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dimanche 27 janvier 2008

Records à la voile

1991
on tourne plutot autour des 50 noeuds, désormais...

Plus vite que le vent : technologie contre biceps

Tous les printemps, les fous de vitesse sur l'eau aiguisent leurs engins à dompter le vent, résultat de mois passés à solliciter les neurones et à faire chauffer la colle. La déjà classique Semaine de vitesse de Brest, où les voiliers les plus incroyables se retrouvent, précède à peine dans le calendrier les tentatives de records en planche à voile qui se déroulent en ce moment aux Saintes Maries de la Mer. Là, on a carrément creusé en 1988 le premier "canal de vitesse". Avec 1,3 km de long, 25 mètre de large, c'est le stade du vent. A quelques mètres de la grande bleue, travers au Mistral, il voit défiler dans des gerbes d'écume les puristes du "windsail" montés sur des engins minuscules et allégés, des "guns" qui se cabrent à la moindre erreur.

Entre les deux clans, entre voiliers extrèmes et planches allégées, c'est la guerre. A savoir qui profitera le mieux du vent pour aller le plus vite, sur des "runs" (parcours chronométré) de 500 mètres.

Variété extrème de voiliers, les engins à battre les records de vitesse à la voile ont, à première vue, tout du cauchemard technologique. Formes d'araignées fragiles, deux mâts là où les sages voiliers de nos croisières n'en comptent qu'un, des cerf-volants pour mieux les tracter ou encore des poutres-ailes-flotteurs chargés de transformer un navigateur en pilote d'avion sous-marin. Sans oublier les systèmes "palpeurs" de vagues, destinés à repérer les formes de la houle pour pouvoir y adapter en temps réel l'audace d'une incidence, d'une répartition des masses. Ajoutez à cette débauche d'idées et de folies architecturales une bonne dose de fibres exotiques, carbone, kevlar ou epoxy, saupoudrez d'un peu de jargon à base de "foils" (élements sustentateurs), de "flaps" (volets sur aile rigide) et de "cavitation" (perte de contact entre la coque et les filets d'eau qui s'écoulent), mettez le tout sur un plan d'eau venté et si possible protégé de la houle du large, et vous obtiendrez, si Eole le veut, des "chronos".

Et qui sait, le Record. Hélas, le plus souvent, il ne restera, après l'épreuve des vagues, qu'un tas d'alumettes de carbone pliées par le vent, que des débris caressés par les vagues. Et la rage dans la gorge d'un Gaston Lagaffe de la voile qui avait passé toutes ses soirées, tous ses week-end à peaufiner son "plus génial que le vent". Si la plupart des coureurs-innovateurs sont des particuliers, des génies du vent qui misent leurs économies et leurs vacances, il y a aussi quelques projets "sérieux", puissamment sponsorisés comme "Objectif 100" (km/h) de Rhône-Poulenc. Ce qui ne les empèche pas non plus de casser, ou de s'embourber dans les difficultés. Car outre génial et sérieux, il va falloir être très obstiné pour décrocher le gros lot.

La barre est haute, très haute, à 80 km/h, pardon, 42,91 noeuds... C'est la plus grande vitesse atteinte sur l'eau par un engin flottant uniquement propulsé par le vent. En l'occurence il s'agit d'un homme (Pascal Maka), monté sur une planche à voile. Ce chiffre, établi en février 1990 est un véritable pied de nez à l'adresse de l'armade des voiliers expérimentaux. Le plus rapide d'entre eux, la catamaran Crossbow II, a plafonné à 36 noeuds en 1980. Depuis, les planchistes surfent de record en record et près de deux cent d'entre eux sont déjà allés plus vite que le voilier le plus rapide.

Pour toujours ?
"Il parait difficile de faire mieux qu'une planche, qui pousse à l'extrème tous les principes qui font aller très vite sur l'eau" note avec un sourire l'architecte naval Daniel Andrieu. Explication : en tirant la voile vers lui pour équilibrer la force du vent, le véliplanchiste se suspend à la voile. Ce qui présente le double avantage d'allèger la planche, et de faire littéralement décoller l'engin sur une sorte de coussin d'air. On est à la limite du ski nautique et du deltaplane. Un signe qui ne trompe pas : à l'arrèt ces planches très affutées coulent sur place. Elles ne surnagent qu'avec la portance que leur confère la vitesse...

