jeudi 17 janvier 2008

Tchernobyl, 4 ans après (dossier)

Ca M'intéresse, 1990



Angoissant : en URSS, un nouveau Tchernobyl peut se produire aujourd'hui. Dix-sept réacteurs du même type sont toujours en service. Sans qu'aucune amélioration décisive ait été apportée à leur système de sécurité. Pourquoi ?



Selon l'hebdomadaire "les Nouvelles de Moscou", Tchernobyl a fait 250 morts et non pas 31 comme l'indique le bilan officiel. Des associations écologiques ukrainiennes avancent le chiffre de 7000 décès. Plusieurs centaines de milliers de personnes ont été évacuées. Incertitude aussi sur la quantité de radioactivité relâchée : les chiffres varient d'un facteur 1 à 20. "Au centre de l'Europe, il existe une zone qui se trouve dans la situation qu'aurait créée une guerre nucléaire", dénonce Youri Chtcherbrak, responsable en Ukraine d'une commission parlementaire sur Tchernobyl. Pendant des millénaires, cette région constituera un laboratoire grandeur nature sur les effets de la radioactivité.

Mai 86.
Un nuage de radioactivité évadé d'un réacteur en folie passe sur la France, poussé par les vents. Dans son ombre la polémique s'installe. Tandis que le Service central de protection contre les rayonnements ionisants, le SCPRI affirme "qu' aucune considération de santé fondée sur la radioactivité ne justifie de restriction quelconque de consommation », la Commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité, la CRII-Rad située à Valence, assure que l'Est, le Sud-Est, l'Est de la France, et la Corse, ont été particulièrement touchés par les retombées radioactives. Querelle de chiffres, de conditions de mesures, de moyennes, dans laquelle le public s'égare très rapidement et s'oriente, par réflexe, vers les estimations les plus alarmistes.

Des analyses très pessimistes, comme celle du docteur Fauconnier, alors médecin de campagne en Haute-Corse, contribuent au malaise. Il établit les doses non négligeables de produits radioactifs déposés dans les régions de montagne où il exerce. Déclarant aussi avoir constaté une augmentation des pathologies thyroïdiennes. Des affections qui peuvent par exemple compromettre le développement physique et intellectuel des des fœtus et des jeunes enfants.

Le suivi de la chaîne alimentaire révèlait encore, début 90, des traces de Césium sur les Bolets bai et sur les Chanterelles, les rendant toujours impropres à la conso-mmation, selon la CRII-Rad Marie Tisné du SCPRI rétorque : « Il y a effectivement eu de légères retombées radioactives sur quelques champignons, en France, retombées anarchiques et très éclectiques. Mais pas plus que les doses de la radioactivité naturelle de certains pays. D'ailleurs, l'Homme s'est développé dans un milieu naturellement radioactif. Une étude épidémiologique sérieuse doit-étre faite sur 10 000 cas , par des épidémiologistes de l'INSERM et par des statisticiens . Cela représente une étude de population gigantesque. Et si c'est pour trouver un cas de conta-mination, c'est impossible à réaliser. »

Au Ministère de l'Environnement, on reconnaît le disfonctionnement du système de communication de l'information du SCPRI. « Les scientifiques ne font effectivement état d'aucune conclusion alarmiste. Mais, le SCPRI doit désormais modifier son organisation pour répondre à la demande générale de transparence de l'information», déclare M. Henry, de la Commission Energie du Ministère.

Pour disposer de données locales et directement accessibles, certaines régions ont décidé de s'équiper de balises de surveillance de la contamination atmosphérique en continu, : trois balises, installées le mois dernier dans la Drôme (mars 90) surveillent les rejets gazeux des centrales alentour. Elles sont reliées aux quatre balises d'Alsace, aux deux balises du Tarn-et-Garonne, et à celle du Vaucluse. L'Isère, la Loire, et certaines communes de la région parisienne, seront prochainement raccordées à ce réseau, dont la CRII-Rad centralise toutes les données pour déterminer une éventuelle contamination française ou étrangère.

« Les laboratoires indépendants revendiquent un agrément scientifique, c'est à dire des mesures d'inter-compararaisons avec les meilleurs laboratoires», déclare Michèle Rivasi, présidente de la CRII-Rad, invitée à effectuer des prélèvements et des interviews en URSS, cet été, par les officiels d'Ukraine, et par ceux de l'Académie des Sciences de Biellorussie. Ceux-ci étant très inquiets des problèmes de santé - leucémies, pertes des cheveux -, apparus sur des enfants vivant loin de Tchernobyl.



