vendredi 13 juin 2008

Immunofluorescence

Immunofluorescence
1994

Une bataille peut-elle être belle ? Cette question, c'est à des chercheurs comme Nancy Kedersha qu'il faut l'adresser. La jeune immunologiste américaine est une spécialiste mondialement reconnue du démontage des mécanismes du vivant. Sous ses yeux, des millions de cellules ont livré le combat de leur survie. Avoué leurs secrets.

Nancy n'est pas la seule chercheuse à utiliser l'immunofluorescence. La technique consiste à accoler des étiquettes colorées à des torpilles chimiques qui vont s'agripper à des cibles précises sur la cellule . Fluorescentes, ces marques s'illumineront lorsqu'on les fera passer sous une lumière bien précise, et révèleront l'anatomie intime des endroits ou elles ont été accueillies. Grâce à cette astuce aussi simple que jolie, les chercheurs peuvent voir les contours d'une cellule nerveuse, mais aussi traquer les effets de leurs molécules-médicament au contact de fibroplastes de la peau. Ils voient les substances, des "anticorps" ainsi colorés qui s'amarrent vigoureusement à la cellule, ceux qui font pénétrer le médicament qu'ils portent sur le dos à travers la muraille cellulaire et vont le livrer au bon endroit... Car en "ouvrant" les parois des cellules vivantes, on peut faire pénétrer ces missiles colorés dans la cellule. En se fixant à certaines protéines, ils dénoncent alors le fonctionnement intime de la microscopique usine du vivant....

Nancy a développé dans ce domaine une technique et un regard hors pair. Etudiante préparant sa thèse, elle a peaufiné jusqu'à l'extrème sa technique sur son microscope à fluorescence. Découvrant du coup dans les cellules des parties inconnues jusque là, des structures en forme d'arches (ribonucléoprotéines), omniprésentes, et dont on ignore toujours à quoi elles servent vraiment.

C'est ce regard "pénétrant" qui a intéressé les responsables de la société ImmunoGen de Cambridge (Massachusetts). Cette société mise actuellement sur le développement d'une nouvelle famille de médicaments contre le cancer, et ses responsables ont demandé à Nancy de venir observer chez eux l'effet de divers candidats-médicaments sur les cellules vivantes.
Le résultat de ces années de labeur? Un feu d'artifice coloré, un monde irréel, dont l'enjeu n'est pourtant rien moins que le combat pour la vie.

"Le plus étonnant, dans ce genre de travail, concède Nancy, c'est la manière dont les cellules conservent leurs caractéristiques, même quand vous les mettez en culture en éprouvette. C'est un peu comme si vous preniez des gendarmes et des voleurs, vous les mettiez sur une île déserte sans leurs armes, et qu'ils continuent à se poursuivre"....

Surtout, les cellules conservent leur capacité à "dialoguer" avec quantités d'agents extérieurs, les anti-corps.
A sa surface, chaque cellule porte des milliers de marques caractéristiques, des molécules chimiques qui font son empreinte, sa carte d'identité. Ces antigènes sont visités et lus par d'autres molécules, des anticorps présents à l'extérieur, et qui viennent épouser les formes des antigènes pour les identifier. Dans ce chaos de reconnaissances mutuelles, de tâtonnements chimiques, un intrus est identifié, dénoncé. Et les ordres d'attaque sont aussitôt donnés par une chaîne de réaction du système immunitaire, chargée d'ordonner le ménage et de faire balayer l'intrus.

Cela fonctionne plutôt bien. Même si certains envahisseurs, virus, bactéries ou parasites se sont adaptés en développant des astuces pour demeurer "illisibles", ou "invisibles", aux anticorps du système immunitaire. Dans le cas du cancer, il reste à comprendre pourquoi les cellules cancéreuses, qui pourtant ont une signature, un profil d'antigènes tout à fait particulier et différent de celui des cellules saines, ne sont pas exterminées par les défenses de l'organisme.

"Probablement le sont-elles, explique Wolf-Herman Fridman, directeur du laboratoire d'immunologie cellulaire de l'Institut Curie, mais le cancer se développe quand le système immunitaire ne fonctionne pas de façon suffisamment efficace...."
Cette déficience, les chercheurs veulent aujourd'hui la combler en jouant sur les arguments même de la défense. En fabricant des anticorps spécifiques, qui sachent parfaitement reconnaître les cellules cancéreuses et se fixer à la seule surface de celles-ci. En leur associant des substances toxiques, ils parviennent à faire converger les produits anti-cancéreux au coeur des tissus malades, en évitant leur dispersion dans le reste de l'organisme. Un progrès de taille par rapport aux techniques de chimiothérapie "aveugles", dont les effets de frappe massive sur l'organisme limitent trop souvent l'usage.
Parmi les substances qui pourraient ainsi se laisser guider par les anticorps, la ricine. Les immunologistes d'ImmunoGen pensent que cet extrait du ricin, capable à la dose de quelques molécules de tuer une cellule, pourra achever le travail dans le cas de chimiothérapies incomplètes, voire de remplacer celles-ci, à des doses mille fois moindre...

Le développement continu des techniques d'immunofluorescence progresse aujourd'hui à pas de géant. Les images que vous avez sous les yeux sont bien plus riches d'informations que celles que l'on obtenait il y a quelques années. Avec trois couleurs, bleu, rouge et vert, les fluorochromes permettent désormais de marquer différents effets des anticorps à l'intérieur même de la cellule, de cerner différentes étapes de la machinerie.
On a ainsi pu comprendre comment agissait le taxol, cet extrait de l'if qui s'avère un efficace agent anticancéreux. Il empêche le fonctionnement des microtubules, de petites structures qui interviennent lors de la copie des chromosomes en vue de la division cellulaire.

Dénonçant la présence la plus discrète, ces étiquettes fluorescentes peuvent aussi traquer un démarrage cancéreux avant-même qu'il ne soit observable. En trouvant de la kératine dans des tissus osseux, où cette substance n'a rien à faire, les biologistes peuvent diagnostiquer un affolement cellulaire correspondant à un cancer précoce.
Et demain ?

"Ces techniques vont se généraliser, on peut aujourd'hui directement regarder dans un microscope à immunofluorescence, alors qu'il y a quelques années, il fallait passer par la photographie", explique Jean Davoust, chercheur au centre d'immunologie de Marseille-Luminy (INSERM-CNRS).
Sur son écran, le biologiste pourra "visiter" la cellule sur laquelle il doit travailler. Y pénétrer pour un voyage virtuel, qui lui permettra d'assister en direct à l'action des médicaments convoyés par les anticorps...

Un fantasme ?
La microscopie confocale, où les points de fluorescence sont lus par un petit faisceau laser, les coordonnées enregistrées, permet déjà de restituer une image en trois dimensions de la cellule. Avec une précision aussi étonnante qu'émouvante.