Pourtant, les partisans des voiliers s'obstinent. Et font appel à une débauche de technologie et de moyens finaciers pour tenter de ramener les planches sur la plage.

Lubie de passionnés, folie confidentielle ? Vu de loin, cela ressemble un peu aux premier efforts déployés par les hommes pour quitter le sol. Les fous volants sont devenus flottants...

Les ingénieurs du CRAIN (Centre de Recherche pour l'architecture et l'industrie nautique), un bureau d'étude de la Rochelle spécialisé dans le calcul et la simulation des coques de navires, sont relativement optimistes. A leurs yeux, les voiliers gardent une chance s'ils parviennent à aller plus vite que le vent. Ce dont certains dessins sont théoriquement capables, et que les planches ne savent pratiquement pas faire.

La voie de la revancheest tracée, il suffit de l'explorer. Le problème, c'est qu'en ce domaine il y a loin de la table à dessin, du terminal de conception assistée par ordinateur à la réalité de la mer. Et quand un ordinateur estime qu'une esquisse doit aller à deux fois la vitesse du vent, cest rare que cela se vérifie sur l'eau. Le domaine est complexe, puisqu'à la différence des avions qui se meuvent dans un seul fluide, on est ici confronté à la triple difficulté de parties immergées dans un liquide, d'autres émergées dans un gaz, et d'un comportement quasiment imprévisible se déroulant à l'interface des deux.

Pour progresser dans ce casse-tête, la seule solution est donc d'essayer, et de casser de la fibre de carbone sur les vagues. Echec malheureux pour Objectif 100, le bateau-aile à gros budget de Rhône-Poulenc (on parle de trois millionsde francs). Cette fine coque dotée d'une aile d'avion reposant sur un flotteur n'a jamais dépassé la vitesse de Crosbow II, alors que sur le papier cette très belle idée pouvait pulvériser ces chiffres. Trop audacieux ? Le projet semble aujourd'hui abandonné.
Plus sage, le "Voilier-Haute-Technologie-Charente-Maritime", parrainé par le Ministère de la Recherche, bardé de matériaux ultra-légers (1850 kg pour 21 mètres de long), doté de deux voiles et deux flotteurs garde un potentiel intéressant, malgré sa "casse" de l'hiver dernier. Une autre solution, relativement proche, est explorée par l'Ecole Nationale des Techniques Avancées, sur un autre catamaran financé par la Délégation Générale pour l'Armement. Mais cette fois l'engin est doté de voiles rigides, inspirées des ailes d'avions, et de "foils", de petites dérives inclinées pour s'élever au-dessus des vagues.

Mais la route du record semble encore longue à atteindre. Les lourds et coûteux voiliers conçus par ordinateur persisteront-il? Face à des amoureux de glisse qui vivent les pieds dans l'eau, attendant le coup de vent favorable avec un planche de quelques milliers de francs pour tout équipement, ils semblent des Goliaths technologiques opposés aux Fils du Vent.

vendredi 25 janvier 2008

Les dessous du yoga

Ca m'intéresse 1991

Le yoga, c'est quoi ? Si vous posez la question à un médecin qui pratique cette vieille technique indienne, vous n'obtiendrez pas la même réponse que si vous allez consulter un guru dans son ashram des contreforts de l'Himalaya. "Le yoga c'est une discipline en action", dit la Bhagavad Gita, l'un des plus importants textes de la philosophie indienne. Et le sage Patanjali, qui rédigea voici 2.000 ans les principaux écrits du yoga, en parle comme d'une "science du mental". "Pour ma part, je dirai que c'est une hygiène corporelle, qui peut devenir une hygiène de vie et une hygiène mentale", explique Isabelle Brachet, docteur en médecine, spécialiste de psychiatrie, pratiquante de yoga.

