jeudi 6 mars 2008

Rien que des chiffres

Juillet 1991


Si vous souffrez du coude ou de l'épaule à trop taquiner la balle, reprenez espoir : le chercheur américain Franck Katch, de l'université du Massachusetts étudie une raquette dont le manche ne comporte que six facettes, au lieu de huit.
La différence est dans la prise. Du coup le poignet, le coude et l'épaule sont mieux alignés, les muscles plus décontractés, la frappe plus puissante. Et le risque de tennis elbow s'en trouverait largement réduit.

D'accord, les tours de bureaux du quartier de la Défense ne sont pas toutes très belles à contempler. Mais de là à faire fuir les employés des sociétés qui y ont élu domicile ! C'est pourtant le résultat d'une étude de l'INSERM, qui montre que dans une entreprise venant de s'installer à la Défense, l'absentéisme atteignait 24,5 jours par employé et par an, contre 16,9 auparavant, quand le siège social était à Neuilly sur Seine, à quelques centaine de mètres de là...


12 millions d'années. C'est le sursis de la Méditerrannée. L'inéluctable mouvement est en marche : à la vitesse d'un centimètre par an, le continent africain grimpe vers le nord et se rapproche de l'Europe. Le détroit de Gibraltar commencera par se refermer, puis la mer se réduira comme une flaque. Découpées en petits lacs, la Méditerranée deviendra un chapelet de mers mortes et s'évaporera.


100 kilomètres. C'est l'autonomie des voitures à hydrogène qu'a présenté la firme automobile Daimler-Benz. Pas de problème de pollution pour ces véhicules dont les échappements ne crachent pratiquement que de la vapeur d'eau... Par contre, l'autonomie est encore trop modeste .



Dix minutes toutes les heures. C'est la dose pour "réveiller" des comateux, que des médecins Japonais livrent aux chocs. De petites électrodes implantées dans le cerveau délivrent de mini-électrochocs à ceux qui sont "ailleurs", pour solliciter les centres nerveux. Au département de neurochirurgie de l'Université Nihon, sur huit comateux, trois patients ont pu être éveillés ainsi et retourner chez eux.

2 microns, c'est peu. Mais il parait que le son est de cristal. La firme japonaise Kenwood s'est associée avec une société productrice de diamants industriels, la Namiki Precision Jewel Company, pour produire des hauts-parleurs de meilleure qualité sonore. Le secret : quelques carats de diamant synthétique, pour rigidifier les membranes des hauts-parleurs. L'idéal serait d'ailleurs une membrane tout en diamant... Tiens, c'est trop cher.

Deux divise toujours la distance entre la flèche lachée par un archer et la cible. Donc la flèche n'atteint jamais la cible. C'est le vieux paradoxe de Zénon, du nom du philosophe grec.
Dans l'expérience que viennent de mener des chercheurs américains de l'Institut de Métrologie de Boulder, la comparaison entre des atomes observés et ceux qui ne l'étaient pas a montré que la matière contemplée ne manifestait plus les bouleversements auxquels elle aurait du se livrer. Du coup les physiciens ont baptisé cela l'effet Zénon quantique.


8 noeuds (15 km/h). C'est la très modeste vitesse que doit atteindre le premier navire à propulsion magnétique, que prépare la Fondation Japonaise pour l'Amélioration des Techniques Navales.
Le principe de fonctionnement est simple. Des électro-aimants répartis dans les coques du catamaran exercent sur l'eau située entre les "jambes" du navire une force qui pousse le liquide à reculer, et donc le navire à avancer. Le Yamato-1, avec ses 280 tonnes, sera en fait la première application de la magnéto-hydro-dynamique des fluides. Ce que les ingénieurs japonais veulent préparer là, c'est une technologie directement adapatable aux retombées d'une percée dans le domaine des alliages supraconducteurs. Il faut parfois savoir se hâter lentement...

3.000 lignes par image : c'est la résolution exceptionnelle d'un nouveau système vidéo haute définition , qui doit permettre aux professionnels de transformer des images film en vidéo et vice-versa sans perte de définition. Est-ce la réconciliation de la vidéo et du cinéma ? La société Kodak l'espère, qui propose un nouvel appareil, qui permet de transformer une image film en image vidéo de haute définition, en conservant la plupart des qualités de l'image originelle, puis de la travailler, de la nettoyer, de lui ajouter des effets spéciaux grâce à l'électronique. Quitte, si on le désire, de revenir à l'image film pour la projection en salle.


Quatre. C'est encore et toujours le chiffre officiel. Si la cinquième force a fait couler beucou d'encre, elle disparait de la scène scientifique en empruntant la porte de derrière. Cette force que des physiciens avaient cru distinguer dans la nature aurait faiblement repoussé des corps placés à très courte distance les uns des autres. Surtout, elle aurait contredit les lois d'Einstein et de Newton. Très scientifiquement, c'est le "père" de cette fausse bonne observation, l'Américain Franck Stacey, qui a officiellement annoncé qu'il s'était trompé dans ses équations, en en tenant pas compte des configurations du terrain ou avaient eu lieu ses expériences. Bravo pour l'honnèteté.

Il y a 15 millions d'années, la planète a perdu le Nord. L'équipe du Centre Géologique et Géophysique de Montpellier qui a mené l'enquète dans des roches volcaniques qui se sont solidifiées pendant une telle crise, dans l'Orégon, a été surprise par les résultats. Le champ magnétique de la planète s'est inversé (passant son pôle nord au sud et vice-versa), et cela à plusieurs reprises au cours des 170 derniers millions d'années. Mais les scientifiques ne se doutaient pas que les variations pouvaient survenir avec une telle brutalité..

0,06 millionième de seconde. En étudiant les conséquence du séisme de magnitude 8,2 qui s'est produit en mai 1989 dans les îles Macquaries, des chercheurs de la NASA ont calculé que la durée du jour avait diminué de 0,06 millionième de seconde. Le temps d'un clignement d'oeil... Heureusement, d'autres séismes ont l'effet contraire et ralongent nos journées en ralentissant la rotation de la planète.


Quoi de plus angoissant que de boire de l'eau dans un pays à l'hygiène incertaine ? Pour répondre à cette préoccupation tournant à l'obsession chez les voyageurs américains, Accuventure, société de Portland, dans l'Oregon, propose une paille à filtre de charbon actif. Quand on aspire l'eau du marigot, on épure. L'eau perd son chlore, la rouille, les pesticides, les moisissures, les détergents, l'alcool, l'essence et 147 autres polluants. Une paille permet de s'assurer de la potabilité de 160 litres, en aspirant très fort, quand même.