Telescope Keck

Reportage à Hawaii
1994

Nos nuits devraient être blanches. Dégoulinantes de lumière. Coiffées de millions de lanternes solaires juxtaposées. Sans le moindre noir sur la voûte. Question de bon sens.
Après tout, le nombre d'étoiles tapissant l'univers est assez monstrueux pour être admis comme "infini" à l'horizon de notre entendement (des millions de milliards). Ne pas être aveuglé par une voûte enchassée de lumière confine donc à l'hérésie. Notre perception "instinctive" du monde est bafouée.
Car la nuit est obstinée, noire. A peine mouchetée de myriades de lueurs. Pourquoi ?
Pour satisfaire leurs flirts avec les questions de l'univers, les cohortes scientifiques gravissent désormais les Cordillères les plus escarpées pour y percher de gigantesques réceptacles à lumière, les miroirs des télescopes. Comme au Centre d'Observation Européen (ESO) de la Silla, au Chili, ou sur le Mauna Kéa, le volcan d'Hawaii couronné de neuf dômes blancs, 4.200 mètres plus haut que la mer.
Parfois, les Terriens expédient aussi leurs entonnoirs à lumière en orbite, comme le désormais fameux Hubble Telescope, et bien d'autres instruments moins médiatiques.
L'idée originelle de toutes ces migrations en altitude étant bien entendu d'échapper le mieux possible aux troubles inhérents à la basse atmosphère terrestre : pollution chimique et lumineuse, turbulences de l'air, nuages et humidité... S'en affranchir permet d'atteindre les limites de clarté des optiques, de distiller des images au piqué tranchant comme des rasoirs, chaque détail révélé devenant une information sans précédent sur les pâles objets observés.
Pour ce genre d'affaires, l'espace semble la solution idéale. En principe... Les avatars de Hubble et les pirouettes des astronautes-dépanneurs de la Nasa ont convaincu bien des astronomes que la solution, pour les gros télescopes optiques du moins, n'est pas forcément d'être placé dans l'espace.
Durant les vingt années qui séparent la conception de Hubble et son fonctionnement optimal, en décembre 1993, les cartes ont tout simplement été redistribuées. Astronomes et ingénieurs n'ont pas chômé, développant des outils optiques et électroniques sans équivalents, trouvant des sites d'implantation qui font des télescopes actuellement en cours de réalisation au sol des machines à traquer la lumière capables sous peu de concurrencer Hubble. S'il est probable que l'orbite terrestre conservera un intérêt puissant pour tous ceux qui étudient les longueurs d'ondes les plus altérées par l'atmosphère : ultra-violets, infra-rouges, rayons X, gamma, etc, dans le domaine optique, cela est moins certain...
Pour le prix d'un télescope optique en orbite, les astronomes pourront s'offrir une bonne dizaine d'engins géants au sol....
La partie cruciale du télescope géant, son âme, c'est le miroir primaire. Cette cuvette argentée lui confère qualités, défauts et limites... Une surface la plus étendue possible, mais aussi la plus régulière. Elle est chargée de collecter tous les grains de lumière, les photons en provenance des confins de l'univers, et de les concentrer vers un autre miroir, plus petit, qui forme le pinceau lumineux destiné à l'analyse par les instruments, les différentes caméras montées à la réception des images.
D'emblée, on perçoit le dilemme : réaliser le plus grand miroir possible, mais aussi le plus régulier, le plus lisse, le plus stable. Sans oublier qu'il doit être mobile, orientable, et avant tout, ne pas se déformer sous son propre poids...
La limite du genre était connue. Elle avait été atteinte par les Soviétiques, en 1976, avec un miroir de 6 mètres de diamètre à Zelentchouk (Caucase). D'ailleurs les défauts techniques de l'installation ne lui ont jamais permis d'atteindre les objectifs scientifiques que l'on pouvait espérer, et le plus performant des grands télescopes fut longtemps le Hale, du mont Palomar, en Arizona, plus modeste avec 5 mètres de diamètre, et plus ancien (1948). Il ne fut rattrapé en performances que par les grands télescopes des années 70 et 80, comme l'engin franco-canadien implanté sur le Mauna Kéa en 1979 (3,6 mètres de diamètre). Mieux conçus, implantés sur des sites meilleurs, ces instruments plus petits voyaient mieux que leurs ancêtres géants...
"On pensait vraiment à cette époque que l'on ne pouvait pas faire plus gros que le miroir du Mont Palomar. Et encore. Un miroir massif de dix mètres réalisé avec les mêmes techniques aurait imposé des infrastructures gigantesques, et coûté plus de six milliards de francs. Totalement irréaliste", se souvient Jerry Nelson, de l'Université de Berkeley, en Californie.
Mais Nelson avait une idée qui illuminait son cerveau chaque nuit, celles où la limpidité est telle que l'on se dit que toutes ces étoiles sont à portée de bras... Dès 1975, l'astronome dessina un télescope dont le miroir n'était plus d'un seul bloc, mais réalisé avec plusieurs petits éléments, alignés au moyen de vérins contrôlés par ordinateur.
Vingt plus tard, son rêve est à l'abri dans son écrin, sur le plus beau site astronomique du monde. Celui où le ciel est le plus pur, le plus sec. Le Mauna Kéa. Comme pour le Mont Palomar, un milliardaire a financé les 550 millions de francs de la construction, en échange de l'attribution de son nom au meilleur avaleur d'étoiles de la fin du siècle : Keck.
Les dix mètres de diamètre du miroir sont une ruche. Biseautés en alvéoles, les trente six miroirs hexagonaux sont montés côte à côte. Excessivement mince, avec 7,5 centimètres d'épaisseur, pour 1,8 mètres de haut, ils ne pèsent que 500 kilos chacun. Au total, un miroir trois fois plus léger que le Titan du Caucase, pour une surface trois fois plus grande ! Ce format a aussi permis de finir les miroirs de manière inhabituelle : en les voilant sous pression lors du polissage. Puis ils ont été relâchés, afin de prendre leur forme définitive.
Mais le sage secret du Keck, ce sont ses ordinateurs. Toutes les deux secondes ils calculent et rectifient la position des 108 vérins qui alignent les miroirs avec une précision équivalente au millième de l'épaisseur d'un cheveu. A la moindre variation de température, d'humidité, dès qu'une porte ouverte crée un courant d'air sous le dôme géant, les miroirs se réalignent, comme par magie. Et sagement, les particules de lumière se laissent cueillir, finissant leur voyage cosmique sur le même endroit du détecteur électronique...
"Les résultats sont surprenants", concède Barbara Schauffer, l'opératrice du télescope.
A tel point que le télescope sera flanqué d'un jumeau, déjà en construction 85 mètres plus loin. Reliés entre eux, les frères Keck pourront additionner leurs images, fonctionner comme un télescope unique dix fois plus performant en pouvoir de séparation...
L'histoire de cet instrument est l'exemple même de ce que font les télescopes modernes : harcelant des filets à lumière, capables de compter photon par photon, grain après grain, la lueur en provenance de l'horizon du monde.
Quels confins ? On ne sait guère. Selon les thèses, l'âge de l'univers varie de 8 à 20 milliards d'années. Pardonnez du peu. L'incertitude est énorme, et on espère, précisément, lever ce doute au cours de cette décennie, avec cette nouvelle génération d'instruments. La majorité des astronomes concernés optent aujourd'hui pour un âge probable de 15 milliards d'années. Si tel est le cas, les créatures célestes les plus distantes détectés à ce jour, des quasars, crachent leurs torrent d'énergie, à 14 milliards d'années lumière de nous.
Le Keck a déjà tiré les meilleurs portraits de ces torches folles du cosmos. Probablement nées au début de l'univers, leur lumière nous parvient enfin, et confirme leur statut de mystérieuses créatures. Ce sont les objets les plus brillants, vomissant des milliers de fois davantage d'énergie que des galaxies entières. Outre leur études, des télescopes de la puissance du Keck offrent de se servir de cette lumière pour analyser tout ce qui se trouve sur son trajet. Comme si de Paris, la photographie d'une ampoule électrique située à Lyon permettait de déterminer la pollution de l'air du côté d'Autun.
Du côté d'Hawaii, les résultats pleuvent. On estime aujourd'hui que les galaxies bleues, les plus chaudes, sont plus nombreuses que prévues, et bien plus jeunes. Et sous ce nouveau regard, le plus brillant objet dans le ciel, FSC10214+4724 de son petit nom scientifique, aussi éclairant qu'une centaine de milliard de soleils ordinaires, mais à 10 milliards d'années-lumière de nous, s'est déjà révélé comme un amas, peut-être une galaxie se faisant cannibaliser par un gigantesque quasar situé en son centre.
Des histoires de cannibalismes, on en compte par milliers dans le cosmos. Notre gentille galaxie, la Voie Lactée, est actuellement accusée de grignoter ses voisines, membres du même groupe spatial. Et en observant des centaines d'étoiles du Grand Nuage de Magellan, d'autres astronomes ont montré qu'un grand halo de matière sombre entoure notre groupe d'étoiles. Comparant des images prises à 15 années d'intervalle, ils ont pu mesurer les effet de cette matière invisible. Enfin, la masse manquante, la matière noire de l'univers, aurait donné signe d'existence. Selon les variantes de la théorie, elle pourrait peser jusqu'à 99 % de notre univers !
Autre sujet à suspense, pour les super-télescopes : les trous noirs. On cherche actuellement à comprendre celui qui se niche au centre de la galaxie, derrière un rideau de poussière.
Pour le dénicher en observant ses effets sur les astres voisins, il faut pointer de longues heures durant le même soleil, le suivre sur sa trajectoire de firmament. Amusant, de voir un colosse de 297 tonnes comme le Keck glisser sur son bain d'huile pour courtiser l'infime clarté, ramasser et concentrer assez de ces photons dans le réceptacle de ses miroirs alignés. "Si vous débloquez le frein, vous pouvez le faire tourner à la main", lâche un astronome.
Dans quelques années, d'autres grands télescopes glisseront ainsi en silence, en quête des images de leurs proies de la nuit.
Treize au total sont prévus à travers le monde.
Dont le très ambitieux projet de VLT (Very Large Telescope - Très Grand Télescope) de l'ESO, auquel la France participe pour plus du quart de l'investissement.
Pour ce grand chasseur du ciel austral, une montagne des Andes, le Cerro Paranal a déjà été rabotée, afin d'accueillir le bijou européen. Quatre télescopes de 8,2 mètres de diamètre seront construit l'un à côté de l'autre. Les miroirs, coulés d'un seul bloc, contrairement au Keck, mais de structure déformable, souffriront sous l'effet continu de petits vérins (optique active), commandés par un ordinateur, afin de compenser les effets de la dilatation, ou des perturbations mécaniques. Surtout, à terme les images des quatre engins seront fondues, additionnées. De quoi atteindre, à terme, les performances d'un télescope virtuel de 16 mètres de diamètre!
L'un des quatre télescope fera l'objet d'une autre révolution technique : son miroir sera "adaptatif".
C'est l'arme absolue contre les turbulences.
Comme sur une route surchauffée l'été, l'air de l'atmosphère est soumis à des variations de températures qui provoquent des turbulences, des flottements des images.
Pour des télescopes capables de distinguer une balle de tennis à 36.000 km de distance de la Terre, de telles ondulations sont plus que néfastes : elles gâchent les campagnes d'observation. Et il faut des heures de calculs aux meilleurs ordinateurs pour tenter, a posteriori, de corriger les clichés.
L'idée est ici de mesurer, sur le télescope, en direct, les turbulences observées. Un calculateur électronique intervient rectifie la forme du miroir, de façon immédiate et continue, pour que les défauts de l'image soient corrigés par le profil même de la surface réfléchissante.
Le plus étonnant, c'est que cela fonctionne.
Le système français COME-ON+ testé sur l'autre site de l'ESO au Chili, a permis de montrer toutes les capacités de cette technique, avec 64 vérins corrigeant la forme d'un miroir. Une technique ardue à mettre au point pour les grands télescopes, le problème étant évidemment le temps de réponse du système : il ne sert à rien de corriger le miroir trop tard. On ne ferait qu'amplifier les défauts.
Une solution envisagée pour mieux se débarrasser des clapotis de l'air ambiant est alors l'étoile artificielle. Pour disposer dans le ciel d'un astre assez brillant pour que l'ordinateur de correction optique dispose d'une "référence" (les lointains objets observés sont souvent peu visibles sur les caméras de correction), on illumine la très haute atmosphère, à 60 km d'altitude, d'un tir de faisceau laser. L'excitation du sodium présent là-haut suffit à créer une petite boule lumineuse, dont l'image vient ensuite régaler les caméras du télescope : sur une source aussi brillante, les corrections à porter au miroir deviennent évidentes.
Cela nous dira-t-il pourquoi le ciel est-il noir ?
Peut-être. Imaginons l'univers comme une explosion en cours, dans laquelle les astres les plus lointains, les quasars nous fuient à plus de 90 % de la vitesse de la lumière. Et nous "percevrons" un part du mystère : la lumière, toute la lumière craché par les étoiles n'a pas encore eu le temps de remplir l'univers. Et ne l'aura peut-être jamais, puisque de l'avis général, les galaxies sont jeunes, très jeunes. D'autres pensent que la matière disponible est insuffisante pour fournir assez d'énergie pour éclairer le ventre du monstre. Que le seul éclat dont nous disposerons jamais, c'est ce reste, ce rayonnement à 3 degrés Kelvin, la pâle lumière fossile a mise par le big bang, et qui nous baigne.
Nous resterions à toujours dans un tunnel...

Une année-lumière = 9,46 x 10p12 km

Carpes Koï

1994


"Ce sont des tableaux vivants, et en plus, on peut les aimer. Elles apprennent à te connaître, elles te reconnaissent quand tu marches près du bassin". Avec le lointain et désarmant tutoiement des exilés d'Albion, Peter raconte déjà ses poissons. Et dans le crépuscule de ce chemin creux du bocage normand, ses yeux s'innondent de cette lueur qui sommeille chez tous les rêveurs qui on sacrifié à la passion.
"Tu sais, la carpe Koï, c'est pas très compliqué parce que quand tu commences à te prendre au jeu, tu fais attention l'eau, à la nourriture, et puis tu deviens fou de ces poissons, alors ils sont en pleine santé..."
On approche. Le petit portail s'ouvre, la voiture s'échine sur un gouffre défoncé qui ressembla jadis à un chemin...
Là, le parcours initiatique tourne au surréalisme.
Les roues de la berline patinent dans la boue d'un interminable verger en pente douce. Figure libre et toupie sur gadoue, hurlement de moteur dans la nuit... Voiture repeinte de terre, immobiles sous le crachin, on baisse les bras : "cela ne passera pas..."
Tout le monde se transborde dans une Land Rover d'époque churchilienne, qui elle, démarre bravement et pétarade vers une petite grange en moêllons.
"O.K., nous y sommes..."
Quelques instant plus tard, dans une barque soigneusement isolée, sous un néon de fortune, deux cent fuseaux bariolés dansent. Une foule bigarrée, aux mouvements hypnotisants..
Dans ce rude écrin de ciment, des carpes Koï, les poissons les plus chers du monde sont venus commencer une autre vie...
Les records des prix, pour les spécimen de concours, sont édifiants... Un million de francs pour une Ogon dorée, couramment plusieurs centaines de milliers de francs pour de belles Asagi (dos bleu et flancs dorés). Mais le sommet, le nec plus ultra reste la Kohaku. Aux seules couleurs nationales rouge et blanche, cette carpe-là vaut trois millions de francs si elle est parfaite : blanc ivoire, taches (hi) rouges très vif, aux dessins réguliers et équilibrés, sans envahir la queue, ni la bouche. Subtilités de l'art : une carpe à défauts ne vaudra rien (hormis l'affection que peut lui porter un aquariophile), ou alors une fortune, si son orginalité esthétique est forte...
Si la seule tache rouge est de forme circulaire, placée sur la tête, en forme de drapeau japonais, c'est une Tancho Kohaku... Le gros lot. Son record officiel est de cinq millions de francs.
"Mais les plus belles ne sont pas connues. Ce sont des géniteurs que les éleveurs gardent au secret, dans des bassins dissimulés dans leurs caves... Pour que l'on ne sache pas ce qu'ils préparent", confie Peter.
Pour l'heure, l'ancien rocker compagnon de scène de Genesis ou de David Bowie reconverti dans l'aquariophilie n'a pas encore importé ce genre de merveilles. Le marché européen n'est pas prêt, et le risque est trop grand. Ici, dans le bassin d'hivernage, les deux cent carpes exilées représentent "seulement" quelques centaines de milliers de francs de chiffre d'affaire.... Du tout venant, qui permettra aux cielnst de Peter de s'initier à l'art de la Koï. Une drogue douce ?
"Les voir et s'en occuper est vraiment un grand plaisir. J'en connais, à Amsterdam, qui ont fait construire leur maison sur un bassin. Tu déjeunes, et des Koïs viennent voir tes pieds, à travers un plancher vitré... Paradoxalement, ces prix sont inférieurs à ce qui se pratique au Japon, car j'arrive à négocier sur les prix à l'export. Là-bas, le marché est tenu par les producteurs,...."
Folie et tradition, la carpe Koï, ou Nishikigoi en japonais, est l'un des sommets de la culture du pays du "Chat qui dort". Dans les grands magasins chics de Tokyo, des échoppes de luxe leurs sont consacrées.
Pourtant tout commenca fort banalement, il y a plus de mille ans. La carpe, venue de Caspienne via la Chine était alors destinée à l'assiette. Son élevage, source de revenus, était réservé aux aristocrates et Samouraï. Peu à peu, le poisson de table trouva pourtant sa place dans les mythes japonais. Endurante, courageuse, calme, régissant à la présence humaine, la carpe commune devint vite un symbole, et se retrouva dans le décor des demeures. Elle y symbolisa la majorité des jeunes hommes (tan-go-no-sek-ku).
Connaissant les capacités de patience et d'attachement des japonais aux symboles, on comprend que les hasards de la génétique devinrent des aubaines esthétiques : les mutantes blanches ou rouges, les carpes à dessins colorés furent peu à peu mises de côté, choyées, conservées pour l'ornementation, resélectionnées. Une habitude qui s'installa au siècle dernier et devint culte entre les deux guerres mondiales.
Apparurent alors des élevages intensifs, des armées de trieurs chargés de repérer dans les 400.000 alevins d'une pondeuse lesquels seront suceptibles de devenir de superbes Koï... Sur les 10.000 jeunes qui sortiront de ce tri, un millier environ connaitront les aquariums. Mais le grand jeu, le pari suprême, c'est évidemment de pouvoir reconnaître chez un jeune les capacités à devenir, adulte, un tableau. Une lecture de l'avenir aui est en soi un art. Un vilain petit canard peut se métamorphoser en une bête de concours hors de prix, tandis qu'une charmante jeune carpette répondant à tous les critères de beauté peut les voir s'évanouir avec la croissance...
A ce petit exercice, des fortunes se sont construites, et beaucoup de spéculateurs se sont essouflés. Le coup d'oeil valant ici des millions de francs... Les secrets de fabrication également : la manière de soigner les carpes, de traiter leur eau, d'y ajouter des minéraux, de modifier l'alimentation au gré des saisons peut modfier l'aspect extérieur des poissons.
Alors le secret rôde autour des bassins.
Audrey Baschet, secrétaire du Koï Club de France, et très dynamique associée de Peter dans l'activité d'importation et d'élevage des carpes se souvient ainsi d'un client important, surpris en train de fouiner dans les documents de Peter à la recherche de quelques recettes confidentielles...
"Mais ce qui est important avec le Koï, c'est de se faire plaisir... Comme ça tu n'es pas déçu, et tu calmes ta vie....", ajoute Peter, si loin aujourd'hui des rumeurs de la pop music.