Autant dire qu'aujourd'hui le yoga, c'est une sorte d'auberge espagnole. "Chacun peut y apporter ce qu'il veut, en fonction de sa manière d'être et de vivre, mais il est rare, pour ceux qui s'y intéressent, qu'on ne modifie pas un tant soit peu sa façon de voir les choses de la vie", explique Isabelle Morin-Larbey, enseignante membre de l'Ecole Français du Yoga.
Ceci explique peut-être cela, à savoir l'étonnante vitalité de cette science et technique de la sagesse et de la souplesse. Pourtant, il y a de quoi s'étonner. De méprisé, ignoré au siècle dernier, le yoga a déferlé sur les civilisations occidentales au cour de la deuxième moitié de ce siècle seulement, mettant à profit la facilité croissante de voyage des maîtres et disciples, et le goût occidental pour le mystique abordable à travers des recettes. C'est tout l'avantage du yoga. Une technique qui met relativement facilement sur la voie de la Pensée, de la Recherche. Facilité et signes extérieurs des positions yogi ont fait de cet art antique un label, une marque de fabrique pour "soixante-huitards" et autres routards en quête de marginalité reconnue. Un piège ? Nombreux sont ceux qui ont pensé qu'avec son goût pour le folklore des ashrams, et les marques d'obédience à des divinités comme Krishna, la méditante pratique ne passerait pas le cap des années 80. Erreur. Le yoga est toujours là. Mais cette fois accepté, digéré, banalisé par un Occident qui y puise ce qu'il veut.

"La vitalité, elle se comprend surtout quand on sait que le yoga peut très bien s'adapter à la façon de vivre de chacun, et qu'il répond très bien aux problèmes majeurs de la société, qui sont à la fois le stress, la fatigue, la course, et pour certains la recherche de vraies valeurs, au lieu de la course à la consommation...", précise une pratiquante.

"C'est normal que la yoga soit fort et toujours présent, puisque c'est une pratique authentique, qui ne date pas d'hier", explique le guru Maesh.

Et puis, à côté du grand déferlement actuel de dizaines de techniques "New Age", qui proposent à tous de se reconcilier avec le "Grand Tout", de faire corps avec l'Univers, il y a probablement place pour une technique qui propose cela depuis plusieurs millénaires, et puise une légitimité dans la pratique quotidienne de millions d'Indiens.

Et puis le yoga, c'est une fantastique porte ouverte. En entamant sa première "salutation au Soleil", le disciple vit un instant magique celui ou il se penche avec son corps tout entier sur des millénaires de pensée et de réflexion spirituelle de l'une des plus ancienne civilisations du monde. Un sacré voyage, tout de même, qu'une plongée aussi facile vers un univers ou les questions les plus angoissantes de l'existence ont été résolues...

"C'est dans le combat que réside la connaissance. La douleur est ton maître, et c'est d'elle que surgit la lumière", ponctue Bellur Krishnamachar Sundaraya Iyengar. Cet homme de 73 ans se plie en deux comme une couleuvre, sous nos yeux, raconte comment il a enseigné le yoga au violoniste Yehudi Menuhin, à Aldous Huxley et à feu la reine Elisabeth de Belgique. Iyengar est le maître de l'institut de Pooma, à 200 kilomètres de Bombay. Son "Yogashala", lieu ou il enseigne sa connaissance du chemin à ses disciples, est bondé. On vient du monde entier pour se frotter à lui, à sa technique, à sa vision. Pour apprendre les Voies.

"Si tu veux avoir un contenant, il te faut un bon sol, si tu veux accrocher ta chemise, un cintre. Le yoga est une base qui te permettra d'aller loin sur le chemin que tu choisis", commente le "guruji" (cher maître), qui n'hésite pas au passage à envoyer un coup de pied aux élèves distraits de son ashram, à ceux n'équilibrent pas bien les énergies dans leur corps au supplice. Son attention est partout, sa voix aussi, qui transporte les disciples vers l'horizon de la méditation. Un instant de pitié pour ces corps au martyr. Le yoga est-il vraiment compatible avec l'anatomie d'un occidental. Certaines postures paraissent tellement "extrèmes". "Ce n'est pas un problème, le yoga est universel, pour tous", laisse tomber Iyengar.

