce n'est ni d'une banale carte d'identité ni d'un badge quelconque dont il s'agit. Non, de "2001 l'Odyssée de l'espace" à bien d'autres polars orbitaux, en passant par les derniers exploits nucléaires de James Bond, le héros aboutit toujours devant une porte, ou un terminal informatique pour lequel toute formule d'accueil se résume à l'essentiel : "Identification".
Selon le degré d'imagination de l'auteur ou la fortune des producteurs, il ne reste alors au héros qu'à laisser son oeil se faire fouiller par un rayon infra-rouge (relevé des vaisseaux rétiniens), poser sa main contre une plaque de verre (analyse des contours de la main et des doigts), ou à prendre son meilleur timbre pour s'écrier "Astronaute Cooper. Nasa. Mot de passe Nashville-Tennesse". Et généralement la porte interdite s'ouvre, ou l'écran du terminal de communication s'orne du minois d'une charmante hôtesse de synthèse qui prend la direction des opérations.

Sans le savoir, vous avez donc déjà vu des terminaux de reconnaissance biométrique au travail. Dans la vie quotidienne il faudra attendre encore un peu avant de se faire identifier par une machine à tous les coins de rue. Pour l'instant, les prix des systèmes (plus de 100.000 francs pour ceux qui sont estimés vraiment sûrs) empêchent leur arrivée en masse. Mais plusieurs milliers de ces installations ont déjà été réalisées à travers le monde, chez les consommateurs de haute sécurité : militaires, services de renseignement, laboratoires à zones d'accès limité. Les technologies les plus répandues étant celles de la mémorisation de la géométrie de l'arbre rétinien, le vaisseau sanguin qui irrigue le fond de l'oeil. L'image est obtenue par un scanner optique à infra-rouge, qui lit en quelques fractions de seconde l'image de votre rétine, pendant que vous contemplez paisiblement une cible optique. Un ordinateur (type PC) la compare ensuite à celle stockée en mémoire. Près d'un millier de ces dispositifs ont déjà été installés aux Etats-Unis, notamment par la société Eyedentify. La fiabilité est presque totale, mais l'opération est lourde, trop pour se voir appliquée à des centaines de personnes au passage d'une enceinte. Autre méthode, aux allures plus classiques, les empreintes digitales. Lues par un terminal électronique et comparées à celles enregistrées dans une carte que le candidat à la reconnaissance doit introduire dans la machine. C'est ce que propose la firme américaine Identitix. C'est plus souple, plus rapide, moins cher mais moins fiable : le système est "ouvert" (on est porteur d'une information mémorisée dans une carte), ce qui prête le flanc à la fraude.

La technique présente l'avantage de pouvoir gérer des flux importants de personnes. On peut donc installer de tels dispositifs à l'entrée de grandes administrations, d'immeubles, comme ceux de centres militaires, de recherches, de banques.
Variante au genre digital, la reconnaissance des formes de la main, éprouvée par Mitsubishi, qui diminue les coûts, augmente encore le débit des personnes, et baisse un peu la garde de la sécurité.

"Tout dépend du niveau de sécurité que l'on recherche, et du nombre de personnes à vérifier", explique Michel Tantet, responsable recherche sur la sécurité électronique chez Fichet-Bauche.

