samedi 19 janvier 2008

Réalité virtuelle

Une ruée (1993)... la plupart des acteurs ont aujourd'hui disparu...

Virtuel : l'Eldorado des firmes électroniques ?

Qui nous a vendu les clefs de l'univers onirique cathodique ?
Sony, bien sûr (comme les autres grands de l'électronique) : "J'en ai rêvé, Sony l'a fait". De télé en caméscopes, de baladeurs en téléphones sans fils, nous voici partis dans une longue croisade à étapes. "Mon premier Sony" ne me suffit plus, il m'en faut d'autres, encore et toujours, aux belles formes, aux promesses d'ubiquité, pour assouvir ma soif de néo-beau... L'électronique brune, de grande marque, c'est le noble rêve du consommateur (par opposition au produit blanc, lave quelque chose, très concret).

En bref, la plus fantastique confusion entre fonction et outil jamais entretenue, jardinée, jusqu'à l'implosion du marché des années 90.

Gavés de tubes Trinitron, croûlant sous d'impavide chaînes de télé payantes, caméscope familial enrayé, étourdissement devant une valse des standards, que reste-t-il au consommateur inquiet à ruminer ?
Tiens voilà Peter Pan. Celui de notre enfance. International, avec ses promesses d'île enchantée, de vols dans le ciel, de Clochette et de gentilles aventures...

Il a un drôle d'air, Peter.
Un chapeau vert (pour le look), une paire de lunettes lui expédient des images en trois dimensions, des capteurs magnétiques partout sur le corps l'immergent dans l'univers détectif d'un ordinateur surpuissant. Le voici désormais embarqué dans la galère virtuelle que lui calcule l'électronique.

Derrière ce Pan-là, on devine le nuage d'espoir des grands de l'électronique. Inquiets de notre lassitude actuelle des téléviseurs, consoles vidéo, boîtes à sons et disques lasers, la guilde marchande du silicium semble décidée à frapper un grand coup. Guère virtuel, mais très concret, celui-là : créer un nouveau marché.
Concrètement, le virage aura lieu en 1995-96. L'offensive a démarré modestement, avec quelques applications "haut de gamme" et exotiques, comme celles exposées à Paris. Tout juste des éclaireurs. Mais ça marche : les centres ludiques virtuels se multiplient de Chicago (Battle Tech Center) à Los Angeles (Universal Studios), en passant par Londres, on fait la queue à Paris (Espace Kronembourg) et l'explosion est programmée pour le printemps prochain avec l'arrivé du jeux vidéo Virtual Sega, à base d'un casque virtuel, pour moins de 2.000 francs. Pour parler franc, on devrait passer de 200 millions de francs de chiffre d'affaires en 1992 à quelques 700 cette année. Et pour 94 ? Silence...

Hayao Nakayama, monsieur Sega, espère multiplier les centres de loisir virtuels comme les pains et les poissons : histoire d'habituer le consommateur à ce luxe d'image. Son arme, c'est aujourd'hui le AS-1, une cabine de simulation digne des matériels professionnels pour pilote de chasse.

La stratégie est claire. Donner au public l'envie de retrouver ces sensations-là sur son écran, à la maison.
L'attirail est prêt. 3DO, une firme US, fourbit un masque 3D pour les yeux, capable de restituer un univers de jeux virtuel à partir des consoles SEGA et d'autres marques.

Et surtout, demain, les ordinateurs familiaux, sur-puissants grâce aux puces qui vont apparaître dès 1994 (PowerPC), pourront charger des logiciels de jeu ou de travail virtuel par le câble.

Le marché sera là : une télévision à domicile certes numérique, mais également, si on le désire, en 3D, et même, pour certains programmes, virtuelle. John Wayne ou Baraba Hendrix en 3D dans son salon, qui résisterait ?
En clair, un redémarrage pour toute l'industrie électronique et de l'image, autour d'un même thème : le monde artificiel. Ce qui devrait mener, selon la vielle loi de l'électronique, à une réduction spectaculaire du coût des produits.

Pour balayer les derniers freins, devraient venir à la rescousse des applications professionnelles. Si le virtuel est né dans les laboratoires militaires, dans les années 60, il continuera à y trouver des applications puissantes, motrices de développements, donc de nouvelles idées pour les civils : la boucle infernale entre création de pointe et marchés grand public semble s'amorcer.
Au civil, la recherche scientifique, et des professions comme les contrôleurs aériens devraient être des relais puissants, ainsi que les créateurs d'images, notamment les dessins animés. Canal Plus, connue pour sa clairvoyance dans le domaine des nouveaux procédés, est plus qu'un consommateur. Le groupe a racheté Medialab, le plus actif des protagonistes français du secteur, outre Thomson.

Et demain ?
Le must, le fin du fin, ce serait bien évidemment de greffer sur nos jolis organes électroniques de quoi communiquer dignement avec nos compagnons à puces et à écrans.
Qu'en penses-tu, Homo néo-électronicus ? N'est-il point moyenâgeux de devoir encore annoner de tes deux doigts sur des touches si encombrantes, de pointer des zones de ton écran d'une souris hésitante, alors que l'on te rabâcher à longueur de colloque et d'arguments de vente qu'il ne s'agit plus désormais que de symbiose crypto-spirituelle entre les neurone de Sapiens sapiens et l'arsénure de Gallium des créatures électroniques ?
Alors quoi ? Faudra-t-il greffer des modules électroniques là, au-dessus de la nuque. Direct sur notre cortex visuel, de manière à ce que l'ordinateur pilote sans gène nos centre de la vision, en échappant aux limites de notre ridicule vision rétinienne ? Certains, déjà, défrichent de telles jonctions bio-électroniques.
C'était la ruée, vers 1991...

Après de premières tentatives spectaculaires mais stériles dans ce domaine, au début des années 80, un premier pas vient en effet d'être franchit : une petite jonction électrique a été formée entre une cellule nerveuse et du silicium, au laboratoire de biophysique de l'université d'Ulm, en Allemagne. Peter Fromherz et Andreas Offenhäusser y sont parvenus à greffer des neurones de sangsues sur du silicium oxydé, obtenant avec cet ensemble pour le moins hybride un comportement du type transistor à effet de champ (1), contrôlé par la tension délivrée par le neurone.

Et il est loin d'être incroyable qu'un jour nous aurons l'impression de glisser dans les airs, un simple fil branché sur notre centre moteur, un autre sur l'aire visuelle. Plus besoin de lunettes 3-D, de datasuit et autres prothèses techno-électroniques. Le délire sera en prise directe, gavés d'électrons, ds interfaces libèreront dans nos cerveaux les doses précisément nécessaires de neuro-transmetteurs. Banzai. Ce sera le Grand Soleil sur ordonnance...

Si cela semble trop lointain et virtuel, que l'on se rassure : une autre piste est en exploration dans les salles blanches du Soleil Levant. Un ordinateur à lire les pensées...

Info ou intox ? Toujours est-il que de très appliqués chercheurs de l'Institute pour les sciences électroniques de l'Université Hokkaïdo à Sapporo travaillent pour le compte du géant Fujitsu. Leur objectif : permettre à un tas de puces électroniques de décoder les images en trois dimensions fournies par un simple système d'électro-encéphalogrammes. Quelques électrodes scotchées sur l'occiput, et voilà le travail... En pariant qu'à chaque fois que nous pensons "OUI", "BONJOUR", ou "JAUNE", les images produites par le cerveau et captées par cet attirail seront toujours semblables entre elles.

Comme un bébé, la machine apprendra notre langue cérébrale, celle des images correspondant à nos pensées...
Ils sont gentils, les chercheurs, non ?

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