Une idée lumineuse : recycler l'énergie que gaspillent les lampes. Cette sage application du principe d'économie est faite par General Electric, aux Etats-Unis, en mettant au point des lampes à incandescence qui recyclent les 80 % d'énergie que perd une lampe par rayonnement infra-rouge. Seuls 20 % d'énergie servent en fait dans les ampoules classiques à produire des rayons lumineux visibles pour notre oeil.


Le mercure est-il dangereux quand il est utilisé en dentisterie ? Le risque d'intoxication est "peu probable". C'est la conclusion d'une étude sur ce délicat problème à la faculté de chirurgie dentaire de Strasbourg-INSERM. Les mesures lors des travaux de pose et de dépose d'un amalgame ont montré que les chiffres restaient inférieurs au seuil de toxicité fixé par l'Organisation Mondiale de la Santé (500 microgrammes par mètre cube). Une fois durcis, les amalgames constitués de près de 50 % de ce métal lourd sont très stable et ne posent plus de problème.

Amateurs de poissons, les Japonais les veulent frais, vivants, toujours plus frétillants. Mais de là à voir un poisson raide gelé qui se ramollit, puis commence à s'agiter dans son assiette... Cette technique qui consiste à "ressusciter" les soles, gelées pendant 5 à 10 heures, le temps de leur transport par avion, a été mise au point par Japan Airlines. La compagnie va tenter de généraliser l'hibernation forcée pour réduire l'encombrement à bord : un poisson vivant a plus besoin de 20 fois son poids en eau pour survivre à bord, entre les zones de pêche et Tokyo. Congelé, on peut le serrer comme une sardine

Qui aurait 60 kg de plutonium ? Ce "poison" nucléaire, extrèmement toxique et radioactif est produit dans les centrales nucléaires. La NASA, elle, s'en sert comme source d'énergie à bord des sondes d'exploration, comme la mission Cassini vers Saturne et le rendez-vous avec une comète (mission CRAFT). Ces deux sondes doivent décoller en 1995 et 96, si la NASA trouve les 60 kg nécéssaires. Problème : les Etats-Unis sont en manque de ce déchet..


Cent fois moins d'eau pour éteindre le feu. C'est l'atout de la brumisation en douceur pour lutter contre les incendies ravageurs de nos forêts. L'idée est simple comme le brouillard. Le procédé Zeus consiste à brumiser des milliers de litres d'eau sur la forêt. A l'aide de turbines-canon portées par des camions-citernes, pour protéger une habitation ou des pompiers en difficulté, soit à l'aide de tuyaux que l'on déroule parallèlement au front du feu, pour l'obliger à s'arrèter.
Les myriades de goutelettes vont aider les arbres et la litière de brindilles au sol à rester humides en surface, ce qui freine la propagation de l'incendie, mais provoque encore un abaissement de la température de l'air et des végétaux.


Attention aux odeurs. Bon nombre d'entre elles s'inscrivent en nous dans les dix première minutes après la naissance. Alors il vaut mieux que les odeurs que les bébés respirent soient celles qui correspondent à la réalité, et à leurs besoins. Autant dire que si une mère trop coquette se parfume, son enfant sera incapable de la reconnaître et de communiquer avec elle par l'odorat.

On estime que depuis 1973, une vingtaine d'avions ont été surpris par les nuages de cendres vomis par les volcans, provoquant l'extinction d'un ou de tous leurs moteurs. Les cendres fondent et se déposent sous forme de substance vitrifiée sur les ailettes des réacteurs. Résultat, les récateurs s'étouffent comme des bougies. Les chercheurs de la météorologie australienne proposent de monter sur les avions des détecteurs spéciaux de radiations de chaleur, capables de repérer les cendres émises par les volcan, même en pleine nuit.

Comment font-elles ? Depuis la découverte au fond du Pacifique, à la fin des années 70, de formes de vie en pleine santé à plusieurs milliers de mètres de profondeurs, dans des sources sous-marines à 200 ou 300 degrés C, certains biologistes ont carrément revu la copie du scénario d'apparition de la vie sur la planète.

Une herbe chinoise, le Qinghaosu (Artemisia annua) sera-t-il le remède du troisième millénaire contre la malaria ? Elle est en tous cas déjà depuis 2.000 ans le médicament des Chinois pour lutter contre le paludisme. Les premiers essais sur des volontaires occidentaux vont commencer aux Etats-Unis et aux Pays-Bas. Si les tests sont positifs, cette nouvelle arme ne sera pas de trop pour lutter contre une maladie en pleine recrudescence sous les tropiques, de plus en plus résistante à la quinine.

Un confetti de 3 mm de diamètre : c'es ce qu'il faut découper dans la cornée, près de l'iris, pour introduire la lamelle qui donnera une nouvelle courbure à l'oeil, déformer la cornée de manière à en faire une lentille corrective. En cas de problèmes, d'irritation ou d'infection, on réopère en ouvrant à nouveau (Keravision, Californie).


Le pneu du Français moyen ? En moyenne12 kg de plus à 6O ans qu'à 20, selon l'INSERM. Et à 50 ans, on a une "chance" sur deux d'être trop gros et une sur dix obèse. Mais le mangeur de camembert et de grenouilles reste statsistiquement plus svelte que l'Américain ou que l'Allemand.


La mante religieuse, célèbre pour son penchant à décapiter son mâle pour pouvoir procréer, est en outre dotée d'une centrale de détection anti-radars hyperfréquences. Pour détecter l'approche de chauves-souris en chasse, et se mettre en position de combat en un dixième de seconde.

Les tortues de mer naviguent sur 2.000 à 4.000 kms entre leurs lieux de villégiature et ceux de la reproduction. Quel système utilisent-elles pour s'orienter ?
Pour Michael Salmon, de l'université de Floride à Boca Raton, qui a étudié plusieurs espèces de tortues, c'est la direction des vagues qui pourrait aider les tortues à s'orienter, en fonction des vents dominants.

Stratégie de l'évolution, "le petit est beau". Du moins les individus de certaines espèces ont-ils tendance à devenir de plus en plus petits.
Cela s'est produit chez la salamandre (Plethodontidae). Mais ce qui intrigue les biologistes depuis longtemps, c'est que les "petites" salamandres, même si leur tête n'occupe en volume que le 27-ème de celles de leurs grandes cousines, ne comptent qu'un tiers de neurones en moins.


Environ 20.000 tonne de débris venus de l'espace pénetrent dans l'atmsophère chaque année. Mais très peu parviennent au sol et encore moins (environ 1 %) sont localisés et analysés.
Le géologue Roger Musson propose qu'un réseau de détecteurs sismiques soit consacré à la surveillance des petits chos créés par les impacts de météorites, afin d'en localiser les aterrissages et de facilter la récupération des matériaux extra-terrestres.

