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jeudi 12 juin 2008

A l'intérieur de Biosphère

octobre 1992
Carnet de bord dans Biosphère 2

Voyage dans un autre monde
Linda Leigh, 40 ans, responsable des écosystèmes terrestres de Biosphère 2 (un monde en miniature, en Arizona)

26 septembre 1991
Le soleil se couche, laissant une chaude lumière m'enrober. Je suis assise au bord des falaises qui surplombent notre océan, et je regarde les deux mondes, celui de l'intérieur et de l'extérieur. Mon premier acte officiel de ces deux années d'enfermement a été de délivrer une longue pluie (par le système d'arrosage) à chaque biome (système écologique et climatique complet, comme la savane, ou la forêt tropicale). Le voyage peut commencer.

8 octobre
Rencontre avec Tony, à la limite du désert, pour discuter comment réveiller la vie dans cet espace, à l'approche de l'hiver. Nous arroserons une fois par semaine, et surveillerons les plantes clefs de ces écosystèmes arides.

15 octobre
Chaque matin, nous lisons avidement les courbes de nitrates dans l'océan et de gaz carbonique dans l'air que crachent les ordinateurs. Aujourd'hui on peut y lire l'impact de la récolte de cacahuètes effectuée hier. A l'entrée de l'hiver, je me sens comme un pélerin abordant un monde inconnu.

12 novembre
Mon quarantième anniversaire. Un groupe de visiteurs me l'a souhaité à travers la vitre. Je n'aurais pas cru que cela puisse me faire aussi chaud au coeur !

15 novembre
Jamais je n'ai regardé les plantes de cette manière. J'essaie sans cesse de deviner comment chaque espèce va réagir aux variations de saison et de teneur en gaz de l'air. C'est une obsession.

12 décembre.
Je fais la cuisine. Mark a pu me ramener des herbes du potager, pour relever les plats. Comme d'habitude, j'entre les quantités de chaque ingrédient dans le système électronique de gestion des régimes alimentaires, qui évalue nos rations de calories, de graisses, de protéines, de sucres, de minéraux, de vitamines.
Un peu plus tard, je fais de l'exercice sur une bicyclette de musculation. Ai-je mangé assez de calories pour pouvoir m'octroyer le plaisir de cet effort sans risquer de perdre encore quelques grammes ?

1-er janvier, le Nouvel An
J'ai communiqué avec des gens tout autour du monde, par l'intermédiaire du système vidéo. Notre petite fête a été arrosée d'alcool de riz fermenté, que nous avons produit nous-mêmes, à partir d'une vieille recette népalaise. En buvant, je ne puis m'empêcher de penser que l'adaptation de la culture du riz de cette technique de fermentation à Biosphère 2 a nécessité quatre bonnes années de patience.

10 janvier
Mesures du taux de gaz carbonique contenu dans le sol de la forêt humide. Relevé d'échantillons et analyses au laboratoire.

7 mars
Je suis effondrée par la mort du galago. Le petit lémurien tropical m'était très cher. Dans biosphère 2 nous constatons la mort des animaux très vite. Et chaque extinction d'espèce est cruellement ressentie, comme elle devrait l'être sur la Terre, Biosphère 1. Au dehors comme ici, à l'intérieur, à part ces espèces vivantes, il n'y a rien. Et chaque disparition est un vrai drame qui nous rapproche du néant.

27 mai
Récoltes de blé, ce matin. Par contre, nous manquons de féculents : patates, riz, plantain... Nous aurons bientôt besoin de place pour planter le sorgho.
J'ai toujours des difficultés avec le système générateur de pluies, du côté de la savane. Je suis contrainte d'arroser à la main les endroits qui restent secs. Harassant. Les caféiers, sur le versant ouest de la montagne, ont refleuri. J'imagine déjà les bols de café au lait que nous allons pouvoir nous offrir...

20 juin
Encore un jour avant de déclencher les pluies d'été. Nous pourrons ainsi collecter des échantillons d'air, de sol, et prendre des photographies avant et après la fin de la dormance. Pour effectuer les comparaisons.