jeudi 12 juin 2008

Incroyables bébés

avril 1993

Les bébés nous manipulent
entretien avec Boris Cyrulnik



Le pédo-psychiatre de la Seyne-sur-Mer a aussi soumis les petits en devenir à quelques tests simples. Comme leur administrer l'air du basson de Pierre et le Loup dans leur dernier mois. Ils manifestent une nette activité en réponse aux vibrations. Hélas, au dixième passage, déjà, ils se lassent, s'habituent. Un phénomène révélateur d'une reconnaissance, d'une mémorisation...

Les bébés sont-ils manipulateurs ? Dans un sens. Pour assurer leur devenir ils jouent d'un arsenal destiné à mobiliser les parents, à nous encourager à les dorloter, à prendre le temps de les aimer. Révélateur de cette délicate rouerie, le sourire.
Pour traquer le tout premier sourire chez le nourisson, Boris Cyrulnik, fondateur du Groupe d'éthologie humaine, a disposé une caméra dans la salle d'accouchement. Dans le même temps, on réalise un électro-encéphalogramme du bébé. Du coup, on apprend que lors de l'accouchement, le bébé est en général en sommeil, aux antipodes de ce que certains entrevoyaient comme le traumatisme de la naissance. Après une sortie tranquille, et un premier cri automatique et libérateur, le nouveau-né se rendort dans son berceau translucide. Le voici à présent qui frémit des zygomatiques. Enfin, se dit la mère. Un sourire. Pour leur part les signaux électriques produits par le petit cerveau indiquent un sommeil paradoxal, cette phase qui fait le nid du rêve. On sait par d'autres études que ce sourire là, involontaire, est induit par la présence d'une substance chimique naturelle dans le cerveau, un neuropeptide.
La mère s'en contrefiche. Ce qu'elle voit, c'est le premier sourire de son adorable bambin. Pétrie d'émotion, souriante à son tour, elle s'approche du trésor, le caresse, s'en empare, lui parle. Elle crée autour du bébé une bulle de tendresse et de chaleur. Avec un double résultat : le nourrisson s'en souviendra et sera (en principe) porté sur le sourire, mais surtout,... il grandira. Son cerveau, sorti du sommeil paradoxal, y replonge quelques instants plus tard. Une phase de retour au sommeil à rêves qui est aussi celle qui encourage le mieux la fabrication d'une hormone de croissance...
Et voici comment un phénomène biologique (un sourire automatique que la mère interprète comme un message explicite), destiné à mettre deux êtres en synchronisation affective, sert aussi de support à des mécanismes biologiques essentiels : "l'amour fait grandir les bébés", glisse Cyrulnik.
Comportement acquis ou inné ? "Ce débat est dépassé. Il faut 100 % d'inné et 100 % d'acquis pour faire un beau bébé. Ce n'est pas parce que j'écoute La Tosca tout les jours que mon chien la fredonnera. Il faut une "promesse génétique" pour devenir homme. Mais sans l'environnement affectif, intellectuel un bébé est en danger".

"La naissance du sens", Boris Cyrulnik, Hachette editeur

Voir le monde et le penser
Roger Lécuyer
La tête blonde est au boulot. Sur son petit trône expérimental, isolé par un rideau manière photomaton, monsieur bébé se retrouve face à un écran vidéo et une ronde de lapins verts qui jouent à cache-cache avec son ragard. Pas courant à trois mois. Surtout quand à l'autre bout un système permet de superposer le bébé-regard sur l'écran que surveille un chercheur. Enjeu : savoir si les bébés ont une perception du monde dépendante de leur connaissance. Débat intellectuel ? Demandez donc à une mère s'il lui est indifférent de savoir que son bébé continue à la "percevoir" même si aux yeux du petit elle vient de prendre l'aspect terrorisant d'un corps sans tête puisqu'elle enfile un pull-over.

"Que les très jeunes bébés soient capables de concevoir qu'un objet continue tout de même à exister, même s'il est caché par un autre est tout à fait nouveau". Roger Lécuyer, professeur au laboratoire de psychologie et du développement de l'enfant (Université Paris V-CNRS) a refait ces expériences américaines, mais en deux dimensions, avec des objets stylisés sur des écrans vidéo. Pour obtenir le même constat, à l'encontre des thèses de Piaget. Les chercheur suisse estimait qu'à moins de 6 mois les bébés étaient incapables de cette notion de "permanence" des objets. On observe aujourd'hui le contraire.
"Nous avons besoin de beaucoup de modestie, car il est facile dans une expérience de masquer un comportement ou d'empêcher un enfant de livrer sa vraie décision", souligen Lécuyer
A 5 mois, les bébés sont ainsi capables de suivre des yeux un nounours qui va se cacher derrière des obstacles. Mais si on leur demande de soulever un cache parmi plusieurs, ils se trompent souvent. Incapacité ? On l'a cru. En fait on s'aperçoit aujourd'hui que la chaîne complexe des gestes qui permet de débusquer le petit ours est soumise à une inertie plus grande que le regard. Les yeux suivent bien le trajet variable de nounours, et le bébé "sait" où il se trouve. Mais le cerveau moteur ne coordonne pas le geste à réaliser pour soulever un cache différent de l'essai précédent.
Lécuyer compare les bébés à des astronomes, qui observent le monde à distance, avec leurs sens, sans pouvoir influer sur la réalité. Ils n'ont guère besoin d'être programmés pour réaliser leurs apprentissages, les sens leur permettant très vite d'acquérir une bonne représentation de ler environnement.

"Bébés astronomes, bébés psychologues", R. Lécuyer, Mardaga éditeur


C'est l'enfant qui se construit
Montagner
La scène vous fige devant l'écran. Deux bambins de quatre mois en conciliabule. Sans un regard pour leurs pauvres mères. Et voici que je te regarde, que je crie ou que je tapote du pied contre ta chaise. Mais certainement, j'en ai autant pour toi, et d'ailleurs si tu regardes ailleurs, je hurle...
Que celui ou celle qui n'a jamais douté de l'aptitude de son enfant à soutenir de telles communications à un âge aussi précoce aille constater les faits à l'Unité 70 de l'INSERM (institut national de la santé et de la recherche médicale), à Montpellier. Son directeur, Hubert Montagner, y montre que nos marmots s'y entendent comme personne pour prendre en charge leurs propres compétences. Si l'on leur donne le moyen de les exprimer, et des compagnons pour les exhiber.
"L'enfant est capable de révéler très tôt de capacités complexes. Des comportements qui reposent sur des gestes chargés de sens, et que l'on retrouvera à la base des processus d'interaction avec les autres, pendant des années". Des modules de base du comportement que Montagner nomme "organisateurs du comportement". Fondations gestuelle de l'enfant, ils deviendront par la suite gestes d'offrande, de sollicitation, de refus.
L'équipe de Montpellier a montré que des enfants de un an, mis en confiance dans un espace adapté à leurs possibilités de déplacement, ont des interactions sociales dès la mise en place de la motricité. Ils marchent, ils communiquent. Comme s'il existait un lien entre le fait de se mouvoir et le fait de s'intégrer dans un groupe. Un phénomène qui se produit dans le contexte de la vie ordinaire vers l'âge de deux ans.
"L'important est ici que le bébé ait l'occasion de découvrir ses propres compétences, qui existent très tôt mais aussi de les montrer aux autres", souligne Montagner.
Inutile de tenter de renouveler ces expériences sur nos petits génies. "L'enfant doit rester l'acteur de son développement", précise le chercheur.
Une règle que les parents-spectateurs peuvent suivre, en prenant le temps de le "regarder faire" leur enfant dès les premiers mois, et en le mettant en confiance dans son espace de jeu.

"L'enfant acteur de son développement", Hubert Montagner, ed Stock

Programmé pour rencontrer les autres
Jacques Mehler

Maternité Baudelocque, à Paris. De la pièce du fond filtre une litanie en japonais. Dans un local protégé des perturbations extérieures, une tétine résiste aux assauts d'un nouveau-né de deux jours.
"On joue sur le réflexe de succion de l'enfant. Quand il tête, l'ordinateur le détecte et lui fait écouter le mot suivant" commente Josiane Bertonsini, du laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique
En japonais ?
" Nous voulons savoir s'il est capable de détecter des structures complexes particulières au japonais, les morae (unité de base variable, entre la syllabe et la lettre). S'il les reconnait, il tête d'avantage."
Ce travail de l'équipe de Jacques Mehler, directeur de recherches (CNRS-EHESS) a déjà montré qu'un bébé de deux jours est tout à fait capable de séparer des mots de deux et de trois syllabes, dans une langue fictive imitant le français.
Car Jacques Mehler est persuadé que quelque chose, dans le cerveau de l'enfant, le prépare à acquérir le langage. "Le bébé est capable de reconnaître la voix de sa mère après deux jours, mais aussi de classer des sons très différents, mots ou signaux musicaux", explique Mehler. Une capacité à distinguer les contrastes ténus entre les sons, à ses yeux d'origine génétique.
Paradoxe, toutefois, c'est en "oubliant" certaines de ces compétences que le bébé va apprendre. Il va commencer à négliger certains contrastes inutiles, simplifier et automatiser son écoute, pour ne plus tenir compte que des différences en usage dans sa langue maternelle.
"Il existe une richesse conceptuelle formidable chez le bébé, pour les sons, la vision, les calculs même, mais il faut le rappeler, un bébé coupé du reste du monde ne fera rien de ce potentiel vertigineux", ponctue le chercheur.
Chez certains oiseaux, des oisillons ainsi élevés en isolement ne produisent que deux syllabes sifflées. Si par apprentissage extérieur on leur en inculque une troisième, prise au hasard dans le répertoire de 52 syllabes de l'espèce, ils débloquent alors subitement toute la gamme, et se mettent à piailler aussi aisément que leurs congénères élevés en groupe. Comme si l'apprentissage était programmé, tout en dépendant étroitement de rendez-vous obligatoires avec l'environnement", poursuit Mehler.

"Naître humain", Jacques Mehler, Odile Jacob ed.







Les ride de l'univers

texte/entretien avec Stephen Hawking
mai 1992

Des rides sur l'Univers

Jusqu'à l'aube de ce siècle, on pensait que l'Univers ne changeait guère avec le temps. Les théologiens et les philosophes débattaient d'ailleurs pour déterminer si l'Univers avait toujours été là, ou bien s'il avait été conduit à apparaitre dans un passé plus ou moins récent. Comme il n'y avait guère d'observations concluantes pour trancher dans un sens ou dans l'autres, les chercheurs élaboraient leurs théories sur du sable.

