samedi 20 septembre 2008

Arecibo, programme Seti

Septembre 1992

1000 étoiles sur table d'écoute ? Tout cela pour entendre bavarder les extra-terrestres ? C'est le 12 octobre prochain, dans l'île américaine de Porto Rico, que quelqu'un appuiera sur le bouton. Dans le camion garé à côté du centre de contrôle du radio-télescope géant d'Arecibo, les circuits d superordinateur concocté par les ingénieurs, sur financement de la NASA, fuilleront les brits radio venant de l'espace, à la recherche de la moindre trace de signal intelligent. Une quête entreprise par certains depuis plus de 20 ans, mais qui à la date symbole de l'anniversaire de la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb, accédera enfin à l'âe adulte, avec un outil de recherche digne de l'envergure du travail.

Avec 7 hectares de surface à piéger les ondes, le réflecteur d'Arecibo est aujourd'hui la plus grande et la plus sensible oreille radio de la Terre. Capable de tirer le portrait d'un quasar (objet céleste) à dix milliards d'années lumière ou de repérer la flamme d'une bougie sur la Lune. En le connectant sur un ordinateur 10.000 fois plus performant que tout ce qui a été fait jusqu'ici dans ce domaine, .les Terriens seront rentrés dans l'ère de "Méga SETI", l'âge adulte de ce programme de recherche financé par la NASA.
Serein, professionnel, Michael Davis, directeur de l'Observatoire, calme le jeu. "L'élément nouveau, c'est l'aspect officiel et à grande échelle de SETI. Ici, nous passerons désormais 5 % du temps à faire de la recherche de signal intelligent. Philosophiquement, c'est important. Quand à savoir si on va trouver quelque chose, c'est une autre histoire... En fait, je crains que pour le grand public, cela soit aussi passionnant que de regarder de l'herbe pousser". En fait le chercheur voit approcher avec inquiétude ce mois d'octobre où Arecibo deviendra le temple de tous les chasseurs d'E.T., et se verra envahit de hordes journalistiques et touristiques en quête d'étrange.

Pourtant, des centaines de scientifiques de par le mone attendent avec impatience ce jour. La commission de bioastronomie mise en place en 1982 par l'Union Astronomique Internationale atteindra alors enfin le but qu'elle poursuit depuis une dizaine d'années : écouter le ciel avec les meilleurs antennes disponibles sur Terre. Le SETI Institute, créé en Californie du côté de San José, est même chargé de rassembler toutes les idées et financements à cette fin.

"C'est une lutte qui n'a pas toujours été facile. Il a fallut convaincre les astronomes conservateurs... Mais depuis une décennie les choses se sont accélérées. L'idée s'est faite, peu à peu, que la chimie existait partout, même dans le vide cosmique, que la vie apparait facilement sur une planète de type tellurique, et que des corps sont souvent présents autour des étoiles... La notion d'une vie intelligente et technologique ailleurs que chez nous est aujourd'hui bien mieux considérée par la communauté scientifique", souligne Jean Heidmann, de l'Observatoire de Meudon, Secrétaire de la Commission internationale de bioastronomie.
Mais dans la pratique, tout cela est un peu plus compliqué que sur le papier. D'abord, pour avoir une bonne chance de capter "quelque chose", il ne suffit pas de chasser les mouches avec le télescope, en balanyant le ciel dans toutes les direction. Il faut viser des étoiles dont on présume nqu'eles sont intéressantes, pour plusieurs raisons. Après un rapide inventaire, mille étoiles proches ont été retenues. Mais 100.000 autres seront elles, rapidement "survolées". Est-ce impressionnant ? Pas du tout. Il existe des millairds de millairds d'étoiles dans le ciel, et la chance pour que dans la poignée que l'on vise se trouve une planète sur laquelle une civilisation contemporaine de la notre (en tenant compte du décallage nécéssaire aux ondes radio pour arriver jusqu'à notre région) se livre à des activités radio (télecommunications, télévision, etc...) est très très faible. Q"'importe semblent avoir décié quelques obstinés optimistes. La beaté du jeu semble en valoir la chandelle !

Et en cas de découverte ? Si, par hasard au détour des crachotements inter-sédraux, la machine d'Arecibo capte un "coucou". Que se passera-t-il ?
Les astronomes ont tout prévu, même la ruée médiatique et le vent de folie qui pourrait alors s'emparer des Terriens.

Règle numéro un : tout signal candidat devra être soigneusement vérifié par les astronomes de plusieurs observatoires. C'est pourquoi, quand l'antenne d'Arecibo sera branchée sur l'ordinateur de Méga SETI, en octobre, le second meilleur chasseur d'E.T, le radio-télescope de Nançay, près d'Orléans, sera lui aussi doté d'un appareil d'écoute. Pour procéder aux vérifications de rigueur, en cas de découverte.
Règle numéro deux : les astronomes terriens devront se concerter pour donner une signification au signal, le situer dans son contexte. Règle numéro trois, l'information devra être confiée aux Nations Unies, pour diffusion auprès des médias.