De l'or dans les océans, mais pas assez pour rouler dessus : des chercheurs britanniques ont réussi à mesurer que les océans recelent en moyenne la dose homéopathique d'1 gramme d'or pour 100 milllions de tonnes d'eau. En Méditerranée, la concentration est trois fois plus élevée.
L'étoile Polaire clignote. Plus précisément, sa luminosité est soumise à une période, d'environ une semaine. Sur cette durée, sa luminosité baisse de près de 50 %, puis redevient maximale. Et cela depuis 40.000 ans au moins.
Mais cela va changer : au cours des 10 prochaines années, cet objet céleste instable va se transformer en un feu fixe, selon les astronomes de Vancouver, en Colombie Britannique.
L'élévation du plateau du Tibet et des Montagnes Rocheuses dans l'Ouest américain, il y a 40 millions d'années, aurait causé une modification radicale de la circulation atmosphérique. Et aurait permis l'apparition du climat tel que nous le connaissons aujourd'hui. Auparavant, pas de steppes, ni de toundra, ni de déserts. Sans reliefs très élevés, la Terre était soumise à un climat plus global, avec moins de constrastes, selon une publication de géologues américains


Normalement, les racines poussent droit, en suivant les lignes imposées par la gravitation. Mais si l'on place une source de chaleur dans le sol, on s'aperçoit que la croissance se fait en direction de celle-ci. Les racines peuvent ainsi détecter des écarts de 0,05 degrés, ce qui n'est pas mal. Mas la plus grande sensibilité des racines s'exerce vers 15°C. A partir de 32 degrés ambiant, les racines ne répondent plus aux écarts de température.
Ce mécanisme semble être destiné à maintenir les racines dans une zone proche de la surface, où sont présents les nutriments. Si la plante descendait trop bas, elle sortirait souvent des régions du sol riches en éléments nutritifs.


Zéro degré, c'est le point de glaciation.... Oui, mais de l'eau pure, et en laboratoire. Dans la nature, en fonction des impuretés présentes, et en l'absence de certaines bactéries, il faut parfois attendre moins 40 degrés pour que l'eau gèle. Plus couramment, dans les nuage, c'est aux environs de moins 10 degrés qu'apparaissent les cristaux de glace, et que nait la pluie. Des chimistes tentent toujours de mettre au point des techniques pour faire pleuvoir, pour ensemencer les nuages qui passent au-dessus des déserts. Paradoxalement, c'est peut-être de l'alcool que viendra la solution. On a en effet constaté que contrairement à ce que l'on pense, dans certains cas, la présence d'alccol peut augmenter la température de prise en glace, au lieu de l'abaisser.

Merci, nous avions tous noté que les autos font du bruit. Les ingénieurs de Renault tentent de repérer les différentes source de bruit à bord. Notamment en faisant enfiler à leurs voitures des "jupes" pour écouter d'autres bruits que ceux des pneus. En 15 ans, le niveau sonore moyen des véhicules est passé de 82 à 77 décibels et une nouvelle baisse de 2 à 3 dB sera vraisemblablement demandé par les normes dans cinq ans. Autant dire que le volume sonore des voiture aura alors été divisé par cinq en 20 ans.

Les promesses du carbone C60

juillet 1991


Les qualificatifs ne manquent pas. "Porte ouverte sur une nouvelle chimie... des structures de rêve..., le carbone dans tous ses états". Tant les titres de la presse scientifique internationale que les commentaires des chercheurs marquent un état certain d'excitation autour de ce bon vieux carbone. Il n'y a qu'à consulter, sur les banques de données, la liste des publications traitant des fullérènes (molécules de carbone) : en moyenne quatre par jour. Et les colloques internationaux consacrés au sujet se terminent parfois au petit matin ! Une vague d'intérèt qui n'est pas sans rappeler la fièvre intense qui avait suivi, voici trois ans, la découverte d'alliages métalliques supraconducteurs à des températures "élevées".
Voici en tous cas la chimie du carbone propulsée sous les feux de la rampe. Grâce à des molécules inattendus, comportant plusieurs dizaines d'atomes, elle semble capable de faire écrire de nouvelles pages aux chimistes, en se comportant carrément comme des éléments inconnus, en offrant des nouvelles solutions géométriques, ou permettant (enfin ?) aux physiciens de comprendre les phénomènes de supraconductivité à haute température.

Par la grâce d'expérimentateurs astucieux, qui on su retrouver, d'abord sous des bombardements de graphite par des lasers, puis dans de la suie produite par des arcs électriques entre des électrodes de graphite des structures moléculaires, assemblages de 60, 70 et 84 atomes de carbone, sous la forme de ballons de football (60) ou de rugby (70) et peut-être de citrouille (84). Le diamant et le graphite, les structures naturelles connues de l'élément carbone comportant respectivement cinq et six atomes, mais sous forme de cristaux continus. Les chercheurs étaient loin d'imaginer obtenir du carbone sous forme moléculaire, et qui plus est, avec une telle taille : ce sont les plus grosses mélcules faites d'un seul élement. Quel bond ! La symétrie parfaite est atteinte avec C60, assemblage remarquable de pentagones et d'hexagones, formant un icosaédre tronqué, et rappellant furieusement le ballon de football. Les liaisons entre atomes y étant soit simples, soit doubles. La tentation fut irrésistible de faire de cette nouveauté du "footballène", dès 1983. Mais Harry Kroto (université du Sussex) et Rick Smalley (Rice University, Texas), qui furent parmi les premiers à suspecter cette structure du C60 dans une expérience en 1985 étaient davantage formés en architecture qu'en ballons. Ils brouillèrent les pistes en baptisant leur trouvaille du nom d'un architecte connu pour des structures formées de combinaisons de pentagones et d'hexagones, Buckminster Fuller. Cela donne : "buckminsterfullérène". Déjà simplifié dans les laboratoires en "bucky ball".

Mais si la découverte de ces molécules eut lieu dès 1985, pourquoi l'ébullition scientifique se produit-elle seulement aujourd'hui ? "Elle remonte en fait à plusieurs années, mais c'est seulement depuis quelques mois que nous disposons d'une technique capable de produire une quantité suffisante de ces molécules pour les étudier", explique André Rassat, au laboratoire de chimie de l'Ecole Normale Supérieure.

La découverte (W Kratschmer, Max Planck Institut et R Haufler, Univ Arizona) de la technique de production des fullérènes par arc électrique sous atmosphère d'hélium vient de fournir aux chercheurs les doses nécessaires à leurs investigations. Mais il faut être patient : dans le laboratoire d'André Rassat, il faut une semaine pour obtenir 500 milligrammes de produits, et pour certaines expériences, il faut disposer d'un gramme !
Le moindre des paradoxes n'est pas que le nouveau héros compte parmi les éléments les plus étudiés, les mieux connus des chimistes.