Finalement l'idéal ne serait-il pas d'être reconnu par une machine se passant de contact physique, à la simple écoute de sa voix, éventuellement assortie d'un mot de passe ? L'empreinte d'identité vocale suscite aujourd'hui bien des recherches. L'enjeu est énorme. Il s'agit à terme, de pouvoir authentifier à coup sûr l'auteur d'une phrase, d'un mot. Comme on sait aujourd'hui reconnaître une empreinte digitale ou génétique. Mais le système présenterait l'avantage de la souplesse totale. Pour accéder à distance à des banques de données informatiques, s'identifier au téléphone pour des services de télé-achat, accéder à des services divers sans avoir à transporter en permanence avec soi une douzaine de cartes et de badges accréditifs. Mais c'est particulièrement ardu, car la voix est une information fluctuante et éphémère. "C'est plus difficile qu'avec le fond de l'oeil ou une empreinte, car presque tout est variable", explique Jean-Sylvain Lienard, chercheur au Laboratoire d'Informatique pour la Mécanique et les Sciences de l'Ingénieur d'Orsay (LIMSI). Certes, personne ne parle comme vous. Mais quelle mode d'analyse utiliser pour le savoir ? La simple comparaison des profils des fréquences vocales, pratiquée dès la fin des années 70, est largement insuffisante. Un mot est rarement prononcé deux fois de suite de la même manière, ce qui empêche de trop "serrer" les critères d'identification. Par contre, si l'on est trop tolérant, un bon imitateur (ou une bande magnétique) parviendra à induire la machine en erreur. Bien entendu, un dispositif de reconnaissance simple sera suffisant si l'on veut mettre une sécurité de bas niveau sur une entrée à faible protection, ou ordonner à une porte de s'ouvrir lorsque l'on arrive les bras encombrés d'objets. L'inventive Martine Kempf s'est rendue célèbre en 1985 pour ses prouesses en la matière, avec son Katalvox, qui permettait de commander des fonctions à la voix. de nombreuses applications ont été depuis réalisées, que ce soit dans l'automobile, l'aide logistique aux handicapés, ou les chambres d'hôpital dont les portes, fenêtres et volets s'ouvrent ou se déroulent à la voix . Mais quelqu'un qui souhaite pénétrer dans le local saura vite contourner un tel appareil, a priori incapable d'effectuer un contrôle d'identité vocale.

Pourtant les chercheurs ne désespèrent pas de mettre au point des algorithmes, des méthodes de sélection d'échantillons vocaux pour offrir à leur électronique la possibilité de savoir qui parle. Un domaine qui intéresse bien naturellement les autorités de police, qui aimeraient déjà disposer d'une machine à mettre des noms sur des enregistrements magnétiques. Un appel d'offre a déjà été lancé en ce sens.

Dans l'état actuel des techniques, il est exclu de reconnaître formellement la voix de quelqu'un, enregistrée sur bande magnétique. Souvent l'enregistrement a été réalisé au moment de l'action, de façon à peine préméditée, "sur le vif", au moyen d'un magnétophone de mauvaise qualité, parfois au téléphone (répondeur-enregistreur), avec des bruits de fond, et dans des conditions de stress du locuteur. Sans parler du truc bien connu du "mouchoir devant la bouche" que pratiquent volontiers maîtres chanteurs. "Quand on demande à des suspects de lire pour comparaison vocale un texte, on peut rarement compter sur leur bonne volonté à utiliser le même ton qu'au moment de l'action. Et de toute manière, la situation ne présentant pas le même niveau de stress, le résultat sera souvent très différent", souligne Bernard Prouts, responsable de l'activité traitement de la parole chez Vecsys. Ce qui n'empêche pas les autorités de police de consulter régulièrement les experts sur le sujet. Les scientifiques sont très partagés sur l'intérêt de la démarche, certains, dans le cadre d'une sorte de moratoire, ont pour le moment carrément refusé de travailler dans cette voie.

Aux Etats-Unis, la société Sensimetrics de Cambridge (Massachusetts) vient pour sa part d'annoncer une curieuse prouesse, qui pourrait constituer une percée. Les chercheurs assurent avoir identifié parmi les discours de guerre de Winston Churchill des textes qui avaient été enregistré en studio par un acteur-imitateur, Norman Shelley. Une innocente mascarade destinée à enregistrer a posteriori des discours qui avaient été prononcés en l'absence de micros. Churchill avait autre chose à faire. Une astuce dont personne ne s'était aperçu, et que l'acteur avait confessé juste avant de décéder. Pour parvenir à ce résultat, les ingénieurs ont mis au point une technique qui reconnait la manière dont le Premier ministre britannique associait les formants, les résonances de fréquences de sa voix, pour obtenir des sons. Il suffit de disposer d'un bon enregistrement de la voix de quelqu'un pour façonner cette empreinte vocale. Son intérêt est à première vue de rester constante chez un individu, ce qui permet de reconnaître quelqu'un même si le texte prononcé ou l'intonation changent.

