dimanche 27 janvier 2008

Espace : des voiliers solaires

1990
Voiles solaires : régate dans l'espace


A l'heure où les sondes spatiales sillonnent notre système solaire pour en débusquer tous les mystères, envoyer une fusée vers la Lune est désormais d'une banalité ! Et si on envoyait des voiliers, poussés par la lumière du Soleil ? Et si on faisait de cette "première" spatiale une course internationale ? L'idée, initialement jugée complètement folle est pourtant bel et bien en passe de se réaliser. C'est en 1992, pour célébrer le 500-ème anniversaire de la découverte du nouveau continent par Christophe Colomb que trois voiles solaires, dont l'une est armée par la France et l'Espagne, s'élanceront pour une régate au long cours dans le silence de l'espace.

Les vaisseaux cosmiques, inhabités, seront trois sur la ligne de départ. Un japonais, un américain, et un franco-espagnol. Tout comme les caravelles de l'explorateur armées par Isabelle de Castille étaient trois (la Nina, la Pinta et la Santa-Maria) à voguer vers ce que Colomb pensait d'abord être Cipango (le Japon). Une petite erreur de grand découvreur qui lui a été bien pardonnée depuis, puisqu'elle ouvrait une nouvelle ère pour une Europe qui allait ployer sous les richesses (du moins fut-ce le cas pour l'Espagne dont l'inflation allait s'affoler sous l'effet de l'arrivée de l'or), tandis que l'aventure des Amériques commençait.

La célébration mondiale d'un tel évènement valait bien un petit effort d'imagination. En guise de feu d'artifice, quelques astucieux passionnés de l'espace ont donc concocté cette épreuve, qui allie à la technologie contemporaine les possibilités de l'astuce de la navigation stellaire. Mais surtout le symbole de la nouvelle frontière de cette fin de XX-ème siècle, l'espace...

Les gigantesques et très technologiques voiles de plastique, qui régateront dans deux ans entre notre planète et son sélène satellite ne seront pas accélérées par un puissant moteur-fusée. Elles auront pour unique moteur la "pression" de la lumière solaire, et devront voguer avec subtilité pour trouver le meilleur cap et le meilleur "vent". Une course peu banale, qui inaugurera l'utilisation du plus écologique mode de propulsion spatial. Un système pour lequel des Français se sont très tôt passionnés.

Car si historiquement le concept de voile solaire est probablement d'origine soviétique (le savant Tsiolkovsky fut le
premier à proposer ce mode de propulsion, au début du siècle), depuis 1980 c'est un groupe français qui se bat pour qu'une telle régate voie le jour. L'Union pour la Promotion de la Propulsion Photonique (U3P), notamment animée par Guy Pignolet, du Centre National d'Etudes Spatiales (CNES), s'est fixée pour but de démontrer que les grandes voiles propulsées par les grains de lumière, les photons, peuvent tout à fait jouer un rôle dans les activités spatiales. Elles pourraient par exemple se voir confier de missions spatiales peu urgentes, où un faible coût, ou encore une vitesse importante en fin de parcours seraient importantes.

A vrai dire, on ya pensé sérieusement à plusieurs reprises. Par exemple quand la NASA américaine voulait arranger un rendez-vous ntre une sonde scientifique et la comète de Halley. Malheureusement, pour des raisons de délais et de budget, le programme capotta, et la grande roue qui devait tournoyer sur elle-même pour mieux se stabiliser et se déployer n'a jamais vu le jour.

Le principe de ce mode de propulsion est aussi simple que celui de la marine à voile. Il s'agit ni plus ni moins que de profiter des micro-chocs que créent les rayons lumineux qui arrivent sur une surface. Chaque grain émis par le Soleil à la vitesse de la lumière (330.000 km par seconde) est en effet porteur d'une certaine énergie. Même si sa masse est très faible, sa vitesse est telle qu'il va pouvoir céder un peu d'élan à la surface contre laquelle il va frapper. Tout le monde aura compris que l'idéal, pour de telles aplications, sera d'avoir une voile "miroir", qui transformera le maximum d'énergie du photon en "poussée", par réaction. Le matériau idéal sera donc une sorte de plastique très léger, aluminisé sur la face exposée au rayons solaires.

Certes, mêmes si les ingénieurs français de Matra, maîtres d'oeuvres officiels du spationef franco-espagnol , font des prouesses pour doter la voile de la plus grande superficie, la force qui sera obtenue ne sera pas très grande. A notre distance du Soleil, le "vent" représente environ 10 gramme-poids de "poussée" par hectare de surface ! Sur Terre, avec les autres forces présentes dans notre environnement, une telle "pichenette" est négligeable. Mais dans l'espace, les choses changent : dans le vide, en l'absence de résistances et d'autres forces, cette petite pression sera suffisante pour produire une mince, mais permanente accélération. Un travail de fourmi, qui paye de manière étonnante si l'on est patient. Selon l'Américain Louis Friedman, le grand "penseur" des voiles solaires, un engin de bonne taille peut gagner jusqu'à 360 km par heure de vitesse pure. Paradoxalement, on s'apperçoit donc que si la puissance de telles voiles est limitée, les vitesses qu'elles sont capables d'atteindre sont très grandes.