La situation fut complètement modifiée au début des années 20, quand l'astronome Edwin Hubble découvrit que l'univers était en expansion continue : les galaxies lointaines s'éloignent de nous, et plus elles sont loin, plus elles s'éloignent rapidement.
Puisque les galaxies s'éloignent ainsi les unes des autres, elles doivent fatalement avoir été plus voisines dans le passé. Si l'on remonte à contre-sens le film de l'expansion de l'univers, il y a environ 15 milliards d'années, les galaxies ont ainsi dû être entassées les unes sur les autres. Des travaux mathématiques que Roger Penrose et moi avons menés ont montré qu'en accord avec la Théorie de la Relativité Générale d'Einstein, cet instant doit correspondre à ce qui s'appelle une singularité, un endroit où l'espace et le temps eurent un début ou une fin. Dans ce cas, il s'agit évidemment d'un début, le Big Bang.

Une forte évidence que l'univers débuta avec le Big Bang s'imposa en 1965, avec la découverte d'un bruit de fond de radiations micro-ondes, venant vers nous de toutes les directions du cosmos. Si vous dérèglez votre téléviseur, et le maintenez sur un canal vide de tout signal radio en provenance d'un satellite, quelques pour cent du bruit de fond et de la neige que vous voyez sur votre écran proviennent de cette rumeur, du bruit de fond de l'univers. Ce rayonnement est une sorte de fossile, ce qui reste comme trace à travers le cosmos de la boule de feu qui a existé, un bref moment après le Big Bang.

Un élément remarquable de ce bruit de fond consistait en son uniformité. Il paraissait rigoureusement le même, quelque soit la direction dans laquelle on regarde, du moins dans la limite des capacités de mesure des instruments dont nous disposions. Une explication plausible de ce caractère étrangement homogène fut proposée en 1981 par le physicien Alan Guth, du Massachussets Institute of Technology de Boston (Etats-Unis). Il suggéra que que l'univers initial, à son premier instant aconnu ce qu'on apelle une période d'inflation, doublant de volume à chaque fraction de sseconde, juste cmme les prix doublent tous les quelques mois dans certains pays. Cette folle croissance aurait rendu l'univers et le rayonnement fossile très calmes et homogènes, identiques dans toutes les directions de l'espace. Pourtant, j'ai montré à cette époque, et d'autres scientifiques sont parvenus aux mêmes résultats, que cela n'était pas possible. L'univers et le rayonnement fossile ne pouvaient pas être tout à fait homogènes, nous disaient les calculs. Il devait y avoir de petites irrégularités dans la distribution de la matière et des rayonnements d'énergie dans l'univers primitif. Avec le temps, ces irrégularités seraient devenues des lieux de croissance, obligeant la matière à se rassembler, à s'agglutiner pour former des galaxies, des étoiles, des planètes.

Depuis longtemps, les astronomes mesuraient le rayonnement fossile de manière de plus en plus précise, de façon à mettre le doigt sur ces infimes variations d'intensité avec la direction, qui devraient se produire si la théorie de formation de notre univers primitif et des galaxies est correcte.

Jusqu'à présent, suspense : ils n'avaient rien trouvé. Et cela devenait plutôt embarassant : si la précision des mesures avait encore progressé un peu sans que l'on ne trouve rien, nous aurions dû conclure que nos theories et nos représentations de l'univers primitif étaient fausses.

Heureusement, les derniers résultats du satellite COBE montrent le genre de fluctuations du bruit de fond qui étaient attendues par les théoriciens. Et ceci est excessivement important. Cela confirme confirme nos théories sur les premiers instants de l'univers, et comment des structures comme les galaxies, les étoiles, les planètes et même les hommes vinrent à exister dans un univers qui pourtant, à l'origine, était homogène. Cette observation est comparable, par son importance, à celle de l'expansion de l'univers ou la mise en évidence du rayonnement fossile.

Stephen Hawking





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T'as quel âge, l'univers ?

Big Bang 
mai 1992

Avez-vous remarqué ? Les galaxies continuent de ronronner, la lune de nous narguer, et le soleil de se coucher à l'heure. Comme si un petit satellite de la NASA, besognant depuis plus de deux ans à traquer dans l'ombre du cosmos les séquelles du grand boum n'avait pas mis l'autre semaine le petit monde de l'astronomie en émoi. "Ouf", a-t-on entendu, dans un colloque du côté de Washington. C'est qu'après plus de deux ans, le satellite COBE qui s'obstinait à ne rien déceler, a enfin bien voulu, quelques règlages aidant, livrer aux scientifiques le portrait robot qu'ils attendaient de l'univers . "Dessine nous le big bang", lui demandaient-ils depuis 1989, à la manière du Petit Prince s'obsédant d'un mouton. Et voilà. Ils sont comblés. Le rayonnement résiduel, très faible mais omniprésent dans le cosmos, une des traces les plus tangibles du fameux big bang par lequel notre monde a commencé son histoire, n'est plus un vilain fond gris. Depuis quelques semaines il dessine de jolis nuages roses. C'est tout ?

"C'est énorme, estime George Smoot, astrophysicien à Berkeley. Si vous êtes croyant, c'est comme regarder Dieu en face". "C'est la découverte du siècle, peut-être de tous les temps", annonce pour sa part le célèbre théoricien Stephen Hawking, de Cambridge, en Grande-Bretagne.

Commentaire inhabituel, pour un homme respecté, immobilisé dans sa chaise par une redoutable maladie nerveuse et d'habitude peu enclin à dégainer le superlatif. "Cela vaudra sûrement aux découvreurs le prix Nobel", assène-t-il.
Vrai, Hawking et ses confrères théoriciens ont quelques raisons de s'égosiller de bonheur. Ce que le satellite de la NASA vient d'appercevoir, ces irrégularités de la rumeur du big bang, quelques chercheurs les avaient déjà reniflées. Dans leurs équations. Et depuis le grand Pythagore, en physique, il n'existe pas meilleure confirmation pour une théorie que de constater de visu des faits, jusque-là inconnus, mais frappés en chifres d'or par la seule astuce du calcul. Comme les chefs de gare qui aiment les trains à l'heure, les découvreurs ne respirent que pour la géniale trouvaille attendue, clef de voûte de leur cathédrale théorique. Imaginez l'électrochoc quand la découverte en question porte sur la formation de l'Univers soi-même.

Mais, dira-t-on, émise au début de ce siècle, la thèse du big bang a déjà quelques décennies de vol à son compteur. Et ce concept a même été passablement galvaudé lors de sa diffusion vers le public, puisqu'aujourd'hui, on nous sert même du big bang en chanson (Julien Clerc). Alors, quoi de neuf sous le soleil ?

Ce qui se chuchotait à peine, ces dernières années, c'est que la thèse du grand boum initial, si elle était encore dominante, commençait à essuyer de redoutables tirs de barrage. Nombre d'astronomes relevaient dans leurs filets des observations qui cadraient mal avec la théorie reine. Et parmi les épines les plus profondément fichées dans la semelle du big bang, trônait l'aspect désespérement homogène de la rumeur de la création du monde, ce fameux rayonnement fossile.

Comment, en effet, expliquer que des galaxies aient pu grapiller de la matière pour se former, alors que tout ce qu'on mesurait jusqu'ici suggérait que le grand flash initial avait été parfaitement lisse et homogène ? C'est comme si des grumeaux se formaient tout d'un coup, sans raison, dans une soupe jusque-là bien onctueuse. Impossible. Il devait déjà y avoir dans ce potage-là des irrégularités, de minuscules graines de grumeaux, susurraient les équations têtues. Les dents des fourchettes sont trop écartées, les instruments de mesure trop peu sensibles, expliquaient les astronomes. A moins que la théorie du big-bang soit imparfaite, risquaient d'impertinents chercheurs, qui déjà s'attablaient pour écrire d'autres biographies à notre monde.

Ce match des théoriciens est aujourd'hui réglé. En mesurant dans l'espace ce qu'aucun instrument n'avait encore détecté depuis la Terre, COBE a déclaré le big boum vainqueur par K.O. "Nous sommes morts", a même dit, bon joueur, l'un des opposants. Le halo résiduel du grand flash, vieux de 15 milliards d'années, n'est pas homogène du tout, a déclaré ce robot, promu juge de paix intersidéral. Ce bruit porte bien en lui les marques des irrégularités qui donnèrent naissance aux amas de matière, aux galaxies, aux étoiles, aux planètes, à la vie, et à l'homme. cela peut paraitre rassurant. Mais à propos, d'où viennent ces rides, comment sont-elles apparues, pourquoi ?

On ne vous l'avait pas dit ? La quète du Saint Graal astrophysique continue, plus que jamais. (voir les réponses de Trin h Xuan Thuan). Sur des raidillons de l'espace-temps qui prennent plus que jamais l'allure d'un grand jeu de l'oie cosmique : quand on croit toucher le but, on se retrouve à la case départ, ou presque !



La mélodie secrète
de Trinh Xuan Thuan

La découverte de COBE, c'est un choc ?
C'est une observation formidable, extraordinaire, qui apporte une confirmation très forte à la théorie du big bang, car elle vient compléter nos informations sur l'étape de formation des galaxies, qui a conditionné celle des planètes, des hommes. Si l'univers avait été homogène à ce moment là, nous ne serions pas là pour en parler.
Nous avons maintenant une "image" de ce qu'était l'univers 300.000 ans après sa création. C'est la plus vieille que nous puissions obtenir, car avant ces 300.000 ans, l'univers nous est dissimulé par un mur opaque. Les électrons étaient libres et entravaient le parcours des photons, les particules de la lumière

Cette découverte affecte-t-elle vos travaux ?
Elle concerne tous les astronomes, mais il reste beaucoup d'autres questions. Comme celle de la masse manquante. Si on veut savoir ce que deviendra l'univers, s'il poursuivra son expansion sur la lancée du big bang, ou bien s'il s'arrètera à un moment pour s'effondrer sur lui même (grand effondrement ou big crunch), il faut déterminer sa masse. Mais nous avons là un problème. La masse visible de l'univers (les étoiles et les galaxies) ne représente qu'un pour cent de la "masse critique" nécéssaire pour stopper l'expansion de l'univers. En extrapolant la masse invisible dont en sent les effets sur les mouvements étoiles et les galaxies, on arrive à 10 % du total nécéssaire. Il nous manque donc aujourd'hui 90 % de la masse de l'univers pour parvenir à la masse critique. Où est-elle ? Est-elle constituée de matière très difficile à détecter, comme les neutrinos et d'autres particules ? Ou alors organisée dans des corps célestes invisibles, comme les trous noirs ou les naines brunes, ces étoiles manquées ? Parce que nous ne connaissons pas la nature de cette masse manquante, nous ne savons pas comment sont nées les galaxies, ni comment elles ont constitué cette fantastique tapisserie cosmique.

Le big bang est-il le bon scénario ?
Jusqu'à nouvel ordre, c'est celui qui décrit le mieux l'univers avec les informations dont nous disposons actuellement. Mais tout peut être mis en question si une nouvelle observation vient contredire le big bang.
Comme il y a eu jadis les univers magiquee, mystique, mathématique, géocentrique, il y aura, dans le futur, une longue série d'autres univers qui se rapprocheront toujours davantage du véritable Univers. Mais je pense que nous ne l'atteindrons jamais.
Cela dit, tout nouveau modèle devra intégrer les éléments du big bang, comme la physique d'Einstein a incorporé les acquis précédents de celle de Newton.

Alors COBE n'a pas vu la trace de la main de Dieu ?
Pour donner un sens à l'Univers, il faut qu'il y ait une conscience capable d'apréhender sa beauté et son harmonie. Pas forcément notre forme de conscience d'ailleurs. C'est ma conviction. Les réglages de cet Univers sont à mes yeux trop fins pour être les résultats du seul hasard. Mais je ne pense pas que nous accédions un jour au secret de la vraie nature de l'Univers. La mélodie secrète des choses nous restera à jamais dissimulée, même si nous pouvons nous en rapprocher de plus en plus par différents moyens.