Le terme de yoga vient de la racine sanskrite Yuj, qui signifie lier, unir, diriger son attention, utiliser, mais aussi communion. "C'est l'union même de notre volonté avec celle de Dieu", poursuit Iyengar. Tous les pouvoirs du corps, de l'esprit et de l'âme doivent être soumis à Dieu. En schématisant, les hindous pensent que tout est imprégné par l'Esprit Suprême Universel (Paratma, Dieu) dont le jivatma (esprit individuel) de chacun est une partie. La manière de créer l'union, d'unir le jivatma de tous, de le mettre en communion avec le Parata et permettre la libération (Moska) c'est le yoga. C'est le moyen, par la peine et la souffrance, de devenir un Yukta (celui qui est en communion avec Dieu). Le yoga permet par différentes voies d'atteindre cet état, en maîtrisant l'esprit, l'intelligence et le soi, de les libérer du désir et de l'effervescence. C'est le plus grand des trésors, la joie éternelle, selon la Bhagavad Gita. Ces efforts de l'homme pour se réunir à Dieu (c'est vrai pour le ,boudhisme, le tantrisme et l'hindouisme) ont plusieurs aspects. Il y a donc plusieurs yogas, comme le Karma Yoga (yoga de l'action, des gestes quotidiens, du travail), le Yoga Marga (yoga de la méditation), ou connu chez nous sous le terme générique de yoga, Hatha Yoga (hatha pour force, effort soutenu).

Yoga a depuis fort longtemps fasciné les voisins de l'Inde. Dont les Arabes, qui mentionnent le yoga dans des textes datant du 2-ème siècle après Jésus-Christ. Très rapidement aussi, ces techniques ont été assimilées au "folklore" local, notamment sous la colonisation britannique. Les exploits des yogis et des bonzes ont été assimilés aux "trucs" des fakirs et autres magiciens, auxquels les Européens accordaient facilement crédit. Bien peu d'officiers ou de négociants de l'Empire Britannique se sont alors laissés tenter par cheminement spirituel au sein des ashrams. Il faut se souvenir que les pratiques religieuses des indigènes étaient considérées avec dégoût, les rites funéraires de crémation ou d'abandon aux fleuves, les pratiques orgiaques de quelques sectes, les sacrifices humains étant rapportés, amplifiés et confondus pêle-mêle dans l'esprits des colons. Les yogis, parfois constitués en bandes armées, pour défendre leurs ashrams contre les musulmans n'étaient en outre pas vraiment bien vus par les Britanniques chargés de maintenir un semblant d'ordre dans ces contrées "sauvages". Ce n'est que vers la fin du dix-neuvième siècle que peu à peu, un nombre significatif d'informations vont transpirer, esquissant un profil plus précis et réaliste de la quête spirituelle des hindous.

Pour les occidentaux, la subtile réalité de la pensée indienne a brutalement surgi dans le panorama vers les années 1940, à travers les travaux de quelques chercheurs, et les interrogations de Georges Dumezil, Max Müller ou Mircea Eliade. Identifié, la pensée religieuse indienne a été utilisée et "récupéré" dans les années 60. Avec l'apothéose bien connue de 1968, et la période hippie où les thèmes mystiques indiens transportèrent des troupes d'Occidentaux vers la quête spirituelle. Cliché historique, le chemin de Katmandou que prirent alors bon nombre de vedettes, d'intellectuels et de jeunes. D'autres semaient des ashrams, lieux de vie et de méditation dans nos campagnes, qui en Auvergne, qui en Haute-Provence.
Les choses ont changé. Krishna ne fait plus guerre recette de ce côté de l'Euphrate, et le yoga se pratique désormais aussi au Club Méditerrannée, entre 17 et 19h00, entre le ski nautique et l'apéro-spectacle du soir. Ils sont plusieurs centaines de milliers, comme à la Fédération Française du Yoga, à pratiquer régulièrement dans des cours, sans guru, comme d'autres font de la danse ou de l'aviron. Font-ils fausse route ? Sont-ils hors de l'authentique Voie ? La spiritualité, la recherche de la communion avec le Grand Tout est-elle indispensable à la pratique du yoga ?