L'importance du carbone dans notre chimie, et plus particulièrement son rôle central pour tout ce qui touche la chimie "organique". Sa position remarquable d'élément à la fois électro-positif et électro-négatif (il peut gagner ou céder quatre électrons) faisant du carbone un intervenant d'une souplesse considérable. On le trouve donc dans un nombre incroyable de molécules, en association avec les éléments chimiques les plus divers. Une omniprésence qui a souvent fait dire du carbone qu'il constitue la brique centrale de la chimie de la vie sur notre planète.

Mais c'est dans l'espace que furent trouvée les premiers indices de molécules à grand nombre d'atomes de carbone. Des chercheurs comme Alain Léger (Ecole Normale Supérieure) repérant dès 1984 dans la "signature" infra-rouge recueillies par des télescopes des signes évoquant des molécules de ce type. Des structures que les théoriciens avaient de leur côté envisagé dès 1973. Et les surprises sont au rendez-vous des théoriciens et des expérimentateurs, dès que la molécule fut effectivement produite..

Parmi les plus importantes, la supraconductivité. Lorsque les chercheurs intercalent des éléments comme le potassium (métaux alcalins) entre les ballons de footballène, pour former un cristal combinant les deux éléments, celui-ci est supraconducteur, à 13 degrés K (moins 260 degrés C). Avec le rubidium, on y parvient à 28 degrés K (moins 242 degrés C). Le C60 est devenu la première molécule organique en trois dimensions supraconductrice ! Plus simples à étudier que les alliages métalliques, les physiciens en attendent une meilleure compréhension du phénomène, que les théoriciens ont toujours du mal a expliquer.

Mais d'autres applications devraient voler la vedette à la supraconductivité des fullérènes."Certains ont déjà suggéré de s'en servir comme lubrifiants, le footballène agissant comme une petite bille très dure, ce qui pourrait faciliter les frictions entre pièces", explique encore André Rassat.

On peut aussi envisager d'utiliser ces "cages" (l'intérieur du ballon est creux) pour y enfermer différents atomes (le lanthane ou le potassium ont été proposés), ce qui modifierait considérablement le comportement de la molécule et de l'atome.
Patrick Bernier, qui a mis sur pied une unité de production des fullérènes au CNRS de Montpellier croit également à l'avenir de ces produits dans le domaine des semi-conducteurs (1). Les molécules de ce matériau dopé étant capables d'échanger trois électrons avec leur entourage. Nos ordinateurs seront-ils demain au carbone ? Peut-être sera-t-il capable de remplacer le silicium ou l'arsénure de gallium dans certaines utilisations. On y pense également pour augmenter les performances des électrodes des accumulateurs et des piles.

D'ores et déjà Warren Pickett, du Naval Research Laboratory de Washington n'hésite pas à carrément qualifier la molécule carbone 60 de "nouvel élément", le Bf (buckminsterfullerène). Et cela autant en raison de ses différences de comportement par rapport au carbone simple, qu'en raison de la persévérance de ses propriétés dans les différentes phases (vapeur, solide).
Où s'arrètera la réalisation de ces molécules de carbone ? On sait déjà produire C60, C70 et C84 et probablement demain fera-t-on du C180, du C240, etc... Plus poétiquement, on peut parier sur leurs couleurs. C60 étant en lumière naturelle violet, C70 orange et C84 plutôt marron, les paris sont ouverts sur les coloris suivants.

(1) La Recherche, juin 1991, p 795

Brèves juillet 1991

Les bourdons servent souvent de référence scientifique pour la manière dont ils moissonnent le pollen. mais deux chercheurs suisses, Regula Schmid-Hempel et Christine Müller de l'Institut zoologique de l'université de Bâle ont remarqué que le comportement du bourdon était passablement trouble par ses parasites, et notamment la mouche conopide, qui les attaque pendant leur labeur sur les fleurs, pour pondre ses oeufs dans l'abdomen des bourdons.
Les individus ainsi parasités changent de comportement : ils passent moins de temps dans la ruche que les autres bourdons, et en consacrent davantage à la recherche de nourriture. A tel point que dans la population de ruches étudiées, 5 % des bourdons étaient infestés, mais sur les ouvrières qui alimentent cette même ruche, 70 % sont parasitées. Ce qui signifie que les bourdons parasités restent majoritairement à l'extérieurde la ruche, même la nuit. On ignore pour l'instant à quelle stratégie ou modification physiologique correspond cette attitude, mais elle remet en cause la validité d'études sur les stratégies de nourriture des bourdons et des hyménoptères en général.


Une algue qui y voit. L'information n'est pas banale. Hartmann Harz et Peter Hegemann , du Max Planck Institut for Biocemistry de Martinsried ont découvert que la monocellulaire Chlamidomonas rheinhardtii, qui nage à l'aide de deux cils vers les sources de lumière douce et fuit la lumière vive possède un vrai sens de la vision. D'abord, elle est pourvue de rhodopsine, substance photosensible également présente dans la rétine humaine,. De plus elle génère des courants d'ions calcium en réaction à une variation de luminosité. En appliquant des électrodes et des flash lumineux à ces algues, on peut noter leur réponse "informative" aux sollicitations lumineuses. Si le système est primaire, il est ultra-rapide, avec des temps de réponse de moins d'un millième de seconde (100 fois plus vite que la rétine), probablement en raison de la simplicité extrème du circuit détecteur-canal de transmission d'information.
Certains évolutionistes voient en de tels systèmes les origines de la vision des animaux supérieurs. En tous cas, c'est une piste fameuse pour tous les chercheurs qui travaillent sur la vision.


Les poisson des grands fonds sont hyper-actifs, et font ce qu'ils veulent. Cette idée, contraire, à ce qu'on pensait jusque là sur les poissons vivant entre 4.000 et 6000 mètres de fond, (qui auraient été soumis aux aléas des courants pour économiser leur énergie dans un milieu aux ressources rares), est soutenue par une campagne d'observations menées par des zoologues britanniques et des océanographes américains.
Coryphaenoides (Nematonurus) armatus et C. N. yaquinae (grenadiers) sont tout a fait capables de repérer des appâts (déchets orgniques), et de remonter des courants pour les rejoindre. Ces poissons passent donc d'un rôle passif de survivant, à celui, très actif, d'agent biologique capable de disperser sur le fond des mers des élements organiques ayant sombré depuis les niveaux océaniques supérieurs . Il faudra en tenir compte, notamment dans la reditsribution des ressources aux grandes profondeurs que réaliset ces poissons. Ces animaux sont présents en Atlantique et Pacifique, avec des densités de 100 à 500 individus au kilomètre carré à 4.000 mètres de profondeur, et de un individu au kilomètre carré à 6.000 mètres.