26 septembre
L'anniversaire de notre entrée, le vrai "Nouvel An" de Biosphère 2. Ma première action, en me levant, a été d'offrir une belle pluie, bien dense, à tous les biomes. C'est pour moi une célébration des cycles de la nature, mais aussi de l'esprit humain. L'esprit qui nous conduit à créer, à ne jamais cesser de nous interroger, et à ne jamais laisser tomber la vie.



Nous connaissons plus d'un qui aimerait se transformer en grenouille, pour se glisser dans la forêt de Biosphère 2 et voir de près comment vivent, travaillent et s'entendent les occupants de la galère de verre échouée en plein Arizona.
C'est le 26 septembre 1991 que les huit volontaires ont bouclé la porte de leur vivarium géant pour un voyage immobile de deux années. Depuis, le mystère plane sur l'aventure. Pourtant leur prison est de verre, et des dizaines de milliers de touristes ont pu les observer de l'extérieur. Les communiqués de presse pleuvent, et les conférences ne manquent pas.
Mais cette transparence de façade n'a pas dissipé le malentendu qui s'est installé entre les explorateurs et le reste de la planète.
Présentée comme une affaire scientifique au départ, Biosphère 2 ne s'est pas vraiment donnée les moyens de cette ambition. Toute l'énergie créatrice était en fait investie alors dans la réalisation du vaisseau de verre, de ses écosystèmes, et à l'attraction des hordes touristiques payantes.
L'information préliminaire sur le projet a elle aussi été négligée. Quand on a appris, parfois par des fuites, que les naufragés volontaires étaient partis dans leur île avec des réserves de nourritures pour plusieurs mois, que l'énergie leur était fournie par une centrale électrique, qu'un ventilateur avait été mis en route pour renouveler une partie de l'air, ou encore qu'une Biosphérienne était sortie quelques heures pour aller se faire soigner à l'hôpital voisin, des critiques se sont hâtés de brûler le joli jouet que lui avait fait miroiter le milliardaire....
Est-ce raisonnable ? Il est vrai que les Biosphériens ont un peu trop tendance à escamoter les problèmes matériels, psychologiques, ou relationnels, et ont tendance à servir des réponses évasives à tous ceux qui les interrogent. Agaçant. Certes encore, Biosphère 2 n'est pas une expérience de laboratoire, mais plutôt à un processus d'exploration empirique. Mais de par le monde, un certain nombre de scientifiques, dont le groupe qui vient d'examiner la situation, jugent qu'au prix de quelques modifications, les données que l'on pourra tirer de l'affaire valent la peine d'être étudiées. Quitte à imposer des procédures plus strictes lors des prochaines missions à bord de l'autre Terre.
Pour l'heure, les Biosphériens voient baisser leur taux d'oxygène et augmenter celui du gaz carbonique. Leur stock de nourriture est réduit. Passeront-ils l'hiver à bord ?

mardi 3 juin 2008

Alerte aux abeilles tueuses

Ces insectes venus d'ailleurs
Septembre 1990


Aux Etats-Unis, cela fait plusieurs années que tout le monde se prépare à la grande confrontation. Celle contre les "abeilles tueuses". Pistées depuis leur débarquement en Amérique du sud et les débuts de leur progression vers le nord, les redoutables immigrantes africaines font trembler les populations. Leur nom, à vrai dire, suffit. Pour des millions d'Américains, ce serait là l'immersion brutale dans un scénario de film d'horreur, du style "Les abeilles attaquent".

Qualifiée volontiers de "très agressive", Apis Mellifica scutella sévit depuis une trentaine d'années en Amérique du Sud et en Amérique centrale, depuis l'évasion en 1957 de 26 reines en observation dans une enceinte d'aclimatation brésilienne. Destinée à être simplement testée en laboratoire, pour renforcer les espèces européennes un peu paresseuses et peu productrices de miel sous les tropiques, cette africaine s'est répandue comme une trainée de poudre. Progressant de 300 à 500 km par an, elle a envahit tout le Brésil, colonisé la majeure partie de l'Amérique du Sud et de l'Amérique Centrale. Et aujourd'hui, elle n'est plus qu'à quelques 250 kms de la frontière du Texas.

Aux Etats-Unis, un véritable plan de lutte a été mis en place. Dès 1972, l'Académie des Sciences s'était intéressée au sujet et avait alarmé le public, qui doit se méfier de cette abeille très susceptible, mais aussi les apiculteurs, dont les ruches sont purement et simplement menacées de colonisation. Sur le front de la lutte, pour reconnaître une "tueuse" à plusieurs centaines de mètres de distance, les ingénieurs ont mis au point des systèmes informatiques de reconnaissance de battements des ailes, mais ils ont aussi demandé à l'armée de leur donner accès à des radars extrêmement précis développés dans le cadre de l'initiative de défense stratégique, la fameuse "Guerre des Etoiles", pour suivre l'évolution des essaims et pouvoir reconnaître ceux qui sont des "tueurs".

Mais au fait, ces abeilles sont-elles vraiment des tueuses ?
"Non, simplement, elles possèdent un comportement défensif très développé et réagissent plus vite, avec davantage d'énergie à tout ce qu'elles interprètent comme une agression", explique Bernard Vaissière, chargé de recherche à l'Institut National de la Recherche Agronomique. Pour ce spécialiste qui a passé huit années à étudier ces hyménoptères au Texas, elles ne méritent pas vraiment leur très médiatique qualificatif de "tueuses".

"Effectivement il y a un problème. Il y a eu un congrès en 1988 qui a réunit des scientifiques du monde entier sur le sujet, et chaque mois un bulletin donne aux Etats-Unis l'état de l'avancée géographique des abeilles", poursuit le chercheur.

Même si "scientifiquement " elle sont simplement considérées comme plus susceptibles et difficiles que les autres, les abeilles d'origine africaine provoquent une véritable panique aux Etats-Unis. Les diplômés qui sortent des universités ne sont pas très chauds pour aller s'établir au Texas, près du "front" de leur avancée. Et dès qu'un essaim de tueuses est découvert , après un transport de reine par avion ou par bateau en provenance du sud, l'alerte générale est déclenchée. En 1985, la découverte de la petite abeille au nord de Los Angeles a démarré une véritable guerre : une force spéciale a été crée, 1.2000 km carrés de terrain placés en quarantaine, toutes les ruches du district détruite, ainsi que la plupart des essaims sauvages dans un rayon de 80 km.

Pourquoi une telle panique ? Il faut dire que les histoires dramatiques, comme celle qui relate l'attaque de Robora, en Bolivie, où deux personnes sont mortes après des piqûres d'abeilles, précédent les essaims et énervent les foules.

Mais le véritable danger, pour le sud des Etats-Unis est surtout économique. Pour les apiculteurs, bien sûr, dont les ruches colonisées (par mariage génétique ou pure invasion) sont beaucoup plus difficiles à exploiter en raison de l'agressivité ambiante : on estime que les africaines réagissent trois plus vite à l'intervention humaine, et piquent dix fois plus, tout en se calmant très difficilement (elles peuvent rester excitées trente minutes, contre trois en moyenne pour une abeille tranquille).
Mais le véritable drame est celui qui guette l'agriculture. La plus grande part de la productions fruitière est au Texas pollenisée par l'abeille domestique. Une baisse de rendement de 1 % seulement, due à la prépondérance d'une abeille plus récalcitrante à ce genre de coopération , signifierait une perte sèche de 50 millions de dollars par an pour l'agriculture.

Autre fléau, ayant cette fois voyagé en sens contraire, la lucilie bouchère. Et le mot de "tueuse" parait cette fois plus approprié. Affamée de chair fraîche pour assurer sa reproduction la bouchère est une mouche répandue en Amérique, qui vient d'être détectée pour la première fois en Afrique. L'ennemie publique de tous les animaux à sang chaud des zones tropicales américaines, de l'Argentine au Texas, vient en effet de franchir l'Atlantique et de mettre le pied en Lybie. Une découverte faite par hasard, au début de 1988, et qui s'explique probablement par un passage clandestin, à la faveur d'une cargaison de viande ou de bétail sur pied entre les deux continents.