Brèves janvier 1991

NINO
Attention, El Nino arrive. Les eaux du Pacifique sud, avec 1,5 degrés de plus que la normale l'automne dernier sont en train de se réchauffer, ce qui pourrait signifier que le fameux phénomène climatique est en cours de démarrage. Les spécialistes du centre du climat de Washington estiment que la variation climatique se déclenchera cet hiver, mettant en place les habituelles perturbations pour toute l'année 1991. Survenant tous les deux à sept ans, le renversement des courants maritimes et aériens provoque le réchauffement des eaux en surface, la formation de masses nuageuses plus importantes, des pluies violentes en Amérique du Sud et dans le sud-ouest des Etats-Unis, ainsi que des saisons particulièrement sèches en Australie et dans le sud-est asiatique. Ce cortège de conséquences est aussi à l'origine des migrations des poissons et des mauvaises saisons des pêcheurs péruviens, qui lui ont donné son nom d'El Nino.

YEUX CLOS
Quand vous voyez un fauve cligner des paupières lentement, ou un lion le yeux fermés, dort-il vraiment. Pas en captivité , en tous cas, car Mircea Pfleiderre, du zoo d'Innsbruck, a longuement étudié cette fausse somnolence et estime que les fauves ferment les yeux pour éviter le stress. Un moyen de fuir, selon lui, et d'éviter de voir les visiteurs, et de se dire, un peu comme les enfants : "si je ne les vois pas, ils ne me voient pas".

PELICANS
Les embryons des pelicans peuvent communiquer avec leurs parents, selon Roger Evans, de l'université de Manitoba, qui a étudié le pelican blanc (Pelecanus erythrorhynchus). Si les bébés ont trop chaud ou trop froid, ils s'agitent et crient à l'intérier des oeufs jusqu'à ce que l'adulte réagisse. Les pélicans ont en genéral deux oeufs, qu'ils gardent au chaud sur leurs pattes, bien irriguées de sang. Et les parents surveillent de près la température des oeufs. Les ennuis surviennent quand le premier des deux petits commence à briser sa coquille. Il accapare alors toute l'attention de la mère, et comme la sortie peut prendre deux jours entiers, l'autre oeuf, abandonné à lui-même, court tous les dangers pendant ce temps-là. Du moins risque-t-il un coup de chaud sous le soleil, on un refroidissement, si le fond de l'air est frais.
C'est oublier que le petit, déjà, sait crier. Plus il a froid (ou chaud), plus il va crier fort et avec un rythme rapide). La réponse des parents est en général très rapide, ils reprennent l'oeuf sur leurs pattes pour le réchauffer à la température idéale...

CARBONE
La chimie contre l'effet de serre; Les premier projets fous pour se débarrasser du gaz carbonique en excès dans l'atmosphère, et limiter le réchauffement de la planète par effet de serre, prévoyaient d'ensemencer la plancton de l'Antarctique, de la doper pour qu'il puisse absorber davantage de carbone.
Les chimistes japonais de l'Institut de Technologie de Tokyo proposent carrément un composé cuivré, glouton de carbone.
Le produit donne à un liquide une belle couleur bleue profonde, qui vire brutalement au vert dès qu'il est mis en présence da gaz carbonique.
Pas la peine de rêver. Il faudrait des quantités astronomiques de ce produit pour résorber le carbone en excès, et le remède serait pire que le mal, puisque la pollution pourrait continuer, sans sanction.
Par contre la découverte est très intéressante pour étudier et tenter de comprendre l'un des mécanismes les plus mystérieux du monde vivant : la photosynthèse végétale.