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Les 350 tonnes de toile d'aluminium sont posées dans un nombril de collines et de jungle. Forme immense, béante au seul zénith. Son éclat de métal rongé par l'eau qui suinte sans fin d'un air immobile. Tapie dans ce chaos, l'antenne de Porto Rico veille le cosmos. A quelques encablures des plages qui, voici cinq siècles, firent crisser le bois des chaloupes de l'Amiral des Mers Océanes.
Avec 7 hectares de surface à piéger les ondes, le réflecteur d'Arecibo est aujourd'hui la plus grande et la plus sensible oreille radio de la Terre. Capable de tirer le portrait d'un quasar à dix milliards d'années lumière ou de repérer la flamme d'une bougie sur la Lune. Une sentinelle tendue par les astronomes de l'Université Cornell vers les océans d'étoiles. Nef de la science, taillée même pour remonter les courants inter-galactiques et aborder aux rivages troubles des inconnues stellaires. Coincidence à peine provoquée, le 12 octobre prochain, 500-ème anniversaire du premier pas de Colomb sur le Nouveau Monde, ce vaisseau de câbles, de treillis, de tours géantes et d'électronique appareillera lui aussi vers d'ultimes horizons. Un mois durant, les ordinateurs qui d'ordinaire s'y repaissent de torrents de données dérobées au cosmos seront mis en veilleuse. A bord d'un camion climatisé venu d'un centre de la NASA, en Californie, s'allumeront les écrans d'un super-ordinateur unique au monde. Prendra vie une sentinelle électronique dont la moindre puce de silicium, la moindre ligne de programme aura été conçue et réalisé par les meilleurs techniciens pour dénicher la trace du plus ténu signal artificiel.
Quelqu'un appuyera sur un bouton. En un instant, une intelligence présente sur Terre se sera mise en quête, sur des millions de fréquences de l'océan radioélectrique, d'un signe venu d'ailleurs. Avec un instrument 10.000 fois plus performant que tout ce qui a été fait jusqu'ici. Nous serons rentré dans l'ère de Méga SETI, l'âge adulte de ce programme de recherche financé à coups de millions de dollars par la NASA.
"L'élément nouveau, c'est l'aspect officiel et à grande échelle de SETI. Ici, nous passerons 5 % du temps à faire cela. Philosophiquement, c'est important pour l'espèce humaine, de chercher sérieusement les traces d'autres civilisations. Quand à savoir si on va trouver quelque chose, c'est une autre histoire... En fait, je crains que pour le grand public, cela soit aussi passionnant que de regarder de l'herbe pousser". Avec un sourire de malice qui dévore sa barbe, Michael Davis, directeur de l'Observatoire, tente visiblement de refroidir les esprits à l'azote liquide. C'est que toute cette agitation autour de son instrument et de l'éventuelle découverte d'un monde peuplé d'ET (Extra Terrestres) le ronge. A l'instar des astronomes présents sur le site, friands d'un calme monacal propice au labeur scientifique, et qui voient approcher avec inquiétude ce mois d'octobre où Arecibo deviendra le temple de tous les cultes d'E.T. soumis aux aterrissages de hordes journalistiques et touristiques en quête d'étrange.
Pourtant, l'évènement est une anissance attendue. Des centaines de scientifiques attendent avec impatience ce "D-day", le jour J. La commission de bioastronomie mise en place en 1982 par l'Union Astronomique Internationale atteindra alors le but qu'elle poursuit depuis une dizaine d'années : écouter le ciel avec les meilleurs antennes disponibles sur Terre. Le SETI Institute, créé en Californie du côté de San José, est même chargé de rassembler toutes les idées et financements à cette fin.
"C'est une lutte qui n'a pas toujours été facile. Il a fallut convaincre les astronomes conservateurs... Mais depuis une décennie les choses se sont accélérées. L'idée s'est faite, peu à peu, que la chimie existait partout, même dans le vide cosmique, que la vie apparait facilement sur une planète de type tellurique, et que des corps sont souvent présents autour des étoiles... La notion d'une vie intelligente et technologique ailleurs que chez nous est aujourd'hui bien mieux considérée par la communauté scientifique", souligne Jean Heidmann, de l'Observatoire de Meudon, Secrétaire de la Commission internationale de bioastronomie.