Trinh Xuan Thuan, astrophysicien à l'université de Virginie, est l'auteur de "La mélodie secrète", (Ed Fayard) et livre son point de vue dans "Un astrophysicien : entretiens avec Jacques Vauthier "(Ed Beauchêne-Fayard).



big bang : une théorie à vertiges
En un instant tellement bref qu'il est impossible de le décompter, fut le Tout, partout. Durant ce frémissement, qu'étaient les forces qui gouvernent l'énergie et la matière ? Nul ne le sait. Entre zéro et zéro secondes et 43 chiffres après la virgule, notre physique est aveugle. Sur les dessins, par commodité, on représente le "gros boum" comme un point qui explose, poussant vers un futur joliment coloré et la droite de la page, l'organisation de la matière et du monde. Une image qui n'a, en fait, pas grand chose à voir avec le premier vagissement de notre Univers. Les équations le suggèrent : le big bang a eu lieu, partout, simultanément, en tout point d'un univers qui était déjà immense et Tout, puisqu'en dehors de lui, rien n'existait...
"Rien a voir avec une explosion... On ne sait pas si l'univers était fini ou infini, mais peut importe, la température dépassait cent milliards de degrés", explique le prix Nobel de physique Steven Weinberg, dans "Les trois premières minutes de l'univers" (Seuil). Peu à peu, ce halo d'énergie s'est refroidi, permettant aux particules, aux forces, à la matière d'apparaître. Nos meilleurs télescopes, ne peuvent guère nous aider à contempler cela. En contemplant au loin, comme COBE, ces images qui nous parviennent du passé à la vitesse de la lumière, ils ne pourront jamais voir au-delà du 300.000 anniversaire du monde. Avant, les électrons, libres, empêchaient la lumière, les photons, de se propager. Il n'existe pas d'image de ce monde-là.
Y-a-t-il vraiment eu un moment zéro avant lequel il n'existait rien, s'interroge Hawking dans son best-seller, "Une brève histoire du temps" (Flammarion). Difficile à nos esprits habitués à décompter le temps, à voir naître et mourir des êtres, d'échaffauder une vision d'une histoire sans point originel. Les mathématiques le peuvent, avec des notions de limites. Tentons un exemple grossier. L'horizon fuit devant nos yeux au fur et à mesure que nous montons les marches de la tour Eiffel. Très vite, on s'apperçoit que pour voir un peu plus loin, par-delà les collines de St Cloud, il faut monter bien plus haut qu'au début. Extrapolons : si l'on utilisait tous les matériaux disponibles sur cette Terre, pour bâtir une tour immense, on ne verrait guère plus loin que l'horizon situé sur le rayon central de la planète. En tous cas, on ne verrait jamais l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Et s'il en était ainsi pour notre Univers ? Un monde en géométrie sphérique, dont l'horizon est le brouillard du big bang ?
Dans cette perspective, Hawking imagine un univers sans début et sans fin, en perpétuelle croissance puis effondrement, dont aucun Dieu n'aurait eu à choisir les lois. D'autres physiciens envisagent encore que le début de notre univers correspondrait à la formation d'un trou noir, dans un autre monde. Enfin des astronomes comme Trinh Xuan Thuan demeurent persuadés que l'objet de l'univers est l'apparition de la conscience, et que le sens secret du monde échappera toujours à la science. Mystique ou matérialiste, chacun voit donc le big bang à sa porte. Avant un éventuel grand effondrement (big crunch), il reste quelques milliards d'années pour ce débat.

Cobe : le héros des étoiles
Les astronomes sont des gens simples. Depuis Gallilée, tout ce qu'ils réclament, pour explorer le Monde, ce sont des lunettes, des machines. Et avec COBE (Cosmic Background Explorer), c'est un satellite à remonter le temps que les chercheurs du Centre Goddard de la NASA et de Berkeley ont imaginé. Lancé à la fin de 1989, et placé sur orbite à 900 km d'altitude, le satellite est tellement sensible qu'il doit en permanence se réfugier dans l'ombre de la Terre, à l'abri des ardeurs solaires. Dix mille fois plus sensibles que les instruments utilisés jusque là, ses bolomètres (thermomètres de très haute précision) sont capables de mesurer le cent-millonième de degré. Pour cela, ils baignent dans 600 litres d'hélium liquide, à moins 271,2 degrés C. Ce congélateur en orbite compare le rayonnement fossile de l'univers, le même que celui qu'émettrait un corps noir chauffé à 3 degrés K, c'est à dire moins 270 degrés C, dans toutes les directions de l'espace. Cette rumeur radio-électrique, qui nous provient de l'univers quand il avait environ 300.000 de nos années, est la première "image" qui nous est accessible du cosmos. Un bruit de fond qui correspond à la subite apparition de la matière organisée, dans une sorte de flash.



A l'intérieur de Biosphère

octobre 1992
Carnet de bord dans Biosphère 2

Voyage dans un autre monde
Linda Leigh, 40 ans, responsable des écosystèmes terrestres de Biosphère 2 (un monde en miniature, en Arizona)

26 septembre 1991
Le soleil se couche, laissant une chaude lumière m'enrober. Je suis assise au bord des falaises qui surplombent notre océan, et je regarde les deux mondes, celui de l'intérieur et de l'extérieur. Mon premier acte officiel de ces deux années d'enfermement a été de délivrer une longue pluie (par le système d'arrosage) à chaque biome (système écologique et climatique complet, comme la savane, ou la forêt tropicale). Le voyage peut commencer.

8 octobre
Rencontre avec Tony, à la limite du désert, pour discuter comment réveiller la vie dans cet espace, à l'approche de l'hiver. Nous arroserons une fois par semaine, et surveillerons les plantes clefs de ces écosystèmes arides.

15 octobre
Chaque matin, nous lisons avidement les courbes de nitrates dans l'océan et de gaz carbonique dans l'air que crachent les ordinateurs. Aujourd'hui on peut y lire l'impact de la récolte de cacahuètes effectuée hier. A l'entrée de l'hiver, je me sens comme un pélerin abordant un monde inconnu.

12 novembre
Mon quarantième anniversaire. Un groupe de visiteurs me l'a souhaité à travers la vitre. Je n'aurais pas cru que cela puisse me faire aussi chaud au coeur !

15 novembre
Jamais je n'ai regardé les plantes de cette manière. J'essaie sans cesse de deviner comment chaque espèce va réagir aux variations de saison et de teneur en gaz de l'air. C'est une obsession.

12 décembre.
Je fais la cuisine. Mark a pu me ramener des herbes du potager, pour relever les plats. Comme d'habitude, j'entre les quantités de chaque ingrédient dans le système électronique de gestion des régimes alimentaires, qui évalue nos rations de calories, de graisses, de protéines, de sucres, de minéraux, de vitamines.
Un peu plus tard, je fais de l'exercice sur une bicyclette de musculation. Ai-je mangé assez de calories pour pouvoir m'octroyer le plaisir de cet effort sans risquer de perdre encore quelques grammes ?

1-er janvier, le Nouvel An
J'ai communiqué avec des gens tout autour du monde, par l'intermédiaire du système vidéo. Notre petite fête a été arrosée d'alcool de riz fermenté, que nous avons produit nous-mêmes, à partir d'une vieille recette népalaise. En buvant, je ne puis m'empêcher de penser que l'adaptation de la culture du riz de cette technique de fermentation à Biosphère 2 a nécessité quatre bonnes années de patience.

10 janvier
Mesures du taux de gaz carbonique contenu dans le sol de la forêt humide. Relevé d'échantillons et analyses au laboratoire.

7 mars
Je suis effondrée par la mort du galago. Le petit lémurien tropical m'était très cher. Dans biosphère 2 nous constatons la mort des animaux très vite. Et chaque extinction d'espèce est cruellement ressentie, comme elle devrait l'être sur la Terre, Biosphère 1. Au dehors comme ici, à l'intérieur, à part ces espèces vivantes, il n'y a rien. Et chaque disparition est un vrai drame qui nous rapproche du néant.

27 mai
Récoltes de blé, ce matin. Par contre, nous manquons de féculents : patates, riz, plantain... Nous aurons bientôt besoin de place pour planter le sorgho.
J'ai toujours des difficultés avec le système générateur de pluies, du côté de la savane. Je suis contrainte d'arroser à la main les endroits qui restent secs. Harassant. Les caféiers, sur le versant ouest de la montagne, ont refleuri. J'imagine déjà les bols de café au lait que nous allons pouvoir nous offrir...

20 juin
Encore un jour avant de déclencher les pluies d'été. Nous pourrons ainsi collecter des échantillons d'air, de sol, et prendre des photographies avant et après la fin de la dormance. Pour effectuer les comparaisons.

26 septembre
L'anniversaire de notre entrée, le vrai "Nouvel An" de Biosphère 2. Ma première action, en me levant, a été d'offrir une belle pluie, bien dense, à tous les biomes. C'est pour moi une célébration des cycles de la nature, mais aussi de l'esprit humain. L'esprit qui nous conduit à créer, à ne jamais cesser de nous interroger, et à ne jamais laisser tomber la vie.



Nous connaissons plus d'un qui aimerait se transformer en grenouille, pour se glisser dans la forêt de Biosphère 2 et voir de près comment vivent, travaillent et s'entendent les occupants de la galère de verre échouée en plein Arizona.
C'est le 26 septembre 1991 que les huit volontaires ont bouclé la porte de leur vivarium géant pour un voyage immobile de deux années. Depuis, le mystère plane sur l'aventure. Pourtant leur prison est de verre, et des dizaines de milliers de touristes ont pu les observer de l'extérieur. Les communiqués de presse pleuvent, et les conférences ne manquent pas.
Mais cette transparence de façade n'a pas dissipé le malentendu qui s'est installé entre les explorateurs et le reste de la planète.
Présentée comme une affaire scientifique au départ, Biosphère 2 ne s'est pas vraiment donnée les moyens de cette ambition. Toute l'énergie créatrice était en fait investie alors dans la réalisation du vaisseau de verre, de ses écosystèmes, et à l'attraction des hordes touristiques payantes.
L'information préliminaire sur le projet a elle aussi été négligée. Quand on a appris, parfois par des fuites, que les naufragés volontaires étaient partis dans leur île avec des réserves de nourritures pour plusieurs mois, que l'énergie leur était fournie par une centrale électrique, qu'un ventilateur avait été mis en route pour renouveler une partie de l'air, ou encore qu'une Biosphérienne était sortie quelques heures pour aller se faire soigner à l'hôpital voisin, des critiques se sont hâtés de brûler le joli jouet que lui avait fait miroiter le milliardaire....
Est-ce raisonnable ? Il est vrai que les Biosphériens ont un peu trop tendance à escamoter les problèmes matériels, psychologiques, ou relationnels, et ont tendance à servir des réponses évasives à tous ceux qui les interrogent. Agaçant. Certes encore, Biosphère 2 n'est pas une expérience de laboratoire, mais plutôt à un processus d'exploration empirique. Mais de par le monde, un certain nombre de scientifiques, dont le groupe qui vient d'examiner la situation, jugent qu'au prix de quelques modifications, les données que l'on pourra tirer de l'affaire valent la peine d'être étudiées. Quitte à imposer des procédures plus strictes lors des prochaines missions à bord de l'autre Terre.
Pour l'heure, les Biosphériens voient baisser leur taux d'oxygène et augmenter celui du gaz carbonique. Leur stock de nourriture est réduit. Passeront-ils l'hiver à bord ?

Carbone 60 (1992)

Carbone 60
octobre 1992



1985. Texas. Il est tôt, maintenant. Le soleil va se lever et la nuit est fichue. Mais à jouer du ciseau et à s'acharner avec son tube de colle, dans le salon de sa maison, Richard Smalley a fini par gagner. Avec Harry Kroto, de l'université britannique du Sussex, le chercheur américain contemple l'incroyable boule de papier érigée sur la table. On dirait un jeu de gosse, un puzzle de premier de classe, fait d'hexagones et de pentagones. Les morceaux de carton sont de travers, mal coupés. Mais malgré la fatigue, les deux scientifiques ont les yeux rutilants d'excitation. Ils tiennent leur solution, ils en sont sûrs. C'est beau et simple, avec ce parfum d'évidence propre aux vraies découvertes. Bien sûr, il faudra vérifier, passer ces satanées molécules à la cristallographie, dès qu'on en aura recueilli quelques milligrammes au fond des éprouvettes.

Mais tout concorde, le nouveau carbone qu'ils traquent ne peut ressembler qu'à cela, à cette sorte de ballon de football de papier. Une cage creuse, la seule solution pour assembler 60 atomes de carbone en respectant les propriétés de la matière. Une molécule chimique incroyable, mais pourtant naturelle, que Kroto flaire depuis des années et que Smalley est le premier a avoir obtenue dans son labo de la Rice University. C'était quelques jours auparavant. Depuis, les deux chimistes tentent d'imaginer la forme du lièvre inconnu qu'ils ont levé, afin d'en comprendre les propriétés si surprenantes. Des caractéristiques électriques et physico-chimiques qui pourraient bien révolutionner la science de cette fin de millénaire, de la thérapie anti-cancéreuse à l'électronique, en passant par les transports, les matériaux, les batteries.