GUPPY
Joli petit poisson ne veut pas se laisser manger. Le guppy, Poecilia reticulata, adapte son comportement sexuel à celui de ses prédateurs.
Ce poisson bien connu dans les aquariums va en effet adapter sa stratégie de reproduction à la façon dont ses ennemis préférés aiment le manger.
Si les prédateurs s'attaquent aux petits, les femelles vont se mettre à avoir des portées nombreuses. Tandis que s'ils préfèrent croquer les adultes, les mères vont mettre au monde moins de petits, mais les bichonner davantage pour qu'ils deviennent plus forts, de meilleurs nageurs, capables de s'esquiver plus efficacement.
Cette étude de l'université de Californie, à Riverside, a duré plus de 11 années et a aussi établit que ces comportements étaient mémorisé génétiquement, mais que les poissons étaient capables de changer de stratégie quand leurs prédateurs changeaient. ce qui n'arrive évidemment pas très souvent en milieu naturel, mais très volontiers en laboratoire, sous les yeux de chercheurs curieux.

METAUX
20.000 fortunes sous les mers : un nouveau type de de fond océaniques a été découverte au large de Tonga par les chercheurs de l'Ifremer, dans des régions où les sources d'eau chaude sous-marines sont nombreuses. Surtout ces fonds, à 1.880 mètres sous la surface, sont riches de métaux comme le cuivre ou le zinc, mais aussi d'or et d'argent, à des teneurs comparables aux mines terrestres.

ETOURNEAUX
Les étourneaux sansonnets ont des talents cachés. Ces oiseaux utilisent des plantes comme pesticides, selon le biologiste Larry Clark, du centre chimique Monell, à Philadelphie.
Les oiseaux choisissent certaines plantes pour leur nid, afin de contrôler la présence de parasites suceur de sang, comme les "fowl mites"
On a mesuré que ces parasites se reproduisaient à une telle vitesse et pouvaient atteindre un tel nombre dans un nid que des oisillons pouvaient perdre jusqu'à 10 % de leur sang chaque jour sous les assauts de ces voraces.
Pour combattre cette vermine, les étourneaux utilisent du feuillage verte et frais. La preuve ? Quand les chercheurs retirent ces feuillages des nids, le nombre des parasites passait de quelques milliers à près d'un million par nid. Le feuilles les plus efficaces ? celles des plants de carottes, et les "fleabanes".

SEISMES
Des alertes pour les séismes : une étude approfondie des tremblements de terre californiens du dernier siècle a montré que chacun de séismes majeurs de 1868, de 1906 et de 1989 avait été précédé de "précurseurs" pendant une dizaine d'années, après une période de calme sismique.

Brèves juin 1990

Intrus
Comment se faire un nid douillet au coeur d'une fourmilière ? En se faisant passer pour une fourmi. C'est du moins ce que pratique la guêpe brésilienne Orasema, qui squatte allègrement les pouponnières des fourmis "fire ants", ou Solenopsis invicta.
D'habitude, cette efficace guerrière ne se laisse guère abuser. Mais elle ne peut pas grand chose contre la guèpe, notent les chercheurs américain du Département de l'Agriculture qui ont étudié ces moeurs particulières à Gainsville, en Floride
Agées à peine d'un jour, les larves tout juste écloses de la guêpe, issues d'oeuf déposés sur des feuilles, sont capable de s'accrocher sur le dos d'ouvrières passant faire leur récolte. C'est ainsi véhiculées qu'elles pénétrent dans l'enceinte de la fourmilière, ou elles sont ensuite tolérées car elles ont la capacité de s'imbiber complètement des odeurs de fourmis qu'elles chevauchent. C'est une particularité remarquable, car chez ces fourmis, chaque société a une odeur différente et les mélanges qui composent le code olfactif de reconnaissance sont des cocktails très complexes. De fourmi en fourmi, elles aboutissent dans la nursery, ou elles prennent la place d'une larve de fourmi. Là elles attendent de se transformer en guêpe complète, et dévorent quelques fourmis juvéniles avant de s'envoler...

Polaire
L'étoile polaire est un phare. Mais saviez-vous que comme tout phare, elle clignote. Plus précisément, sa luminosité est soumise à une période, d'environ une semaine. Sur cette durée, sa luminosité baisse de près de 50 %, puis redevient maximale. Et cela depuis 40.000 ans au moins.
Mais cela va changer : au cours des 10 prochaines années, cet objet céleste instable va se transformer en un feu fixe, selon les astronomes de Vancouver, en Colombie Britannique.
En fait, on sait maintenant que ce genre d'étoile se gonfle et se dégonfle alternativement, sous l'effet de l'énergie qu'elle amasse dans ses entrailles, et qui doit se dissiper dans l'espace. Ces étoiles variables se stabilisent quand la couche d'hélium qui alimente cet effet énergétique s'enfonce plus profondément dans les entrailles de l'astre, sous l'effet de la dynamique interne de cette gigantesque réaction thermonucléaire.
Un phénomène superbe, qui, outre le fait qu'il concerne l'étoile la plus populaire de l'hémisphère nord, conforte également les astronomes dans de nombreuses hypothèses concernant la vie et l'évolution des astres. C'est une occasion unique d'observer un tel événement à une distance sommes toutes "raisonnable".
Surtout, l'observation d'étoiles variables dans les galaxies lointaines donne aux chercheurs l'occasion de préciser encore le distances qui les séparent de nous.

Chimpanzés
Les chimpanzés se soignent. Du moins mâchent-ils des feuilles et des plantes qui ont des effets particuliers sur leurs organismes, signalent Paul Newton d'Oxford, et Toshida Nasida, de l'université de Kyoto.
Entre autres plantes, les chimpanzés tanzaniens cueillent en effet consciencieusement des feuilles d'Aspilia et de Lippia plicata. Toutes deux sont utilisées par les indigènes locaux pour leurs propriétés excitantes.
Les primates prennent les feuilles une à une et les massent entre la langue et le palais. Puis ils avalent la feuille entière....
Selon les chercheurs, il est amusant de noter que la pratique animale pour tirer le suc des feuilles est très semblable à celle des humains, qui les travaillent de la même manière. Mais en outre, les singes usent de ces substances le matin, alors qu'ils se nourrissent en général dans l'après-midi. On pourrait y voir une sorte de café, pour se mettre en train....


Criquets
Des chercheurs américains et soviétiques d'accord pour mettre des technologies militaire au service du civil : Peter Franken (univ Arizona) et Vladilan Letokhov (Institut de spectroscopie d'URSS) veulent utiliser les satellites pour repérer les bandes de criquets et les moments où ils deviennent grégaires. Mais ils comptent également se servir des lasers de puissance, embarqués à bord d'avions, pour éliminer les criquets en plein vol.

Seismes
Les séismes n'ont pas que des effets immédiats, ils minent aussi les terrains où ils ont sévit. En agitant le sol dans tous le sens et avec une intensité importante, ils parviennent à séparer les sols meubles, à les tasser, ce qui isole les roches plus dures et provoque l'apparition de monticules, de concentrations à des endroits où la terre vibre différemment.
S'interrogeant sur une structure géologique récente et inexpliquée dans l'Etat de Washington, les bosses de Mima, les chercheurs pensent aujourd'hui que ces sont les séismes qui en sont responsables.
Situés près de la ville d'Olympie, ces formations ont trois mètres de haut et une trentaine de mètre de diamètre. Et on en compte des milliers, réparties de façon homogène dans les terrains de graviers.
Andrew Berg, du bureau des mines de Spokane, pense que c'est le séisme lié à l'éruption du Mont Saint Helens qui les aurait engendrées voici 10 ans, en concentrant les matériaux à des noeuds de vibrations, là ou le sol tremblait moins, par la structure même des ondes de choc qui parvenaient dans cette région.