Sans contrainte de temps, un planeur de l'espace serait en théorie capable d'atteindre finalement la même vitesse que celle du "vent" qui le pousse : 330.000 km par seconde. Bien sûr, dans les faits c'est impossible. D'abord parce qu'au fur et à mesure que l'on s'éloigne du Soleil, la "pression" du vent diminue très vite (avec la carré de la distance). Et l'accélération diminue d'autant. Un effet qui joue peu pour aller dans la Lune, voisine du Soleil au même titre sue la Terre. Mais qui serait très limitant si l'on veut atteindre des vitesses très importantes, ou gagner d'autres systèmes solaires.

Pour l'heure, il n'est pas question de rêver à ces horizons lointains. La course Terre-Lune est engagée et les préparatifs battent leur plein pour cette première. Sur le Vieux continent, Matra-Espace a terminé l'étude technique de faisabilité d'un voilier, et vient d'engager, avec l'Instituto Nacional de Tecnologia Aerospatiale les études approfondies, qui s'achèveront à la fin de cette année. Et dès l'an prochain commencera la réalisation du planeur des étoiles, avec un budget de 250 millions de francs pour lequel les concours de sponsors sont toujours sollicités. Il est notamment prévu de tester le déploiement de maquettes de la voile à bord de la Caravelle des vols en apesanteur du Centre d'Essais de Bretigny-sur-Orge (Essonne).

La machine de course européenne sera simple. Un grand carré de 2 000 mètres carrés de film aluminisé, qui ne pèsera que 150 kg environ. Une prouesse pour cet engin qui devra tendre le tissu sur quatre perches de carbone de trente mètre de long. Pour s'"orienter, le voilier sera muni de quatre "gouvernes" de 400 mètres carrés au total, qui pourront faire varier leur angle par rapport au Soleil. Des mouvements qui orienteront ensuite la voile toute entière pour qu'elle prenne le vent différemment.

Relié par radio à la Terre, l'engin disposera de cellules solaires pour se procurer de l'énergie et sera en principe doté d'un appareil de prise de vues pour faire vivre la course, en livant au sol des images de la compétition, mais aussi de la Terre et de la Lune.
La "ligne d'arrivée" sera d'ailleurs constituée par la capcité à disparaitre derrière la Lune et à en prendre des images. Qui plus est, on trouvera à bord de cette frégate spatiale des isntruments scientifiques d'étude de l'espace, car après avoir rallié la Lune, la voile pourra cingler vers le grand large de notres système planètaire, afin de recueillir une moisson de données scientifiques.

La course elle-même débutera après la mise en orbite par une fusée européenne Ariane IV des trois voiles solaires. Empilées dans le nez d'Ariane, les destriers de l'espace seront placés sur une orbite autour de la Terre, à quelques milliers de kilomètre d'altitude. Dans ce "parking fermé" comparable à ceux des rallyes automobiles, les concurrents devront déployer leurs toiles d'araignées, si possible sans accrocs.
Ce sera probablement le moment le plus "chaud" de la course. Un déploiement d'un tel parapluie dans le vide est toujours peuplé d'incertitudes et d'angoisses pour les ingénieurs qui contrôlent les opérations au sol. Les soucis que procurent habituellement les déploiements des panneaux solaires de nos satellites de télécommunications sont là pour le rappeler aux concurrents.

Pour les "équipages", malheureusement forcés de suivre tout cela depuis le sol, dans un centre de contrôle rebaptisé "centre de navigation". Il s'agira dès lors, vers le fin 92, de na pas manquer le départ. Opération délicate s'il en est. Car la régate ne sera pas, comme on serait tenté de le croire, une longue ligne droite. Au contraire. On ne s'évade pas aussi facilement de l'attraction terrestre. En fait, les trois voiliers vont devoir jouer fin. Décrivant des orbites de plus en plus elliptiques (ovales) autour de la planète, les skippers devront s'arranger pour se faire pousser par le vent solaire quand la balistique les orientera vers la Lune, et au contraire offrir le moins de prise au vent quand ils seront forcés de revenir vers le Soleil, pour contourner la Terre à nouveau. Bref une mécanique céleste subtile qui laissera à tous les navigateurs de l'espace l'occasion d'exprimer de réels talents pendant une bonne année.

Car à ce petit jeu de patience, il faudra environ douze mois pour grimper sur la bonne orbite, celle qui permettra aux voiles de grimper assez haut pour rejoindre la Lune. A ce moment là, les trois engins auront acquis de telles vitesses qu'ils feront l'équivalent du trajet Terre-Lune (380.000 km) en sept à huit jours seulement. Mais au total, en une année de navigation, ils auront parcouru l'impressionnante distance de 50 millions de kilomètres !

Un telle épreuve enthousiasmera-t-elle les foules ? "C'est certain, car nous aurons des images des voiles qui pourront être diffusées par la télévision, et on pourra savoir à tout moment à quel endroit sont les voiles", explique Guy Pignolet, qui recherche activement des sponsors pour soutenir le financement de son bateau.

Gageons de toute manière que les voiles solaires ont dans l'avenir de belles navigations à accomplir, à des vitesses auxquelles nos fusées ne peuvent prétendre à l'heure actuelle.

"Mais aussi maintenir indéfiniment des satellites à des endroits précis de l'espace, ou pourquoi pas, un jour, transporter des hommes", souligne Guy Pignolet.

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