samedi 20 septembre 2008

Asimov

Avril 1992

Les seuls vrais robots sont les siens. Ils nous font rire, soumettent notre cerveau biologique à la torture logique, et paraissent se transformer en meurtriers pervers, dans des roman plus noirs que les entrailles du cosmos.

Dans son dernier rêve, Isaac Asimov a-t-il été victime à son tour d'une de ces créatures de métal déprogrammée par un ennemi d'enfance revenu d'une autre planète ? On ne saura jamais. Le maître des songes robotiques et galactiques s'est éteint à l'âge de 72 ans, victime d'une crise cardiaque. Sa plume, depuis plus de 40 ans, a fait veiller tard dans la nuit des millions d'écoliers, d'étudiants en sciences, mais aussi de parents de cette Terre. A travers "Fondation" (Denoël) et le cycle de "Trantor" (J'ai Lu), et les "Robots" (J'ai Lu), ils embarquaient pour des voyages intersidéraux à la dimension des "space operas" d'Asimov. Gagnant les Empires où se joue le destin de milliers de planètes, l'avenir de confédérations titanesques, ou plus modestement le devenir d'un personnage écrasé par toute cette mécanique. Ou alors, à travers des nouvelles croustillantes ("Histoires mystérieuses", Denoël), Asimov nous entraîne dans l'univers caché de la science, fracassant les vitrines du réel le temps d'une cordée sur les parois de son imaginaire. Tout y est possible. Les canes pondent des oeufs d'or, les pierres parlent. A condition de partir d'une base rationnelle (l'occasion d'expliquer un peu de chimie et de physique) et d'accepter les règles d'un auteur qui adorait bousculer et surprendre ses "chers confrères" scientifiques.

Un mélange de provocation et d'adulation du progrès qui faisait la force de cet écrivain imbu de lui-même (il a rédigé sa propre biographie). La science, nous répètent ses romans, permettra un jour le voyage intersidéral à travers l'infini de l'espace. Pour faire quoi ? Bâtir une fédération de planètes libres, évidemment. Avec une constitution calquée sur celle de quelques provinces terriennes. Comment s'appelle déjà ce texte, qui clôt "Tyrann" (J'ai Lu) ? A oui, la Constitution des Etats-Unis. Un coup de laser sur le décalage entre nos mythes et l'état réel de nos sociétés.

Dieu, liberté et économie de marché : le bouillonnant Asimov n'oubliera jamais ses convictions. Un profil forgé par ses origines russes (né dans la banlieue de Smolensk, en 1920), son immigration aux Etats-Unis à trois ans, et surtout la découverte du rêve américain, prolongé par la "Nouvelle Frontière" de l'espace. Avec une production de plus de 500 livres durant sa carrière (plus de dix par an), l'immigré devenu professeur de biochimie à l'université de Boston a bâti une galaxie à la mesure de son angoisse d'écrire, à la vitesse de la lumière. Ce qui n'empêchait pas l'écrivain couvert de prix de rester cloîtré chez lui, de refuser l'avion, et les interviews. Sauf pour parler de la conquête de l'espace, dans le Figaro Magazine du 22 juillet1989. Au rythme de dix heures de labeur par jour, le "Good Doctor", comme le désignent ses fans, touchait à tout : nouvelles, romans, articles, livres de vulgarisation scientifique pour jeunes, pour adultes, cours pour étudiants. Un guide de la Bible, aussi.

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