Que pèsent quelques heures de sommeil perdues quand on vient de mettre la main sur la plus inattendue des structures de la matière ? Ni diamant, ni graphite, jusqu'alors les deux seules formes moléculaires connues du carbone pur, mais une solution différente, et si logique... Comment a-t-on pu si longtemps errer à côté de l'évidence ?

Vite un nom ! Il faut le baptiser, le nouveau venu. Tout à son élan de découvreur, Kroto n'hésite pas : "Buckminsterfullérène", lâche-t-il. D'où vient ce nom barbare qui va faire bégayer tous les lecteurs du monde ? "D'un architecte précurseur, Buckminster Fuller, qui réalisa le dôme géodésique de l'exposition universelle de Montréal, en 1967, en respectant les mêmes lois que celles du C60. Une sphère approchée, faite de pentagones et d'hexagones, avec 60 sommets, une perfection", se souvient Kroto, marqué par sa ballade dans le bâtiment. "Un simple icosahèdre tronqué" proteste un mathématicien. Plus vulgairement, un ballon de football, puisque c'est de cette manière que l'on assemble les morceaux de cuir pour en faire une boule bondissante. Mais il est vrai que ni Britanniques ni Américains ne prisent suffisamment le penalty du samedi soir pour attribuer à ce Graal de la chimie le nom vulgaire de "footballène".

Dans les laboratoires c'est pourtant ainsi qu'il va peu à peu se populariser, ainsi que sous le diminutif plus comestible de "Buckyball". Etonnement, pourtant, des deux "découvreurs". Leur trouvaille, publiée en 1886, ne suscite qu'un enthousiasme limité. Le petite boule de carbone n'y peut rien. C'est la technique de production de Smalley qui est en cause. Pour ingénieuse qu'elle soit, la transformation du graphite feuillu en footballène sous l'impact ravageur d'un laser, le tout sous une atmosphère d'hydrogène et d'azote, n'est pas assez productive. Les quantités de C60 obtenues sont trop faibles pour que la ruée des laboratoires ait lieu. Ce n'est qu'en juillet 1990 que le feu est brutalement bouté aux poudres. Wolfgang Kratschmer en Allemagne et Donald Huffman aux Etats-Unis font passer un arc électrique entre des électrodes de graphite dans une chambre à vide. Ce qui dépose sur les parois des quantités énormes de C60 et de C70, autre variété de fullérène, aux allures de ballon de rugby.

Désormais produit en assez grande quantité pour pouvoir être analysé directement, le C6O envahit les laboratoires, sous les formes les plus excentriques. Car les boulettes de carbone cachaient bien d'autres structures sous leurs jupes. Le grand "zoo" des fullérènes comporte aujourd'hui des dizaines de créatures, depuis le petit C20 (dodécahèdre), jusqu'à C200, en forme de tubulure. Des sous-familles peuplent désormais ce monde étranges. Les boules, plus ou moins ovalisées, se rangent en oignons. Au centre, par exemple, un C60, qui sera pris dans un C 240, lui-même enfermé dans un C 540, et ainsi de suite, jusqu'à l'infini. Ces formes refermées se complètant par leurs versions plus ou moins achevées, dont les surprenants tubes.
On peut entrevoir les applications hallucinantes de ce genre de mécano chimique.

Si le petit boulet de C60 est extrèmement stable, plus solide que l'acier, mais chimiquement très actif car entouré d'une nuée électrique qui ne demande qu'à interagir, on pourra lui greffer toutes sortes de compléments pour lui assigner des missions prestigieuses. Doté d'anticorps spécifiques, ils pourra reconnaître des cellules cancéreuses, s'y fixer. Activé par un laser, oxygéné, il deviendra un tueur de ces mêmes cellules.
Il pourra aussi transporter, tel un blindé, une substance fragile, une hormone, un peptide, devenant un missile capable d'acheminer un médicament périssable jusqu'à un organe distant. En électronique, les tubes de carbone, dopés, pourraient former de nouveaux semi-conducteurs, ou délivrer plus rapidement les électrons, pour augmenter la vitesse des ordinateurs. Dans le domaine des matériaux, les fibres de carbone pourraient devenir plus résistantes que le diamant. L'ingénieur Albert Legendre rêve déjà d'installer ainsi un câble de carbone de 40.000 km entre le sol et un satellite en orbite géostationnaire, pour s'y rendre en ascenseur. Moins poétiques, les lubrifiants à base de fullérènes, des carburants de fusées, des batteries plus efficaces, une nouvelle chimie de l'hydrogène sont en projet.

"Ces molécules ont des propriétés proprement fascinantes, différentes de celles de tous les autres matériaux... C'est une nouvelle fenêtre ouverte sur le monde de la chimie, un autre continent", souligne Kroto.

En 1991, les publications scientifiques ont livré un ouragan d'informations, de quoi éditer une encyclopédie en 12 volumes. Avec plus de 6 publications par jour, ces travaux ont atteint "un rythme fou, qui rappelle celui des supraconducteurs", constate André Rassat, responsable du laboratoire d'activation moléculaire de l'Ecole Normale de Paris.

Et si l'on ajoute une pincée de hasard, qui sait vers quels horizons nous mèneront ces petites boulettes ? Manuel Nunez Regueiro, chercheur argentin actuellement au CNRS de Grenoble a réalisé du diamant de synthèse à partir de footballène. Accidentellement. La presse dont il disposait ne pouvait pas écraser correctement un gros échantillon de carbone. Essayant tout de même, malgré la mauvaise répartition des pressions, il eut la surprise, vers 150.000 atmosphères, d'entendre un "plop" retentir dans le labo. Inquiet, le chercheur vérifie la coûteuse presse, pour découvrir que son fullérène violacé a viré au jaunâtre transparent : du diamant polycristallin.
Une manière comme une autre de se souvenir qu'il faut parfois oser l'inutile pour trouver l'incroyable. N'est-ce pas en regardant la lumière trop sombre de certains soleils que des astronomes eurent les premiers la formidable intuition de molécules de carbone vomies par des étoiles ? Ensemençant le cosmos...



Rêve new age

automne 1993
REVE

"Bienvenue à l'Institut de la Lucidité et à son enseignement de - Lucid Dreaming (marque déposée) - . Le but de cette méthode est de vous entraîner à avoir de fréquents rêves lucides..." Les premières phrases du livre de formation que Stephen LaBerge destine à ses ouailles sont aussi limpides que l'azur qui surplombe Stanford en ce matin d'été... Car en Californie le vent vient de l'Ouest, méticuleux, déchiquetant chaque jour les brumes humides du Pacifique. Ce faisant, il effleure aussi les collines, au sud de San Francisco, et vaporise sur les campus cet air étrange et léger, cristallin, qui donne des ailes aux plus blasés.

"Le rêve lucide c'est tout simplement quand vous rêvez et que vous prenez conscience du rêve, en direct. On peut s'entraîner à faire durer cet état, et aussi apprendre à contrôler le processus du rêve, à intervenir sur les situations..."

Entre deux âges, mais définitivement doté d'une mine d'adolescent, LaBerge nous introduit à l'intérieur de son saint des saints : un minuscule laboratoire de deux pièces, situé dans la cave du bâtiment principal de la prestigieuse et très technologique université de Stanford. Le local n'est guère impressionnant. Pour l'essentiel, un cabinet noir, cocon isolé des bruits du monde, est orné d'une chaise longue. C'est là que les rêveurs s'assoupissent, enturbannés d'électrodes, pour livrer aux machines inquisitrices les détails intimes de leurs songes. Quelques écrans d'ordinateurs sont là, qui veillent et affichent les courbes des signaux électrique émis par les cerveaux, et des coupes colorées se succèdent en rafales sur les écrans, dénonçant quelles zones cérébrales sont activées...

Des travaux "secrets" sont en cours ici, concède le maître des lieux, qui visent à localiser en trois dimensions les régions du cerveau activées pendant le rêve lucide, mais aussi à explorer les divers "niveaux de conscience" que peut offrir cette pratique...

L'intérêt du rêve lucide,
du moins aux yeux de LaBerge, est double. Explorer autrement la zone interdite de l'onirisme, de ses mécanismes, pour commencer. En supposant que le rêve "éveillé" est de même nature que celui qui refuse de se laisser vivre en direct, on tiendrait là un formidable outil à visiter, à comprendre les mécanismes du rêve. L'autre avantage serait d'aborder la question : à quoi sert-il de rêver chaque nuit en moyenne deux heures durant ? Est-ce là un accessoire ou un élément essentiel de notre vie ? Un terrain où les avis sont très partagés.
Mais d'abord, peut-on être certain que l'on est bien plongé dans un rêve lucide ?

"Ce n'est pas simple, concède LaBerge. La conscience de ce que l'on est en train de faire est un phénomène complexe, et suspect. On ne peut prendre une simple affirmation, un récit de réveil pour argent comptant. Mais nous avons trouvé un procédé quasi infaillible. Nous convenons d'un code avant le sommeil, toujours le même. Et lorsque le dormeur est conscient de son rêve, il fait le signe..., en direct."

Deux mouvements des yeux, alternativement vers la droite et la gauche ont ainsi été retenus pour établir le contact entre l'Atlantide onirique de l'assoupi et les machines analysantes et scrutantes du petit labo. Essentiellement parce que des électrodes sont déjà placées près des paupières closes : les mouvements des yeux, intenses et erratiques sont en effet caractéristiques de l'une des phases du sommeil, le REM (Rapid Eyes Movements) ou sommeil paradoxal (périodes de vingt minutes en moyenne, toutes les quatre vingt dix minutes), pendant laquelle, tous les chercheurs en sont désormais convaincus, le rêve a lieu. Paradoxal car bien qu'endormi au sens habituel du terme, le cerveau est en fait biologiquement bien plus actif que lorsque nous sommes "éveillés".

Par cette technique, LaBerge a montré que l'on pouvait prendre conscience de ses rêves : les signaux convenus des mouvements oculaires sont bien sur les tracés de REM, alors que s'il y avait éveil lors de cette prise de conscience, les courbes montreraient également le sommeil s'interrompant...

Le chercheur fit de cette trouvaille le big bang de sa propre quête. Est-il possible de prendre conscience de tous ses rêves, se demande-t-il depuis dix ans ? La réponse, il en est convaincu, est oui, mille fois oui. Il suffit de se le suggérer, fortement.
"La prochaine fois que je rêverai, j'en prendrai conscience", faut-il se répéter. Il convient également de mobiliser sa conscience en état d'éveil (se dire "je suis conscient" le plus souvent possible dans la journée), et de suivre les conseils et exercices de la méthode évoquée plus haut, qui évoque celle, plus ancienne, du Dr Coué.
Une autre recommandation : investir dans une paire de lunettes "DreamLight" (marque déposée). Leurs petites pulsations lumineuses, déclenchées pendant les périodes de sommeil paradoxal, sont taillés pour être captées par le cerveau pendant les périodes de REM.

"Une lampe de chevet se mettra à clignoter, la foudre à tomber. Ce sera votre façon, en cours de rêve, de percevoir le signal émis par les lunettes, et vous prendrez conscience du rêve", pronostique LaBerge.

AJOUTS (2)
Et aucune inquiétude à avoir : tout le monde peut rêver éveillé, plus ou moins bien, souligne Stephen. Pourquoi ? Et bien tout simplement car notre conscience elle-m^me n'est qu'un rêve, me^me quand nous avons les yeux ouverts. la manière dont le creveau reconstitue le monde est un songe, aux yeux de LaBerge.
"Pourquoi voulez-vous que ce processus s'interrompe la nuit ? Le r^ve nocturne est la suite du rêve diurne, il est différent car le fonctionnement biologique du cerveau n'est pas le même pendant le sommeil, mais c'est bien pour cette raison qu'il est possible d'en prendre consience, de le visiter", insiste le chercheur
FIN AJOUTS (2)

Il en coûte 5000 francs environ, pour acquérir l'engin bricolé dans le mini-atelier de l'Institut...






Seti pas cher

automne 93

SETI
Dans son bureau qui joue les phares et surplombe un campus de Berkeley immergé dans les arbres, Stuart Bowyer déambule nerveusement. Directeur du Centre pour l'astrophysique en ultra-violets extrèmes, et père comblé d'un satellite qui récolte en ce moment des données sur des milliers d'étoiles et de galaxies, il commente la lecture d'un article paru dans la presse locale après l'annonce de sa "découverte". Un "papier" qui laisse carrément penser que la localisation de la lointaine patrie d'E.T. est réalisée...

