mercredi 30 janvier 2008

Web : les agents intelligents

94

Des avions plein le ciel qui risquent la collision à la moindre défaillance humaine, des compagnies de téléphone ou d'électricité qui ne savent plus comment gèrer des réseaux trop complexes, aux abonnés en explosion démographique. Des systèmes informatiques de plus en plus impénétrables, dans lesquels il faut disposer d'un véritable savoir faire pour trouver l'information recherchée, dans un océan de données, de registres, de messageries...

Le réseau informatique mondial est menacé à chaque instant d'une véritable implosion. Qu'un ordinateur s'enraye à Tokyo, et les cours du café ou de a vanille sont bloqués pour plusieurs heures, avec des conséquences pour les pays producteurs.
Comment trouver une nouvelle voie dans cet univers de complexité ?

En donnant un peu d'intelligence aux ordinateurs. En créant de petits programmes, des esclaves, qui iront se promener pour e compte de chaque utilisateur dans le réseau informatique mondial, afin de rechercher les informations demeandées, amis aussi négocier un tarif, ou répartir le temps d'utilisation d'une installation scientifique. des compagnies d'électricité sont ainsi en trai de truffer leurs réseaux de tels agents électroniques intelligents, qui seront capables de bavarder entre eux pour savoir de quelle puisance aura besoin l'usine de conserves de la banlieue, alors que le centre ville connait à cette heure-là une demande d'énergie croissante.

Ces petits lutins électroniques existent déjà, pour des applications haut de gamme. A la Nasa, ils répartissent le temps d'observation sur les différents télescopes du parc de l'agence américaine. Chacun veille sur un télescope, et en fonction de l'importance du travail scientifique, de son urgence, il met à disposition un créneau horaire après avoir négocié avec les agents des autres télescopes.
L'une des plus anciennes versions d'un tel agent, Rodney, est un clone électronique conçu à l'Université de Washington, à Seattle, qui parcourt les messageries électroniques mondiales du style Internet pour retrouver la trace d'un correspondant dont on sait juste qu'il a publié un certain type d'articles technique, ou qu'il possède une Cadillac jaune, ou bien qu'il enseigne l'ethnopharmacologie à l'université de Yaoundé.

Ceci permet de deviner quelques risques liés à des "doubles informationnels". D'abord, les limites d'accès aux informations confidentielles devront être clairement définies. Que se passerait-il si un observateur extérieur avait accès à toutes les habitudes de consommation et de vie d'une famille ?

Les agents intelligents aux-mêmes risquent de trouver à qui parler. Ils peuvent être l'objet de sollicitations, de pièges commerciaux de la part d'autres agents électroniques, "hyper-attractifs", qui viendront leur vendre des prestations alléchantes, mais légèrement différentes de celles demandées : un club de vacances au lieu d'un petit hôtel tranquille, les deux se trouvant à proximité, sur le même site.

Et puis il y a les maladies, pardon, les virus. Sans vaccination préalable, le risque de contagion sera accru. La récente découverte dans le réseau de messagerie électronique Internet d'un virus qui "espionnait" les codes d'accès à des services protégés qu'envoyaient les utilisateurs a démontré que les pirates sont toujours imaginatifs te largement compétents dans ce domaine. On parle aussi de virus capables de se reproduire, d'évoluer, de modifier leur forme en s'associant à d'autres bouts de programme pour échapper aux défenses trop statiques.

Faudra-t-il aussi mettre en place une police informatique faite d'agents électroniques surveillant l'arrivée de toute information dans un ordinateur ? Cela ne semble pas improbable...

Le canon de Jules Verne

nov 94. Fig Mag

La lumière s'affale vers le soir. Sur l'horizon des collines jaunâtres, des dizaines d'éoliennes géantes font la haie, engluées. En attente du vent et d'un avenir émaillé de technologies douces et propres, telles que les rêve la Californie. Plus bas, vers le Pacifique, les ponts de la Baie de San Francisco miroitent de leurs guirlandes de voitures immobiles dans les embouteillages.
Soudain, une déchirure surprend les mamelons et les vallées. Le sol s'agite. Un séisme ? Non, une explosion de grosse Berta vient une nouvelle fois de soulever des tonnes de poussière, du côté de Livermore. Une autre encore, se détache, plus sourde. L'écho. Puis le silence refait son lac.

Les coyotes, eux, n'ont pas fini de détaler.

"Avant chaque tir, on évacue tous les lapins". Ces mots lâchés Harry Cartland part d'un éclat de rire, se remémorant la chasse étrange qu'à chaque fois il faut mener aux dizaines de longues oreilles, un sac à la main, afin d'éviter que le souffle du canon géant ne les rende sourds. Ce que les protecteurs de l'environnement ne prendraient pas à la légère, même sur un site d'essais...

Ingénieur et expert artilleries de tous calibres, Harry n'en finit pas d'agiter ses longues jambes maigres, escaladant la colline de ce coin désert de Californie. Ici, c'est le site d'essais du Livermore National Laboratory. A un jet d'obus de San Francisco, l'un des temples quasi-abandonnés du programme de "Guerre des étoiles". D'ailleurs de place en place, sur ces centaines d'hectares d'herbages carbonisés de soleil, on aperçoit des squelettes d'acier, d'électronique et de béton, des taupinières discrètes donnant accès à des salles souterraines, installations qui dorénavant craignent davantage la poussière et l'oubli que les espions venus du froid.

Harry écarte une mèche de cheveux blonds.

"Le bruit du canon à gaz est incroyable, on est obligé de se protéger dans le bunker, là-bas,."
Le chercheur ramène nos regards sur son drôle d'engin, que vue d'avion on prendrait pour un bout de gazoduc égaré dans les prairies. Le SHARP, Super High Altitude Research Project, financé par le Département de l'Energie. Du moins jusque-là.
Ca, un canon ?
"Le plus performant actuellement en service, car c'est le seul à pouvoir servir plusieurs fois, sauf quand une partie lâche..."
Ce qui s'est déjà produit à deux reprises, sur les seize fois que le dragon vautré là a daigné ébrouer ses 47 mètres de long, vomir ses flammes et envoyer son obus de cinq à six kilos valdinguer dans un tas de sable, à trente mètres de sa gueule. Pas la peine de chercher les restes du boulet, d'ailleurs, la vitesse du projectile en sortie de la bouche à feu atteint Mach 10, soit dix fois la vitesse du son. L'obus, aux formes et à la composition secrètes, est alors porté à plusieurs milliers de degrés, par le frottement avec l'air. Et au moment de l'impact avec la sable, le transfert d'énergie est tel qu'il est "atomisé", si rien n'est fait pour le sauvegarder. Réduit en poussière. D'ailleurs s'il leur prenait l'envie de relever le canon vers le ciel, c'est jusqu'à 400 km d'altitude que tirerait l'engin.

A quoi peut bien servir un tel monstre ?

"A envoyer des satellites dans l'espace, à expédier les matériaux pour la construction en orbite des stations et des fusées interplanétaires", lâche John Hunter, le concepteur de SHARP.

Sur le papier, le projet est renversant. Les plans existent. L'obusier géant, de trois à quatre kilomètres de long, affiche une bouche de un à deux mètres de diamètre, selon les ambitions. Immense et trop lourd pour supporter son propre poids, l'engin devrait être enfoui dans une montagne, fiché à la bonne pente pour pouvoir tirer vers une orbite de 700 km d'altitude.
Tous les lecteurs de Jules Vernes frémiront. Il ne manque plus que le bourrage du tunnel par du Fulmicoton à haut pouvoir explosif pour hisser l'auteur du Voyage dans la Lune au Panthéon des oracles.

Une paternité intellectuelle assumée par les chercheurs de Livermore. Leur projet s'appelle JVL, pour "Jules Vernes Launcher". Mais la comparaison, de fait cesse assez rapidement.

"D'abord parce que nous ne pourrons pas lancer d'hommes avec cela", ponctue Harry.
L'accélération du projectile, pour atteindre en sortie de fût la vitesse nécessaire de vingt quatre mille kilomètres à l'heure, sera environ d'une centaine de G : le poids d'une homme serait multiplié par cent, le temps de traverser le canon. Sans aucun espoir, donc : la limite physiologique admissible pour de brèves durées ne dépassant guère une dizaine de G, et à bord d'une navette spatiale, par exemple, on frôle à peine les trois ou quatre G.

Par contre, pour expédier des matériaux ou des satellites en orbite, Harry et John sont optimistes.
"Avec le SHARP, nous avons testé des structures de projectile qui ont résisté à 30.000 G, et les militaires savent faire des matériaux et de l'électronique capable d'encaisser des valeurs très élevées d'accélération. Bien entendu, cela demandera une conception nouvelle des satellites ainsi expédiés dans l'espace, mais économiquement, le jeu paraît vraiment en valoir la peine, puisque le coût du kilo en orbite devrait être divisé par vingt", souligne Hunter.

Les difficultés liées à la réalisation de tels projectiles paraissent effectivement surmontables. Les ingénieurs de l'armement savent depuis des décennies réaliser des enveloppes de missiles résistantes aux milliers de degrés qu'imposeront au boulet de trois tonnes les frottements dans l'air, à plus de Mach 21.

"En gros, c'est le même problème que celui des têtes de rentrée atmosphérique des missiles nucléaires", souligne Harry.
Concevable, le canon de Jules Vernes demandera toutefois une révolution intellectuelle pour être réalisé. Car s'il était relativement facile de débloquer quelques millions de dollars pour étudier SHARP dans le contexte militaire des années 80, il sera difficile de convaincre la NASA, forte de ses concepteurs de fusées et de navettes, qu'un mortier géant peut faire aussi bien, sinon mieux que les moyens traditionnels de transport spatial.

Optimistes, les techniciens de Livermore affirment qu'avec cent millions de dollars, ils auraient les moyens de développer la filière.
Une première maquette du JVL, avec un fût de soixante mètres, et un diamètre de deux centimètres pourrait déjà en démontrer la faisabilité technique.

Car si le SHARP fonctionne à l'aide d'un mélange de méthane et d'air, mis à feu pour comprimer de l'hydrogène avec un piston, le JVL affiche une telle longueur qu'il faudra trouver d'autres solutions de propulsion.

L'actuelle idée de Hunter consiste à répartir au long du canon des injecteurs d'hydrogène, gaz violemment vaporisé juste après le passage de l'obus, au moyen de particules de graphite et de zirconium, portées à plus de mille degrés.
Vérifiée et validée, la solution pourrait alors enfanter un premier prototype de huit cent mètres de long, pour tirer un ou deux satellites d'une quarantaine de centimètres de diamètre chaque jour.

De quoi convaincre ceux qui, à la NASA, n'auraient pas lu Jules Verne.

Les abeilles savantes

juin 95

Dans un pré du Brandebourg allemand, des abeilles filent et besognent en vrombrissant. Vieil étonnement humain devant ce minuscule organisé : mais comment diable font-elles ? Naviguer, butiner, communiquer, s'organiser... Mieux, ce jour-là Lars Chittka et Karl Geiger, de l'Institut de neurobiologie de l'Université de Berlin (1) tentent de savoir si Apis mellifera sait compter des repères jalonnant son parcours de butineuse. Et pour cela, le pré devient le lieu d'un étrange ballet. A chaque fois que leur trentaine d'ouvrières est rendue à destination, sur une cible sucrée, les chercheurs se précipitent, et les abeilles sont capturées. On les ramène ainsi à la ruche, dont la porte se referme. Une étrange agitation humaine s'effectue alors, à l'insu des faiseuses de miel. On modifie l'écartement de grandes toiles jaunes, on en ajoute une ou deux, on place une autre coupelle sucrée ailleurs, on vérifie méticuleusement les écartements des repères à la visée, avec un théodolite d'arpenteur. Et puis quelques gouttes de sueur plus tard, on relâche les abeilles, en scrutant de près où elles vont aller s'empifrer de glucose.

Ce petit manège est donc bien une expérience. Dont l'ambition est d'éclaircir une nouvelle énigme : les abeilles savent-elles compter ?
Pour répondre, les moisonneuses de pollen doivent se débrouiller dans ce pré de trois cent mètres, ponctué de point de repères très visibles et identiques, des toiles de tente jaune de 3,46 mètres de haut. Hélas pour elles, ces repères ont un penchant pour le mouvement. .
Le piège est simple : les abeilles ont été habituées à se régaler sur une coupelle située entre la troisième et la quatrième tente. Si l'on augmente sans crier gare le nombre de tentes entre la ruche et la friandise, combien d'abeilles vont se tromper et freiner à la troisième guitoune ? Et combien, malgré tout, arriveront à bonne distance et trouveront leur délice, désormais situé à la quatrième ou la cinquième tente ?
Les résultats sont clairs : un tiers des abeilles se trompe lorsqu'on ajoute des tentes. Elles aterrissent après la troisième, comme lors de l'apprentissage. . Comme si elles accordaient au WWcomptageBB du nombre de tentes le soin de leur indiquer leur distance. Par contre d'autres ne se trompent pas, poursuivent leur chemin et atteignent la coupelle bien garnie, et évidemment toujours placée à une distance comparable de la ruche. Ce qui fait dire aux humains observateurs qu'elles doivent utiliser d'autres compétences pour leur navigation que le simple repérage des tentes.

Il y aurait donc des abeilles compteuses, et d'autres, qui naviguent à l'estime, tenant compte de leur effort, de la vitesse et la direction du vent pour savoir ou elles en sont.

Plus vraisemblablement, estiment les chercheurs, il s'agit d'une combinaison des deux choses, certaines se basant davantage sur les repères spatiaux et les autres sur leur sens de la navigation...
Mais alors, peut-on en déduire que les abeilles savent compter ?

Probablement pas, avancent prudemment les chercheurs, qui pensent plutôt à une forme de mémorisation spatiale. Les abeilles savent en effet enregistrer une série d'éléments visuels qu'elles survolent. Une séquence mémoire qui leur permettra d'être en mesure de retrouver des fleurs intéressantes, dans un massif par exemple. Hors si les abeilles savent construire des "films" de souvenirs du type survoler T puis B puis C, elle savent aussi probablement construire des scénarios du genre survoler A puis encore A puis encore A. Ceci serait alors une forme très primitive de comptage, du "protocomptage", où A,A,A, ne ferait pas A, ni 2A+A. Simplement une séquence "familière" A . A . A . , que l'on sait différencier de A , A ou de A , A , A , A. Ce qui, avouons-le, est assez différent de nos capacités cognitives de calcul, qui comportent une part impressionnante de définition de sens (qu'est-ce qu'un nombre comme 3 quand il ne désigne ni litres ni kilomètres ni pommes) et de nombreuses règles. Mais cette vision de l'espace par les abeilles constitue peut-être l'une des racines du comptage dans le monde vivant.





(1) Publié dans Animal Behaviour, 49, 1995


La navigation des abeilles /ENCADRE
Pour la navigation proprement dite (une abeille parcourt, en ramenant les valeurs à l'échelle, plus de 100.000 km dans sa vie) elles utilisent la hauteur du soleil, extrapolant même la vitesse apparente de l'astre dans le ciel. A tel point que certaines abeilles nocturnes utilisent la position théorique du soleil sous l'horizon, pour leur repérage et danses de localisation des fleurs. La polarisation de la lumière, également, leur donne une indication sur la position du soleil, quand le ciel est couvert.
Elles se servent également du champ magnétique terrestre. Lorsque l'on modifie artificiellement sa direction au sein de la ruche, les abeilles changent la direction des rayons qu'elles bâtissent.
Outre l'étonnante danse, qui leur permet d'indiquer à leurs congénères la direction d'une zone de butinage par rapport au soleil, ainsi que sa distance (frétillements), les abeilles disposent donc d'un système de navigation particulièrement sophistiqué, dont toutes les facultés n'ont pas encore été explorées.
Surtout , une idée qui semblait il y a encore quelques années une hérésie s'est imposée : elles disposent d'une AAcarte mentaleBB des environs de leur ruche, avec des repères familiers, ce qui leur permet de s'orienter très facilement en terrain connu, et de retrouver leur ruche, même si elles ont été transportées dans une boîte noire en limite de leur territoire.
Elles notent ainsi la position de repères très familiers, comme de rangées d'arbres, par rapport au soleil, aux différentes heures de la journée. Ce qui leur permet de substituer ces repères remarquables au soleil lorsque le ciel est trop couvert.
En général, sur terrain connu, les abeilles s'orientent grâce à de tels repères (d'où la capacité à "compter), mais communiquent avec leurs soeurs, lors des danses, en utilisant la référence commune du soleil. Ainsi chaque abeille peut se fabriquer ses propres repères géographiques, en fonction de son expérience du lieu et de ses repères préférés.

Almanach 2000

Octobre 94
Il s’agissait d’une sorte de maquette d’almanach à rédiger en prévision de l’an 2000, et en réaction (déjà) au délire pro-technologique, et au mythe de la nouveauté triomphante. Le projet fut abandonné… Si cela arrive souvent.



365 lettres de conseils d'un râleur à tous ceux qui voudraient aboyer l'an 2.000 de manière vraiment inoubliable.



1er janvier

zut
Bon, autant vous le dire tout de suite. Je n'ai pas l'âme d'un tricheur. Alors pan, plaf, voilà.
Je sais que vous savez. Et vous savez que je sais. Autant mettre de suite les choses au clair entre nous !
L'an 2.000 n'est pas pour aujourd'hui.
Mais non, enfin. Le vrai , le juste, l' an 2.000, quoi, c'est pas cette année. C'est l'an prochain. C'est à dire en 2001.
C'est pas clair ?
Autrement dit, alors, on ne change de siècle qu'en 2000 plus 1. Avant, juqu'au 31 décembre 2000 à 23h59'et59'', c'est encore le XXeme siècle. Si.
Pourquoi ? Vous me demandez pourquoi ? A moi ?
Bon. C'est simple. Un siècle, cela ne commence pas en l'an 0, mais en l'an 1.
Pourquoi ?
Z'étes fatiguant, hein ! Et encore on n'en est qu'au premier jour de l'année et vous me chauffez déjà les oreilles.
Ben quand je compte mes sous, je compte pas 0 pour le premier franc, mais un. Et bien pour les siècles c'est pareil. La première année, c'est un, pas zéro. Donc la dernière, c'est 100, pas 99, puisqu'il en faut tout de même cent pour faire un siècle. Sinon, comme qui dirait, il manque un peu de sel, le siècle. N'est-ce pas Caesar ?
C'est sa faute à lui. S'il ne s'était pas gouré, en commençant le siècle premier à l'an 1, mais à zéro, on pourrait fêter le début des nouveaux siècles en l'an 0. Mais non, à cause de cet imperator du calendrier, il faut attendre l'an 1 pour démarrer. Résultat, le premier janvier 2.000, il y en a qui feront la fine gueule et diront : "non, non, moi je ne touche pas à cette bachanale-là. Moi la fête la vraie, la bonne, je la ferai l'an prochain. A l'officiele ouverte du millénaire".
Et bien je dis que c'est dommage. D'abord, on va diviser les Français et autres citoyens de la planète sur un sujet très grave. Un de plus. Comme s'ils avaient besoin de cela. Et les diviser pour rien, puisqu'au fond, c'est pas de leur faute à eux, hein, si depuis Rome les chiffres et le calendrier ont du mal à démarrer...
Mais surtout, imaginez tous ceux qui passeront le cap, qui résisteront à la tentation de la super-fête, et qui nous feront un bel infarctus pendant l'an 2.000. En voilà un drame. Un vrai. Ceux-là auront été bêtement, et je pèse mes mots, privés de la fête qu'ils avaient largement méritée en trimant des années de rang...

Mon conseil.
Fêtez l'an 2.000 tous les jours, à chaque minute. Le calendrier c'est juste fait pour vendre des journaux, puisqu'il n'y a que la date qui change dessus.


Le dicton du jour


La résolution
Demain je bosse

La question

La blague

Faites gaffe






2 janvier
Etoile inconnue





3 janvier
Jules Vernes, roi du pétrole ?
Ce bon vieux Jules avait tout prévu. On va sous l'eau dans les airs, sur la Lune, et Paris est bien pollué, comme prévu, merci.
Question : faut-il aujourd'hui un autre Vernes pour prévoir nos lendemains pasteurisés version troisième millénaire ?
Ce qu'on oublie de dire, et c'est peut-être le plus important, Julo n'avait pas vu venir l'essentiel. Comment aurait-il pu ? Il a fait ce que font tous les futuristes et autres tenanciers de bars prospectivistes. Il a traqué les objets, les idées les plus modernes de son époque, déniché les gadgets des crypto-aventuriers de la technique et les a projetés dans un futur où ils seraient devenus généralité, banalité, ou extravagance luxueuse...
Du coup, ce qui lui a forcément échappé, c'est la vraie révolution du XX-ème siècle. La rupture formidable, inatendue, inimaginable de l'électronique et des moyens de communication.
Le multimédia, le réseau planétaire, l'accès à l'information, il ne pouvait simplement pas l'envisager. Internet et le Minitel rose, les pirates informatiques et les virus du vendredi 13, encore moins les délires de la réalité virtuelle. La guerre presse-bouton, encore moins...
Les technopenseurs des années 70, tels Nora et Minc, dans leur rapport au président Valéry sur l'informatisation de la société ou Alvin Toffler, le gourou de la "Troisième vague", n'a pu qu'esquisser grossièrement ce qui est en train de se passer.
C'est une baffe en forme de rappel. Une invention n'est rien sans nous, les humaines et les humains. De chair et de sang. On en rit à gorge redéployée.
Calme. Bon, portée par les moyens techniques d'un moment, l'idée, l'invention naît dans l'esprit d'un homme. Elle est sortie d'un cerveau pour se muer en bidule réel. Ce qui signifie deux choses : que l'esprit du type était prêt à la concevoir (une époque est enceinte des réalisations des hommes), et puis surtout, que l'essentiel reste à faire. Car vient le moment fatal où l'invention, bordée de nouilles en or si le génie a du bien, ou infect bricolage si l'inventeur fricote dans les chambres de bonne, descend dans la rue et lâche son génie de père.
Salut Jepeto, je descend dans le rue, chantonne Pinocchio
C'est là que cela se passe. La société, le monde s'appropient le truc ou le fourrent à la poubelle. Combien de malheureux déprimés après le concours Lépine, pour un Steve Jobbs triomphant, son Apple sous le bras ? Une invention, plus qu'une idée, c'est un courant de forces. Des raisins dans un pudding. Nécessaires, il leur manque encore le reste de la semoule pour prendre sens, et faire à manger.
Embarqués dans un genre de TGV de l'histoire, nous ruons vers un monde archi-complexe. Riche de promesses et de terreurs. Un monde que nous fabriquerons, avec nos envies nos désirs collectifs. Qui en détient la clef ? Le chauffeur de taxi. Le pâtissier du coin... Et vous. Parlez-en avec les autres, du futur. Faites-le de vos lèvres, de vos mains. En achetant ce qui vous est utile, ce qui vous sert, et en envoyant balader le reste. En éteignant la télé, aussi, dès que la pub vous agresse ou que le rigolo en fait trop. Demain vous appartient. Il n'y a qu'a se débrancher et à appuyer sur le bouton.





4 janvier
Nous ferons l'amour, toujours
L'autre jour, je tombe sur Bouduche, mon pote de l'ère pré-Miterrandienne. Il venait d'entendre un gag sur le sexe virtuel, sur une radio loufoque...
- C'est quoi cette histoire d'amour virtuel ? On se met des capteurs partout, un tube sur ou dans le sexe, on se relie à un ordinateur, qu'on branche sur le réseau avec un autre, quelque part dans le monde (voire l'univers ?)... ?
-T'as pigé. On se caresse à distance... Sans se toucher et puis sans risque de maladie. On peut aussi avoir affaire à un ordinateur qui te dessine la partenaire idéale.
- Génial. Finit les tabous. Avec une inconnue ou Claudia, ou Claire...
- Pas encore tout à fait. Les palpeurs font plus Moulinette à persil que nuit de noce pour l'instant, mais demain...
- Et pour faire des moutards ?
- Par éprouvette, conception assistée, banque du sperme.
- Ah bon.
- Comme pour les génisses. Le taureau, on le choisit par Minitel, en fonction de sa tronche. Et puis quand il lui faut fournir, on lui présente un carriole couverte de cuir, avec un trou là où il faut. Sauf qu'à l'intérieur du ventre de sa copine, il y a un type qui accueille sa semence dans un tube... Après il n'y a plus qu'à congeler les spermato, et puis à les envoyer par la poste quand les éleveurs en réclament... Il met un gant et hop, les petites graines sont expédiées dans la vache, bien au chaud. Sans que les amoureux aient pu brouter la même herbe un quart de seconde...
- Et le bonheur, dans tout ça ?
- C'est pas le même rayon, c'est sûr.
- C'est la fin, non ?
- Question d'opinion. Tu es romantique-pessimite ? Tu vois le grand soir d'Orwell, et le Monde baise par machine interposée. Stérilité de l'âme, vanité exacerbée, fin du sentimental.
Ou alors tu préfère la vision optimistico-pragmatique. Tu dis que ca vaut mieux que 6 % de femmes battues, les maladies vénériennes, les drames de la passion, les enfants déstabilisés, les vies brisées.
- Heu, t'as rien entre ?
- Si, le futur réel. Au lieu d'aller tromper ta copine avec n'importe qui, ou d'accumuler les conquètes faciles, tu calme ta libido avec ca, et puis tu vis ta vraie vie...
- Sans compter que cela va créer des emplois.
- ??
- Ben quoi ? Faudra bien des psys pour écouter les mecs raconter leurs exploits. Tu crois pas qu'il vont se contenter de frimer devant des ordinateurs, non ?



quelques idées de thèmes

Le soleil va mourir
notion du temps à l'échelle géologique et fonction de ma mort pour la création...

Ne jetez plus vos conneries
la science progresse par hasard, les grandes découvertes se font en sachant lire dans le marc des erreurs.

Les puce (électroniques) seront partout.
Comment co-habiter avec elles (et préserver l'humour de l'homme)

La planète veut-elle se débarrasser de nous ?
L'hypothèse gaia revisitée par une intention. Et si la Terre voulait se débarrasser des hommes ?

Demain, les robots seront cons
on ne sait pas les faire en version intelligente. Alors en ce moment on les prépare stupides.

JOUR
Est-on mort avant de mourir ?
(inspiré par HB ds numéro un de Libé)

JOUR
liste ds affaires politico-judiciaires en cours
inventaire

JOUR













Les passagers de la planète Terre sont priés de réviser leur programme dans différentes matières, de manière à aborder le 21-ème siècle dans de bonnes conditions.


Sur chaque page



La première forme de télécopie fut mise en oeuvre
1- en 1492, entre les Indes occidentales et l'Espagne
2- en 1856, entre Paris et Marseille
3- en 1962, entre Moscou et Washington
4- en 1969, entre la Terre et la Lune
R = 2 = 1856 = système de l'abbé giovanni Caselli, installé entre Paris-Amiens et Paris-Marseille. Un stylet de fer traversé par l'électricité traçait des lignes sur du papier imprégné de prussiate de potassium.

Le premier ordinateur, l'ENIAC, fonctionna à Los Alamos, aux Etats-Unis en1946. Il fut réalisé dans le but de
1- mesurer la distance New-York/Los Angeles
2- Calculer la dette de l'Europe aux Etats-Unis, dans le cadre du plan Marshall.
3- Calculer l'angle de tir des canons
4- Prévoir les ouragans plus de deux jours à l'avance
R = 3. Il ne servit jamais à cela, mais c'était bien dans ce but qu'il fut commandé par l'armée.

Un semi-conducteur est
1- un camion à conduite assistée
2- un copilote électronique
3- une ligne de plantes qui sert de repère pour les autres rangées
4 - un matériau isolant qui devient conducteur avec la chaleur
R = 4. Utilisé en électronique pour réaliser les transitors et les circuits intégrés, les "puces"

La réalité virtuelle est
1- une hallucination provoquée par le surmenage
2- un rêve raconté dans un roman de science-fiction
3- une forme de cinéma en relief
4- un monde simulé calculé par ordinateur
R= 4. Dans lequel on peut s'imerger à travers divers équipements prenant en chage nos sens : vision, capteurs tactiles

Le CD est
1 Un disque de Courte Durée
2 Un Compact Disque numérique
3 Un Circuit Désintégré
4 Un Congé Durable
R= 2. Nom déposé par Philips

ROM est
1 une ville d'Europe
2 une mémoire ineffaçable
3 une marque d'alcool
4 un code informatique
R = 2. Read Only Memory : disposif de mémorisation de données destiné à la seule lecture (non-réinscriptible)

Brèves. Mars 94

brèves mars 94

L'ozone sur écoute
Quatre compagnies aériennes européennes, Air France, Lufthansa, Sabena, et Austrian Airlines ont accepté d'installer à bord de leurs avions de ligne des équipements de détection de l'ozone et de la vapeur d'eau à haute atmosphère.
A la demande de l'Union Européenne, qui devrait en principe financer cette table d'écoute géante, les compagnies installeront les équipements à bord de cinq nouveaux Airbus A 340 pour une période d'au moins 18 mois. Une mesure sera réalisée toutes les quatre secondes en moyenne, et permettra de déceler les concentrations de ce gaz sur les principales routes aériennes, tout autour du monde.
Cet ozone-là n'est pas celui des hautes couches atmosphériques, qui nous protège des ultra-violets solaires. Présent à une altitude de 10 kilomètres, il serait dû aux activités industrielles, et contribuerait à l'effet de serre dans une proportion de 18 % estime Alain Marenco, coordinateur du programme MOZAIC au CNRS.
Toute la question est de savoir dans quelles proportions la navigation aérienne internationale contribue à cet accroissement des nappes d'ozone intermédiaires.
Selon certains, les avions de ligne sont responsables pour une part non négligeable de la hausse du taux d'ozone à cette altitude, tandis que pour d'autres ils sont plutôt destructeurs des mécanismes qui permettent la formation des couches supérieures d'ozone (vers 25 km d'altitude), cette fois-ci bien celui qui nous protège des rayonnement ultra-violets ... Le débat sera-t-il règlé par quelques mois de mesures à bord, ou faudra-t-il généraliser le système à toute une flotte d'appareils civils ?

C'est bien sûr pour cela que le serpent a une langue bifide : elle l'aide à trouver un (ou une) camarade de jeux sexuels...
Depuis des décennies les chercheurs avaient noté dans le bas de leurs notes de physiologie herpétologique : langue fourchue. Oui mais pourquoi s'est interrogé Kurt Schwenk, biologiste à l'université du Connecticut. En fait, selon lui, tout comme les deux oreilles d'un être humain l'aident à trouver l'origine d'un son, par stéréo-localisation, la langue fourchue d'un serpent lui permet de suivre la piste d'une odeur...
Le décalage entre les sensations perçues par les deux parties de la langue lui offrant simplement de calculer la direction, et parfois, la distance de la source olfactive, par exemple une proie, ou encore une superbe femelle.


Les arbres meurent-ils plus jeunes dans les forêts de la planète ?
Selon Oliver Philips et Alwyn Gentry du Missouri Botanical Garden de St Louis, les arbres vivent plus vite et meurent plus jeune, comme si le temps s'était accéléré pour eux. Un changement que les deux auteurs de l'étude attribuent à la pollution industrielle.
Pour parvenir à cette observation, les chercheurs ont recensé des données sur les forêts à travers le monde entier sur les cinq dernières décennies.
Ce sont les forêts humides des tropiques qui seraient devenues les plus rapides dans la rotation des arbres, et ce à travers tous les continents, ce qui suggère un facteur planétaire.
L'une des raisons de cette accélération serait ainsi la "fertilisation" de l'air, par l'accroissement de sa teneur en gaz carbonique, qui augmenterait la productivité de la photosynthèse dans des proportions significatives.
Mais leur étude propose également un paradoxe : selon leurs estimations, l'accroissement de la vitesse de pousse des végétaux se traduirait également par une baisse de l'absorption en gaz carbonique, à masse de bois équivalente. Les forêts à croissance lente de jadis en absorbaient davantage, pensent-ils. Un nouveau facteur d'emballement de l'effet de serre ?

Et voici les petites brèves passe-partout

Luna Corporation, de Virginie, veut dépenser un milliard de francs pour expédier sur le satellite gris une mission robotisée, histoire de voir si les restes de la mission Apollo 11 sont toujours là. Qui va payer ? La télévision, bien sûr. Les droits de retransmission sont en négociation.

Injuste : les asiatiques seraient meilleur en maths parce que leur langue est plus logique. En japonais, vingt se dit "deux dix" et onze "dix un". C'est simple, efficace, et permet de saisir la réalité des chiffres dès le plus jeune âge, selon des psychologues californiens...

Pour (enfin) connaître la vérité sur la consommation de dentifrice et de brosses à dents, les chercheurs de l'université d'Arizona, à Tucson, font les poubelles et notent le nombre d'objets trouvés sur leurs ordinateurs. Ils comptent aussi les papiers de bonbons...

On les oublie, ils sont là... Les pirates informatiques, hackers and Co, ont infesté l'autre semaine des dizaines de milliers d'ordinateurs du réseau mondial Internet d'un virus qui... notait tous les mots de passe de tous qui tentaient de communiquer ensemble. Avec un e procédure automatique, s'il vous plaît, sans se fatiguer !

Le virtuel, c'est du beurre et des dollars, surtout pour Sexonix, qui annonçait il y a quelques mois des systèmes de sexe virtuel. Très fort : les photos étaient truquées, et chaque fois que le matériel devait être montré, les responsables avaient un problème de douane. Joey Skaggs avait en fait inventé le sexe hyper-méta-virtuel-à-gogos.

Bon, les robots s'obstinent à rester stupides, mais ont peut les aider, s'est dit un chercheur de Griffith University, en Australie. Le truc vient des fourmis : on donne aux robots une odeur, et ils la répandent sur leur parcours. Ca permet aux autres de se repérer et de suivre le chemin marqué par leurs camarades éclaireurs sans se cogner des heures durant dans les coins.

Comme les gros pêcheurs industriels continuent à ratisser les océans de leurs super-filets, les services de pêche US ont décidé de demander à des informaticiens de mettre au point un programme d'analyse des images satellite. En analysant son sillage, le panache de fumée de ses moteurs, la gîte, on peut savoir aujourd'hui si un cargo en ballade ou s'il s'agit d'un bateau-massacreur déguisé.

Brèves Janvier 94

Brèves
Janvier 1994

1) Une morphine sans dépendance ? Vous m'en mettrez un kilo.... Le produit n'existe pas encore, mais plusieurs firmes pharmaceutiques sont sur le coup. Une nouvelle technique de clonage des sites sensibles aux différentes substances des drogues rend désormais ces recherches possibles. Sans accoutumance, plus de drogués !


2) Pour enrayer la hausse des meurtres par arme à feu, le maire de Salt Lake City a trouvé un truc psycho-business. Il offre 25 dollars pour tout pistolet déposé dans un bureau. Un petit malin en a apporté cinq : les flingues avaient été piqués dans un musée.


3) Il faut prendre l'oseille des services secrets et le consacrer à la lutte contre les pirates informatiques : le cri d'alarme est de Robert Steele, responsable des ordinateurs de l'US Navy. Selon lui, la menace est redoutable, des dizaines de types se balladent dans les systèmes les plus secrets...

4) Et si je renonce à mes boules, je vis plus vieux ? La crise cardiaque étant plus fréquente chez l'homme, on pourrait le croire. Et bien non. Les castrés des testicules (à travers l'histoire, les castri d'opéra, aujourd'hui c'est passé de mode) n'avaient pas une plus longue durée de vie, révèle une étude des archives. Couillonnez donc tranquilles, mes frères.

5) L'antimatière, on en rigole, mai si vous rencontrez un paquet de votre contraire, contournez-le, il vous serait fatal dans un joli feu d'artifice. Les physiciens du CERN, à Genève, viennent de mettre en boîte 1 million d'antiparticules, nouveau record en l'antimatière

6) Le beurre et l'argent des yeux ? Le Pentagone hésite à vendre les images de ses satellites espions. Parce que cela renseignerait les autre ays sur les capacités réelles de ses satellites. Mais en même temps, cela mettrait du beurre dans la technologie, en permettant de développer une nouvelle génération d'espions du ciel, encore plus performants. Alors ?...

7) Défense de gaver les dauphins. Officiellement, sur toutes les côtes américaines. Les gros et gras du grand Bleu ne font plus que suivre les bateaux de touristes histoire de s'en mettre plein la fiole.

8)Vous avez vu le Grand Canyon ? Veinards. Le grand fossé ricain est fourré de brouillard en quasi permanence, désormais. Trois millions de dollars vont être consacrés à essayer de piger pourquoi...

9 Il pleut des lézards un peu connards, en Californie. Du côté de Monterey, les rampeurs qui crèchent dans les arbres dévissent et meurent. Et tout ça, pour copuler. Rejoindre les filles, faire son beau et leur grimper dessus dans les feuilles. Peu importe si l'on se rétame : ce qui compte, c'est de livrer les spermatos à la future mère. Et les orphelins seront aussi cons que leur père....

10 Pour mesurer la rasade de rayonnements que chacun subit du fait du radon, gaz radioactif, Robert Fleischer, du Rensslaer Polytechnic, aux USA, a trouvé. Des lentilles de contact. A chaque impact, elles gardent la trace, et à la fin, on peut mesurer la quantité reçue. Superchouette, non ?

11 Les chiffres qui rongent. Combien passe-t-on de temps, dans sa vie, à regarder sa montre ? 3 jours. A baiser ? 110 jours. C'est presque autant que pour pisser : 106 jours à faire la queue : 140 jours. A lire? 250 jours. A bouffer ? 7 ans. A pioncer ? 23 ans. A crever ? 70 ans en moyenne....

12. A la Nouvelle-Oréans, bafrez-vous de Louisiana Hot Sauce. Cet acide culinaire est bourré de qualités : antibactérien, il élimine même le vibrion du choléra.

13. Youpee ! Y'a de la vie sur une planète. Et en plus, des indices de présence d'intelligence (ça on sait pas si c'est une bonne nouvelle). Laquelle, de planète ? La grosse bleue, la Terre. Mais observée par Galileo, une sonde en route vers Jupiter. A force de poser la question à des terres inhabitées, la NASA a voulu, au moins une fois, entendre la réponse : Y'a de la vie ! On se console comme on peut, non ?

14. Dès que vous avez une émotion un peu violente, vous vous endormez ? C'est la narcolepsie, avec des crises de cataplexie. La solution : la sieste à haute dose, en attendant le produit miracle.

15. Tu veux te faire embaumer ? Vas voir le Dr John Chew, à l'université de Lyne, aux States. Sa boîte, "Summum Corporation" te fera rabougri et pas joli, mais avec des bandelettes autour. Et plus tard, tu pourra servir d'engrais phosphaté. Comme des milliers de momies égyptiennes, à la fin du siècle dernier.

lundi 28 janvier 2008

Neurones et ordinateurs : contact

1994
Fig Mag

Sous la binoculaire, on le voit très bien. Bien à l'abri, le petit neurone de sangsue baigne dans son jus physiologique, apparemment en bon état. Et on aperçoit même quelques dendrites, les ramifications qui multiplient les contacts avec une sorte de plaque.

Ce support, dans quelques secondes va "bavarder" avec le neurone. Car cette surface aux dessins géométriques n'est rien d'autre qu'un circuit intégré, une "puce" de silicium. Le neurone vivant, en contact avec ce circuit, soumis à un petit champ électrique de quelques volts que lui impose le morceau d'ordinateur va "réagir".

Inversement, une petite électrode que l'on descend lentement à l'aide d'un micromanipulateur contrôlé par ordinateur va délicatement venir "piquer" le dos du neurone. Pour lui injecter un ordre électrique. La cellule, qui sert normalement à ordonner la motricité chez la sangsue, va réagir et son signal électrique sera détecté par le composant électronique sur lequel elle gît, enregistré sur ordinateur.

Une première forme de communication entre les deux formes de traitement de l'information existant sur cette planète, le vivant et l'électronique, vient d'avoir lieu...

C'est là que le vertige s'immisce dans les quelques milliards de neurones qui sont votre propre cerveau. Ce minuscule bricolage de 5 millième de millimètre est-il le premier pas vers un ordinateur biologique? Direction un cerveau artificiel, que l'on pourrait construire avec des neurones naturels, capable de se greffer sur des réseaux électroniques ? Au moins la solution aux pertes de vision, d'audition, à certaines dégénérescence du cerveau, puisqu'on pourrait "brancher" des prothèses électroniques sur notre matière grise...

Le laboratoire bien propret du Pr Fromherz, à Munich serait alors la crèche de Sapiens bionique et la nursery des ordinateurs biologiques

Eclat de rire du dit professeur.

"Je ne suis pas le Dr Frankenstein (vérif). On est à des années lumière de cela, de ce genre de délire. Mais c'est vrai que ce serait un rêve formidable. Non. Pour l'instant nous tentons de jeter les fondations d'une nouvelle physique, aux frontières de l'inanimé et du vivant". Peter Fromherz, physicien et créateur du laboratoire de biophysique de l'Institut Max Planck de Martinsried, dans les environs de Munich, n'est pas encore totalement épuisé de cette question, que pourtant chaque visiteur doit lui asséner depuis qu'il a décidé de travailler sur la "communication" entre les cellules vivantes et les circuits électroniques : un ordinateur fabriqué avec des neurones, c'est pour quand ?

"Notre travail est plus général, plus fondamental que cela. Nous essayons de comprendre comment fonctionne un neurone, et surtout sa membrane, comment on peut l'étudier à l'aide d'outils électroniques. Aujourd'hui, nous savons déjà un peu comment se comporte le signal électro-chimique qui parcourt la cellule lorsqu'elle transmet une information. Demain nous espérons observer par exemple comment deux neurones bavardent entre eux, comment ils échangent grâce à leurs synapses".
On peut s'obstiner à rêver. L'équipe de Fromherz a bien trouvé un moyen de communiquer, de donner et de recevoir l'information émise par un morceau de vivant. Et ouvert une brèche quant à la recherche sur les cellules nerveuses et leurs modes de fonctionnement.

L'envie de bavarder avec les cellules nerveuses n'est pas neuve. Déjà, à la fin du 18-ème siècle, Luigi Galvani et Alessandro Volta le faisaient à leur manière, en appliquant des électrodes sur les muscles et les systèmes nerveux d'animaux.
Ils eurent de nombreux successeurs expérimentateurs. Mais toujours, le contact se faisait au moyen d'une électrode métallique, qui en fait injecte un courant et finit par endommager les cellules nerveuses. Surtout, il ne s'agit pas là d'une communication, mais d'un forçage comparable à l'effet d'une bombe électrique.

"Nous veillons bien à ne pas attaquer le neurone avec du courant, ce qui lui est fatal. Pour communiquer nous lui appliquons une tension, à une micro-distance, et cela provoque une polarisation de sa membrane, une sorte d'induction du signal électrique dans le neurone" ajoute Martin Jenkner, l'un des étudiants qui prépare sa thèse au laboratoire de Fromherz.
Actuellement, sur les composants électroniques fabriqués dans la salle blanche du laboratoire, il y a place pour 16 contacts avec un neurone, qui une fois installé sur sa grille électronique, se comporte comme un transistor à effet de champ.
"Nous sommes en train de développer un composant électronique de 2024 transistors avec Siemens, sur lequel nous pourrons faire pousser des réseaux de neurone, et aussi tester le fonctionnement de minces couches de cerveau de rat", précise le jeune chercheur.

Ce sera un pas de géant.

Les neurones de sangsues ou de limaces, choisis pour leur facilité de manipulation et leur robustesse (ils survivent jusqu'à deux semaines dans ces conditions difficiles) sont aussi à la demande, génétiquement "manipulés" pour présenter des caractéristiques qui avantagent les chercheurs. Les chercheurs ont aussi appris à les faire pousser"sur les puces de silicium, en enduisant l'électronique de substances attractives, comme la laminine, qui encourage les neurones à rechercher le contact avec le support, aux endroits adéquats.

"Les questions qui surgissent sont nombreuses. Les plus simples sont de savoir si dans un réseau de quelques neurones, les cellules font la somme algébrique des signaux qu'elles transmettent ou si leur traitement du signal est pus complexe que cela. Les plus ambitieuses seraient d'arriver à faire croître sur des puces de silicium comportants de milliers de transistors quelques dizaines de milliers de neurones. Nous aurions alors, peut-être, une possibilité d'explorer ce qui se passe dans les colonnes, les ensembles de neurones de nos cerveau qui constituent les plus petits groupes associés aux fonctions du cortex", précise Fromherz.

Imaginons le pire. Que l'ordinateur "biologique", dont les composants ne seraient plus seulement électroniques, mais en partie vivants, nous fasse encore attendre un peu.

D'ici là, par contre, les premières applications de composants bio-électroniques pourraient venir compléter les technologies des bio-capteurs, pour en faire exploser le nombre d'applications.

Un tel bio-capteur serait un espion parfait du monde chimique. Un traître capable de déceler la présence, en infimes quantités, de substances importantes comme le glucose, les ions sodium ou l'oxygène. Une sorte de papille gustative artificielle, capable de goûter des substances que nos sens grossiers ne savent pas déceler. L'intérêt ? Suivre pas à pas l'évolution biochimique d'un milieu, que ce soit à l'intérieur d'un organe du corps humain, ou dans une cuve de fermentation destinée à produire des substances pharmaceutiques par génie génétique.

Précisément, les bio-capteurs aujourd'hui disponibles dans les laboratoires ne sont pas assez rapides, peu sensibles, et relativement peu fiables. Et plus d'une douzaine de firmes son engagés dans une compétition internationale au couteau, dont l'enjeu est la mise au point d'une génération de capteurs vraiment efficaces.

Ce serait là une évolution majeure : à base de structures métalliques (oxydes d'aluminium) et de membranes de polymères (plastiques), de tels capteurs pourraient recouvrir les parois des puits pour veiller de façon permanente à la qualité de l'eau, dans les nappes phréatiques. Installées dans le sous-sol et reliées à des ordinateurs, ces sentinelles détecteraient immédiatement toute infiltration de substances toxiques. En recherche, les applications potentielles sont légions, comme la détection des neurotransmetteurs qui agissent entre terminaisons nerveuses.

Et parmi les retombées médicales, l'une des plus cruciales serait le contrôle en temps réel du taux de glucose dans le sang. Installés dans les vaisseaux sanguins, ils offriraient à des diabétiques de réguler leur taux de sucre en déclenchant l'injection à la demande d'insuline dans leur organisme, au moyen de micro-pompes. Les industriels ne sont pas les derniers intéressés. Une bonne part de l'efficacité des productions biotechnologiques repose sur la capacité à contrôler les réactions de fermentation dans les grandes cuves industrielles, tâche qui pourrait être confiée avec une grande efficacité à des membranes capables de détecter des substances déterminées avec une précision micrométrique.

Dans l'environnement, il serait encore possible de détecter immédiatement, dans les champs, toute concentration excessive de pesticides ou d'engrais. Bref, partout où il est devenu crucial de pister des quantités infinitésimales de produits actifs, les "bio-capteurs" sont promis à une développement comparable à celui des composants électroniques.
En attendant, bien entendu, de pouvoir relier un ordinateur à nos cerveaux par un cordon ombilical électrique. Histoire d'y injecter en quelques secondes les vingt volumes de l'encyclopédie universelle !

dimanche 27 janvier 2008

Danger : salade de tomates cosmiques

1990

Salade de tomates cosmiques : danger


La chasse à la tomate cosmique est lancée. La NASA, l'agence spatiale américaine, retire en catastrophe des laboratoires universitaires et autres collèges des millions de plants de tomates. Motif : les graines sont toxiques. Plus précisément, ces semences qui ont séjourné dans l'espace à bord d'un satellite expérimental, puis avaient été distribuées au retour à des milliers de classes et de laboratoires, sont susceptibles de produire des fruits toxiques. En quelques générations et mutations, les croquantes solanacées pourraient menacer la santé des amateurs de fruits venus de l'espace selon des chercheurs de l'Université d'Oklahoma

Comment d'innocentes graines de tomates ont-elles pu devenir dangereuses ? Probablement sous les coups du rayonnement cosmique. Un bombardement permanent qui a lieu dans l'espace. Formé de particules de matière et de rayonnements radio-électriques en provenance des réacteur thermonucléaires à cosmos ouvert que sont les étoiles. A commencer par notre voisin le Soleil, à deux jets de particules de la Terre.

On ne sait pas grand chose sur ce rayonnement. C'est d'ailleurs pour cela que les scientifiques avaient placé à bord du satellite LDEF (expérience d'exposition de longue durée), outre le fameuses graines de tomate, des centaines d'échantillons de matériaux, de peinture, de semi-conducteurs, mais aussi de semences et de bactéries. Pour savoir comment la pluie d'énergie qui frappe dans l'espace peut affecter objets inertes et tissus vivants.

Rayons gamma, rayons X, mais aussi les ions (atomes incomplets) venus des autres étoiles sont des objets de taille infinitésimale, animés de vitesses proches de celle de la lumière : 300.000 km par seconde. A notre échelle, rien de visible. Mais au coeur de la matière, en cas de collision, ce sont des impacts d'obus.

Imaginons l'arrivée de ces particules sur des cellules de la peau. Dans la fine mécanique biologique, le terrain le plus fragile est le génome. Gardien de la mémoire de l'hérédité des espèces animales et végétales, les gènes y sont de longues chaînes chimiques, porteuses de programmes vitaux et précis. Les impact des particules venues du cosmos y créent des lésions irrémédiables, massacrant des informations, détruisant des chaînes ou affectant les mécanismes des cellules où elles sont entreposées.

"Les cellules peuvent en mourir. Si elles ne sont pas indispensables à la survie de l'organisme, ce n'est pas grave, mais si elles sont nombreuses à dépérir, ou précieuses, c'est la survie de l'organisme qui est menacée", indique Laure Sabatier, docteur en génétique humaine au Commissariat à l'Energie Atomique. Mais les cellules ravagées peuvent survivre, avec des défauts qu'elles transmettent à leurs descendance. Elles peuvent aussi dégénérer en cellules cancéreuses...

Pour les Terriens, pas de crainte à avoir. L'atmosphère et le champ magnétique de la planète nous protègent. Mais selon certains chercheurs, ces particules venues d'ailleurs auraient joué un grand rôle lors des premières étapes de la vie sur Terre, lorsque la planète était moins bien protégée, en provoquant des mutations favorables chez certaines bactéries ou animaux primitifs.
Par contre dans l'espace, les astronautes sont en première ligne.

Un problème qui se pose de façon dramatique lors d'éruptions solaires, quand notre astre entre en transes et envoi des bouffées accrues de particules dans l'espace. Heureusement, en août 1972, aucun équipage humain ne se trouvait dans l'espace. Il aurait été frappé par des doses mortelles de rayons vomis lors d'un accès de fièvre du Soleil. Autant dire que les agences spatiales soviétique et américaine tiennent compte des périodes d'activité solaire pour planifier leurs activités en orbite. Et à bord des futurs vaisseaux interplanétaires à destination de Mars, il faudra prévoir des casemates blindées pour protéger l'équipage lors des éruptions.

En tous cas, en ce qui concerne les substance et produits revenant de l'espace, pas de crainte à avoir. Des mutants dangereux et viables des microbes ou des semences que nous envoyons dans l'espace n'ont pratiquement aucune chance d'apparaître. Et on se rendra vraisemblablement compte dans quelques semaines que les graines de tomates de la NASA n'étaient pas toxiques, mais simplement "différentes", estiment les spécialistes. Ce qui ne diminue pas l'ampleur de la faute de l(agence spatiale : distribuer des millions de sujets d'expérience à la population sans prendre quelques précautions est une bévue "astronomique".

Espace : des voiliers solaires

1990
Voiles solaires : régate dans l'espace


A l'heure où les sondes spatiales sillonnent notre système solaire pour en débusquer tous les mystères, envoyer une fusée vers la Lune est désormais d'une banalité ! Et si on envoyait des voiliers, poussés par la lumière du Soleil ? Et si on faisait de cette "première" spatiale une course internationale ? L'idée, initialement jugée complètement folle est pourtant bel et bien en passe de se réaliser. C'est en 1992, pour célébrer le 500-ème anniversaire de la découverte du nouveau continent par Christophe Colomb que trois voiles solaires, dont l'une est armée par la France et l'Espagne, s'élanceront pour une régate au long cours dans le silence de l'espace.

Les vaisseaux cosmiques, inhabités, seront trois sur la ligne de départ. Un japonais, un américain, et un franco-espagnol. Tout comme les caravelles de l'explorateur armées par Isabelle de Castille étaient trois (la Nina, la Pinta et la Santa-Maria) à voguer vers ce que Colomb pensait d'abord être Cipango (le Japon). Une petite erreur de grand découvreur qui lui a été bien pardonnée depuis, puisqu'elle ouvrait une nouvelle ère pour une Europe qui allait ployer sous les richesses (du moins fut-ce le cas pour l'Espagne dont l'inflation allait s'affoler sous l'effet de l'arrivée de l'or), tandis que l'aventure des Amériques commençait.

La célébration mondiale d'un tel évènement valait bien un petit effort d'imagination. En guise de feu d'artifice, quelques astucieux passionnés de l'espace ont donc concocté cette épreuve, qui allie à la technologie contemporaine les possibilités de l'astuce de la navigation stellaire. Mais surtout le symbole de la nouvelle frontière de cette fin de XX-ème siècle, l'espace...

Les gigantesques et très technologiques voiles de plastique, qui régateront dans deux ans entre notre planète et son sélène satellite ne seront pas accélérées par un puissant moteur-fusée. Elles auront pour unique moteur la "pression" de la lumière solaire, et devront voguer avec subtilité pour trouver le meilleur cap et le meilleur "vent". Une course peu banale, qui inaugurera l'utilisation du plus écologique mode de propulsion spatial. Un système pour lequel des Français se sont très tôt passionnés.

Car si historiquement le concept de voile solaire est probablement d'origine soviétique (le savant Tsiolkovsky fut le
premier à proposer ce mode de propulsion, au début du siècle), depuis 1980 c'est un groupe français qui se bat pour qu'une telle régate voie le jour. L'Union pour la Promotion de la Propulsion Photonique (U3P), notamment animée par Guy Pignolet, du Centre National d'Etudes Spatiales (CNES), s'est fixée pour but de démontrer que les grandes voiles propulsées par les grains de lumière, les photons, peuvent tout à fait jouer un rôle dans les activités spatiales. Elles pourraient par exemple se voir confier de missions spatiales peu urgentes, où un faible coût, ou encore une vitesse importante en fin de parcours seraient importantes.

A vrai dire, on ya pensé sérieusement à plusieurs reprises. Par exemple quand la NASA américaine voulait arranger un rendez-vous ntre une sonde scientifique et la comète de Halley. Malheureusement, pour des raisons de délais et de budget, le programme capotta, et la grande roue qui devait tournoyer sur elle-même pour mieux se stabiliser et se déployer n'a jamais vu le jour.

Le principe de ce mode de propulsion est aussi simple que celui de la marine à voile. Il s'agit ni plus ni moins que de profiter des micro-chocs que créent les rayons lumineux qui arrivent sur une surface. Chaque grain émis par le Soleil à la vitesse de la lumière (330.000 km par seconde) est en effet porteur d'une certaine énergie. Même si sa masse est très faible, sa vitesse est telle qu'il va pouvoir céder un peu d'élan à la surface contre laquelle il va frapper. Tout le monde aura compris que l'idéal, pour de telles aplications, sera d'avoir une voile "miroir", qui transformera le maximum d'énergie du photon en "poussée", par réaction. Le matériau idéal sera donc une sorte de plastique très léger, aluminisé sur la face exposée au rayons solaires.

Certes, mêmes si les ingénieurs français de Matra, maîtres d'oeuvres officiels du spationef franco-espagnol , font des prouesses pour doter la voile de la plus grande superficie, la force qui sera obtenue ne sera pas très grande. A notre distance du Soleil, le "vent" représente environ 10 gramme-poids de "poussée" par hectare de surface ! Sur Terre, avec les autres forces présentes dans notre environnement, une telle "pichenette" est négligeable. Mais dans l'espace, les choses changent : dans le vide, en l'absence de résistances et d'autres forces, cette petite pression sera suffisante pour produire une mince, mais permanente accélération. Un travail de fourmi, qui paye de manière étonnante si l'on est patient. Selon l'Américain Louis Friedman, le grand "penseur" des voiles solaires, un engin de bonne taille peut gagner jusqu'à 360 km par heure de vitesse pure. Paradoxalement, on s'apperçoit donc que si la puissance de telles voiles est limitée, les vitesses qu'elles sont capables d'atteindre sont très grandes.

Sans contrainte de temps, un planeur de l'espace serait en théorie capable d'atteindre finalement la même vitesse que celle du "vent" qui le pousse : 330.000 km par seconde. Bien sûr, dans les faits c'est impossible. D'abord parce qu'au fur et à mesure que l'on s'éloigne du Soleil, la "pression" du vent diminue très vite (avec la carré de la distance). Et l'accélération diminue d'autant. Un effet qui joue peu pour aller dans la Lune, voisine du Soleil au même titre sue la Terre. Mais qui serait très limitant si l'on veut atteindre des vitesses très importantes, ou gagner d'autres systèmes solaires.

Pour l'heure, il n'est pas question de rêver à ces horizons lointains. La course Terre-Lune est engagée et les préparatifs battent leur plein pour cette première. Sur le Vieux continent, Matra-Espace a terminé l'étude technique de faisabilité d'un voilier, et vient d'engager, avec l'Instituto Nacional de Tecnologia Aerospatiale les études approfondies, qui s'achèveront à la fin de cette année. Et dès l'an prochain commencera la réalisation du planeur des étoiles, avec un budget de 250 millions de francs pour lequel les concours de sponsors sont toujours sollicités. Il est notamment prévu de tester le déploiement de maquettes de la voile à bord de la Caravelle des vols en apesanteur du Centre d'Essais de Bretigny-sur-Orge (Essonne).

La machine de course européenne sera simple. Un grand carré de 2 000 mètres carrés de film aluminisé, qui ne pèsera que 150 kg environ. Une prouesse pour cet engin qui devra tendre le tissu sur quatre perches de carbone de trente mètre de long. Pour s'"orienter, le voilier sera muni de quatre "gouvernes" de 400 mètres carrés au total, qui pourront faire varier leur angle par rapport au Soleil. Des mouvements qui orienteront ensuite la voile toute entière pour qu'elle prenne le vent différemment.

Relié par radio à la Terre, l'engin disposera de cellules solaires pour se procurer de l'énergie et sera en principe doté d'un appareil de prise de vues pour faire vivre la course, en livant au sol des images de la compétition, mais aussi de la Terre et de la Lune.
La "ligne d'arrivée" sera d'ailleurs constituée par la capcité à disparaitre derrière la Lune et à en prendre des images. Qui plus est, on trouvera à bord de cette frégate spatiale des isntruments scientifiques d'étude de l'espace, car après avoir rallié la Lune, la voile pourra cingler vers le grand large de notres système planètaire, afin de recueillir une moisson de données scientifiques.

La course elle-même débutera après la mise en orbite par une fusée européenne Ariane IV des trois voiles solaires. Empilées dans le nez d'Ariane, les destriers de l'espace seront placés sur une orbite autour de la Terre, à quelques milliers de kilomètre d'altitude. Dans ce "parking fermé" comparable à ceux des rallyes automobiles, les concurrents devront déployer leurs toiles d'araignées, si possible sans accrocs.
Ce sera probablement le moment le plus "chaud" de la course. Un déploiement d'un tel parapluie dans le vide est toujours peuplé d'incertitudes et d'angoisses pour les ingénieurs qui contrôlent les opérations au sol. Les soucis que procurent habituellement les déploiements des panneaux solaires de nos satellites de télécommunications sont là pour le rappeler aux concurrents.

Pour les "équipages", malheureusement forcés de suivre tout cela depuis le sol, dans un centre de contrôle rebaptisé "centre de navigation". Il s'agira dès lors, vers le fin 92, de na pas manquer le départ. Opération délicate s'il en est. Car la régate ne sera pas, comme on serait tenté de le croire, une longue ligne droite. Au contraire. On ne s'évade pas aussi facilement de l'attraction terrestre. En fait, les trois voiliers vont devoir jouer fin. Décrivant des orbites de plus en plus elliptiques (ovales) autour de la planète, les skippers devront s'arranger pour se faire pousser par le vent solaire quand la balistique les orientera vers la Lune, et au contraire offrir le moins de prise au vent quand ils seront forcés de revenir vers le Soleil, pour contourner la Terre à nouveau. Bref une mécanique céleste subtile qui laissera à tous les navigateurs de l'espace l'occasion d'exprimer de réels talents pendant une bonne année.

Car à ce petit jeu de patience, il faudra environ douze mois pour grimper sur la bonne orbite, celle qui permettra aux voiles de grimper assez haut pour rejoindre la Lune. A ce moment là, les trois engins auront acquis de telles vitesses qu'ils feront l'équivalent du trajet Terre-Lune (380.000 km) en sept à huit jours seulement. Mais au total, en une année de navigation, ils auront parcouru l'impressionnante distance de 50 millions de kilomètres !

Un telle épreuve enthousiasmera-t-elle les foules ? "C'est certain, car nous aurons des images des voiles qui pourront être diffusées par la télévision, et on pourra savoir à tout moment à quel endroit sont les voiles", explique Guy Pignolet, qui recherche activement des sponsors pour soutenir le financement de son bateau.

Gageons de toute manière que les voiles solaires ont dans l'avenir de belles navigations à accomplir, à des vitesses auxquelles nos fusées ne peuvent prétendre à l'heure actuelle.

"Mais aussi maintenir indéfiniment des satellites à des endroits précis de l'espace, ou pourquoi pas, un jour, transporter des hommes", souligne Guy Pignolet.