Brève
Le cochon d'Inde (Cavia porcellus) n'a pas livré tous ses secrets. On ne sait même plus s'il s'agit d'un rongeur, en raison de multiples différences avec les autres individus du groupe (par exemple son cycle de l'insuline). Des chercheurs israélien et américains (Graur, Hide et Li), après étude des amino-acides chez cet animal, suggèrent que dans l'évolution, le C d'Inde s'est séparé des mammifères avant la souris et le rat. Avons-nous affaire à un ordre de mammifères particulier, et non pas à de simples rongeurs ?


Brève
Les tortues du désert d'Arizona sont exterminées par les vaches. Rares et protégées, certaines de ces tortues portent des émetteurs radio. Quelle été la surprise de chercheurs de constater qu'un individu qui venait de subir un grand choc (détection par radio) avait en fait été écrasé, à 20 cm sous le sol dans son trou de sable, par le sabot d'une vache. Jusqu'à présent, ce genre de blessure très courante, était attribuée à des attaques de coyottes.

En principe, les plantes respectent certaines règles. Même si elles les contournent. Mais Lacandonia schismatica ne lasse pas de surprendre. Cette fleur blanche mexicaine, découverte par le biologiste Esteban Martinez, de l'Université Nationale du Mexique, présente une simple étamine entourée par plus d'une cinquantaine de pistils. Exactement l'opposé d'une fleur "normale" Une espèce qui pose d'intéressantes questions sur l'évolution de la flore. Cela peut être une mutation étrange, ou alors le rare survivant d'une autre stratégie sexuelle mise au point par toute une famille.


Généreuses sources chaudes, hydrothermales. Depuis leur découverte à la fin des années 70, sur les dorsales sous-marines actives, ces oasis de vie bactérienne et d'espèces de molusques et de crabes, ne cessent de nous livrer des surprises. Depuis quelques années, on pêche à des fins scientifiques des poissons qui broutent sur ces sites sous-marins, entre 1.000 et 3.000 mètres de fond. On procède avec des sous-marins de grande profondeur, comme le Nautile (capable de descendre à 6.000 mètres) de l'Ifremer, muni de systèmes d'aspiration. Au moins trois espèces sont de poissons sont ainsi associés à des sources chaudes (200 à 300 degrés C point de sortie). La dernière découverte en date (juillet 89) est Thermobiotes mytilogeiton (littéralement poisson qui vit dans les eaux chaudes à proximité des mollusques), capturé par le Nautile près des Fidji et baptisé par Patrick Geistdoerfer (CNRS et MNHN). D'une trentaine de centimètres, très actif, ce poisson est d'un genre et d'une espèce nouvelle de la famille des synaphobranchidae, ordre des anguilliformes. Il apprécie l'eau entre 5 et 25 degrés C (dans un environnement ou elle tendrait plutôt vers zéro, en l'absence de source chaude), et son corps est dépourvu d'écailles.

Les eaux profondes des Océans sont brassées par de puissants courants sous-marins, qui procèdent à des échanges colossaux, à l'échelle de la planète sous la forme d'une "ceinture de convoyage" allant de l'Atlantique nord jusqu'au Pacifique Est en passant par le Cap de Bonne Espérance, au sud de l'Australie. Là, les eaux remontent à la surface et retournent vers l'Atlantique par une série de courants de surface, qui échangent de la chaleur avec l'atmosphère. D'où leur influence prédominante dans les équilibres climatiques de la Terre.
La fragilité de ce système de convoyage des eaux froides nord- Atlantiques vers la chaleur de la surface du Pacifique est actuellement surveillée de près. Et à juste titre, puisque Thomas Stocker et Daniel Wright, de la MCGill University de Montréal et de l'Institut océanographique Bedford pensent qu'une légère modification de l'apport en eaux froides du côté Atlantique (provoqué par un réchauffement de l'atmosphère, par exemple) pourrait briser , voire inverser ce système de convoyage. Les deux océans davantage séparés d'un point de vie thermique, on assisterait probablement à une brutale variation des climats mondiaux, essentiellement sous les tropiques.

85 % de la chaleur en excès dans les entrailles de la Terre est évacuée par la remontée de magma, dans les dorsales actives (essentiellement au fond des mers), et le mécanisme de dérive des continents induit sous l'effet de cette poussée. Ce mécanisme est, pense-t-on, alimenté en énergie par une convection (comme de l'eau chauffée dans une casserole) qui a lieu dans le manteau, à quelques centaines de kilomètres sous nos pieds. Ce manteau liquide et pâteux étant chauffé par le noyau, à 3.000 km sous nos pieds.
Mais on n'explique toujours pas d'autres sursauts de la planète, ceux du volcanismes des "points chauds". Hawaii, le Piton de la Fournaise ou la Montagne Pelée comptent parmi ces sites étranges, isolés des plaques en dérive, et qui connaissent un volcanisme alimenté par d'étranges "chalumeaux" sous-terrains, des remontées de magma dans des cheminées très localisées et immobiles. A tel point que lorsque le fond de la mer dérive, au fil des millions d'années, le chalumeau perce tout un chapelet, une famille de volcans en file indienne.
Les géophysiciens pensent que ces cheminées peuvent constituer un système de refroidissement du noyau de la Terre, des sortes de "court circuit thermique" en prise directe avec le noyau, tandis que la tectonique des plaques évacue l'énergie transmise au manteau supérieur.

Il faudrait annoncer les éruptions solaires à tous les navigateurs. Bill Stewart, responsable du géomagnétisme au British geological Survey estime que l'éruption solaire de juin dernier, la plus puissante depuis 1989, était capable de perturber les compas de navigation de plus de 3 degrés. Et dans les prochaines semaines, des tempêtes magnétiques induites par l'activité solaire sur notre planète, seront capables de dévier les instruments de plus de 10 degrés, estime-t-il. De plus en plus répandus sur les avions et les navires, les systèmes de navigation inertiels ou par satellite mettent les navigateurs à l'abri de ce genre d'ennuis. Mais les compas magnétiques sont encore largement utilisés par les plaisanciers et les pêcheurs, et parfois pour des applications de plus en plus précises.
Les principales victimes seront encore une fois, les animaux qui disposent d'un système de navigation bio-magnétique. Les oiseaux migrateurs, des insectes comme les abeilles, certains cétacés sont exposés à ces perturbations naturelles mais très gênantes.

Brèves septembre 1991

Du son pour mon dauphin : David Goodson, un ingénieur électronicien de l'univ de Loughborough (GB) a mis au point un système à placer sur les filets flottants, afin que les sonars des dauphins puissent détecter ces nasses porteuses de mort. Il a commencé par étudier comment les dauphins repéraient les objets immergés, et souhaite que l'on rende son procédé (encore secret) obligatoire.