"Pas du tout", estime Ysé Masquelier, la présidente française de la Fédération Nationale des Enseignants du Yoga. "On peut pratiquer le yoga comme une détente, acquérir par une série d'exercices une unification de la personnalité sur le plan physique, affectif et mental". A condition de ne pas en demander trop à cette pratique "légère" et purement physique. Si l'on veut aller plus loin et rejoindre les Sentiers, c'est à un véritable travail sur soi auquel il faudra se livrer.
"En Occident, de nombreuses personnes se tournent vers le yoga comme vers une gymnastique. Et en effet les asanas (postures) calment, détendent, les dos se redressent, les attitudes deviennent plus libres, les sentiments plus sereins et les idées claires. Mais il faut bien constater que l'Européen normal est radicalement différent de l'Hindou, ce qui explique bien des échecs, allant parfois jusqu'au désespoir de disciples ayant voulu aller trop loin dans la Recherche", note Arnaud Desjardins, auteur de "Yoga et Spiritualité (Ed La Table Ronde).

Desjardins, célèbre porte-parole du yoga en France, met en garde les esprits européens contre les abîmes qui peuvent s'ouvrir sous les pas de ceux qui en demandent trop à une quête spirituelle pour laquelle ils sont mal préparés.
Car paradoxalement l'Illumination se recoit, elle ne se gagne pas. Il faut se mettre en position d'être prèt, à travers la pratique yoga, mais il n'y a pas de logique. Ce n'est pas parce que l'on a souffert, martyrisé son corps dans des asanas extrèmes, médité, que la récompense tombe comme un fruit mur. Il faut aller plus loin, se donner, se déstabiliser intellectuellement, au risque de ne jamais connaître l'état magique. Se livrer totalement, s'abandonner sans être certain d'être payé de retour. "Un voyage qu'un Occidental accepte difficilement", estime Desjardins.

C'est pourquoi, plus mystique que l'association d'Ysé Masquelier, la Fédération Française de Hatha Yoga fondée par Sri Mahesh, un indien installé en France depuis une trentaine d'année s'insurge contre la consommation du yoga à l'occidentale. On y considère qu'apprendre le yoga à d'autres fins que la réalisation d'un voyage spirituel est un appauvrissement. Le maître s'oppose également à la publication d'ouvrages techniques sur le sujet (leurs fins sont commerciales, ce qui une contradiction avec la philosophie de la discipline), estimant que rien ne peut remplacer la relation guru-disciple, ou maître-élève, et l'enseignement oral.

Faux débat ? Dans le duel yoga-gym ou yoga-voie spirituelle, on tourne un peu en rond. Mais a regarder les pratiques en Inde, on s'aperçoit que souvent le yoga est d'abord une pratique physique et devient une quête spirituelle plus tard. Pourquoi n'en serait-il pas de même en Europe, même s'il est vrai que nous ne baignons pas dans le même océan de spiritualité ? Une autre manière de faire la part des choses est de déterminer s'il vous faut un guru. Si les choses sont claires en Inde, où le disciple (aussi appelé religieux) doit se remettre totalement entre les mains d'un guru qu'il s'est choisi, chez nous, cela se complique. "Pour notre part, nous recommandons aux gens d'être vigilants, car il est vrai qu'une relation très intime avec un enseignant peut dériver vers la domination si celui-ci est animé de mauvaises intentions", explique un professeur. Comment reconnaître un professeur d'un maître, et un vrai guru d'un faux ? C'est tout le problème. "Il faut laisser parler son coeur", estime Sri Mahesh. "Peut-être faudrait-il un cadre règlementaire pour la profession d'enseignant du yoga", se risque un enseignant indépendant.

