jeudi 10 janvier 2008

Le Temps 3. Divers

Le temps

Le temps, vertige de la relativité
Une horloge très précise, du type de celles qui règnent sur les laboratoires, est un être sensible : elle va modifiera sa marche si on la déplace dans un champ de gravitation, ou si on la fait voyager à des vitesses importantes. A tel point qu'il faut la remettre à l'heure arès un voyage en avion. Les amateurs de science fiction connaissent d'ailleurs une autre conséquence spectaculaire de la variation du temps avec les vitesses : : un cosmonaute vieillira moins vite dans sa fusée lancée à travers le cosmos que son jumeau demeuré sur Terre.
C'est que depuis 1905 et la théorie de la relativité d'Einstein la fameuse grandeur physique que les scientifiques notent sobrement d'un "t" minuscule dans leurs équations a retourné sa veste. Elle est devenue une variable comme les autres dans les équations, rentrant dans le rang des x, y et autres z qui désignent l'espace. Plus de traitement privilégié, plus d'"indépendance", ni d'invariance du temps. On l'a peut-être un peu oublié, à force de ne plus voir l'univers qu'au travers des yeux d'Einstein, mais rappelons-nous : avant l'aube de ce siècle, la science "classique" percevait le temps à la manière du sens commun. A savoir qu'il y avait un "avant", passé, un "présent" en cours, et un "futur" qui ne pouvait qu'advenir. Et le temps apparaissait uniforme à travers le monde.

Le sens du temps

On a vraiment du mal à le croire. Le temps est peut-être une simple variable pour les physiciens, mais nous sentons bien, nous, qu'il n'est pas possible de descendre du train de l'heure en marche ! Nous naissons, nous mourons, sans coup férir. Pas question d'aller à rebousse-poil, de demain à hier. La cure de jouvence demeure enfouie dans nos rêves les plus fous et le film de la vie ne défile qu'en sens unique.
Cette "flèche du temps" qui nous propulse irrésitiblement du passé vers l'avenir est autre chose qu'un gadget. C'est l'un des piliers de la physique d'aujourd'hui, et plus particulièrement de la cosmologie. Quelle est la loi, la nature des choses qui détermine ce sens de l'écoulement du temps dans notre univers ? Pourquoi ce sens là et pas un autre ? Pourquoi le temps n'est-il pas réversible alors que toutes les autres valeurs le sont ?

Paradoxe, si l'on contemple une équation de physique, le temps y semble réversible : l'équation fonctionne quel que soit le sens d'écoulement du temps. Alors, pourquoi dans la réalité le sablier ne s'écoule-t-il que dans un seul sens ?

L'astrophysicien Hubert Reeves répond en distinguant des évènements simples et complexes. Une boule de billard qui "tape" dans une autre est une séquence simple. Elle fonctionne dans les deux sens, vers le passé et le futur. Un spectateur non averti sera incapable de repérer la bonne solution, si on lui projette le film de cette séquence dans un sens ou dans l'autre. Par contre l'image d'une goutte d'encre qui se dilue dans un verre, avec des milliards de molécules qui interagissent ne peut se dérouler que dans un sens : celui de la désorganisation, de la perte de cohérence. Il n'est pas possible de reconstituer la goutte à partir de toutes les parties qui se sont séparées et diluées dans l'eau. Si on projette le film en marche arrière, la supercherie saute aux yeux. "La flèche du temps serait inscrite dans le passage du moins probable au plus probable, une expérince que nous avons acquise à force de fréquenter les évènements plus ou moins probables dans notre existence", explique Reeves, qui approfondit ce thème dans son dernier ouvrage (Malicorne, au Seuil).



Le temps d'un mètre

Depuis 1983, le mètre n'est plus directement mesuré comme une longueur, mais comme un intervalle de temps ! Du moins le mètre international de référence est-il défini au Bureau International des Poids et Mesures, au Pavillon de Breteuil à Sèvres comme la distance parcourue par la lumière, pendant 1/299 792 458-ème de seconde. Connaissant le vitesse de la lumière dans le vide, on en déduit la longueur précise du mètre. Encore faut-il pouvoir mesurer le temps, nouvel étalon métrique, avec une exactitude suffisante !

