lundi 21 janvier 2008

Surprise : les plantes savent se défendre

MFI (FRI presse) (1993)


Comment un végétal sait-il qu'il se trouve agressé ? La question aiguise aujourd'hui l'intérêt des biologistes du végétal. Car depuis quelques années, on sait que les plantes savent se défendre conre les microbes, les virus et d'autres agresseurs.
"On peut parler d'un système rudimentaire de reconnaissance d'une agression et de mobilisation violente contre les envahisseurs", estime Bernard Fritig, directeur de recherche à l'Institut de biologie moléculaire des plantes (CNRS) de Strasbourg.

En fait, les plantes possèdent en mémoire les formes de quelques antigènes présent à la surface d'ennemis redoutables. Le tabac a ainsi dans sa banque génétique le signal correspondant à une protéine d'emballage du virus de la mosaïque du tabac.

Une fois l'intrus détecté, la réponse de la plante est étonnante. Les cellules voisines du site d'infection (les virus sont transportés par les pucerons, ou la main de l'homme) vont recevoir l'ordre de mourir. La zone contaminée va ainsi se trouver isolée par une zone de "terre brûlée, un cordon sanitaire qui l'isole du reste de la plante.

Un peu plus loin, les cellules vont épaissir leurs parois en produisant davantage de lignine et de sucres. Les feuilles son tachetées, mais le foyer viral est circonscrit. Mais les plantes peuvent être beaucoup plus agressives que cela. A travers des antibiotiques, mais aussi la panoplie des protéines PR, pour "pathogenesis related".

Parmi plus d'une douzaine de familles, certaines de ces molécules vont empêcher les insectes voraces de digérer leur repas, d'autres vont dissoudre les parois des champignons, ou coiffer les virus de petites capsules de protéines.

Et au bout du compte, même si la plante ne possède pas en mémoire la signature de son assaillant, elle va se mobiliser, au bout d'un certain nombre de ravages. Simplement, si elle possède le portrait robot de l'intrus, elle pourra réagit plus tôt.

Ce qui est surprenant, c'est que quelle que soit la catégorie de l'attaquant, bactérie, virus ou dévoreur, la plante mobilise dans un seul élan toutes ces défenses. Un système de "tout ou rien", qui montre qu'elle agit à l'aveuglette...

Joseph Kuc, à l'Université du Kentucky, à montré qu'une petite attaque de champignons contre des concombres a ainsi de gros avantages. Elle permet de protéger les plants contre une attaque ultérieure et massive du même pathogène, plusieurs mois durant. Alors qu'un groupe non "vacciné", lui, subira une hécatombe dans le même cas. Connaissant le caractère "aveugle" de la mobilisation des plantes, l'avantage est encore plus grand. D'un coup d'un seul, les concombres vaccinés sont "immunisés" contre tous les agents pathogènes, puisque leurs défenses sont indistinctement mobilisées.
"Ces signaux sont trop faibles, les résistances induites pas assez nettes pour être exploitables dans les conditions de production", s'insurge Michel Pitrat, responsable de la station d'amélioration des plantes maraîchères de l'INRA, à Avignon.

C'est vrai. Mais la question est aujourd'hui de saisir le mécanisme. Entre la nécrose de défense locale de la feuille et la mobilisation générale de la plante, quelle est la cascade de signaux qui entre en jeu ?

Le premier messager chimique identifié a été l'acide salicylique. Dès le début des années 80, on a montré qu'injecter cette molécule à du tabac la protégeait contre la mosaïque virale. D'autres substances comme la systémine, l'acide jasmonique, semblent jouer des rôles comparables. D'où l'hypothèse que ces molécules présentes dès la nécrose des premières colonies cellulaires induisent la production rapide des protéines PR et d'autres enzymes, des antibiotiques, des sucres de renforcement des cloisons cellulaires. L'amplification du phénomène et la mobilisation générale de la plante venant du fait que ces agents de défense sont également des signaux de déclenchement du processus. Une sorte d'auto-amplification, très rapide, à la manière d'un mécanisme inflammatoire.
La première idée qui vient à l'esprit consisterait donc à asperger les champs de ces signaux, afin de déclencher la production des défenses chimiques des plantes, du moins à des fins de "vaccination" temporaire.

Mas les chercheurs veulent faire mieux : inscrire dans les gènes des plantes les codes qui favoriseront la production plus rapide, voire permanente des signaux ou des molécules PR. L'ennui, c'est que l'on ne sait pas quel sera à terme l'effet de cette manoeuvre sur les agresseurs. Trouveront-ils des solutions de contournement de ces défenses permanentes ? Sera-t-il possible aux plantes de hausser en permanence leurs défenses, sans trop prélever d'énergie sur leur processus de croissance ? On croit déjà deviner aujourd'hui que chez bon nombre de plantes, les mécanismes de reconnaissance d'agresseurs ont aussi d'autres fonctions. Comme de favoriser l'attraction des insectes pollenisateurs, lors de la balle saison, en échauffant les fleurs pour faciliter le dégagement de phéromones.

Pour les impatients jardiniers du dimanche, il existe en tout cas déjà un moyen artisanal de jouer ce jeu-là : fouetter les feuilles de ses tomates, tous les matins. Des chercheurs américains ont réalisé des expériences qui montrent que de telles agressions bien dosées mobilisent les défenses des plantes, et favorisent, légèrement, les rendements...

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