Placardé sur les murs de Tripoli, le portrait robot de " Cochliomyia hominivorax" est facile à reconstituer : un corps bleu-vert, des yeux rouges, un thorax barré de trois bandes sombres et une taille imposante de 1 à 2 cm en moyenne.
Son mode de reproduction est particulièrement efficace et meurtrier : la femelle fécondée, qui se nourrissait jusque-là de nectar de fleurs, part soudainement à la recherche d'un animal écorché, d'un nombril mal refermé, d'une plaie pour y pondre et déposer quelque milliers d'oeufs. Une fois ceux-ci éclos quelques heures plus tard, des armées de larves affamées dévorent l'animal sur pied, s'enfoncent dans ses chairs agrandissant les plaies. Un festin macabre qui attire d'autres pondeuses. Pour le boeuf, le chameau, le mouton, c'est l'horreur qui commence. Suivra l'infection, et à terme, la mort.

Atteinte la première, la Lybie a accusé cet été les Etats-Unis de lui avoir expédié l'horrible bestiole à dessein, afin que les hardes de parasites anéantissent son cheptel. Cette attaque de Kadhafi ne fait pas état de l'aide qu'avait déjà décidé Washington en expédiant à Tripoli ses meilleurs experts sur le sujet, rompant l'embargo décrété depuis 1984 à l'égard de la Lybie.
Il faut dire qu'il y a urgence pour le cheptel. Ce pays pourrait très vite devenir la tête de pont de la bouchère en Afrique. Elle pourrait ensuite s'attaquer à tout le bassin méditerranéen, y compris au sud de la France.

Déjà plusieurs milliers de têtes de bétail ont fait les frais de l'invasion. Le remède ? Le seul vraiment efficace passe par le largage dans le milieu naturel de myriades de mâles stérilisés par traitement radioactif. Largués d'avion, aidés par des insecticides, ces mouches "inutiles" peuvent très vite limiter les dégâts en saturant les femelles. A condition d'agir massivement, reconnait la FAO (organisation des Nations-Unies pour l'alimentation et l'agriculture). Tout le problème, c'est que cette solution est coûteuse, et que le monde a en ce moment d'autres préoccupations qu'une mouche carnivore.
Sur le front des invasions sahéliennes, tout ne va pourtant pas si mal. Par exemple les criquets, l'un des fléaux les plus redoutables d'Afrique et dont les ravages avaient été considérables ces dernières années, entre 1987 et 1989, ont été stoppés.

La prolifération a été enrayée cette année au prix d'une lutte internationale acharnée sur toute la zone, depuis le Golfe persique jusqu'aux rivages de l'Atlantique et de la Méditerranée. Mais les Africains connaissent bien les criquets. Il savent que dans quelques années, les nuages riches de quelques dizaines de millions d'insectes réapparaîtront. Des essaims fabuleux, qui se forment quand la densité des criquets présents sur un même territoire dépasse un certain seuil. Des nuées de solitaires se transforment alors en redoutables bandes de "pèlerins" pouvant atteindre trois mille mètres d'altitude en vol et, à la faveur de vents favorables, aller se poser aux Caraïbes

Coup de chance pour les îles : elles sont trop humides pour ces gloutons, capables de dévorer chaque jour l'équivalent de leur poids de végétaux. Quand on sait qu'un essaim peut "peser" 100 tonnes !