Le grand précurseur de cette mise sur table d'écoute des E.T. fut Frank Drake. Au début des années 60, l'astronome américain est le premier à officiellement orienter un radiotélescope vers des étoiles, pour tenter d'y déceler des signaux non naturels. Petits moyens techniques pas d'argent, cause désepérée : avec son seul canal d'écoute, Drake était dans la situation qu'un mélomane désirant retrouver une fréquence de radio FM parmi cent milliards, et cela avec un récepteur des plus rudimentaires, à des milliards de kilomètres de distance. Effectivement, aucun homme vert ne vint frapper à la vitre du laboratoire de Drake, même avec des récepteurs un peu améliorés. En 1967, un astronome de Cambridge eut tout de même un bel accès de tachychardie. Un bip-bip obsédant résonnait dans ses détecteurs. Vérifications faites, en fait d'extraterrestre il s'agissait d'une espèce inconnue d'astre, un pulsar. Ce qui reste d'une étoile après explosion finale, et qui émet dans l'espace un signal comparable à celui d'un radio-phare. Quelques heures durant, les astronomes mouillèrent leurs chemise, et au final, réalisèrent une jolie découverte...
Du côté des savants soviétiques aussi, on s'était laissé saisir par la fièvre, deux années auparavant. Cette fois-là, radio E.T. était un quasar, autre objet céleste exotique.
Echaudés, les radio-astronomes se posèrent la question : et si nous détectons vraiment quelque chose, que ferons-nous ? Pour parer à tout embrasement mondial , et opposer un barrage aux chasseurs de scoop, un protocole international a été posé sur le papier. Règle numéro un : tout signal candidat devra être soigneusement vérifié par les astronomes de plusieurs observatoires. C'est pourquoi, quand l'antenne d'Arecibo sera branchée sur l'ordinateur de Méga SETI, en octobre, le second meilleur chasseur d'E.T, le radio-télescope de Nançay, près d'Orléans, sera lui aussi doté d'un appareil d'écoute. Pour procéder aux vérifications de rigueur, en cas de découverte.
Règle numéro deux : les astronomes terriens devront se concerter pour donner une signification au signal, le situer dans son contexte. Règle numéro trois, l'information devra être confiée aux Nations Unies, pour diffusion auprès des médias Terriens.
"Que demanderont les gens si nous découvrons des traces d'émission de télévision ou de radio réalisées sur une autre planète ? Ils voudront savoir si E.T parle anglais, s'il mange des hamburgers, s'il est pacifique...", s'amuse le physicien Philip Morisson, instigateur de SETI. "Pendant quelques semaines, imagine-t-il, on en parlera... Et puis, les peuples réaliserons que nous sommes incapables de répondre, car les messages que nous aurons capté auront mis des milliers d'années pour parcourir les océans sombres qui nous séparent d'eux. Nos réponses mettraient autant de temps à leur parvenir. D'ici là ils auront peut-être disparu, et nous aussi...
Mais la chose la plus excitante serait de savoir que nous ne sommes pas seuls", poursuit-il. "Le problème c'est que dans le cas contraire, en l'absence de signal intelligent, nous ne saurons probablement jamais que nous sommes seuls, et nous continuerons à chercher", réplique Daniel Altschuler, directeur adjoint d'Arecibo.
Le disque miroite à nos pieds, en contrebas. Tellement énorme, avec son kilomètre de diamètre, qu'on ne ressent plus guère sa taille, ni celle de la plateforme de 600 tonnes qui le surplombe de 130 mètres. Ce soir le télescope est muet. Parfois pourtant les sirènes d'alerte résonnent dans la cuvette. Ordonnant d'évacuer le site. Sous peine de se faire griller par les 450.000 Watts de rayonnement que va vomir le cratère d'aluminium vers le cosmos. De quoi sonder une planète, un astéroide errant, et d'analyser le minuscule écho qui retournera se faire capturer à Arecibo. Carl Sagan, le plus médiatique des astronomes américains s'est servi en 1974 de ce mégaphone géant pour expédier un message à E.T. La réponse viendra-t-elle un jour ? Notre bouteille à la mer cingle aujourd'hui à 18 années-lumière, en direction de l'amas d'étoiles M13 d'Hercules. Encore 25.000 ans de patience, et notre littérature arrivera à destination !
La Lune est lisse et ronde. Hallucination ? La forêt tropicale semble saisie d'un spasme de rire, qui revient comme une vague. Des cris pulsés, ceux que pourrait crisser une assemblée de cigales hilares. Des oiseaux ? Rey Vélez lâche d'une main son volant, essuie la sueur qui innonde sa nuque et s'éclaire d'un sourire. "Non, non, couqui... Ce sont des couqui. Des millions de grenouilles, gringo..." Et la jeep (au moteur antiparasité, pour ne pas brouiller les signaux de l'espace) de continuer à cahoter sur la pente raide. Droit dans la gueule béante du premier téléphone à E.T.

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