Nucléaire en France (1990)

Sur la carte de l'hexagone, les points occupés par des installations nucléaires diverses, utilisant, manipulant ou transformant des matériaux radioactifs se sont multipliés au cours des dernières décennies. Jusqu'à faire de la France le pays le plus densément occupé par des installations de cette nature...
Au total, des centrales d'EDF au sites de recherche en passant par le stockages d'armes militaires, mais aussi les instruments de radiothérapie et de radio-investigation des hopitaux, et les laboratoires scientifiques, ce sont plus de 800 points qui ponctuent le territoire.

Les plus important sont bien connus. Aux 61 tranches nucléaires en service et qui produisent 70 % de notre électricité il convient d'ores et déjà d'ajouter quelques musées sur pied : les centrales nucléaires arrètées de Brennelis (Bretagne), de Marcoule (vallée du Rhône), ou de Chinon (6 réacteurs de puissance et 11 de recherche au total).
Fleuron parmis les temples du nucléaire, la gigantesque usine de retraitement de la Hague, qui coiffe la presqu'île du Cotentin d'une véritable cité de l'atome. Une ville où les combustibles usés dans les centrales sont décortiqués, séparés de parties encore utiles d'uranium et de plutonium, destinées à resservir de combustible un jour. Ce n'est que l'un des éléments du cycle nucléaire. Pour être complet, il faut partir des mines du Limousin (25 installations minière en France), passer par les usines de concentration et du conditionnement du combustible de Pierrelatte et du Tricastin (6 usines au total). Mais il faut encore compter les centres de recherche civils et militaires du CEA, dans la région parisienne et la vallée du Rhone, les installations destinées à irradier la nourriture afin de la préserver des agressions bactériennes par ionisation, près de Lyon et en Vendée.
Il ne faut pas non plus oublier les réacteurs de recherche (une trentaine), les installations militaires opérationnelles avec leurs armes.

Les structures chargées de la sureté
Le Service Central de Sureté des Installations Nucléaires (SCSIN) dépend du Ministre de l'Industrie. C'est lui qui autorise l'ouverture et le fonctionnement de toutes les installations nucléaires en France. Il est aussi chargé d'améliorer la circulation de l'information sur le sujet.
D'une manière plus technique, le CEA met à sa disposition les 1.500 personnes de son Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire.
Une proximité de l'expert gtouvernemental et des acteurs du nucléaire qui se trouve fréquemment contesté. Le SCSIN, malgré des critiques parfois acerbes à l'éagard des exploitants ou des concepteurs d'installations nucléaires dispose-t-il de toute la marge de manoeuvre dont il aurait besoin ?



Médecine et rayonnements nucléaire ?

Tous les savants qui ont ouvert le chemin vers la connaissance des rayons ont immédiatement pensé à leurs applications médicales. Roentgen le premier, en découvrant les rayons X en 1895, en imagine immédiatement le développement possible pour la santé. On assiste à une diffusion fantastiquement rapide des appareils nés de cette découverte : En 1900, la plupart des hôpitaux des grandes villes du monde sont déjà équipés de machines à radiographier, alors que l'on ignore encore tout de la nature des rayons eux-mêmes. (ce n'est qu'en 1912 que le physicien Von Laue identifia les rayons X à des rayonnements électro-magnétiques, de même nature que la lumière, mais de longueur d'onde beaucoup plus petite). Marie Curie, de son côté, avait une telle confiance dans les vertus médicales de la radioactivité naturelle qu'elle abandonna volontairement toute prise de brevet sur l'extraction du radium, afin d'en permettre l'appropriation gratuite par les pays pauvres.

Juste un siècle après, on aurait bien du mal à trouver la moindre illustration de cette générosité : l'exploitation de la radioactivité à des fins diagnostiques ou thérapeutiques suit les lois normales de l'exploitation industrielle et commerciale. A cause des installations qui sont nécessaires à leur production, on y trouve évidemment surtout des grandes entreprises publiques comme le Commissariat à l'Energie Atomique (C.E.A.) en France, mais aussi des fabricants de matériel privés.

Il y a deux grands types d'usage de la radioactivité en médecine. Le premier permet le diagnostic et le dosage, et exploite la possibilité de "marquer" à peu près toutes les molécules de notre corps. On en suit ainsi le chemin à la trace (on les appelle "traceurs") et on en mesure la concentration dans tel ou tel organe. Ces procédés sont en général tout à fait inoffensifs pour les patients. Les précautions dont on s'entoure sont surtout destinées à protéger le personnel, exposé de manière répétitive à de faibles doses. L'autre utilise l'effet direct des rayons sur les molécules vivantes, notamment les protéines intra-cellulaires, et surtout celles qui interviennent dans la division des cellules. Un des objectifs est de bloquer celle-ci dans les traitements du cancer.