Plus près de nous, en France, l'hiver clément et l'été chaud ont été particulièrement propices à quelques spectaculaires pullulations. Une marée de milliards de punaises a ainsi déferlé sur Mernel, en Ile et Vilaine le 13 septembre dernier. "Il y en avait partout, cela grouillait dans toute la maison, ils s'infiltrent sous les portes, et j'en ai trouvé jusque dans mon lit", rapporte Mme Amélie Coudrais. Les légions d'insectes gris-marron, avec des taches blanches sur les ailes ont cependant disparues au bout de quelques jours : pas assez de nourriture disponible pour toutes ces bouches.
Les scientifiques connaissent bien ce genre de pullulation, qui se produit quand les éclosions des oeufs et quand les larves sont remarquablement synchronisées par une météorologie très particulière, ou par une conjonction de facteurs favorables. Ceci dit, on ne sait pas pourquoi ce genre de manifestation ne se produit pas plus abondamment...
Le premier août dernier, un phénomène analogue s'était produit à Gy les Nonanis, près de Montargis (Loiret), mais cette fois c'étaient des petites araignées d'un centimètre qui recouvraient le sol et les murs d'un moelleux tapis. Leur cycle de vie très court en a débarrassé les habitants en quelques jours.
De ce point de vue, vivre à Venise n'a pas que des avantages. Dans la célèbre lagune particulièrement polluée et saturée de nitrates et de déchets organiques, des algues pullulent tous les étés. des végétaux qui nourrissent à leur tour des nuées de mouches capables de transformer la polychromie des palais vénitiens en une sombre tapisserie noire. Le fléau atteint de telles proportions que le train qui dessert la Cité des Doges, sur le continent ne peut parfois plus progresser : ses roues patinent sur une épaisse couche de moucherons écrasés.

Si l'homme est forcé de se battre contre de tels phénomènes ou l'irruption d'espèces dangereuses hors des régions ou elles connaissent des limitations naturelles, par la présence de prédateurs, il est aussi possible de lutter en en opposant un insecte à un autre.

C'est le principe de l'utilisation de coccinelles pour combattre le pucerons, ou la solution que propose la société Bio-Assistance-Forêt de Bugeat, en Corrèze, qui oppose au coléoptère agresseur des épicéas un autre coléoptère, qui s'en prend vigoureusement au premier.

"Le meilleur ennemi de l'insecte, c'est encore l'insecte", note à ce propos Claude Caussanel, directeur du laboratoire d'entomologie au Muséum d'Histoire Naturelle de Paris.
La nature nous livre de superbes exemple de telles rivalités parmi les 750.000 espèces répertoriées. Des insectes qui ne manquent d'ailleurs pas d'astuces pour s'en prendre à leurs ennemis intimes.

Parmi les plus énigmatiques, le biologiste Rémy Chauvin cite le hyménoptères paralysants. De toutes petites et bien étranges guêpes solitaires, qui pratiquent la chasse pour nourrir des petits qu'elles dissimulent dans des terriers. Pour leur fournir une proie en bon état, une sorte de garde-manger sur pattes, elles paralysent d'autres insectes et les enfouissent dans les terriers. Quand la larve éclôt au fond de son trou, elle se précipite sur la proie, et y pénètre par le trou de la piqûre paralysante infligée par une mère qu'elle ne connaîtra jamais.

C'est la localisation de cette pénétration qui permettra à la guêpe, devenue adulte, de trouver à son tour avec précision les ganglions nerveux de l'insecte qu'elle doit parasiter. Au millimètre près, c'est là qu'elle inoculera son venin. Mais le plus étrange, note Chauvin, c'est que cette précision chirurgicale, apprise dans une geste d'enfance, la guêpe devrait normalement l'oublier. Au moment de la métamorphose de la larve en insecte adulte, tout le corps se liquéfie, y compris le cerveau. Ou va donc se cacher le savoir faire acquis au fond du terrier par une larve dévorant sa première proie ? Terrifiants ou fascinants, les insectes ont décidément bien des secrets à nous livrer encore...

mercredi 16 janvier 2008

D'autres énergies

En 1989

Sur la côte californienne les panneaux solaires photovoltaïques sont assemblés par centaines en centrales géantes, et à travers les Etats-Unis, 15.000 familles s'alimentent déjà en électricité par le biais de photopiles solaires. A l'autre bout du monde, 5 millions de Japonais prennent leur douche quotidienne sous une eau réchauffée par le Soleil, comme la plupart des Israéliens.

Les Danois, pour leur part, ont déjà exporté plusieurs milliers d'éoliennes vers les Etats-Unis, y installant quelques 530 mégawatts de puissance : un marché d'un milliard de dollars...
Et les Allemands de l'Ouest ne sont pas en reste : ils consacrent 700 millions par an de subventions aux recherches sur les technologies d'énergie renouvelables, en visant essentiellement le marché de l'exportation.
"Des marchés qui représentent à travers le monde environ 200 milliards de francs de marchés à conquérir", précise François Pharabod, le concepteur de la centrale solaire française Thémis. Un prototype fermé depuis des années, en raison d'un fonctionnement trop coûteux...

Précisément, quand on aborde la France, le panorama s'assombrit : le budget de l'Agence Française pour la Maîtrise de l'Energie a été largement réduit depuis quelques années et une partie du personnel licencié.
Des projets comme celui de l'équiment de l'île d'Ouessant d'une éolienne géante ont été abandonnés, mais plus grave, après des années de valse-hésitation de la part des pouvoirs publics dans le domaine de ces énergies propres, les industriels qui avaient tenté l'aventure n'y croient plus.

"Des entreprises comme Photowatt, dans le domaine des photopiles solaires, ont été abandonnées en cours de route, livrées à elles-mêmes, la puissance publique cessant du jour au lendemain de les soutenir. Les installations de chauffe-eaux solaires ont chuté de deux tiers (passant de 90.000 mètres carrés solaires installés en 1987 à moins de 30.000 en 1988)", constate Benjamin Dessus, ancien directeur de l'AFME, aujourd'hui chargé de recherche au CNRS.

"La question est aujourd'hui de savoir quel prix nous sommes prèts à payer pour l'énergie...", commente François Pharabod.
Pour intégrer le coût de l'environnement dans la facture énergétique, certains recommandent aujourd'hui d'augmenter les tarifs des énergies fossiles. Une facturation de l'impact sur l'environnement de cette énergie primaire, qui donnerait un coup de fouet aux énergies propres et encouragerait une meilleure gestion des ressources...

" Les énergies renouvelables ne sont pas des énergies de gaspillage", souligne François Pharabod. Elles sont coûteuses à développer, elles font appel à des technologies élaborées de transformation d'une énergie naturelle (essentiellement le Soleil) en une forme directement utilisable par l'homme... Ces énergies "naturelles", liées à l'éclairage de l'astre du jour ou à la puissance du vent sont également délicates à gérer. Ce n'est généralement pas quand le Soleil est cuisant que l'on a besoin de se chauffer !

Ce qui implique signifie le développement de filières de stockage de ces énergies, en les utilisant pour fabriquer à partir de l'eau un carburant propre, comme l'hydrogène.

Ces technologies représentent un effort financier sans commune mesure avec les coûts de mise en exploitation d'un gisement pétrolier. "Mais il s'agit d'un investissement à long terme, ensuite la mise en exploitation de ces énergies renouvelables est beaucoup moins onéreuse", souligne François Pharabod.

Quel serait le bon prix à appliquer pour amorcer ces mécanismes de juste concurrence ? La question est délicate. Dans le rapport sur l'énergie qu'il vient de rendre au Premier ministre, le député Pierre Briane propose des mesure d'allègement pour les énergies renouvelables, les véhicules électriques et l'éclairage à basse consommation. Il suggère une baisse de la TVA de 18,6 à 5,5 % sur ces produits, mais aussi une taxe sur les déchets rejetés dans l'environnement.

Allant plus loin, certains experts proposent carrément un doublement des tarifs des énergies fossiles. Une solution extrème qu'il sera délicat de faire passer dans la pratique, face à la résistance des lobbies intéressés...

