dimanche 27 janvier 2008

Ulysse, la sonde solaire

1990
Ulysse : le pied de nez aux planètes


La grande partie de billard planètaire vient de commencer. Ulysse, la sonde spatiale qui a été largué samedi dans l'espace par la navette Discovery, est condamné à une vraie vie de héros antique, à la conquète du Soleil. Un peu à la manière du roi d'Ithaque dont Homère nous raconte les infinies pérégrinations à travers la Méditerrannée, cette sonde de l'Agence Spatiale Européenne va errer à travers le système solaire. Mais pour cet engin de 370 kilos, point de Pénélope, ni de retour. L'objectif est de survoler le Soleil, qu'Ulysse atteindra en 1994 au terme d'une croisière extrèmement longue et complexe, avant de disparaitre dans l'espace

Avant de dévoiler les régions iinconnues du Soleil, le "clou" du voyage sera dans deux ans le "toucher" de Jupiter. Ulysse frôlera la planète géante, accélérant au passage et profitant de ce surcroit d'énergie pour changer de trajectoire. Comme une boule de billard viendrait en "frotter" une autre pour prendre de l'effet et s'échapper dans une direction innatendue. Merci Jupiter : sans ce coup de pouce, jamais une sonde terrienne n'aurait pu échapper à la loi du milieu orbital : "rester dans la prison balistique des planétes".

N'importe quelle sonde d'exploration lancée de la Terre est en effet condamnée, à moins de disposer d'une énorme source d'énergie, à rester enfermée dans le plan où orbitent toutes les planètes. Comme un enfant qui descend du cheval de bois de son manège est obligé de continuer à tourner avec. Jusqu'à l'arrèt complet, cela vaut mieux pour lui. De la même manière, le plan de notre système solaire est une sorte de disque 33 tours, dont le trou central serait le Soleil et la surface parsemée de l'infatigable cortège des planètes. Résultat, jamais aucun engin lancé par les hommes n'a pu sortir de la surface du disque, et contempler le système solaire autrement que de "profil".

Ulysse sera la première à transgresser cet interdit, à prendre le chemin des écoliers. Son trajet complexe l'amènera donc à près de 800 millions de km de la Terre. Puis, après la demi-orbite d'accélération autour de Jupiter la géante en février 1992, l'explorateur piquera vers le bas, repassant loin en dessous de la Terre pour foncer enfin vers le Soleil. Là, Ulysse incurvera sa trajectoire pour survoler le pôle sud solaire en 1994, puis le nord de l'astre à la fin de 1995.

Pour les chercheurs, ce sera du jamais vu. Une super-production scientifique à la Coppola ! Enfin ils découvriront, à travers les instruments embarqués sur la sonde, à quoi ressemblent ces régions méconnues du Soleil. Une "manip" unique pour comprendre comment fonctionne dans ces régions la formidable chaudière thermonucléaire qui éclaire nos jours et réchauffe nos printemps. Vents solaires, champs magnétiques, gaz interstellaire, quasiment tout sera passé au crible des "yeux" d'Ulysse.

On aura enfin accès aux températures et aux compositions chimiques de la surface du Soleil, et globalement, on saura peut-être si les idées que l'on se fait du fonctionnement de la machinerie solaire sont justes. C'est essentiel. Pour comprendre la nature de l'astre, mais aussi prévoir son devenir. Par exemple, combien de temps pourra-t-il encore nous éclairer, ce soleil, ou comment fera-t-il évoluer le climat de la Terre au cours des prochains millénaires ?

Ce n'est pas tout. En naviguant dans des régions cosmiques qu'aucun engin n'a jamais effleurées de ses capteurs, la sonde offrira enfin des données sur l'espace galactique. Sur la "composition" du vide en dehors des trajectoires des planètes. Un étonnant coup de projecteur sur le noir de l'espace, et sur les champs magnétiques et les particules qui errent dans ces régions.

Bref, Ulysse aura du pain sur la planche. Il faut dire que la sonde piaffait. Depuis 1979, date de lancement du programme, elle aurait déjà du être lancée un certain nombre de fois : le premier lancement étant prévu en... 1983 ! Il faut dire que la Nasa, qui devait construire une copie, a entretemps fait faut bond aux Européens pour des raisons financières. Tandis que les difficultés graves des navettes américaines venaient faire durer encore un peu le suspense scientifique.

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