Les isotopes sont des atomes qui présentent des propriétés chimiques identiques, mais diffèrent par leur nombre de protons. Certains d'entre eux sont instables et donc radio-actifs : émettant des rayons gamma, ils peuvent être "vus" par des détecteurs spéciaux, même au plus profond du corps humain. Comme ils sont identiques aux atomes normaux, on peut les mélanger aux atomes naturels et en suivre la destinée dans n'importe quel organe. Depuis une vingtaine d'années, on peut "marquer" sur commande à peu près tous les produits biologiques ou pharmaceutiques, à l'aide surtout d'oxygène, de carbone, d'azote, de phosphore, de calcium, d'iode. Bien entendu, on peut utiliser plusieurs marqueurs simultanés, si l'on veut par exemple savoir quand et ou se fait une séparation (détoxification par exemple).
Application la plus récente : les isotopes à vie courte. Ils marquent notamment des molécules médicamenteuses dont on veut connaître le lieu précis d'action. Il faut pour cela disposer d'un cyclotron et d'une caméra à positons.

Celle-ci utilise quelques-uns des principes qui ont permis la mise au point du scanner à rayons X, notamment l'usage de l'ordinateur pour reconstituer une image. Ces équipements, très coûteux , existent en très petit nombre dans notre pays : à Orsay, à l'hôpital Joliot-Curie, à Caen, dans l'environnement du GANIL, à Lyon.

Mais il existe des services de médecine nucléaire dans tous les hôpitaux de CHU, qui se servent de manière courante de caméras à scintillation ou gamma-caméras, capables de faire des diagnostics fonctionnels de la plupart des organes (foie, cerveau, thyroïde, os...). On se sert aussi de la radioactivité pour le dosage biologique, et surtout la mesure de très petites quantités de produits. Exemple le plus actuel : le dosage radio-immunologique, qui permet d'identifier et de mesurer la concentration en un anticorps inconnu (par exemple pour faire le diagnostic d'une maladie infectieuse ou immunitaire) avec des isotopes radioactifs . C'est ainsi que l'on dose finement l'insuline chez les diabétiques, la progression de certains cancers (prostate, appareil digestif) grâce à des dosages d'antigènes spécifiques.
L'utilisation de la radioactivité pour les traitements repose sur un fait : les rayons émis par les corps radioactifs sont "ionisants". En clair, ils contiennent une énergie suffisante pour provoquer des changements dans les molécules avec lesquelles ils entrent en collision lors de leur traversée de la matière. Par exemple, il peuvent provoquer des cassures sur les brins d'A.D.N., qui vont empêcher les cellules irradiées de se développer. C'est même la première application du radium, pour le traitement de certains cancers superficiels (col de l'utérus par exemple).

Les progrès, dans ce domaine, ont pratiquement suivi ceux de l'électronique de la navigation aérienne. De même que l'on sait aujourd'hui atterrir dans le plus épais brouillard avec une grande précision, on sait "piloter" les appareils de radiothérapie les plus colossaux avec des ordinateurs et détruire les seuls tissus suspects, en provoquant un minimum de lésions en périphérie. Les techniques de diagnostic utilisant les produits radioactifs présentent un avantage considérable sur toute autre technique d'examen : elles permettent non seulement d'obtenir une image, mais aussi d'étudier les performances dans le temps de cet organe, de faire une "exploration fonctionnelle".

Là encore, les progrès sont constants. Par exemple, on prépare actuellement la transformation pour un usage médical du grand synchrocyclotron de la Faculté des Sciences d'Orsay. Construit en 1955, celui-ci vient seulement, après 30 années de service, d'être détrôné par le grand anneau d'accélération du C.E.R.N. de Genève. Comme aux Etats-Unis à Harvard et en URSS à Léningrad, un appareil destiné initialement à la recherche en physique fondamentale et aux applications militaires devient une machine à guérir le cancer. L'originalité de ces appareil gigantesques réside dans leur capacité exclusive à accélérer des protons. Ces noyaux d'hydrogène ont la propriété de délivrer leur énergie à une profondeur donnée, et non pas tout le long de leur traversée de la matière. Il n'y a donc pratiquement pas de rayonnement diffusé. Le traitement peut donc être réalisé avec une précision très grande.

Certaines tumeurs du cerveau ou de l'oeil, par exemple, peuvent être complètement guéries sans séquelles, comme le mélanome de la choroïde. Ce dernier cancer atteint environ 400 personnes par an en France, à qui l'on ne propose en alternative que des traitements qui aboutissent souvent à l'ablation de l'oeil. Il aura fallu, pour que cet appareil puisse être utilisé, comme ses homologues étrangers, bien plus qu'une prouesse technique : une véritable révolution administrative. L'Université, le C.N.R.S. (propriétaire de la machine), l'Institut Curie et l'Institut Gustave Roussy, la Sécurité Sociale et l'Assistance Publique de Paris sont en effet parvenus à un accord. Le premier malade devait être traité en mars.

Unités de mesure
Pas facile de s'y reconnaître dans la jungle des unités de mesure de la radioactivité. Celle d'une source (autrement dit un produit alimentaire ou autre) se mesure en becquerels ou en curies. Un becquerel (du nom du physicien français Antoine-Henri Becquerel) correspond à une désintégration nucléaire par seconde. On utilise notamment cette unité pour évaluer la contamination des aliments. Le curie (ancienne unité) équivaut à 37 milliards de becquerels. Il sert à mesurer en particulier les rejets en cas d'incident dans une centrale.

La quantité d'énergie transmise par le rayonnement à la matière s'évalue, elle, en grays. C'est la "dose absorbée". Un gray représente l'énergie perdue par un rayonnement de 1 joule dans un kg de matière. Cette unité a remplacé le rad (1 gray = 100 rads). Pour mesurer les dégâts provoqués par la radioactivité sur l'organisme, il faut prendre en compte le fait que les différents types de rayonnement (alpha, béta, gamma, rayons X, etc.) n'entraînent pas les mêmes effets biologiques. Dans ce but, on pondère la "dose absorbée" avec un coefficient qui varie selon la catégorie de rayons. Le chiffre obtenu s'exprime en rem ou en sieverts (1 sievert = 100 rem). Pour les rayons les plus pénétrants (X, gamma, béta), un rad équivaut à un rem.


Faibles doses et larges populations
Tchernobyl sera-t-il la pierre de Rosette des faibles doses ? En Ukraine, la libération dans l'atmosphère de toute une famille de corps radioactifs a soumis des millions de personnes à ce que les scientifiques dénomment globalement les "faibles doses" de rayonnements ionisants.

Combien mourront d'un cancer induit par ces rayonnements ? "En l'espace de 70 ans , 40.000 Ukrainiens selon certaines sources, 560.000 selon des calculs plus pessimistes... ", note Roger Belbéoch, du Groupement de Scientifiques pour l'Information sur l'Energie Nucléaire (GSIEN).

Une divergence de chiffres qui mérite quelques explications. Les "grands irradiés", que ce soient les pompiers qui ont dû combattre l'incendie du réacteur soviétique ou les victimes d'Hiroshima, voient tomber leurs cheveux , baisser leurs défenses immunitaires, mourir leurs tissus dans les semaines qui suivent l'exposition directe au brasier nucléaire.
Mais les victimes des faibles doses, qui inhalent de petites quantités de produits radioactifs emportées par le vent, boivent de l'eau contaminée ou du lait radioactif n'assistent à rien de tout cela.

Discrètement, ces doses infimes sont soupçonnées de dérègler la subtile mécanique de leur matériel cellulaire. Et par effet de cascade, d'induire des années plus tard la folie du cancer au coeur de leurs cellules... Mais soupçonnées seulement : personne n'a encore pu dire si l'apparition d'un cancer était vraiment liée, à retardement à une faible irradiation, et à partir de quelle dose le danger se transformait en certitude.

Autant dire que la surveillance à long terme des populations situées sous le vent de Tchernobyl, leur suivi médical fournira peut-être un jour une réponse à une polémique que les partisans et les détracteurs de l'atome entretiennent depuis plusieurs décennies.

Pour l'instant la situation est confuse : les seules données que les scientifiques peuvent utiliser statistiquement sont celles des ravages d'Hiroshima et de Nagasaki. Pour connaitre les effets des faibles doses, on mesure ceux des quantités importantes, puis on poursuit les courbes vers le bas, en extrapolant généreusement à un domaine ou l'on ne sait pas mesurer...
Une extrapolation sur laquelle les chercheurs sont loin de s'accorder. Un débat qui oscille autour de la question de seuil : l'organisme vivant est-il capable de s'autoréparer, de contrer les effets des rayonnement ionisants jusqu'à certaines valeur ? Comme Marie Tisné, du Service Central de Protection Contre les Rayonnements Ionisants pensent que oui : "L'homme s'est développé dans un milieu naturellement radioactif, et une légère augmentation du rayonnement provoquerait même une stimulation des défenses immunitaires...", avance-t-elle