200 horloges atomiques pour moudre notre temps

Notre temps n'est plus rien. Du moins, plus rien de cosmique : ni le mouvement de la planète autour du Soleil, ni la rotation de la Terre sur elle-même ne servent plus à égréner les secondes. Depuis 1971, ce sont des horloges atomiques à césium, tapies dans les sous-sols des laboratoires, qui règnent sans partage et bâtissent le temps légal. Ces "garde-temps" de rêve sont l'aboutissement de millénaires de recherche de l'homme pour tenter de conserver l'heure de la façon la plus parfaite possible. A vrai dire, aujourd'hui ces machines ont dépassé en performances leur modèle, le chronomètre Terre. "Inventée" à chaque instant par les horloges atomiques, la seconde est établie comme un opeu plus de 9 milliards de transitions sucessives de l'atome de césium 133. En laissant filer 86 400 de ces secondes de synthèse, on obtient une journée de 24 heures quasi-parfaite.... meilleure que celle de la réalité. Car notre planète est reine au royaume du caprice, variant quasiment en permanence de vitesse de rotation sur son axe en raison de l'influance de la Lune, des seismes, . D'infimes variations qui font de cette première horloge de l'humanité , une mauvaise horloge.
"On ne peut pas non plus confier le temps à une seule horloge", souligne Bernard Guinot, l'homme qui a mis en place le système international du Temps Atomique. Alors on en scrute 200 réparties dans les observatoires du monde entier, et on les compare plusieurs fois par jour, à l'aide de tops hyper-précis émis par des satellites militaires américains (Navstar-GPS) en orbite autour de la Terre. On sait lors de combien les horloges atomiques ont dérivé les unes par rapport aux autres, et on rectifie à Paris, au Pavillon de Breteuil (Sèvres), pour y calculer le "Temps Atomique International" qui sera diffusé au monde entier.

Texte : Sprint derrière le temps

Familier, le temps ? Depuis la nuit des temps, l'homme tente de le mesurer, instant ou durée, à l'aune de ses expérience quotidiennes. Avec les moyens du bord. En se heurtant aux limites de sa technologie, mais aussi de ses idées. Car ici, tout est paradoxe. Ce temps qui nous semble couler de toute éternité, tellement tangible et trivial est peut-être la notion physique et philosophique la plus ardue à établir. Relative entre toutes. Avec une difficulté de mesure, d'interprétation qui a fait et défait des civilisations. La façon dont les hommes ont mesuré le temps, intégré son déroulement dans leurs modes de vie et de pensée est un indécent et puissant révélateur de leurs savoirs, de leurs motivations.
"Le temps, j'ai l'impression de savoir ce que c'est quand on ne me le demande pas. Quand on me le demande, je ne sais plus rien", disait Saint Augustin, fataliste.