"Non, non, nous n'avons rien trouvé, nos signaux ne sont que des candidats... Nous avons identifié cent soixante quatre signaux puissants et inconnus, qui ne correspondent pas à des étoiles répertoriées, et qu'il va nous falloir maintenant étudier, vérifier. Ils sont probablement d'origine naturelle, ou dus à des interférences, je ne crois pas un instant que nous tenions là un signal intelligent..."

Avec de petites lunettes que l'on devine vite lancée sur le nez chaque matin, le longiligne professeur a tout du scientifique plus à l'aise dans son laboratoire qu'à l'air libre, face aux turpitudes du monde des Terriens... Peut-être est-ce pour cela qu'il traverse le campus comme une fusée, au volant de sa méchante voiture de sport rouge ?

Mais pourquoi diable un "prof" renommé de Berkeley se met-il à la pêche aux Extra-Terrestres ?

"Il faut prendre des risques, faire du SETI (Search for Extraterrestrial Intelligence), chercher à détecter une autre forme d'intelligence, qui j'en suis convaincu, existe, c'est notre devoir...", enchaîne Stuart, en écho à notre étonnement.
Depuis trente années, dans la foulée de Frank Drake le visionnaire, certains astronomes ornent les radio-télescopes de circuits étranges, des appareils de détection de signaux radio "artificiels". Des engins capables de différencier le vacarme "naturel" d'une étoile et celui, bien différent, d'un paysage audiovisuel à la sauce E.T. C'est l'âme même du "SETI" : un mélange d'informatique (reconnaissance du signal) et de radio (détection) chargé de déceler une poussière d'aiguille dans le gouffre du cosmos. Imaginez : par une belle nuit, l'oeil humain capte la lumière émise par quelques 3.000 étoiles. Pour avoir une idée du nombre d'étoiles présentes dans notre seule galaxie, il faut tenter de se représenter, derrière chacun de ces 3.000 points, quelques cent millions d'autres astres, invisibles car trop éloignés ! Et ce n'est là que le début de l'infernale multiplication : on estime à 20 milliards le nombre de telles galaxies présentes dans l'univers...

Face à cet infini atterrant, l'amélioration des ordinateurs a peu à peu redonné le moral aux traqueurs d'E.T.. Et il y eut même un joli feu d'artifice médiatique, le 12 octobre de l'année dernière : Avec la complicité du 500-ème anniversaire du débarquement de l'Amiral Colomb, la NASA haussait d'un ton son programme SETI, en mettant en route son MCSA (Multi Channel Spectrum Analyser). Ce gros ordinateur consacré à la détection de signaux radio-électriques non naturels, était relié à la plus sensible des oreilles de la planète : le télescope géant d'Arecibo, sept hectares de grillage d'aluminium tendus dans une incroyable cuvette naturelle, au coeur de l'île de Porto-Rico. Un couple 10.000 fois plus performant que tout ce qui avait été mis en place jusque-là...

"Le problème, c'est le temps. On ne dispose en tout que de cinq pour cent du temps d'observation d'Arecibo pour faire du SETI, ce qui ne permettra en dix ans d'écouter que dans la direction de huit cent étoiles", constate Stuart Bowyer dans un soupir.
D'où une autre idée : mettre au point de petits ordinateurs, ultra-rapides, capables de scruter des millions de fréquences, à installer derrière plusieurs gros radiotélescope de la planète. Le matériel est suffisamment transparent et léger pour pouvoir être placé derrière les expériences classiques des astronomes, et travailler en permanence. Finie, la bagarre pour obtenir des créneaux d'observation. Le Serendip 3, la machine mise au point à Berkeley par Chuck Donelli et Dan Werthimer est une petite merveille d'électronique que n'importe qu'elle autre équipe, travaillant sur les énergies des galaxies ou les jets de matière peut accepter d'héberger, et du coup, gaver de données vingt quatre heures par jour !

Résultat : en quatorze mois de travail trente millions de milliards de données ont été disséquées par ces "Moulinettes" électroniques, et cent soixante quatre signaux "anormaux" ont été repérés.

AJOUTS
Sur la carte du ciel, celle que tiennent à jour les ordinateurs du laboratoire de Berkeley, les signaux suspects forment un mini-univers de points rouges. Des îles perdues dans le silence du cosmos, retenues par la trieuse infernale, parce que leur signal était "anormal". Généralement trop puissant pour cette partie du ciel, compte tenu de ce que laissent supposer les connaissances du ciel.

"Mais vous savez, on peut très bien faire d'autres découvertes", lâche Dan Werthimer.
"Cette électronique ne coûte pas très cher, et on peut s'étonner que l'on aie pas mis systématiquement des circuits de ce type derrière chaque télescope", commente un autre astronome.
Il faut se souvenir que la supernova du siècle, observée le 24 février 1987 par Ian Shelton, a été découverte à l'occasion d'un travail que la plupart des astronomes professionnels répugnent à faire : la calibration d'un télescope, qui consiste à enregistre l'éclat de quelques étoiles, pour construire des références de travail. Fastidieux...
La machine à traquer E.T. serait-elle aussi une machine à balayer les galaxies et à courir la découverte astronomique ?... Stuart serait un cachotier malicieux ?
D'ici un an, le nouveau bébé électronique de Dan Werthimer, Serendip 4 offrira au labo de changer de registre, avec une vitesse de traitement monstrueuse, comparable à celle d'une batterie de cinquante ordinateurs géants Cray 2.
A la différence que la plaque d'électronique ne saura rien faire d'autre que de sonder 140 millions de fréquences chaque seconde et demie !
Sur l'écran de contrôle, les points rouges vont croître et se multiplier.
Le rêve peut-il habiter dans des plaques d'électronique à l'affût ?

Folie des dinosaures

Dinosaures-MANIA
juillet 1993
Fig Mag


C'est la puanteur qui a tiré Michael de son sommeil. Une haleine gluante et tiède de carnivore frôlant l'indigestion de proies avariées. Réfugié sous le petit lit en lattes de pin, Michael ne voit pas le mufle du Tyranosaure pulvériser la lampe de chevet. Il entend le bruit sourd de l'impact du crâne sur le mur, et le hurlement de rage courir sur les incisives grandes comme des bananes. Le garçon presse encore un peu plus son corps contre le plancher. Avec la certitude que dans deux secondes son coeur va se tétaniser dans sa poitrine.

"Ne pas bouger, ne pas bouger, T-rex ne voit presque rien , il ne détecte que les mouvements, comme tous les grands prédateurs". Michael se souvient de ce conseil du Pr Grant. Et pour ne pas regarder les yeux immobiles du tueur , il tourne sa tête de l'autre côté, vers la porte de sa chambre. C'est en voyant cette poignée-là tourner, qu'il comprit que pour lui, tout allait finir très vite. Qui d'autre qu'un Velociraptor pouvait être assez sournois pour ouvrir la porte du couloir ?
"Michael, Michael, tu ne dors pas ?"

Vraiment, c'était insupportable cette manie de sa mère de toujours venir fourrer son nez dans ses meilleurs jeux.
"Tu joue encore à Jurassic Park. Vraiment, tu exagères. Tu vas être épuisé demain matin... couche toi." En son fort intérieur, très loin, Michael se surprit a souhaiter que la maquette du Parasaurolophus, achevée trois jours auparavant, saute à la gorge de sa mère. Il pouvait le penser, il savait bien que cela ne se réaliserait pas...
Dès qu'il entendit la porte de la chambre parentale se refermer, il ralluma et prit sa console de jeux. Pour se défouler, il opta pour le niveau trois. Celui où les montres du Mésozoïque s'en prennent aux mammifères, et empêchent l'apparition de l'homme et des parents...

Déjà présenté au festival du film de Deauville cette semaine, avant sa sortie officielle le mois prochain, "Jurassic Park" et ses héros, le Pr Grant, Velociraptors et Tyranosaure Rex, vont investir l'imaginaire des adolescents (le film est déconseillé aux très jeunes). Et devant des millions d'yeux du XX-ème siècle, une fraction éteiente de l'histoire de la planète va se mettre à rugir en son THX-Dolby.

Jurassic Park, le film, est le happening économique et financier de la dino-maboulo-mania, pandémie mondiale...
Car si la dino-folie est une vieille coutume, notamment en Californie, où les restaurant en forme de dinosaure et les magazines exclusivement consacrés aux sauropodes disparus existent depuis belle lurette, les industriels ont misé très gros sur la roulette des engouements du public, pour achever de transformer une immodérée passion de Sapiens sapiens pour les gros lézards en une hystérie de dino-consommation.

En temps normal on parvenait à se faufiler entre les posters, les poupées, les restaurants, les pins, les dessins-animés, les savons, de manière à vivre SANS dinosaures. Ce sera désormais aussi impossible que d'empêcher un gamin de vous raconter par le menu les habitudes herbivores du cornu Triceratops. Pour éviter de se retrouver face à un Brachiosaure (sur la confiture) à l'heure du thé ou de fréquenter un bébé Dilophosaure, il faudra le hurler haut et fort. Et surligner en rouge sur la liste de courses : "produit SANS dinos". Pire, planifier ses trajets, ses repas, ses incursions dans la chambre des enfants, la cuisine, la salle de bain , aux moments SANS. Comme on demande un compartiment non-fumeur, et outre-Atlantique un soda SANS sucre (diet), il faudra exiger des espaces, des moments SANS dinos.

Mauvaise nouvelle, la guerre des nerfs commence franchement à l'avantage des dino-boulimiques. Face au succès de Jurassic Park, qui a provoquée des embouteillages sur les bretelles d'accès aux drive-in (cinémas en plein air) dès sa sortie, et remboursé son budget de production (330 millions de francs) en quelques jours, 350 autres millions ont été investis dans les objets de promotion. Tout est bon : gobelets, brosses à dents, T-shirts, cahiers, cartes téléphoniques, chaussures de jogging (pour échapper aux dents acérées du T. Rex ?), linge de maison, une armée de mille objets estampillés "Jurassic Park" a été lancée contre les derniers résistants à la dino-déferlante. La vague frappe aussi en Grande Bretagne, où le respectable "Daily Telegraph" propose désormais une rubrique "Dinosaures". Plus "moderne", des extraits du film ont été logés sur des CD-vidéo interactifs, qui permettent de se rejouer les scènes les plus saignantes de "Jurassic Park" à domicile, en dévorant à grands coups de dents un dino-hamburger (McDonald's et Burger King), et quelques morceaux des 90 tonnes de sucreries à l'effigie des Lézards fabriquées chaque jour. Bien entendu Nintendo fourbit en Californie un jeu spécial dinosaures hyper-réaliste (moins sanglant que le film). Et pour les passionnés, les vrais, les Musées d'histoire naturelle du monde entier présentent des expositions tournantes de dinosaures robotisés, qui font courir les foules et permettent à des lieux trop souvent désertés de rembourser des années de dettes accumulées.

Faut-il verser une larme sur le destin commercial des dino-héros ? Pour répondre aux attentes d'Homo sapiens business, ils doivent dégager un chiffre d'affaires de plus d'un milliard de dollars cette année. Dont les royalties iront pour une bonne part dans la poche de Matsushita, propriétaire des studios de cinéma MCA/Universal .
Il y a là comme un parfum d'injustice. Car si l'on devait trouver un bénéficiaire moral à toutes ces retombées dinomaniaques (et un responsable, par la même occasion), c'est bien Richard Owen qu'il faudrait hisser sur le dos du Brontosaure.
Si le paléontologue britannique n'est pas le premier à avoir réalisé la nature des dinosaures (c'est Gideon Mantell qui le fait en 1825), c'est bien lui qui leur déniche un petit nom tellement sympathique.

"Terrible lézard", signification de "dino-sauria", c'est déjà du marketing. Le nom du produit est à lui seul une merveille. Reste le rêve. Owen et les savants de son époque s'en chargent... Oui, ils se tenaient debout, se mouvaient rapidement... Cuvier, Buckland, Mantell débatent. La communauté scientifique s'enflamme, le public suit. Les revues montrent des dessins d'Iguanodon dans les rues de Londres, le mufle à hauteur du 6-ème étage. Horreur rétrospective et intérèt à vif : le mélange propulseur de la dinophilie existe déjà et s'enflamme spontanément. Pour le réveillon du 31 décembre 1853, Owen n'hésite pas. Avec fracas, il convie ses éminents collègues et compères à festoyer à l'intérieur d'une reconstitution en plâtre de son Iguanodon, le premier dinosaure identifié. Et dès 1854, une reconstitution maladroite mais géante du bestiau est exhibée à Crystal Palace. Si cela n'est pas du marketing de génie...