Il faut savoir qu'aujourd'hui, n'importe qui peut lire quelques livres, suivre des cours, passer quelques semaines en Inde et visser sur sa porte une plaque de professeur de yoga. Le tarif est de 50 francs l'heure. Imposteurs ?
Rassurons-nous, ce phénomène est universel. Car si aux pieds de l'Himalaya la tradition impose le guru, (de gu- qui signifie ténèbres et -ru, lumière) qu'il faut chercher activement, trouver, ce n'est pas simple non plus. Et les faux prophètes sont légions... même au pays des Dieux.

Vigilance donc. Surtout que l'influence d'un maître peut être très grande, notamment au moment du passage à la phase du Yoga Mantra. Une phrase, une formule, une prière que le guru confie à l'élève, et que celui-ci devra réciter pendant des années pour la faire pénétrer dans son être, à la faveur de la méditation et d'un état de transe. Le risque est réel de pratiquer, dans de mauvaises conditions, une suggestion détournée.

Il y a aussi le pranayama. Ces techniques respiratoires très poussées peuvent mener le disciple à un état d'hyper-ventilation, ou d'excès de dioxyde de carbone dans le sang qui le mettent dans des états secondaires dont les risques physiques ne sont pas absents. Et sa réceptivité au conditionnement accrue. On est loin de simples et inoffensives recettes de cuisine. Le yoga utilise de vrais leviers physiques et psychiques pour agir sur les équilibres et les mécanismes biologiques, et sa pratique demande certaines précautions. Sous peine de provoquer d'authentiques dégâts.

Arnaud Desjardins, bien que totalement conquis par la voie des yogis en avertissait déjà ses lecteurs dans les années 60. "Nous n'admettons pas l'exercice illégal de la médecine, les indiens n'admettent pas l'exercice illégal de la sagesse, car les techniques efficaces sont dangereuses. D'innombrables livres décrivent des exercices de yoga, mais la théorie livresque est une chose, la pratique une autre. Personne ne risque de se noyer en lisant à domicile des livres sur la natation, mais il est dangereux de nager dans les remous et les courants, et il est dangereux de jouer avec son mental, avec son corps, ses émotions, et les révélations de son inconscient".

Indubitablement actif, le yoga a donné naissance à quantités de dérivés, qui contournent l'obstacle du débat spirituel.
La méditation transcendantale, la sophrologie, la relaxation respiratoire, le stretching en sont quelques exemples. La thérapie médicale par le yoga, pour sa part, se fonde sur la philosophie indienne, qui définit cinq "enveloppes" dont le physique constitue la première. Viennent ensuite le corps vital, le mental, l'intelligence supérieure et la béatitude. Dans ce cadre, la maladie est un court-circuit, une sorte de déséquilibre entre les trois premiers niveaux. "Les asanas détendent, tonifient les muscles et massent les organes internes, le pranayama ralentit le rythme respiratoire et régule le flux du prana (énergie vitale), la relaxation et la méditation tendent à apaiser le mental et le travail sur les émotions guérit l'esprit", explique le Dr Robin Monro, responsable d'un centre de recherche sur le yoga à Cambridge en Grande-Bretagne, auteur de "Le Yoga pour mieux vivre" (Ed Robert Laffont). Dans cet ouvrage, le biologiste propose toute une série d'asanas pour quantités de troubles. Une démarche qui irrite passablement les puristes. "Si vous considérez le yoga comme une simple thérapie, votre approche sera impropre, votre compréhension très partielle. Certes vos troubles peuvent régresser, et vous vous direz que le yoga est une médecine. Mais c'est faux, le yoga n'est pas une thérapie, il y a des limitations très précises", estime le Dr Gharoté, dans la revue de la Fédération Française de Hatha Yoga. Une manière d'enfoncer le clou de la spiritualité.

Dans cette querelle des anciens et des modernes, dans le choix entre yoga terre à terre et outils mystique, ce sera à chaque pratiquant de trouver sa Voie. Dans le calme et la sérénité.