Ulysse, la sonde solaire

1990
Ulysse : le pied de nez aux planètes


La grande partie de billard planètaire vient de commencer. Ulysse, la sonde spatiale qui a été largué samedi dans l'espace par la navette Discovery, est condamné à une vraie vie de héros antique, à la conquète du Soleil. Un peu à la manière du roi d'Ithaque dont Homère nous raconte les infinies pérégrinations à travers la Méditerrannée, cette sonde de l'Agence Spatiale Européenne va errer à travers le système solaire. Mais pour cet engin de 370 kilos, point de Pénélope, ni de retour. L'objectif est de survoler le Soleil, qu'Ulysse atteindra en 1994 au terme d'une croisière extrèmement longue et complexe, avant de disparaitre dans l'espace

Avant de dévoiler les régions iinconnues du Soleil, le "clou" du voyage sera dans deux ans le "toucher" de Jupiter. Ulysse frôlera la planète géante, accélérant au passage et profitant de ce surcroit d'énergie pour changer de trajectoire. Comme une boule de billard viendrait en "frotter" une autre pour prendre de l'effet et s'échapper dans une direction innatendue. Merci Jupiter : sans ce coup de pouce, jamais une sonde terrienne n'aurait pu échapper à la loi du milieu orbital : "rester dans la prison balistique des planétes".

N'importe quelle sonde d'exploration lancée de la Terre est en effet condamnée, à moins de disposer d'une énorme source d'énergie, à rester enfermée dans le plan où orbitent toutes les planètes. Comme un enfant qui descend du cheval de bois de son manège est obligé de continuer à tourner avec. Jusqu'à l'arrèt complet, cela vaut mieux pour lui. De la même manière, le plan de notre système solaire est une sorte de disque 33 tours, dont le trou central serait le Soleil et la surface parsemée de l'infatigable cortège des planètes. Résultat, jamais aucun engin lancé par les hommes n'a pu sortir de la surface du disque, et contempler le système solaire autrement que de "profil".

Ulysse sera la première à transgresser cet interdit, à prendre le chemin des écoliers. Son trajet complexe l'amènera donc à près de 800 millions de km de la Terre. Puis, après la demi-orbite d'accélération autour de Jupiter la géante en février 1992, l'explorateur piquera vers le bas, repassant loin en dessous de la Terre pour foncer enfin vers le Soleil. Là, Ulysse incurvera sa trajectoire pour survoler le pôle sud solaire en 1994, puis le nord de l'astre à la fin de 1995.

Pour les chercheurs, ce sera du jamais vu. Une super-production scientifique à la Coppola ! Enfin ils découvriront, à travers les instruments embarqués sur la sonde, à quoi ressemblent ces régions méconnues du Soleil. Une "manip" unique pour comprendre comment fonctionne dans ces régions la formidable chaudière thermonucléaire qui éclaire nos jours et réchauffe nos printemps. Vents solaires, champs magnétiques, gaz interstellaire, quasiment tout sera passé au crible des "yeux" d'Ulysse.

On aura enfin accès aux températures et aux compositions chimiques de la surface du Soleil, et globalement, on saura peut-être si les idées que l'on se fait du fonctionnement de la machinerie solaire sont justes. C'est essentiel. Pour comprendre la nature de l'astre, mais aussi prévoir son devenir. Par exemple, combien de temps pourra-t-il encore nous éclairer, ce soleil, ou comment fera-t-il évoluer le climat de la Terre au cours des prochains millénaires ?

Ce n'est pas tout. En naviguant dans des régions cosmiques qu'aucun engin n'a jamais effleurées de ses capteurs, la sonde offrira enfin des données sur l'espace galactique. Sur la "composition" du vide en dehors des trajectoires des planètes. Un étonnant coup de projecteur sur le noir de l'espace, et sur les champs magnétiques et les particules qui errent dans ces régions.

Bref, Ulysse aura du pain sur la planche. Il faut dire que la sonde piaffait. Depuis 1979, date de lancement du programme, elle aurait déjà du être lancée un certain nombre de fois : le premier lancement étant prévu en... 1983 ! Il faut dire que la Nasa, qui devait construire une copie, a entretemps fait faut bond aux Européens pour des raisons financières. Tandis que les difficultés graves des navettes américaines venaient faire durer encore un peu le suspense scientifique.

Télescope géant au Chili

préparatifs du VLT européen, au Chili
1991

Un sommet vierge pour le plus beau des télescopes

Un peu myope en raison de son miroir mal poli, le télescope spatial Hubble ne remplit pas tout à fait ses objectifs. Dommage. Mais les astronomes se consolent déjà avec d'autres projet. Du moins en France et en Europe, où l'on prépare activement le VLT (Very Large Telescope). Ce nouveau bijou de technologie sera érigé dans la Cordillère des Andes et ses performances, supérieures sur le papier à celles de Hubble, en feront probablement le meilleur télescope mondial pour observer le ciel austral au début des années 2.000.
Mais attention, pour réussir aujourd'hui une bonne machine à fouiller les zones les plus reculées de l'univers, il ne suffit pas de réaliser des optiques ultra-performantes. Il convient avant tout de se procurer un bon site, une montagne où les nuits sont sans nuage, l'air sans humidité pour ne pas gèner la propagation des rayons lumineux, et avec le moins de perturbations atmosphériques possibles. C'est pourquoi, l'annonce définitive du choix du site du VLT, faite au mois de décembre par l'organisation de l'Observatoire Européen Austral (ESO) revêt une importance toute particulière. L'ensemble de quatre télescopes dotés de miroirs de 8,2 mètres de diamètre qui additionneront leurs surfaces pour former l'équivalent d'un télescope géant de 16 mètres sera perché sur le site exceptionnel du Cerro Paranal au Chili. "C'est probablement la meilleure montagne au monde à ce jour dans l'hémisphère sud", estime l'astronome français Gérard Lelièvre, qui a participé au choix du site du très grand télescope européen.

Situé à 12 km du Pacifique, par 2.664 mètres d'altitude, cet endroit ne risque pas de subir les lumières ou les pollutions de la ville. La cité la plus proche est Antofagasta, à 130 km au nord, et les activités minières importantes sont à 400 km de là. En outre, les conditions météorologiques locales garantissent un air pur et sec en altitude.

Il aura fallu plus de six années pour étudier la qualité de ce Nirvana de l'astronomie. La plus longue et la meilleure enquête jamais réalisée pour choisir un perchoir à télescopes, menée en installant une véritable station météo et un observatoire miniature sur ce sommet perdu de la Cordillère. "On a tenu compte de la pollution, des nuages, de la transparence de l'atmosphère, de l'absence d'humidité, des qualités potentielles des images obtenues", poursuit Gérard Lelièvre. "Pour vous donner un ordre de grandeur, le pourcentage de bonnes nuits d'observation y est de 81 %, contre 50% à La Silla, et on gagne 15 % sur la qualité des images". La Silla, l'actuel site astronomique de l'ESO se trouve 500 km plus au sud et abrite une batterie de quatorze télescopes européens. "En gros, on gagne 25 à 30 % sur notre investissement si l'on va à Cerro Paranal plutôt que si l'on installe le VLT à La Silla".

Bref, un site en or, qui justifie même que l'ESO ait acquis par prudente anticipation des droits sur une montagne voisine, le Cerro Armazones. "Au cas ou l'on voudrait étendre les installations, y transférer certains télescopes de La Silla, et pour éviter de se faire doubler par d'autres nations". Pour conforter ce choix, le gouvernement chilien a offert un beau "jardin" à l'ESO, 725 km carrés vierges autour de Cero Paranal, pour le protéger de toute pollution potentielle.

Des précautions qui se comprennent, au vu du montant de l'investissement : le VLT coûtera plus de 1,2 milliards de francs, dont un quart environ sera pris en charge par la France. D'ailleurs un tel équipement comporte toute une logistique : il faudra tracer une route, depuis l'ancienne panaméricaine qui passe au pied de la montagne, construire un hôtel pour la centaine de personnes qui s'activeront autour des miroirs vers l'an 2.000, une piste d'aterrerissage, les approvisionnements en eau et électricité.

De quel genre de performances ce VLT sera-t-il capable ? Sa résolution, en mode direct d'observation devrait atteindre 0,01 de seconde d'arc, ce qui lui permettrait au bas mot de distinguer des objets d'un mètre à la surface de la Lune. Un chiffre dix fois meilleur que celui du télescope Hubble en orbite, obtenu grâce à une optique active et adaptative (les miroirs sont déformables, pilotés par ordinateur pour compenser les turbulences de l'atmosphère), et à l'interférométrie (on compare les signaux lumineux reçus par deux ou quatre miroirs). A titre de comparaison, l'un des meilleurs télescopes actuels, réalisé par la France et le Canada à Hawaii, sur le Mauna Kéa, obtient une résolution de 0,2 secondes d'arc (200 fois moins bien).

Le premier miroir du VLT sera installé en 1995 et le télescope devrait être complet vers l'an 2.000. On prévoit aussi d'installer tout autour d'autres petits télescopes, pour pouvoir augmenter encore la "surface virtuelle" en mode interférométrique. La résolution pourra ainsi atteindre 5/10.000-ème de seconde d'arc.

Tout cela parait fort compliqué ? Un chiffre donnera une explication à ce déluge de technologie : l'instrument une fois complet sera capable de "voir" des étoiles de magnitude 30. Des astres plus que faibles, qui font parvenir 150 fois moins de lumière à notre regard qu'une étoile de magnitude 22. Et savez-vous combien de photons, de grains de lumière, une étoile de magnitude 22 fait parvenir sur Terre ? Seulement six photons par seconde et par mètre carré ! Les astronomes en sont à compter les grains de lumière qui arrivent toutes les 10 secondes, qui sont totalement noyés dans le bruit de fond que fait l'atmosphère, a vouloir éviter (en infra-rouges) le rayonnement thermique d'un oiseau qui passe dans le ciel... D'ailleurs seul l'ordinateur sait extraire de ce fatras informel de signaux parasites le fluet signe distinctif des quelques photons qui tombent à intervalle régulier, provenant avec la même énergie du même coin de ciel. Il gomme alors tout ce qui n'est pas de nature cosmique, pour conserver le précieux signal. "Et pour améliorer encore le résultat, on imagine à utiliser des lasers, pour éclairer le ciel à 90 km d'altitude. Une manière de créer une étoile artificielle dans le champ du télescope, pour observer avec précision comment son image est perturbée par l'atmosphère. Connaissant au mieux les perturbations, on pourra alors encore mieux corriger les images au niveau des miroirs, ou par traitement informatique", souligne M. Lelièvre.

Une panoplie d'atouts qui devrait permettre au super-télescope européen d'entretenir une saine compétition avec les instruments que préparent les scientifiques américains à Hawaii (Keck Telescope de 10 mètres), en Arizona avec l'Italie (Columbus, 11 mètres) et au Chili (à Las Campanas, 8 mètres).

La face sombre du Soleil

1991

La face cachée du Soleil

Notre Soleil, la grosse boule qui nous réchauffe, est une pelote hérissée de mystère. Dernier exemple en date : la brusque "panne" de l'astre, en 1990. D'autant plus étrange après les colères de 1989, des spasmes qui avaient plongé neuf millions de personnes dans le noir au Québec en faisant "sauter les plombs" de la distribution électrique, provoqué des dizaines d'aurores boréales, et fait chuter plusieurs satellites qui se trouvaient en orbite. Munis de leurs archives, calculs à l'appui, les astronomes s'attendaient à ce que 1990 soit pire encore. L'année de tous les dangers solaires, du moins le "sommet" le plus actif du cycle d'activité de 11 ans qui anime notre bonne vieille étoile. Attention, disaient-ils à l'adresse des cosmonautes qui séjournent dans l'espace, mais aussi des utilisateurs des fréquences radio...
Hélas, la crise annoncée, le paroxysme n'a pas eu lieu. Et sans que l'on sache pourquoi, l'astre a brutalement décidé que cela suffisait comme cela, que le cycle de 11 ans serait cette fois plus court d'une année, et qu'en guise de sommet d'activité, on se contenterait des orages magnétiques du mois de mars 1989. "Ce furent tout de même les plus forts jamais provoqués par le Soleil", estime Pierre Lantos, responsable des prévisions solaires à l'observatoire de Paris-Meudon. "C'est une leçon : les prévisions solaires, ce n'est pas encore la météo", ajoute-t-il

Bizarres, les astronomes. Pour tenter d'en savoir plus sur l'étoile reine de notre ciel, ils s'enfouissent sous les montagnes, s'immergent dans le grand bleu des océans, installent leurs détecteurs dans les galeries obscures des mines. Le dernier cri du temple cosmique dans le style bunker sous-terrain, c'est Gran Sasso, près de Rome. Associés aux Allemands et aux Italiens, les chercheurs français viennent de l'inaugurer, sous un sommet de 2 900 mètres. Objectif : percer les mystères de la chaudière du Soleil. Un casse-tête dont l'explication occupe des équipe de chercheurs dans le monde entier.
Tapis dans la montagne, les astrophysiciens y traquent dans une cuve de 30 tonnes de gallium les très étranges créatures que sont les neutrinos. De petites particules insaisissables vomies par milliards par le Soleil et qui ont la fabuleuse propriété de traverser comme du beurre tout ce qu'elles rencontrent. Et notamment la Terre, de part en part. Alors, pour se protéger, se débarrasser de tout autre "bruit", les scientifiques s'enfouissent comme des taupes. "Le sol fait écran, et sous terre nous sommes certains que les seules particules que nous détecteront sont bien des neutrinos, puisque ce sont les seules qui peuvent arriver ici", explique Michel Cribier, physicien au Commissariat à l'Energie Atomique.