Alice Stewart, de l'université de Birmingham a longuement enquèté sur les conséquences sur la santé de l'accident nucléaire de la centrale de Three Mile Island, aux Etats-Unis. Son point de vue conteste la notion d'effet de seuil et soutient qu'à chaque dose de radiation reçue, les effets sur l'organisme sont différents. Paradoxalement, les fortes doses pourraient ainsi engendrer des mécanismes de défense du corps qui n'existent pas aux faibles quantités de radiations. Toutes proportions gardées l'organisme se défendrait mieux contre une attaque massive que contre le subtil poison, ce qui fausserait largement les extrapolations vers les faibles doses !

Concrètement, les autorités internationales ont cependant dû déterminer les doses de rayonnement admissibles, pour les polulations, mais aussi pour les travailleurs du nucléaire. Fixée à 50 millisievert par an (une unité qui mesure la dose reçue, en tenant compte du type de radiations), cette norme pourrait bien être revue à la baisse prochainement, et ramenée à 15 mSv. Contrairement à l'Académie des Sciences française, qui préconise le statu quo dans un récent rapport, le Conseil National de la Recherche américain estime que les faibles rayonnements sont plus dangereux qu'on ne le croyait jusque-là ! Simplement parce que les normes, établies à l'éclairage des données recueillies sur 76.000 survivant d'Hiroshima et de Nagasaki, devraient suivre les préconisations d'une récente réévaluation. Plus détaillée, cette nouvelle étude prend en compte l'âge des Japonais irradiés et supprime la notion, favorable aux partisans du nucléaire, de l'effet de seuil.

Pourquoi ces incertitudes ? Des dizaines d'années plus tard, les effets des faibles doses se trouvent noyés dans ce que les chercheurs appellent le bruit de fond de la mortalité naturelle. Quand une personne développe un cancer des poumons à l'âge de 50 ans, comment savoir si c'est parce qu'elle a fumé des cigarettes ou consommé du lait faiblement radioactif ?
Autant dire que pour obtenir des données significatives, il faudrait disposer de populations irradiées de millions de personnes, connaitre exactement la dose reçue par chacune d'entre elle et la suivre pendant des décennies, en surveillant étroitement son mode de vie, son stress, son alimentation.

Un pari presque impossible qu'une nouvelle technique du laboratoire américain de Livermore, pourrait pourtant rendre accessible si les autorités soviétiques jouent la transparence. Par l'analyse des globules rouges des populations irradiées on pourra connaitre avec précision la quantité de rayonnement reçue par un homme pendant tout le temps où il a cotoyé les polluants radioactifs.




Les effets des rayonnements
Les rayonnements ionisants, dégagement d'énergie produit par les matériaux radioactifs, sont capables de modifier l'état des atomes qui composent nos tissus vivants.

A des quantités importantes de rayonnements, les ravages sont évidents : mort des cellules, altération des fonctions cellulaires, déréglement des mécanismes vitaux. C'est qu'en traversant les tissus, les particules des rayonnements y provoquent des dégats dignes de boulets de canon. Notamment au sein des instructions génétiques, le "programme" des cellules vivantes. Si les dégats sont peu importants, la cellule survit, mais connaitra plus ou moins de chances de dégénérer en cancer.

Les faibles doses sont dans l'air, dans l'eau que rejettent les centrales et autres installations du cycle nucléaire, mais aussi dans les appareils de radiothérapie, de radiographie, sans oublier dans les cigarettes que nous fumons, les parties fluorescentes de nos montres. Au total, nous captons en moyenne 1 milliSievert (mSv) par an.
Mais la partie la plus importante de ces faibles doses est d'origine naturelle... Comme le granite breton, les roches arrosent les populations de petites quantités de particules...
En y ajoutant le rayonnement venu de l'espace, la valeur de la dose de rayonnements naturelle qu'absorbe l'organisme d'un terrien est évaluée à 2,4 mSv par an.

Dans certaines régions du monde, comme le sabloneux Kerala indien, les valeurs sont au moins 10 fois plus importantes. Le maximum de radioactivité naturelle a été observé en Iran, dans une zone déserte riche en radium, avec 400 mSv par an.
Les normes internationales de radioprotection fixées pour la population est de 1 mSv par an et de 50 mSv par an pour les travailleurs du nucléaire (à EDF, un ouvrier prend annuellement 2 mSv en moyenne).

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