Pour la promotion de leurs travaux, les savants font peu ou prou référence au mythes les plus profondément ancrés dans la plupart des cultures. Le dinosaure, c'est le dragon qui surgit enfin des temps, pour avouer sa forme, son gabarit, sa réalité. Mélange intime d'horreur et de sympathie dans l'occident chrétien, mais aussi pour les autres cultures. En Chine, "Konglong" signifie à la fois "terrible dragon" et dinosaure. Nul besoin d'explication de texte, au troisième siècle après Jésus-Christ, Chang Qu, écrivain, rapporte : "Un dragon gravit la montagne et se présente aux portes du paradis. Il ne peut entrer. Alors il retombe vers la terre et meurt sur place". Aujourd'hui, lorsque le paysan du Sichuan exhume un fémur géant, il se tait. Il conserve précieusement ce cadeau et broie en poudre l'os du dragon.
Pour devenir fort et chanceux...

Autant que Spielberg, qui a acheté à un musée chinois le droit de baptiser une nouvelle variété de dinosaures d'un nom choisit par ses soins : NOM 'si on le retrouve-JE N'en ai pas eu le temps ici avant d'envoyer le papier)

mardi 3 juin 2008

Brèves été 1990

On connaissait déja les trains (prototypes) japonais à lévitation magnétique, voici les bateaux : la Fondation Japonaise pour l'Amélioration des Techniques Navales va faire construire par Mitsubishi Industries le premier navire à propulsion magnétique.
Le principe de fonctionnement d'un tel engin est simple. Des électro-aimants répartis dans les coques d'un catamaran exercent sur l'eau située entre les "jambes" du navire une force qui pousse le liquide à reculer, et donc le navire à avancer.
Le Yamato-1, avec ses 280 tonnes, sera en fait la première application de la magnéto-hydro-dynamique des fluides, ce qui devrait permettre à l'engin d'atteindre la modeste vitesse de huits noeuds (15 km/h).
C'est vrai, ont reconnu les ingénieurs travaillant sur ce programme, en mettant des hélices sur les moteurs diesel qui fournissent l'électricité aux aimants on atteindrait au moins 20 noeuds (37km/h). Mais ce que les japonais veulent préparer là, c'est une technologie directement adapatable aux retombées d'une éventuelle percée dans le domaine des alliages supraconducteurs à haute température. Une recherche actuellement menées dans des dizaines de laboratoires à travers le monde, et qui permettrait la mise au point d'aimants très performants pour des navires plus rapides et silencieux.

Pour ceux qui préfèrent ne pas mettre le nez hors de leur auto, par exemple l'hiver, par un honnéte moins 30 degrés C, la firme norvégienne Transrobot vient de mettre au point un automate peu banal : un robot à servir l'essence.
Il suffit de se garer à proximité de la machine, de passer sa carte de crédit par la fenêtre, et un gros bras automatique muni de palpeurs recherche l'orifice du réservoir de l'auto pour l'ouvrir et y introduire le carburant. Ce genre de robot, qui contribue à la sécurité et à la qualité de l'environnement en empèchant les vapeurs d'essence de partir dans l'atmosphère, en aspirant les vapeurs d'essence pendant le plein, demande tout de même à l'automobiliste de monter sur son réservoir un embout spécial...

Et voici les plantes "dessinées" pour les insectes. Car les plantes que les agronomes sélectionnent dans les laboratoires pour bien résister aux parasites doivent être capables d'accueillir correctement les prédateurs, les ennemis naturels de ces fléaux.
L'exemple type en est la coccinelle croqueuse de pucerons : Peter Kareiva et Robert Sahakian, de l'université Washington de Seattle ont observé que les cocinelles étaient bien plus efficaces dans leurs chasse aux pucerons quand elles se trouvaient sur des plantes bien adaptées à leurs capacités de grimpeuses. Plutôt maladroites à l'escalade, les cocinelles préfèrent les plantes avec des feuilles courtes et fermes, et sont mal à l'aise quand elles sont trop nombreuses et souples. Sur des varités végétales présentant des feuilles un peu traîtresses à leurs pattes, les cocinelles passent jusqu'à deux fois plus de temps à remonter sur les plantes, après en être malencontreusement tombées. Autant de temps perdu pour la chasse aux parasites. Ce qui a conduit les chercheurs à sélectionner génétiquement des varités de plantes bien "adaptées" à leurs maladroites prédatrices, agréables au contact des petites pattes de cocinelles.


A peine parle-t-on de futurs Super-Concordes pour rapprocher les continents chez les constructeurs aéronautiques que les opposants et les protecteurs de l'environnement fourbissent leurs arguments. Pour livrer une bataille qui ressemble étrangement à celle qui avait fait rage il y a une vingtaine d'années autour du Concorde. Pour Juan Cisneros, un chercheur espagnol travaillant en antarctique, une flotte importante (plusieurs centaines) de tels avions évoluant entre 15.000 et 25.000 mètres d'altitude constituerait une véritable agression contre la couche d'ozone qui protège la planète des ultraviolets solaires.

Connaissez-vous Midas ? Non pas le roi, mais l'astéroide, qui se promène dans notre système solaire. Cet énorme rocher, l'un des 3.500 astéroïdes recensés, nous aurait envoyé un véritable boulet de 500 kilos (à l'arrivée), au mois d'avril dernier. Un météorite qui a atterri aux Pays-Bas, trouant net le toit d'une maison de la cité d'Enschede.
Pour les astronomes de l'observatoire de Leiden, c'est l'exceptionnelle trajectoire de ce météore qui révèle sa provenance toute particulière, l'astéroide Midas. Autant dire que les scientifiques tiennent là un bon moyen d'étudier à bon compte la structure de ce très ancien matériau de notre système solaire.

On fume de moins en moins, au grand dam des planteurs de tabac. Pour pallier à cette évolution, favorable à la santé et néfaste à l'économie du secteur concerné, Shuh Sheeen, un chercheur de l'université américaine de Kentucky propose de profiter autrement de l'herbe à Nicot.
Tout simplement en extrayant les protéines contenues dans cette plante.
De précieuses molécules, qui pourraient servir dans l'alimentation, avec des effets très bénéfiques, estime ce chercheur, qui souligne que ces protéines extraites de cellules végétales sont très riches en acides aminés utiles à nos organismes. Il propose aussi d'en extraire la nicotine, qui pourrait servir comme moyen de lutte naturel contre les insectes dans les champs, les effets pesticides de cette substance étant bien établis.
De la même manière, Sheen propose d'extraire les protéines des pousses de soja, ou des betteraves. Comme il ne serait pas nécessaire d'attendre la maturation des fruits, les périodes de culture seraient plus courtes, pourraient s'adapter à des climats moins favorables, et epuiseraient moins les sols que les cultures actuelles. Assemblées sous des formes diverses, ces protéines peuvent prendre mille et un aspects alimentaires, depuis le pâté des puristes jusqu'aux imitations de viandes et de poissons...

A tous qui travaillent de nuit, les travaux de l'équipe de la Harvard Medical School devraient apporter un soulagement. Il est en effet bien connu que même après des années de veilles, les troubles des rythmes vitaux peuvent demeurer considérables, le télescopage entre la nuit et le jour n'étant jamais vraiment résolu au niveau des rythmes de l'organisme.
La solution passe par la lumière. Durant le travail, pendant toute la phase d'éveil, il faut se placer dans un flux lumineux très intense, supérieur à la normale. Directement face à une lampe si l'on est assis à un bureau, par exemple.
Par contre, quand on tente de se reposer, généralement durant la journée, il convient de se placer rigoureusement dans noir obscur... Pas de siestes dans une pièce semi-éclairée, souligne le Dr Charles Czeisler.

Si votre embonpoint est persistant, rassurez-vous. L'hypothèse génétique de l'origine de l'excédent de poids se confirme, selon une étude menée à l'université Laval de Québec.
12 paires de jumeaux confinées pendant trois mois dans une salle et sur-alimentés rigoureusement de la même manière ont montré que les vrais jumeaux grossissaient de la même manière, mais que par contre, entre deux paires de jumeaux, les prises de poids pouvaient varier du simple au triple. Ensuite, de vrais jumeaux alimentés différemment ont montré à leur tour que le mode d'alimentation jouait très peu. Même en mangeant de façon très contrastée, les écarts de poids ne se creusaient que très faiblement entre des individus génétiquement semblables. Conclusion : il faut se surveiller. Mais, si l'alimentation est correctement équilibrée, il est quasiment impossible de lutter contre une tendance à une silhouette un peu arrondie.

Brèves août 1990

Des chercheurs allemands de l'Institut Max Planck de Météorologie à Hambourg estiment que sous l'effet du réchauffement global, la surface des océans va perdre une partie de sa capacité à absorber le gaz carbonique. Une hausse des températures de surface diminuerait selon eux les échanges entre les couches profonde et froide des mers de la planète et ralentirait l'assimilation du gaz carbonique par les océans. Restant dans l'atmosphère, ce gaz aurait tendance à réchauffer encore davantage le fond de l'air, par effet de serre.


Il y a 15 millions d'années les boussoles (naturelles) se sont brutalement afollées. Le champ magnétique de la Terre s'est soudainement mis à se promener dans tous les sens, jusqu'à faire varier des boussoles naturelles, inscrites dans le rocher de plusieurs degrés par jour.
L'équipe du Centre Géologique et Géophysique de Montpellier qui a mené l'enquète dans des roches volcaniques qui se sont solidifiées pendant une telle crise, dans l'Orégon, a été surprise par les résultats. On sait en effet que le champ magnétique de la planète s'est déjà inversé (passant son pôle nord au sud et vice-versa), et celà à plusieurs reprises au cours des 170 derniers millions d'années. Mais on imaginait pas que les variations pouvaient survenir avec une telle brutalité. Un tel évènement pourrait survenir aujourd'hui et affolerait net toutes nos boussoles...


Les météorites, du moins les plus grosses, s'écrasent sur le sol. Tout le problème consiste ensuite, pour les scientifiques, à estimer la puissance de l'impact, ce qui leur permet de deviner la masse de l'objet tombé du ciel, mais aussi à localiser le débris. Car si environ 20.000 tonne de débris venus de l'espace pénetrent dans l'atmsophère chaque année, très peu parviennent au sol et encore moins (environ 1 %) sont localisés et analysés.
C'est en étudiant les enregistrement sismiques des impacts des débris du Boeing de la Pan Am qui a explosé en survolant la ville de Lockerbie, en Ecosse, en décembre 1988, que le géologue britannique Roger Musson a décidé de remédier au problème à l'échelle de la planète. Il propose qu'un réseau de détecteurs sismiques soit conscaré à la surveillance des petits chos créés par les impacts de météorites, afin d'en localiser les aterrissages et de facilter la récuparation des matériaux.

De l'or dans les océans, mais pas assez pour rouler dessus : des chercheurs britanniques ont réussi à mesurer que les océans recelent en moyenne la dose homéopathique d'1 gramme d'or pour 100 milllions de tonnes d'eau. En Méditerranée, la concentration est trois fois plus élevée.

La cinquième force a disparu. Des physiciens avaient cru distinguer dans la nature, en plus des quatre déja connues. C'est le "père" de cette fausse bonne observation, l'Américain Franck Stacey, qui a officiellement annoncé lui-même qu'il s'était trompé dans ses équations


Pourquoi les humains et les chimpanzés portent-ils de préférence leurs petits sur le flanc gauche ?
La question, posée par John Manning et Andrew Chamberlain de l'université de Liverpool a trouvé une nouvelle réponse. Ces chercheurs estiment en effet que c'est la latéralisation du cerveau qui intervient, puisque cette tendance est la même, aussi bien chez les droitiers que les gauchers. Chaque hémisphère cérébral s'occupant de fonctions différentes, la partie droite gérant notamment les informations à caractère émotionnel. Mais ce sont les capteurs de gauche, dont l'oeil , qui sont reliés à l'hemisphère cérébral droit,. Ce qui expliquerait que les mères humaines, mais aussi chimpanzés, gorilles et orang-outan portent de préférence l'enfant à gauche, là ou elles peuvent mieux le contempler avec affectivité, du coin de l'oeil gauche, mais avec leur cerveau droit.
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