Une précaution vitale. Dépourvu de masse, le neutrino est incroyablement difficile à détecter, puisqu'il traverse tout sans dommages, même les détecteurs. Alors pour le voir... A tel point que sur les 65 milliards de ces particules que le Soleil envoie chaque seconde sur chaque centimètre carré de notre planète, le détecteur à chlorure de gallium du Gran Sasso en "verra" seulement une par jour ! Autant éviter que ce fragile témoignage soit autre chose que celui d'un neutrino. Alors on déploie un luxe de précautions inouï : pour éviter la radioactivité naturellement émise par le plomb, on a récupéré du métal très ancien, très stable, incapable d'émettre des rayonnements. On est allé le chercher sur des gallions espagnols coulés depuis plusieurs siècles. Pareil pour l'eau utilisée dans les expériences. Elle a été puisée dans le désert du Sinaï, dans des poches vieilles de plusieurs milliers d'années.

Mais pourquoi s'acharne-t-on à vouloir compter des particules aussi fantomatiques, quasiment indétectables ? Tout le problème, c'est que le nombre que l'on en observe pour l'instant ne correspond pas du tout à celui qui est prévu. On en "voit" trois fois moins que les calculs qui simulent le fonctionnement du Soleil l'annoncent. Un résultat qui irrite passablement les physiciens. La théorie est-elle fausse ? Ne comprend-on rien au Soleil ? Ou les détecteurs sont-ils incapables de fonctionner proprement ?

Les chercheurs s'arrachent d'autant plus les cheveux que le dernier résultat en date, obtenu par des savants soviétiques et américains, fait état de zéro neutrinos ! "On a rien vu du tout", disent-ils. De quoi saper le moral du plus obstiné des chercheurs. "Mais ils ont probablement un problème de détecteur", souffle Michel Cribier, dans un élan d'optimisme.

Précisément, aujourd'hui tous les regards sont tournés vers le Gran Sasso. Peut-être dans quelques mois est-ce là, que se soulevera le voile de mystère qui pèse aujourd'hui sur les neutrinos solaires et le fonctionnement de la chaudière solaire.

Après, les astronomes ne seront pas au bout de leurs peines. Car il n'y rien de plus trompeur que la grosse boule de feu qui se promène dans le ciel du matin au soir. D'abord le Soleil n'est pas stable, mais variable. Un coup de faiblesse, une petite panne de quelques années, oh rien du tout, juste une baisse de rendement de quelques % de la sa chaudière thermonucléaire à 15 millions de degrés pendant 50 ans, et c'est le grand froid. Un coup de blizzard qui s'installe sur Terre, comme pendant le "mini-âge glaciaire de Maunder". Entre 1645 et 1715, le soleil est devenu paresseux et avait même pris un embonpoint de 2 000 km de diamètre. Un coup de barre, une faiblesse qui avait fait geler les fleuves et les lacs d'Europe comme jamais, pourri les étés et les récoltes. Pourquoi cette panne ? La question n'a pas de réponse, mais une chose est sûre, la machine Soleil n'est pas sans failles...

Le plus rageant, c'est que plus on l'étudie l'astre, moins on le connait. A chaque fois que les astronomes mettent en place de nouveaux instruments pour regarder droit dans le feux de cet enfer à 15 millions de degrés d'hydrogène et d'hélium, on trouve de nouvelles questions.

Records à la voile

1991
on tourne plutot autour des 50 noeuds, désormais...

Plus vite que le vent : technologie contre biceps

Tous les printemps, les fous de vitesse sur l'eau aiguisent leurs engins à dompter le vent, résultat de mois passés à solliciter les neurones et à faire chauffer la colle. La déjà classique Semaine de vitesse de Brest, où les voiliers les plus incroyables se retrouvent, précède à peine dans le calendrier les tentatives de records en planche à voile qui se déroulent en ce moment aux Saintes Maries de la Mer. Là, on a carrément creusé en 1988 le premier "canal de vitesse". Avec 1,3 km de long, 25 mètre de large, c'est le stade du vent. A quelques mètres de la grande bleue, travers au Mistral, il voit défiler dans des gerbes d'écume les puristes du "windsail" montés sur des engins minuscules et allégés, des "guns" qui se cabrent à la moindre erreur.

Entre les deux clans, entre voiliers extrèmes et planches allégées, c'est la guerre. A savoir qui profitera le mieux du vent pour aller le plus vite, sur des "runs" (parcours chronométré) de 500 mètres.

Variété extrème de voiliers, les engins à battre les records de vitesse à la voile ont, à première vue, tout du cauchemard technologique. Formes d'araignées fragiles, deux mâts là où les sages voiliers de nos croisières n'en comptent qu'un, des cerf-volants pour mieux les tracter ou encore des poutres-ailes-flotteurs chargés de transformer un navigateur en pilote d'avion sous-marin. Sans oublier les systèmes "palpeurs" de vagues, destinés à repérer les formes de la houle pour pouvoir y adapter en temps réel l'audace d'une incidence, d'une répartition des masses. Ajoutez à cette débauche d'idées et de folies architecturales une bonne dose de fibres exotiques, carbone, kevlar ou epoxy, saupoudrez d'un peu de jargon à base de "foils" (élements sustentateurs), de "flaps" (volets sur aile rigide) et de "cavitation" (perte de contact entre la coque et les filets d'eau qui s'écoulent), mettez le tout sur un plan d'eau venté et si possible protégé de la houle du large, et vous obtiendrez, si Eole le veut, des "chronos".

Et qui sait, le Record. Hélas, le plus souvent, il ne restera, après l'épreuve des vagues, qu'un tas d'alumettes de carbone pliées par le vent, que des débris caressés par les vagues. Et la rage dans la gorge d'un Gaston Lagaffe de la voile qui avait passé toutes ses soirées, tous ses week-end à peaufiner son "plus génial que le vent". Si la plupart des coureurs-innovateurs sont des particuliers, des génies du vent qui misent leurs économies et leurs vacances, il y a aussi quelques projets "sérieux", puissamment sponsorisés comme "Objectif 100" (km/h) de Rhône-Poulenc. Ce qui ne les empèche pas non plus de casser, ou de s'embourber dans les difficultés. Car outre génial et sérieux, il va falloir être très obstiné pour décrocher le gros lot.

La barre est haute, très haute, à 80 km/h, pardon, 42,91 noeuds... C'est la plus grande vitesse atteinte sur l'eau par un engin flottant uniquement propulsé par le vent. En l'occurence il s'agit d'un homme (Pascal Maka), monté sur une planche à voile. Ce chiffre, établi en février 1990 est un véritable pied de nez à l'adresse de l'armade des voiliers expérimentaux. Le plus rapide d'entre eux, la catamaran Crossbow II, a plafonné à 36 noeuds en 1980. Depuis, les planchistes surfent de record en record et près de deux cent d'entre eux sont déjà allés plus vite que le voilier le plus rapide.

Pour toujours ?
"Il parait difficile de faire mieux qu'une planche, qui pousse à l'extrème tous les principes qui font aller très vite sur l'eau" note avec un sourire l'architecte naval Daniel Andrieu. Explication : en tirant la voile vers lui pour équilibrer la force du vent, le véliplanchiste se suspend à la voile. Ce qui présente le double avantage d'allèger la planche, et de faire littéralement décoller l'engin sur une sorte de coussin d'air. On est à la limite du ski nautique et du deltaplane. Un signe qui ne trompe pas : à l'arrèt ces planches très affutées coulent sur place. Elles ne surnagent qu'avec la portance que leur confère la vitesse...

Pourtant, les partisans des voiliers s'obstinent. Et font appel à une débauche de technologie et de moyens finaciers pour tenter de ramener les planches sur la plage.

Lubie de passionnés, folie confidentielle ? Vu de loin, cela ressemble un peu aux premier efforts déployés par les hommes pour quitter le sol. Les fous volants sont devenus flottants...

Les ingénieurs du CRAIN (Centre de Recherche pour l'architecture et l'industrie nautique), un bureau d'étude de la Rochelle spécialisé dans le calcul et la simulation des coques de navires, sont relativement optimistes. A leurs yeux, les voiliers gardent une chance s'ils parviennent à aller plus vite que le vent. Ce dont certains dessins sont théoriquement capables, et que les planches ne savent pratiquement pas faire.

La voie de la revancheest tracée, il suffit de l'explorer. Le problème, c'est qu'en ce domaine il y a loin de la table à dessin, du terminal de conception assistée par ordinateur à la réalité de la mer. Et quand un ordinateur estime qu'une esquisse doit aller à deux fois la vitesse du vent, cest rare que cela se vérifie sur l'eau. Le domaine est complexe, puisqu'à la différence des avions qui se meuvent dans un seul fluide, on est ici confronté à la triple difficulté de parties immergées dans un liquide, d'autres émergées dans un gaz, et d'un comportement quasiment imprévisible se déroulant à l'interface des deux.

Pour progresser dans ce casse-tête, la seule solution est donc d'essayer, et de casser de la fibre de carbone sur les vagues. Echec malheureux pour Objectif 100, le bateau-aile à gros budget de Rhône-Poulenc (on parle de trois millionsde francs). Cette fine coque dotée d'une aile d'avion reposant sur un flotteur n'a jamais dépassé la vitesse de Crosbow II, alors que sur le papier cette très belle idée pouvait pulvériser ces chiffres. Trop audacieux ? Le projet semble aujourd'hui abandonné.
Plus sage, le "Voilier-Haute-Technologie-Charente-Maritime", parrainé par le Ministère de la Recherche, bardé de matériaux ultra-légers (1850 kg pour 21 mètres de long), doté de deux voiles et deux flotteurs garde un potentiel intéressant, malgré sa "casse" de l'hiver dernier. Une autre solution, relativement proche, est explorée par l'Ecole Nationale des Techniques Avancées, sur un autre catamaran financé par la Délégation Générale pour l'Armement. Mais cette fois l'engin est doté de voiles rigides, inspirées des ailes d'avions, et de "foils", de petites dérives inclinées pour s'élever au-dessus des vagues.

Mais la route du record semble encore longue à atteindre. Les lourds et coûteux voiliers conçus par ordinateur persisteront-il? Face à des amoureux de glisse qui vivent les pieds dans l'eau, attendant le coup de vent favorable avec un planche de quelques milliers de francs pour tout équipement, ils semblent des Goliaths technologiques opposés aux Fils du Vent.

La vie des abysses

1991
Questions à Lucien Laubier, de l'Ifremer

Les surprises en grappes des oasis de vie

C'est un peu comme s'il suffisait de s'immerger dans le grand bleu pour récolter l'étonnement. Depuis 1977, à bord des soucoupes plongeant vers les abysses, les biologistes vont de surprise en surprise. En moins de quinze ans, des centaines d'espèces vivantes nouvelles, inédites, ont été dénombrées autour des sources hydrothermales, formant ces fameuses oasis de vie des grands fonds. Qui aurait parié en 197O que des vers géants de 500 grammes, les Riftia, se bousculeraient autour des sources chaudes, ainsi que des crevettes ou des escargots hirsutes. Avec des densités de vie, à plusiuers milliers de mètres de profondeur, impensables il y a encore 2O ans. Ce spectacle sous-marin est la vivante démonstration de l'imaginaire de la nature, avec des solutions différentes au problème de la vie, selon les secteurs géographiques et les moyens mis à la disposition des bactéries et des organismes plus élaborés.
Des retombées très concrètes, par exemple en génie génétique, sont aujourd'hui attendues des bactéries qui peuplent ces domaines extrêmes, parfois à plus de 100 degrés Celsius de température et à des centaines de kilo de pression par centimètre carré.
Biologiste, directeur à l'Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer, Lucien Laubier est aussi professeur à l'Institut Océanographique. Il vient de faire le point de ces découvertes devant l'Académie des Sciences.