Pierre Etévenon, l'homme éveille, Tchou,
les aveugles éblouis, Albin Michel
Bernard Auriol, Introduction aux méthodes de relaxation, Pricat
Mircéa Eliade, Le yoga, Payot
Arnaud Desjardins, Yoga et spiritualité, Table Ronde
BKS Iyengar, yoga dipika, lumière sur le yoga, Buchet-Chastel
Dr Robin Monro, Le yoga pour mieux vivre, Laffont
Fédération Nationale des Enseignants de Yoga, 3 rue Aubriot 75004 Paris


Les pouvoirs du yoga (encadré) 1,5 flts
La kundalini, la "force cosmique" qu'éveille le yoga provoquerait des états "assimilables aux extases des mystiques chrétiens", indique Arnaud Desjardins. Perceptions lumineuses, éblouissements, phénomènes sonores, visions du passé et de l'avenir (siddhis), sont parmi les impressions que Desjardins assimile aux "états supérieurs de la conscience" et dont parlent de nombreux voyageurs qui sont partis au pays des gurus. Ils relatent des impressions de "mental qui cesse de fonctionner" (samadhis).
Reste à savoir comment le Hatha Yoga modifie le fonctionnement du corps. de nombreuses recherches ont été menées. Le Dr Bernard Auriol, auteur de l'"Introduction aux méthodes de relaxation" (Ed Privat), note que certains travaux ont montré une amélioration du rythme cardiaque, et de l'homéostasie (auto-régulation, comme celle de la température du corps) physique et psychologique. Ces phénomènes ont des correspondances dans bon nombre d'autres techniques, comme la "méditation transcendantale", note le Dr Bernard Auriol. Directement dérivée du mantra yoga (répétition d'une phrase chargée de sens), cette technique de méditation permet de réduire la consommation d'oxygène, de diminuer le métabolisme, et d'améliorer le passage de l'air dans les bronches. La respiration s'arrête carrément pendant les périodes vécues par le méditant comme de "pure conscience". Ce phénomène n'est pas expliqué, mais mettrait plus particulièrement en jeu un facteur hormonal au niveau de la régulation du transport de l'oxygène par les hématies dans le sang.
L'analyse des ondes électriques du cerveau (EEG) est évoqué comme "caractéristique d'un état qui n'est ni celui du sommeil, ni du rêve, ni de l'éveil". Une sorte de quatrième état de la conscience, qui s'accompagne de phénomènes endocriniens (diminution de sécrétions de substances urénales, et de catécholamines, et un abaissement à long terme du taux de cholestérol).
Physiquement, la pratique régulière du Hatha Yoga entraînerait une diminution de l'asthme, des troubles fonctionnels, de l'hypertension. Sans oublier l'assouplissement considérable du corps."Il vaut cependant mieux consulter un médecin avant de se mettre au yoga par motivation médicale", note Isabelle Brachet.

La pratique du Yoga (encadré)
Le yoga donne-t-il des résultats rapidement ? De nombreux témoignages mentionnent que c'est la cas, que l'on se sent mieux physiquement, au terme de quelques séances. Mais il y a aussi des réfractaires, qui n'éprouvent rien, sinon la douleur de leur raideur. A chacun d'essayer. Mais avant de parvenir, comme Jacques Mayol, plongeur instigateur du film le "Grand Bleu", à contrôler votre rythme cardiaque et votre concentration, il faudra de la pratique. Pour débuter, le plus simple est de vous adresser aux différentes fédérations et écoles qui fleurissent, en n'hésitant pas à changer si le type d'enseignement ne convient pas à votre démarche. En quelques questions, vous saurez rapidement si la tendance du cours est "gym" ou "mystique". A éviter : les cours trop nombreux (plus de 20), et les pratiques "sauvages" en appartement.
De nombreux livres proposent également des asanas, à exécuter tout seul chez soi. Pratiquement tous nos interlocuteurs déconseillent la pratique solitaire, chez soi, du yoga, qui prive du contact motivant des autres, et expose toujours à de mauvaises pratiques, voire des accidents.

mercredi 23 janvier 2008

Tennis : du carbone dans les raquettes

Figaro, 1992

Le bras ne plie pas. Raide comme une poutre d'acier, la raquette en graphite réexpédie la balle à plus de 100 km/h, jusqu'au fond du court, laissant sur place le joueur adverse. Retour gagnant. Le rêve. Mais au hit-parade onirique des manieurs de raquettes, il y a encore mieux. C'est le service-canon. Comme à Wimbledon. L'herbe rase y fait fuser les balles après des rebonds on ne peut plus économes en énergie. Le relanceur parait ensablé.