Rats frères
Les analyses génétiques menées sur les rats nus "naked mole rats" sont étonnantes. Elles montrent que ces animaux sociaux sont très proches les uns des autres, comme s'ils étaient consanguins depuis au moins 60 générations.
Christopher Faulknes, de l'Institut de Zoologie de Londres, souligne qu'une telle ressemblance entre les mammifères est tout à fait extraordinaire, et c'est pour obtenir le même résultat, qu'il faudrait apparier des souris ou des rongeurs pendant 60 générations; "C'est un peu comme s'ils étaient des clones" indique-t-il.
Ce qui intéresse les scientifiques, c'est le line qui pourrait exister entre cette proximité biologique des individus et leur fonctionnement social. Ces rats vivent en colonies d'une centaine d'individus en Afrique de l'Est.
La reproduction est assurée par une femelle dominante, qui joue le rôle de reine, éventuellement assistée d'une ou deux consoeurs.
Le plus surprenant, c'est que les rats qui deviennent des ouvriers chargés de creuser les tunnels, ou des soldats chargés de les défendre contre les prédateurs renoncent à leur sexualité. Une stratégie illogique, sauf si on admet qu'ils sont "conscients" d'une certaine manière de leur ressemblance génétique, l'altruisme devenant dès lors une stratégie efficace pour assurer la survie de leurs propres gènes, puisqu'ils sont identiques.
Un point laisse cependant encore les chercheurs sur leur faim. Comment de telles colonies, extrémement fragiles face à une simple maladie, puisque tous les individus sont semblables et peu résistants au mêmes attaques, ont pu survivre aussi bien à travers les âges. D'autant plus que leur manque de diversité génétique devrait normalement les limiter à une adaptation très lente à l'évolution de leur environnement quand on sait que les différentes colonies de rats n'ont pratiquement pas de contacts entre elles.

Infanticides
Les animaux infanticides ne sont pas rares, mais le plus souvent ce sont les mâles qui sont les auteurs de ces actes.
Un biologiste espagnol, José Veiga, du Museum des sciences Naturelles de Madrid a étudié le moineau domestique (Passer domesticus) sous cet aspect et s'est aperçu que que les mâles aussi bien que les femelles se livraient à l'infanticide, en jetant les oisillons hors du nid.
Selon lui, les deux sexes ont des raisons différentes de s'attaquer ainsi aux petits, mais toujours quand ils sont en période biologique de reproduction.
les mâles s'attaquent aux petits pour libérer la femelle de cette charge, et la rendre disponible pour de nouveaux accouplements. D'ailleurs la plupart du temps, ce sont les mâles ayant perdu leur femelle qui s'y livreraient.
Du côté des femelles, le comportement semble conduit par la volonté de la femelle que le mâle s'occupe des rejetons de son propre nid en les nourrissant plus efficacement. Ce sont essentiellement les compagnes de mâles polygames qui s'attaqueraient ainsi à la portée que le mâle entretien avec d'autres femelles.
Les mâles anxieux sont plus attirants. Du moins pour les perdrix (partridge) grises femelles (Perdix perdix), estime Jens Dahlgren, de l'université suédoise de Lund.
Ce chercheur a mené toute une batterie d'expériences pour tenter de savoir ce que les perdrix , monogames, préfèrent chez les mâles. Une question d'autant plus intéressante que ces dames ont l'habitude de changer de partenaires plusieurs fois, et cela rapidement au début de leur vie de reproductrices, pour ensuite s'accoupler de manière durable à un seul partenaire.
N'ayant trouvé aucun caractère physique évident qui justifie le choix des perdix femelles quant à leur mâle, il s'est intéressé à la "vigilance" en tant que critère. Cette manière de se comporter des mâles est visible, reconnaissable à la façon dont ils dressent leur nuque et examinent les alentours avec une fréquence supérieure à leurs congénères.
Le chercheur pense que les femelles choisissent des mâles attentifs, qui surveillent bien les alentours, car cela leur permet de baisser la tête plus souvent vers le sol pour picorer, et donc de mieux se nourrir, garantissant par là un meilleur avenir à une progéniture plus nombreuse. Une portée qui sera également mieux gardée par ce mâle veilleur.