Le trèfle est une merveille. Il est déjà connu des agriculteurs car il absorbe l'azote , en association avec des bactéries qui vivent sur ses racines, ce qui permet de fertiliser les champs par culture d'alternance : les déchets de trèfle deviennent un engrais naturel pour la culture suivante. Mais les agronomes britanniques de Hurley, dans le Berhshire, ont une autre idée : planter du trèfle à proximité des céréales. Car cette plante repousse aussi les insectes, et pourrait devenir le premier "insecticide vert". C'est en faisant des tests pour optimiser les rendements de cet engrais vert que Lewis Jones s'est apperçu que les champs expérimentaux étaient nettement moins attaqués par les insectes que leurs voisins sans trèfle. On ignore encore à quoi est due cette propriété, peut-être à un champignon qui pousse sur les feuilles des trèfles, et qui pourrait contenir des substances toxiques aux dévoreurs des champs.

La roulette de Monte-Carlo. C'est comme cela que l'astronome George Wetherill de la Carnegie Institution de Washington a baptisé son système à former les planètes. Ce chercheur a voulu comprendre comment étaient apparues Mercure, Vénus, la Terre et Mars, au début du système solaire, voici 4,6 milliards d'années. Il a mis dans un ordinateur la masse de matière qui se promenait autour du Soleil à cette époque reculée, et a laissé la machine calculer le résultat de milliards de chocs entre les blocs, et estimer comment la matière avait pu s'agglutiner en planètes. Il a été surpris de constater que dans la plupart des cas, quelque soient les conditions de départ, on retrouvait une planète de la taille de la Terre à cette distance (entre 0,8 UA et 1,3 UA, où UA = la distance actuelle Terre-Soleil, soit 150 millions de kilomètres). En fait, il semble bien que le système solaire, avec quatre planètes proches de l'astre, puis une ceinture de matière (ceinture d'astéroides) soit une forme naturelle et banale. Donc courante, avec la possibilité de millions de planètes habitables dans l'univers.

Les chauve-souris "vampires" ne sont pas de simples suceurs de sang. Elles savent le faire avec talent. A tel point que les chercheurs de la firme Merck Sharp and Dohme, aux Etats-Unis, ont identifié dans les sécrétions buccales des voraces suceuses de sang une protéine anti-coagulante remarquables. Chez la chauve-souris, elle évite que le sang ne coagule, et que la plaie ne se referme avant que le dîner de la mordeuse ne soit achevé.
Appliqué à la médecine, cette protéine pourrait servir pour dissoudre les caillots sanguins en cas de thrombose, ou pour fluidifier le sang lors de troubles cardiaques. Des tests menés sur les lapins ont montré que la substance agissait quatre fois plus rapidement et restait présente dans l'organisme dix fois plus longtemps que les anti-coagulants aujourd'hui disponibles en pharmacie. Un autre laboratoire, Transgène, à Strasbourg, a déjà fait produire une substance de ce type, l'hirudine, à des bactéries manipulées génétiquement. L'hirudine étant un produit que l'on trouve dans la salive de la sangsue, un autre vampire. Qui a dit que certains animaux étaient seulement nuisibles ?

Pyrodictium occultum est une bactérie qui n'a pas froid aux yeux : elle adore séjourner à plus de 100 degrés C, dans des sources chaudes par exemple. Comment fait-elle pour survivre dans de telles conditions ? Les chercheurs de l'Université de Regensburg, en Allemagne, ont identifié une protéine en forme de cylindre, que les cellules de la bactérie se mettent à produire à toute vitesse lorsque la température voisine les 100 degrés. Précisément, cette substance a un rôle de gendarme : elle surveille les autres produits des cellules, et veille à ce qu'aucun déchet ne vienne se former, en raison de la température élevée. Des déchets, provenant de protéines manquées au cours de la fabrication cellulaire, pour cause de chaleur, seraient susceptibles de devenir toxique pour les cellules.


Les lézards ont des yeux partout : Sceloporus jarrovi est doté d'un troisième oeil, ou "parietal".Au sommet du crâne, recouvert de peau, cet oeil est fonctionnel et comporte une rétine, une cornée, un cristalin. Barbara Ellis et Carol Simon, de la City University de New York, ont masqué cet oeil chez des lézards, d'un coup de peinture épaisse, et ont noté que la plupart d'entre eux ne retrouvaient plus le chemin pour retourner à leurs territoires. Sans la peinture, ils filent droit à la maison. Cet oeil de navigation fonctionne en analysant la polarisation de la lumière solaire. Quand cette polarité était modifiée pour les besoins de l'expérience, les lézards ne retrouvaient plus non plus la route pour rentrer.



Les nouveaux-nés des hyènes sont particulièrement aggresifs à l'éard du jumeau, qui normalement nait une heure après eux. Queluqes minutes après la naissance du second, l'ainé commence à attaquer son frère ou sa soeur. Une attaque aui n'a rien de symbolique, puisque la hyène nait avec une dentition complète (ce qui est rare chez les carnivores), les yeux ouverts et possède une synchronisation des gestes qui rend son attaque particulièrement efficace. Le jeune engouffre son museau dans l'utérus de sa mère, jusqu'à pouvoir mordre son cadet.
L'aggression, particulièrement redoutable le premier jour, peut se prolonger dans le temps. Et si en captivité elle est rarement fatale au cadet, il en va tout autrement dans la nature, où un quart des jeunes meurent ainsi. Laurence Franck, Stephen Glickman de l'Univrsité de Berkeley ont étudié les hyènes Crotura crotura de la réserve Masai de Mara, au Kenya, et sont arrivés à la conclusion que cette agressivité était liée aux taux d'hormones mâles (testosterone et androstenedione) présentes chez les jeunes. La meilleure preuve en est que lorsque les deux jeunes sont de sexes différents, les attaques cessent plus rapidement et il est alors fréquent que le cadet survive. Un comportement que les chercheurs expliquent par le fait que les clans d'hyènes sont formés de femelles, et les mâles vont en solitaires jusqu'à s'intégrer à d'autres clans. Si la portée est mixte, les individus ne seront pas en compétition plus tard, au sein du même groupe, ce qui favoriserait la tolérance. Notamment entre femelles, puisque la fille prend en principe le rang social de sa mère, sauf si elle a une soeur, avec qui elle devra alors se disputer. La sélection naturelle aurait renforcé ce type de comportement.

Les escargots victimes des apprentis-sorciers ? Sur l'île de Moorea, en Polynésie, la réintroduction des escargots Partula vient d'avoir lieu. Un natif du cru, qui avait été éliminé, voici une dizaine d'années, par l'introduction volontaire d'un tueur, Euglandina. Le comble, c'est que ce mercenaire devait décimer un autre genre introduit par accident, l'escargot géant d'Afrique. Un ennemi des cultures. Mais le tueur a préféré s'en prendre à Partula, et a provoqué son extinction sur l'île. C'et en captivité ue six variétés de Partula ont été conservés, au sein de 17 centres spécialisés. cet escargot, très intéressant au chapitre de l'évolution et de la différenciation des espèces, pourra peut-être retrouver ainsi son mileiu préféré. A condition de pouvoir interdire ces aires de repopulation aux Euglandina restant. Une solution : établir des barrières de canneliers, que ces escargots détestent.