Outre le joure t la nuit, la première horloge nécéssaire a été le calendrier. Un rythme calme, imposé par la nature. Un cycle renouvelé, rassurant, annonçant les récoltes et les cueillettes, les chasses abondantes ou les disettes de l'hiver. Partant de là, chaque culture, chaque clan, chaque tribu a distillé son approche du problème de la date et de l'heure, en fonction de ses besoins, de ses ambitions, et de ses rites sacrés. Chez les Nuer d'Afrique, ce sont les tâches pastorales qui servent de chronomètre. La durée, indique Evans Pritchard, y est bâtie la succession des tâches, et les relations qu'elles ont entre elles. Dépourvus de l'équivalent de "temps" dans leur langue, les Nuer ne sont pas étrangers à la notion, mais ils la vivent de manière totalement concrète. Chez d'autres peuplades d'Afrique, si le présent est délaissé, on soigne le passé : pour certaines ethnies, il existe quatre temps passés différents, du très lointain au très proche, probablement pour faciliter la transmission orale des traditions.
Très rapidement lié aux mouvements célestes, qui permettent de mieux définir le retour des crues fertilisantes des fleuves (Egypte), d'annocer les phénomènes cycliques, le temps a bien entendu été moulé dans l'empreinte des Dieux.
A tel point, estime Jacques Attali dans "Histoires du Temps", que les relations intimes entre temps et violence s'installent déjà dans les sociétés anciennes. Comme chez les Grecs, ou la proximité phonique des mythes de Kronos, dieu fondateur (père de Zeus) de Chronos, dieu du temps, brouillent les pistes. "Le temps ne se réduit pas à sa mesure, il a une existence irréductible à sa durée", poursuit Attali.
Pourtant, au fil des ages, les tentatives se multiplient pour simplement le mesurer.
Après les calendrier astronomiques de Summer, d'Egypte et de Chine (vieux de plus de 6.000 ans), qui divisent l'année en évènements stellaires remarquables (en fait liés au parcours de la Terre sur son orbite), on passe vers 1500 avant J-C, en Egypte, à la première horloge : un cadran solaire, le plus ancien connu, qui marque la position de l'astre du jour.
Longtemps, se sera la seule solution. Perfectionné, mais toujours irrégulier et dépendant du lieu et de la météorologie, le cadran solaire restera le lieu du temps pendant des siècles, avec le sablier pour de petites durées et la clepsydre (horloge à débit d'eau) pour "faire durer" la mesure du temps, pendant les nuits et les périodes où le soleil s'enfuit derrière les nuages. Divisés en douze quelques soit la saison, la nuit et le jour sont alors peuplées d'heures à géométrie variable. Au coeur de l'hiver gallo-romain, une heure diurne dure ainsi quasiment deux fois moins longtemps que l'été.
Difficile de faire quoi que ce soit de régulier dans un tel contexte. Comme guerroyer : en 1564 un texte rapporte encore que "les gendarmes et nommément les Allemands portent ordinairement des coqs avec eux quand ils vont en guerre, lesquels, de nuit, leurs servent d'horloge". Ce n'est probablement pas par hasard que les premières horloges mécaniques voient le jour un peu plus tôt, dès le treizième siècle, quand les marchands ressentent le besoin de repères solides, et s'apperçoivent, au fond de leurs bourses, que "du temps bien compté, c'est de l'argent".
Débute alors la splendide et baroque époque des mécaniques à distiller le temps. Avec des horloges qui perdent souvent plus d'une heure par jour. N'empèche, quel déluge de créativité technique et artistique ! Du flamboyant Astrarium de Giovanni di Dondi (fin du XIV-ème), en passant par l'horloge astronomique qu'il réalise en 1344 à Milan (toujours en service), jusqu'à celle que l'abbé Pierre de Chastellus offre à l'abbaye de Cluny en 1350.
Religieuses, sacrées, ces horloges donnent les heures, les mouvements de la lune, du soleil, des planètes, le calendrier éclesiastique. Ce n'est qu'à la fin du XV-ème siècle que la précision augmente vraiement, que les tailles diminuent, et que les machines deviennent transportables. La révolution, c'est alors l'invention du pendule (Huygens, 1656), et de l'échappement, qui régularisent le mouvement, font des horloges des insrument scientifique à part entière, permettant d'établir des lois physiques, au terme de vértitables protocoles expérimentaux . C'est aussi l'ère de la navigation commerciale industrielle qui commence, avec l'explosion des chronomètres de marine.
Les premières montres-bracelet fabriquées en série viennent des Etats-Unis, à la fin du XIX-ème siècle, et préparent l'époque de l'heure pour tous. Les voyages en chemin de fer, par navire, les besoins de communications rendent dès lors une harmonisation mondiale nécéssaire. Chaque ville, chaque région avait encore à la veille de ce siècle son heure propre (plus de 45 minutes de décallage en Brest et Strasbourg). En 1885, c'est terminé, tout le monde s'accorde enfin et on divise la planète en "fuseaux horaires". En 1911 s'installe à Paris un Bureau International de l'Heure, chargé de fournir la référence mondiale en la matière, un peu comme il existe un "kilogramme-étalon". Les temps modernes peuvent commencer, les normes sont en place, le torrent du temps est plus que jamais un gisement, une source de richesses !

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