Pour débuter, on pourrait déjà conduire une politique agressive d'économies : "le gisement d'énergie que représentent aujourd'hui les économies d'énergie est§ comparable aux autres sources", souligne François Pharabod. En d'autre terme, il est plus simple aujourd'hui de construire des automobiles économes en carburant que de mettre en exploitation des gisements de pétrole sous des milliers de mètres d'eau glacée, en zone arctique. Il est aussi plus raisonnable, économiquement, d'utiliser des ampoules à basse consommation d'énergie que de construire des centrales nucléaires...

La preuve ? Dans la foulée des efforts liés au choc pétrolier de 1973, le produit intérieur brut de la France a augmenté de 38 % entre 1973 et 1988. Alors que la consommation d'énergie n'augmentait dans le même temps que de 12 %.

Réchauffement et ozone. En 1989

Pour Ca M'intéresse, 1989
(eh oui, déjà on veillait. Avertissement : les choses ont évolué, les données sont bien plus précises (voir le passage sur l'absorption de CO2) et le regretté Haroun Tazieff aurait peut-être un tout autre point de vue)

Trente milliards de tonnes. C'est le nuage de gaz carbonique que chaque année l'homme rejette dans l'atmosphère. A ce rythme , il en aura doublé la teneur en CO2 d'ici 50 ans. Une pollution qui s'ajoute à d'autres gaz pour pièger les rayons solaires et réchauffer progressivement le fond de l'air, par effet de serre.

Si ce scénario se confirme, ce sera le déluge : sous une atmosphère trop chaude, les calottes polaires fondront, libérant des milliards de mètres cubes d'eau et provoquant une montée générale du niveau des mers. Un raz de marée qui pourrait atteindre à terme plusieurs mètres, une menace concrète pour les habitants des deltas, des atolls et des rivages alluvionnaires, de Venise au Bengladesh, soit 70 % de la population mondiale.

Ce climat chamboulé aura d'autres effets : le grenier à blé du Middle West américain se transportera plus au nord, au Canada, les grands déserts avanceront, tornades et typhons deviendront de plus en plus dévastateurs, tirant un surcroît d'énergie de mers plus chaudes. Sous des moussons plus humides, des zones entières subiront des déluges saisonniers, tandis que les espèces animales et végétales déjà fragilisées par la pollution et la pression démographique humaine ne pourront supporter ce choc supplémentaire du au climat en folie. De nombreuses variétés périront.

Petit espoir, tous les scientifiques ne sont pas d'accord sur la vitesse à laquelle se produira ce chambardement...
L'une des solutions, pour comprendre comment la planète peut "digérer" une telle variation des climats, c'est d'interroger le passé.

"On s'apperçoit alors que la planète a encaissé en 4,5 milliards d'années d'histoire bien d'autres chocs climatiques", explique Jacques Labeyrie, physicien et fondateur à Gif-sur-Yvette du Centre des Faibles Radioactivités (CEA-CNRS).

La méthode qui a mené à cette conclusion est celle de la variation isotopique : on mesure dans les roches, dans les sédiments, dans le corail des océans les différentes variétés d'oxygène. Un indice qui trahit la quantité d'eau qui se trouvait piégée dans les calottes polaires, il y a des centaines de milliers d'années, et qui dénonce du même coup la rigueur des climats du passé.
Passées à la loupe des paléoclimatologues, les grandes variations du climat terrestre affichent avec un rythme de 100.000 ans la succession de périodes chaudes et humides et d'âges froids et secs. A l'intérieur de grand mouvement se glissent d'autres variations, plus rapides, sur 40.000 et 20.000 ans. Les fluctuations du niveau des mers peuvent y atteindre 100 mètres d'amplitude, selon que les calottes polaires s'étendent ou se rétractent.

Pour éviter que de tels phénomènes se produisent en l'intervalle de quelques siècles seulement, il est urgent de prendre conscience des effets de levier qui amplifient les dégâts causés à l'atmosphère.