Brèves octobre 1991

Small is sexual

Pas facile, la vie de prédateur des eaux froides et profondes. Il est à la fois difficile de trouver des proies et des partenaires pour se reproduire. Les "Angler fish", (poissons pêcheurs) des profondeurs ont trouvé des solutions pour parer à leur faible densité de populaton. D'une part les proies sont "attirées" par des parties bioluminescentes de leurs corps, mais en outre les mâles sont dépendants de la femelle, fixés à son ventre et se nourissant de son sang toute sa vie. En fait, cela est plus compliqué que cela, car certines variétés de ces poissont ont des des mâles qui restent soudés en permanence à la femelle, mais d'autres s'en vont au bout d'un certain temps, voir ailleurs, à la conquète d'autres reproductrices. Une stratégie qui semble dictée par un seuil de densité de chaque espèce. On s'apperçoit également que c'est en général chez les éspèces ouù la compétéition entre mâles n'existe pas, que la taille et parfois la forme de celui-ci est la plus différente de la femelle. Au point d'avoir parfois mené dans le passé les naturalistes à les classer dans des espèces différentes.
En fait, l'intérèt d'un mâle reproducteur et non compétiteur, surtout s'il se déplace difficilement, est d'aller se fixer le plus vite possible sur le dos d'une femelle, et d'y attendre les périodes fertiles pour lui fournir ses gamètes. C'est la cas de l'huitre Ostrea puelchana, une grosse femelle qui porte sur sa coquille son tout petit mâle géniteur.
Chez plusieurs espèce de poissons, note l'ethologiste Paul Verrell, de l'université de Chicago, la capacité de se transormer se femelle en mâle ou vice-versa est aussi liée à la taille des individus. Plus précisément, à l'intérèt qu'un mâle ou une femelle ont d'être de grande taille par rapport à leur partenaire. Un intéret qui se traduit bien évidemment par le plus grand nombre de descendants possibles.
Des exemples précis de ces stratégies "d'hermaphrodisme séquentiel" mises en évidence par Michael Ghiselin de la California Academy of Science sont données par quelques poissons coralliens. Thalassoma bifasciatum (blue-headed wrasse) forme ainsi des bandes, dont les plus grands individus sont des mâles, contrôlant des harems entiers de femelles. L'intérèt de la taille est ici de pouvoir combattre avec succès d'autres mâles, afin de s'approprier leur territoire et leur harem. Surtout, dès qu'un mâle dominant quitte un récif ou s'en trouve écarté, c'est la plus grande femelle du groupe qui se transforme en mâle, pour pouvoir défendre son nouveau territoire.
Dans le cas du poisson clown Amphiprion akallopisos, c'est le contraire. Ce poisson monogame vit en couple aux abords des anémones de mer. Et là, c'est la femelle qui est la plus grosse, afin de pouvoir pondre le plus d'oeufs possible. Mais si la femelle s'égare, se perd, et qu'un petit poisson vient prendre sa place, l'ancien mâle, devenu le plus gros du nouveau couple, change de sexe, devient une femelle pour pouvoir assurer la ponte la plus efficace.
Si les intérèts des animaux à avoir un mâle de grande ou de petite taille par rapport à la femelle sont généralement assez clairs, il est par contre rare de les voir ainsi changer de sexe dès que le problème de la taille se pose. Outre les poissons, les mollusques et certains vers, les seuls à pratiquer ces changements hermaphrodites sont des amphibiens.


Les relations entre parasites et hôtes sont souvent complexes à mettre en évidence. De nombreux éléments de l'environnement et du comportement des deux espèces en présence viennent brouiller les cartes autour du lien qui unit les deux individus. Aedes sierrensis, un moustique infecté par le protozoaire Lambornella clarki, succombe en général à la présente de ce parasite. Toujours ? Non. Quand le conditiosnnde vie deviennent difficiles pour le moustique (pe de nourriture disponible), les populations infectées de parsites deviennent plus nombreuses, et les individus atteignent des taille supérieures à celles des autres moustiques. le mécanisme de cette adaptation n'est pas connu, mais il semble à première vue que la parasite sache en période difficile préserver sa monture pour augmenter ses propres chances de survie. Ce travail de Jan Washburn à l'université de Californie est un choc pour tous ceux qui pensaient pouvoir éradiquer certaines maladies parasitaires, telles que le paludisme, en éliminant une grande part des moustiques vecteurs. On s'apperçoit que la virulence et le taux de parasitisme augmente si le nombre d'agents transmetteurs décroît.

brève
l'extrait de yucca pour respirer : Denis Headon, université irlandaise de Galway a utilisé les molécules que le yucca du désert met en oeuvre pour récupérer l'azote dans les excréments animaux, pour en faire un désodorisant particulièrement efficace (anti-ammoniaque) , pour les WC publics, et les porcheries industrielles.


Quel est l'élément qui fait instinctivement passer un cheval du trot au galop ? En fait, pour les ongulés, c'est là un moyen de soulager les tensions qui s'exercent sur leurs membres. Passer au galop réduit considérablement les efforts sur le système musculaire du squelette, et réduit les risques d'accident musculaire et ligamentaire, estime Claire Farley, spécialiste de zoologie comparée, à Harvard.
Ce qui est surprenant, c'est qu'en passant au galop, le cheval passe brutalement à une consommation supérieure d'énergie. La motivation essentielle que les chercheurs ont trouvé dans cette décision du chaval, c'est sa sécurité : la force qui s'exerce sur chaque patte augmente avec la vitesse, et la seule façon de la réduire à partir d'un certain stade, c'est de changer le mouvement des pattes et la répartition du poids du corps sur les différents membres, par un passage au galop.


Des volcans inconnus par milliers. On en découvre tous les mois, au fond des océans, quand les navires océanographiques comme l'Atalante de l'Ifremer dressent des cartes du fond des mers au moyen des sonars de nouvelle génération. Bien entendu, on connait encore moins les impacts sur l'environnement sous-marin de leur influence, qui représente pourtant 75 % des activités volcaniques.
La géologue Katherine Cashman, de l'université de Princeton, a cherché à comprendre comment l'eau et les courants océaniques dispersaient les matériaux éjectés par ces centaines de volcans mal connus. En fonction de la taille et de la forme des débris basatiques que l'on rencontre dans certaines formations, elle est parvenue à montrer que certaines régions continentales avaient autrefois été immergées, tout simplement parce que les déchets vomis par un volcan sous-marin ne se comportent pas comme ceux qui sont éjectés dans l'atmosphère.