Q A des milliers de mètres sous l'eau, en l'absence de soleil et parfois d'oxygène, les sources hydrothermales nous ont ramené au stade d'observateur étonné des surprises de la vie, un peu comme à l'époque des voyages des naturalistes autour de la planète. Reste-t-il beaucoup de découvertes aussi fortes à réaliser ?

R Il faut dire qu'avec 60.000 km de dorsales océaniques, riches de sources hydrothermales, on a de quoi s'attendre à des découvertes, et nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Je pense qu'on va découvrir encore beaucoup de formes de vie, d'associations chimiosynthétiques entre des bactéries et des organismes. Des domaines océanographiques entiers ne sont pas encore prospectés, comme l'Atlantique Sud, ou l'Océan Indien.
Actuellement, on compte environ 350 espèces vivantes concernées par les sources hydrothermales, faisant partie de ces écosystèmes organisés de manière concentrique autour des orifices d'eau chaudes, chargées en minéraux. On en trouve également dans les fosses de subduction (comme au Japon), là où suitent du sol une eau qui était renfermée dans les roches.

Q Les principales caractéristiques des sources hydrothermales ?

R L'eau, à sa sortie de la source, peut atteindre 350 voire 400 degrés C, dans un milieu ou les températures habituelles sont de un à deux degrés. Elle est chargée de sulfures métalliques qui précipitent dès que la température diminue au contact de l'océan, d'hydrogène sulfuré, de méthane, de gaz carbonique et d'un peu d'hélium. Cela se passe la plupart du temps à des profondeurs variant de 2000 à 4.000 mètres, sur l'axe des dorsales, des rift, là où la croûte terrestre se régénère. L'eau de mer pénètre dans des failles, se réchauffe sous terre au contact des laves à haute température, et remonte à la surface, après avoir percolé à travers le système géologique, chargée en éléments divers, un peu comme l'eau d'une cafetière se charge en café.

Q Et la vie s'organise comment ?

R En étudiant l'une des créatures qui vit sur certaines de ces sources, le ver géant Riftia (1,5 m de long, 5 cm de diamètre), démuni de bouche et de tube digestif, on s'est aperçu qu'il se nourrissait grâce à une association (symbiose) avec des bactéries qui occupent les deux tiers des tissus de son organisme. Chaque bactérie réalise l'oxydation du sulfure d'hydrogène pour produire des sulfates et profite de l'énergie dégagée par ce mécanisme chimique pour construire des molécules de stockage d'énergie du type adénosine triphosphate (ATP). La bactérie utilise cette énergie pour fixer le gaz carbonique et fabriquer les premiers sucres. Ultérieurement, en y ajoutant de l'azote et du phosphore, elles réalise les premiers acides aminés à la base des protéines. Tout cela se passe dans l'usine bactérienne. Au bout d'un certain temps la bactérie libère dans la cellule du ver qui l'héberge des métabolites (substances élaborées). Et la cellule va pouvoir, à son tour, utiliser ces ingrédients pour son fonctionnement. Plus tard, on assiste à la mort de la bactérie, puis de la cellule, et toutes les substances fabriquées sont libérées dans le liquide intérieur du ver, et vont nourrir l'ensemble de son organisme.

Q On imagine que quantité d'autres créatures profitent de cette solution originale pour proliférer dans le voisinage

R Absolument. Tout un écosystème se construit. En périphérie de l'oasis, on trouve les bêtes ordinaires de l'océan profond, qui viennent grapiller de la nourriture, comme les galathées. Mais au coeur de l'écosystème, on trouve quantité de formes de vie qui ne vivent que là, distribuées en auréoles autour de la source. Une répartition concentrique qui traduit une variation rapide de la température de l'eau, dès que l'on s'éloigne de la source, et surtout de la teneur en sufures métalliques et autres composés du fluide hydrothermal.
Il faut noter que la durée de vie moyenne d'une telle communauté est de l'ordre du siècle, guère plus. La "tuyauterie" qui amène à la surface le fluide hydrothermal connait des dépôts de plus en plus abondants de sulfures métalliques, qui finissent par boucher l'orifice, par le colmater. A ce moment-là, toute la vie s'effondre et doit s'installer ailleurs, sur une autre source.

Q On a vu la stratégie des vers Riftia. Il y d'autres solutions ?

R De manière plus simple on trouve des bactéries qui vivent en couche sur le fond, à proximité de la source et sont broutées par des crevettes, comme des moutons broutent une prairie, vers 3 500, 4 000 mètres de fond, sur la dorsale médio-Atlantique.
Les derniers travaux menés en 1989 du côté des îles Fidji ont conduit à la découverte de formations complètement différentes de celles du bassin oriental du Pacifique. Le ver Riftia y est remplacé par un gros escargot hirsute, Alviniconcha hessleri, qui contient dans son manteau des poches pleines de bactéries chimiosynthétiques. Cet escargot est a son tour consommé par des crabes et autres prédateurs, et libère dans le milieu des déchets organiques qui alimentent le reste de l'écosystème.

Q Et ailleurs, entre les sources, c'est le désert ?

R Un qausi-désert, oui. Mais il n'y a pas que l'hydrothermalisme. On a également trouvé des oasis de vie autour de suintements d'eau "froide" dans les fosses de subduction, où les plaques de l'écorce terrestre disparaissent, comme au Japon.
Les fluides froids qui suitent par endroits contiennent du méthane, mais pas d'hydrogène sulfuré. Ils créent à la surface des sédiments une couche sans oxygène, dans laquelle des bactéries libres réduisent les sulfates de l'eau de mer en libérant de l'hydrogène sulfuré. Dès lors on se retrouve dans la même situation que sur les sources hydrothermales et les mollusques blanc Calyptogena (bivalves), qui contiennent eux aussi des bactéries symbiotiques dans leurs branchies peuvent se développer en colonies.

Q De telles stratégies biologiques suggèrent-elles de nouveaux mode d'apparition de la vie sur Terre ?

R Les expériences de Stanley Miller, dans les années 50, tendaient à montrer que la vie prend naissance à partir d'une soupe de molécules organiques préformées. Certains biochimistes estiment désormais, à la lumière des découvertes sur l'organisation de la vie autour des sources minéralisées, qu'à travers certains effets, en présence de fer réduit, il y a eu fabrication et sélection de molécules organiques directement, et non pas à partir de molécules existantes. Les molécules paraissent en fait capables de s'organiser très vite pour former des membranes, et cloisonner un espace où peut s'abriter et se spécifier une usine chimique primitive. Cette thèse ouvre des perspectives nouvelles et propose un autre modèle rendant compte de l'apparition de la vie sur notre planète.

vendredi 25 janvier 2008

Infinis visages

Des visages par millions
Figaro, 1991


Qui sont les autres ? D'abord des visages. "Sale gueule" ou "frimousse avenante", c'est à travers la perception que l'on a du visage d'autrui que s'échafaude une bonne part de la communication entre individus. Et plus encore, puisque les psychologues savent bien que c'est le visage, et ses expressions, qui constituent l'une des principales façon de "synchroniser" des individus. C'est de cette manière que des amoureux se mettent en phase "sentimentale", que les bébés commencent à communiquer avec leur mère... La panique d'un nouveau-né, face à un visage qui reste impassible malgré toutes ses mimiques à lui, est à cet égard significative.

Mais comment la face de quelqu'un nous devient-elle familière ? Comment se fait-il que l'on reconnaisse parmi des milliers un visage, aperçu une seule fois sur une photo. Ou que l'on sache même le retrouver sur une autre photo, alors que l'angle de prise de vue a changé ? D'ailleurs, la forme du nez, de la bouche, la position des sourcils sont-elles aussi importantes les unes que les autres pour notre système de décryptage du visage et des messages qu'il transmet ?

En fait notre cerveau, expert tout à fait remarquable sur ce terrain, déboussole quelque peu les neurologues et les neuropsychologues. "Dans certains cas de lésions, les troubles induits sont surprenants, et montrent que plusieurs mécanismes peuvent se superposer, interviennent de manière indépendante", précise le Pr Pierre Karli, neurophysiologue à l'Université de Strasbourg. Les troubles de la reconnaissance sont les "agnosies". Il en existe diverses variétés, comme la prosopagnosie (du grec "prosopon", face). Spectaculaire, cette inhibition n'empêche pas les malades de constater qu'ils observent un visage, avec des yeux, une bouche, ou de savoir si quelqu'un sourit. Mais ils sont devenus incapables de reconnaître un parent, leur mère, ou leur propre face dans un miroir. Des tests récemment menés par Russel Bauer à l'Université de Floride ont montré que les patients atteints de prosopagnosie ne sont pas "conscients" de cette reconnaissance, mais que le mécanisme, lui, existe toujours bel et bien. Tout se passe comme si l'information de reconnaissance générée n'atteignait plus le niveau "conscient" des sphères cérébrales.

Ce genre de constat pousse certains chercheurs à se représenter le mécanisme de reconnaissance des visages comme une successions de petites boîtes, dont chacune serait chargée d'une fonction précise. Un peu à la manière dont les éléments d'une chaîne haute-fidélité se chargent des divers aspects du son, pour finalement le restituer dans votre salon. Il suffit qu'une des boîtes, ou le cheminement de l'information de l'une à l'autre se trouve endommagé (par un traumatisme, par exemple), pour qu'un trouble surgisse. D'autres chercheurs pensent que les phénomènes sont plus globaux, que les régions cérébrales participant à la reconnaissance sont nombreuses, et les traitemenst réalisés sur un mode plus "flou", avec des raitements de l'information en mode parrallèle.

Une autre atteinte, la paraprosopie, n'empèche pas le malade de reconnaître un ami ou son fils, mais ne lui permet plus de savoir si celui-ci fait une moue boudeuse, exprime la colère ou la joie. Cela parait étonnant. Mais des expériences ont montré à quel point l'édifice de reconnaissance d'un visage et de son expression était fragile.

"Le plus important, c'est ce que nous appelons communément les traits : bouche, nez, sourcils. Ce sont eux que notre regard scrute d'abord à l'arrivée sur un visage qu'il doit explorer", note le psychologue Raymond Bruyer (1), de l'Unité de Neuropsychologie Cognitive de l'université de Louvain (Belgique). Mais attention, pas n'importe comment. Pour notre cerveau, tous les traits ne revêtent pas la même importance. La hiérarchie accorde la première place aux cheveux (pour les Européens), puis les yeux et la bouche. Mais chez quelqu'un de connu, de familier, on regardera tout de suite les yeux et la bouche, négligeant les "contours" (cheveux, menton). La vitesse de "décodage" d'un visage inconnu est tel, qu'on a un peu de mal à comprendre comment cela fonctionne, comment le cerveau engrange autant d'informations, comment il les compare pour savoir qui est qui, qui ressemble à qui. Il semble que la répartition des traits sur la surface du visage, leurs intervalles respectifs (taille du front, écartement des sourcils, joue un rôle au moins aussi important que les formes des traits elles-mêmes. En fait, de nombreux éléments laissent penser que le regard procède simultanément sur deux niveaux. A la fois d'une manière globale, en prenant une "empreinte " générale de la face, pour noter l'organisation des implantations, mais aussi détaillée, en s'attachant à identifier chaque trait : sourcils tombants ou relevés, par exemple.

Le plus troublant à cet égard, ce sont les essais sur des visages à l'envers et décomposés. Le britannique Thompson s'est ainsi livré à des découpages sur des images de visages familiers et inconnus, pour tenter d'éclaircir le rôle de la "pré-connaissance" . On note que sur un visage connu, le simple fait de modifier un trait, voire de découper les yeux et la bouche pour les recoller à l'envers empêche de reconnaître la physionomie, qui devient monstrueuse.

Les choses change quand on retourne la photographie. La tête en bas, mais les yeux et la bouche dans le bon sens (même à la place les uns des autres), on reconnait facilement le personnage.

Expert dans la reconnaissance des visages, l'homme est limité par ses habitudes. C'est un lieu commun que de dire que pour un Provencal tous les Camerounais ou tous les Bengali se ressemblent. Hors de ses références habituelles, le système de reconnaissance est perdu, et mettra un certain temps à s'habituer, à augmenter son expertise. Les éleveurs de chiens deviennent ainsi capables de discerner infailliblement des centaines de "visages" chez leurs amis à quatre pattes, là ou tout un chacun est incapable de voir autre chose qu'une meute. "Il est intéressant de noter que des cas de prosopagnosie chez des spécialistes divers, comme des ornithologues, ont rendu ceux-ci incapables de reconnaître les oiseaux les uns des autres. Ou qu'un fermier, toujours capable de reconnaître les visages, est subitement devenu "zoo-agnosique", incapable de différencier ses vaches entre elles", souligne Raymond Bruyer.



(1) Auteur de "La reconnaissance des visages", Ed Delachaux et Niestlé