L'homme peut agir. D'abord en cessant de libérer dans l'atmosphère les milliards de tonnes de carbone que les végétaux pétrifiés avaient fixé au cours du temps. Une démarche qui implique de changer de mode de consommation énergétique, de privilégier les énergies non polluantes aux détriment des énergies fossiles comme le charbon et le pétrole.
François Pharabod, analyste au Centre de Prospective et d'Evaluation propose également de replanter des hectares de forêts sur les terres en friches, au Sud comme au Nord... Un moyen de recréer un couvert végétal qui stabiliserait l'effet de serre en refixant une partie du gaz carbonique. "On pourrait utiliser ce bois de façon permanente, dans la construction, sans le consumer. Ceci ne libèrerait pas de gaz carbonique dans l'atmosphère, mais au contraire stockerait du carbone explique Pharabod.

Apparemment la planète nous laisse un répit.
Les chercheurs se sont apperçus que la teneur en CO2 de l'atmosphère n'augmentait pas aussi rapidement qu'elle le devrait, sous l'effet de l'activité humaine. Toundra ou forêt vierge, la végétation se développe plus rapidement et absorbe une partie du gaz en excès, tandis que le plancton en attire une bonne part dans les océans pour le fixer dans le calcaire sous-marin.
Sans aller aussi loin que James Lovelock, le père de l'hypothèse Gaia, qui considère la planète comme un être vivant régulant de lui-même les grands équilibres, certains admettent que le végétaux et le plancton, en absorbant les excès de nos activités, nous laissent un nouveau sursis.


Pour le vulcanologue Haroun Tazieff, tous ces boulversements seraient liés à des phénomènes naturels, dont les cycles du temps sont maîtres... Une étude menée par des universitaires chinois et américains dans les glaces du plateau du Tibet montre que le climat est chaud, mais depuis 1940... Alors, le réchauffement s'accélere-t-il vraiment, ou n'est-il qu'un évènement naturel ?


Combien la planète peut-elle ainsi absorber de gaz carbonique ? Entre 30 et 50 % de la quantité produite par l'homme, selon les études les plus récentes...
La marge d'erreur reste importante. Surtout, elle ne permet pas de dire, finalement, si c'est l'augmentation de CO2 qui réchauffe le climat, ou si c'est le réchauffement du climat, quelque part, qui provoque une augmentation du taux de CO2 de l'atmosphère...

OZONE

LA GRANDE TRAQUE DE L'OZONE

Au royaume de l'ozone, l'angoisse règne : si cet écran protecteur se déchirait, bombardé par des doses dangereuses d'ultra-violets solaires ! la vie sur Terre risquerait d'en prendre un coup. Pourtant l'ozone joue les filles de l'air : ce gaz fantasque, dont la disparition au-dessus de nos têtes occupe les colonnes des médias depuis plus de deux ans, demeure insaisissable. Chaque hiver Patrick Aimedieu part en chasse dans le grand nord suédois, sur la base arctique de Kiruna. Là, en compagnie de confrères européens, Japonais, Américains, ce chercheur du service d'aéronomie du CNRS lance des ballons du CNES jusqu'à 30 km d'altitude. Pour comprendre comment, dans la nuit polaire, les composés chlorés accomplissent leur besogne de grignotage de l'ozone.

"Les conclusions rendues par le Comité International de l'ozone en 1987 sont alarmistes : une baisse globale de 3 %, a été évaluée autour de la Terre au cours de la dernière decennie", explique Aimedieu.
Si nous sommes certains aujourd'hui des mécanismes de dégradations chimiques de l'ozone, notamment par les fameux CFC de notre industrie, mais on peut douter de ces conclusions alarmistes. Les phénomènes sont hypercomplexes et la difficulté d'accès à ces hautes altitudes, le manque de données doivent nous rendre modestes quant au diagnostic..."

Par exemple en 1987, le trou d'ozone a été très impressionnant au-dessus du Pôle Sud. Par contre, en 1988, il était très faible. Et cette année, il est à nouveau très marqué, atteignant la taille de l'Europe. Alors que penser ? Un espoir demeure : que l'ozone produit naturellement par le Soleil, ou que celui en excès, au sol, finisse par combler les trous saisonniers aux pôles..."