Pourquoi la nature n'a-t-elle pas inventé la roue ? C'est vrai, aucun animal ne se sert de cette astuce pour se déplacer. Sans doute parce que les routes sont aussi nécéssaires aux roues que les mâles aux femelles, pourrait-on répondre.
La preuve, quand le relief offre de belles étendues planes, et que la motivation existe, la roue apparait dans le monde animal.
Carparachne aureoflava, araignée dorée (golden wheel spider) se roule en effet en boule très compacte et serrée, de façon à faire une sphère quasi parfaite, et dévaler à toute allure les dunes de sable du désert de Namibie. Elle est capable d'atteindre 44 tours de roue à la seconde, ce qui correspond à la vitesse du pneu d'une voiture lancée à 250 km/h. Tout cela pour fuir une guèpe qui tente de parasiter cette araignée, en pondant ses oeufs dans on cadavre. C'est quand la guèpe creuse l'entrée du trou de l'araignée, que celle-ci surgit, se lance sur ses pattes, et quand elle a atteint une bonne vitesse replie ses membres de manière à faire une boule parfaite pour dévaler la pente. On sait qu'une araignée est incapable de courir sur ses pates très longtemps, car son système musculaire est conçu pour des efforts très intenses, mais brefs, et elle est obligée de se reposer au bout de quelques mètres. La roue et la pente des dunes namibiennes lui ont donc permis de mettre au point une stratégie d'évasion particulièrement originale.

Brancher puces et neurones

1991

Dans notre monde grouillant de créatures électroniques, l'idéal, pour mieux dialoguer avec les machines, serait encore de greffer directement quelques puces de silicium sur des neurones de notre cerveau. Plus d'embouteillage de mots, plus de soucis de frappe fastidieuses sur clavier, ou de lectures harassante sur écran : l'ordinateur serait directement "branché" sur le cerveau.
Cette vision "extrème" de l'évolution de l'interface entre l'homme et l'électronique relève pour l'heure de la plus pure "technologie fiction". Mais certains scientifiques y pensent, à long terme. Depuis quelques semaines, l'objectif de développer des bio-senseurs et des circuits neuro-électroniques parait même un peu plus réaliste. Après de premières tentatives spectaculaires mais stériles dans ce domaine, au début des années 80, un premier pas vient en effet d'être franchit : une petite jonction électrique a été formée entre une cellule nerveuse et du silicium, au laboratoire de biophysique de l'université d'Ulm, en Allemagne. Peter Fromherz et Andreas Offenhäusser y sont parvenus à greffer des neurones de sangsues sur du silicium oxydé, obtenant avec cet ensemble pour le moins hybride un comportement du type transistor à effet de champ (1), contrôlé par la tension délivrée par le neurone.
L'objectif de recherches aussi spéculatives est triple. Il s'agit d'explorer dans un premier temps les capacités de cellules humaines vivantes à se coupler à des éléments électroniques, pour interagir directement avec eux. Dans une seconde phase, il sera peut-être possible de produire des élements électroniques bio-compatibles qui serviront à étudier le fonctionnement du cerveau et de réseaux neuronaux, en venant s'intercaler entre des neurones. De telles sondes seraient capables d'espionner les dialogues entres cellules nerveuses, pour déterminer les fonctions de différentes régions cérébrales ou motrices. Ou dépister le fonctionnement de sytsèmes subtils, comme celui de la douleur. Enfin, bien plus tard, on peut penser à mettre en relation une forme plus ou moins complexe d'électronique avec certaines fonctions cérébrales. Et réaliser de véritables "prothèses" bio-électroniques pour compenser des déficiences fonctionnelles, comme chez les non-voyants, ou faciliter certaines acquisitions d'informations, chez des pilotes que l'on doterait d'une vision "améliorée" à l'aide de caméras greffées sur des neurones.
Plus proche de nous, l'ordinateur "biologique", dont les composants ne seraient plus seulement électroniques, mais en partie vivants, utiliserait des cellules nerveuses ou des bactéries pour stocker des informations de manière plus souple et plus économe en énergie que les actuelles mémoires des ordinateurs. Pur phantasme ? Peut-être. Mais même rudimentaires, les premières application de composants bio-électroniques pourraient surtout venir compléter les technologies des bio-capteurs, pour en faire exploser le nombre d'applications.
Un bio-capteur, c'est un espion parfait du monde chimique. Un traître capable de déceler la présence, en infimes quantités, de substances importantes comme le glucose, les ions sodium ou l'oxygène. Une sorte de papille gustative artificielle, capable de goûter des substances que nos sens grossiers ne savent pas déceler. L'intérèt ? Suivre pas à pas l'évolution biochimique d'un milieu, que ce soit à l'intérieur d'un organe du corps humain, ou dans une cuve de fermentation destinée à produire des substances pharmaceutiques par génie génétique.
Précisément, les bio-capteurs aujourd'hui disponibles dans les laboratoires ne sont pas assez rapides, peu sensibles, et relativement peu fiables. Et plus d'une douzaine de firmes son engagés dans une compétition internationale au couteau, dont l'enjeu est la mise au point d'une génération de capteurs vraiment efficaces. Ce serait là une évolution majeure : à base de structures métalliques (oxydes d'aluminium) et de membranes de polymères (plastiques), de tels capteurs pourraient recouvrir les parois des puits pour veiller de façon permanente à la qualité de l'eau, dans les nappes phréatiques. Installées dans le sous-sol et reliées à des ordinateurs, ces sentinelles détecteraient immédiatement toute infiltration de substances toxiques. En recherche, les applications potentielles sont légions, comme la détection des neurotransmetteurs qui agissent entre terminaisons nerveuses. Et parmi les retombées médicales, l'une des plus cruciales serait le contrôle en temps réel du taux de glucose dans le sang. Installés dans les vaisseaux sanguins, ils offriraient à des diabétiques de réguler leur taux de sucre en déclanchant l'injection à la demande d'insuline dans leur organisme, au moyen de micro-pompes. Les industriels ne sont pas les derniers intéressés. Une bonne part de l'efficacité des productions biotechnologiques repose sur la capacité à contrôler les réactions de fermentation dans les grandes cuves industrielles, tâche qui pourrait être confiée avec une grande efficacité à des membranes capables de détecter des substances déterminées avec une précision micrométrique.
Dans l'environnement, il serait encore possible de détecter immédiatement, dans les champs, toute concentration excessive de pesticides ou d'engrais. Bref, partout où il est devenu crucial de pister des quantités infinitésimales de produits actifs, les "bio-capteurs" sont promis à une développement comparable à celui des composants électroniques : foudroyant.








(1) Science, vol 252, page 1290