samedi 20 septembre 2008

Analyse des pleurs des bébés

Septembre 1992

N'importe quel bébé aimerait, à coup sûr, être blotti dans ces mains-là. De grosses mains, confortables. Qui soulèvent les petits avec cette douceur que permet la puissance d'un colosse. Et peut-être même que si la grosse voix tendre lui demandait de bien vouloir crier un peu, le petit s'exécuterait... Crier ?
Responsable de la néonatalité de l'hopital de Beer-Sheva, dans le sud d'Israel, le Dr Ehud Zemora défile devant les berceaux de plexiglass inondés de soleil.

"Cela fait des années que l'on sait que les vagissements des nouveaux nés sont chargés d'informations. Et depuis que les chercheurs font des spectrographes (étude des fréquences du cri), ils ont identifié quatre catégories : ceux de la naissance, qui favorisent la réorganisation cardiaque et respiratoire, mais aussi les cris de douleur, de faim, et de plaisir".

Dans la ville-champignon du désert, aux avenues ensablées par le vent, Zemora sait que pour avancer, il vaut mieux compter sur ses propres ressources. Vieux réflexe de pionnier. Alors quand son complice, l'informaticien Arnon Cohen (ils se sont connus sous la mitraille de la Guerre des Six Jours), lui a proposé d'utiliser des ordinateurs pour décoder le "langage" des nourissons, il n'a guère hésité.
"Le cri du bébé est un vrai outil de communication. D'abord, il vous mobilise. Sa pulsation est très proche des sirènes de police, parce que la nature l'a sélectionnée. C'est la plus efficace pour mettre les parents en mouvement. Insupportable ", sourit Cohen.

Un hurlement largement codé par le cerveau. Un cri de faim n'a rien à voir avec celui de la douleur. Une mère le sent spontanément. Et pour les sceptiques, il suffit de jetter un oeil aux analyses des différents cris, recueillis et analysés par les ordinateurs à l'université Ben Gourion.
"Au départ, le mécanisme de production est le même, l'instrument thoracique est identique. Ce qui change, c'est le stimulus qui vient du cerveau. Et on retrouve la trace de cette commande cérébrale dans l'analyse du cri...", explique Zemora

Les mères ne sont pas les seules à savoir entendre ces messages de leurs bébés. Au fil des naissances, les oreilles des obstétriciens deviennent des systèmes experts, capable de discerner un cri "anormal" du bon vagissement. Un signal parfois significatif d'une maladie génétique, d'un désordre neurologique. Un bébé qui a souffert d'une carence d'oxygène lors de l'accouchement (hypoxie) ne crie pas de la même manière. Et une affection génétique porte même le nom du son de miaulement qu'évoque alors la petite voix : "le cri du chat".

L'idée, à l'université de Beer Sheva a consité à tenter d'aller plus loin. A mettre au point un système informatique capable, à partir des profils sonores des cris, de retrouver quelle information ils transportent. Plus fin et plus fiable qu'une oreille humaine.

"Cela peut servir à entendre les message de faim ou de douleur du bébé, et à mettre certaine mères mal synchronisées à l'écoute de leurs enfants, mais pour nous, cela serait surtout un outil de diagnostic. Il est tout à fait imaginable de discerner une demi-douzaine de maladies de la sorte, de la jaunisse à la méningite cérébrale", poursuit Zemora.

Le problème technique a été résolu par les spécialistes de reconnaissance vocale du laboratoire d'Arnon Cohen. Mais pour l'heure, le système demeure un prototype. "On peut imaginer des versions simples, qui vous indiqueraient ce que veut dire bébé, et qui pourraient donner l'alerte en cas de troubles. Mais il nous reste à trouver des partenaires industriels", précise l'informaticien. Un cri de recherche de partenariat.

Aucun commentaire: