samedi 2 février 2008

Origines de la vie

1993
Origines de la vie : le mystère agace les chercheurs

Voici quarante ans, en 1953, le monde découvre à la une des journaux les lunettes rectangulaires et le travail de Stanley Miller. Le jeune chercheur de Chicago vient d'obtenir en éprouvette des acides aminés, les éléments constitutifs des protéines. Ou si l'on préfère, les premières briques du vivant, fabriquées comme par magie dans une éprouvette contenant un mélange d'ammoniac, de méthane, de vapeur d'eau et d'un peu d'hydrogène. Le tout généreusement secoué de décharges électriques.
En copiant une "soupe primitive", une atmosphère telle qu'il imaginait baignant la Terre d'il y a quatre millairds d'années, Miller venait-il de dénicher la solution chimique menant à la première cellule vivante, premier frémissement de la vie sur ce monde ?
"Non, en fait il a du exister une, voire plusieurs étapes intermédiaires", explique André Brack, directeur de recherche au Centre de biophysique moléculaire du CNRS, à Orléans. Le plus probable, c'est un système chimique autonome et capable d'évoluer, déjà selon les règles de sélection darwiniennes".

Ce principe, qui veut que les êtres vivants évoluent sous les doubles lois du hasard des mutations génétiques et de l'adaptation à l'environnement, a peut-être déjà joué sur les premiers mécanismes chimiques du type "photocopieuse" menant vers la vie en sélectionnant des solutions de plus en plus efficaces pour ces tâches.

En fait, c'est sur ce thème que désormais bon nombre de laboratoires dans le monde ont engagé une vive compétition : le premier qui trouvera le chaînon manquant entre la matière inanimée et la vie aura gagné.
Mais où seraient nés les ingrédients nécéssaires à la première vie ?
Au fond des océans, répondent certains.

Depuis l'irruption de l'homme aux grandes profondeurs des abysses, on y a découvert que la vie peut exister dans des conditions a priori très défavorables. A plusieurs milliers de mètres sous les vagues, près de sources sous-marines, l'eau de mer, qui s'est infiltrée dans la croûte terrestre, ressort chargée de minéraux. Elle se trouve surtout élevée à des températures inhabituelles pour ces profondeurs glacées : 350 degrés Celsius, à des pressions de plus de 250 atmosphères. En somme, tous les ingrédients nécessaires à la chimie du vivant se trouveraient réunis là : hydrogène, azote, oxyde de carbone, dioxyde de carbone, méthane et énergie (chaleur). Et en plus, on a de l'eau en quantité...

"C'est trop instable, répond Brack. L'accumulation des substances organiques est difficile dans ces conditions extrêmes".
Alors, si ce n'est sous l'eau, où ?

Dans l'espace, hasardent des astronomes.
Depuis quelques années, il a été observé plus de 50 molécules organiques présentes dans le cosmos, et l'on sait désormais que s'il y a peu de matière en errance dans le "quasi-vide" cosmique, et peu d'énergie disponible au mètre cube, les rares éléments chimiques peuvent néanmoins se rencontrer, et se combiner. Un belle surprise pour les Terriens !
Pour achever de les convaincre, une comète comme Halley s'est révélée constituée pour près de 14 % de matière organique...
Alors ? Une neige continue de ces molécules tombant sur Terre aurait-elle pu contribuer à amorcer ici bas les mécanismes de la vie ?

Michel Maurette, de l'Université d'Orsay, est parti en quête de micrométéorites chargées de molécules organiques. Pour les trouver, il a fait fondre des tonnes de glace arctique et antarctique, où la manne des étoiles reste intacte, après sa chute. Il a même pu estimer la quantité de matière extra-terrestre livrée par les cieux : 20 grammes par centimètre carré au cours de l'histoire de la Terre. De quoi faire démarrer les affaires de la vie.
Ce qui n'explique toujours pas comment. Comment ces ingrédients se sont-ils mis à fonctionner les uns avec les autres ?
C'est désormais LA question.

Aux hypothèses de "bulles" océaniques, rassemblant suffisamment longtemps des matériaux dispersés dans l'océan, aux visions de croissances cristallines, André Brack préfère la thèse de molécules électriquement chargées, grandissant au contact de surfaces minérales, comme des sulfures de fer. Les capacités d'une telle surface à jouer les moules, à guider, puis à changer une molécule organique pour une autre, mieux adaptée, semble riche de promesses...
Une piste à vérifier en laboratoire, mais aussi à quelques mètres sous la surface de Mars.
La voisine rouge a hébergé de l'eau liquide dans sa jeunesse. Si les embryons de la vie s'y sont manifestés, ils y sont peut-être encore, à portée de sonde-foreuse interplanétaire...

"On pourrait y trouver des traces de tels systèmes puisque l'eau liquide n'a pu les effacer aussi longtemps et aussi bien que sur Terre...." glisse le chercheur.

Imaginez le tableau... Morte et fossilisée il y a 3,5 milliards d'années, à un stade embryonnaire, lors de la disparition de l'eau liquide, la vie martienne nous livrerait le secret de notre propre naissance !

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