De ces phantasmes de puissance à la réalité, désormais, il n'y a plus qu'un pas : celui du chèque qui donne accès à la technologie. L'arme absolue, la Durandal des courts de tennis est en magasin. La raquette à grand tamis, et à cadre plus ou moins profilé, mais toujours en fibre "noble", carbone, kevlar, y règne sans partage depuis quelques années. Une alchimie optimisée par conception sur ordinateur et réalisée à grand renfort de matériaux composites, tant pour l'armature que pour les cordes, qui a mis un turbo dans le jeu des amateurs et des professionnels : jusqu'à 30 % de puissance en plus par rapport aux bonnes vielles raquettes en chêne du Canada des Borg, Jauffret et autres Rod Laver.

Par la grâce des laboratoires, le court est devenu en une décennie un polygone de tir. Les balles de service traversent les 24 mètres du court de tennis standard en moins de 650 millisecondes, à plus de 200 kilomètres heure de pointe, rapportent les radars. Les "aces", ces services gagnants qui ne laissent pas une chance de jouer à l'adversaire, tombent comme la pluie sur Roland Garros. Mais dans les tribunes, les spectateurs soupirent d'ennui, en rêvant aux "toucher" de balle de jadis, et aux renversements du jeu en cours d'échange. A tel point que la Fédération Internationale de Tennis a réuni au début de l'année ses experts pour évoquer le problème de cette déferlante technologique. Leur demandant de réfléchir à d'éventuelles solutions règlementaires. Car les amateurs du beau tennis risquent de se lasser si demain les échanges, s'ils ne se limitent pas à de simples concours de services gagnants, version tennistique des séances footbalesques de tirs au but, se réduisent à quelques coups de raquette-fusil, consistant à expédier le plus violemment possible la balle de l'autre côté du fameux filet ?

"Les raquettes ont énormément progressé, c'est vrai, et ce n'est pas terminé, mais parralèllement les joueurs de haut niveau sont également de plus en plus athlétiques. Et là, nous n'y pouvons rien", plaide Thierry Maissant, président de la firme Major, fabricant de raquettes et cordeur officiel du tournoi de Roland Garros.

Ce responsable de PME a su s'engouffrer dans le créneau pointu que l'explosion de technologie a ouvert sur le marché des raquettes avoue être pour une limitation des performances des cadres. Par exemple dans la raideur de l'engin, du moins pour la compétition.
L'émeute commence en 1976, avec la raquette à grand tamis de la firme américaine Head. Simple, évidente, l'idée met en oeuvre un cadre d'aluminium, technique déjà connue, mais avec une surface de tamis doublée par rapport au formes classiques (800 centimètres carrés, contre 450). Ces raquettes font d'abord sourire les pros. Mais en doublant la surface de frappe optimale de la balle, la puissance du tamis, tout en maintenant le poids de la raquette dans les limites tolérables par le bras du joueur (en bois c'était impensable), elles vont s'imposer. Fibres de carbone et de verres, moulées à chaud, vont transformer dès 1978 cette idée en révolution. Ces matériaux-là, jusqu'à 5 fois plus résistants que l'aluminium, et trente fois que le bois, permettent d'augmenter la rigidité des grands cadres, en réduisant cette fois le poids de 350 à moins de 300 grammes, précise Thierry Maissant. Outre la rigidité, la faculté de placer davantage de poids en tête offre, à partir du début des années 80, encore plus de performances aux joueurs. A l'université de Pensylvanie, des chercheurs ont calculé que la seule augmentation de 33 % du poids "en tête" augmentait la vitesse de balle de 5 %. Surtout, le gain de maniabilité (vitesse d'exécution des coups), permet d'accroître la vitesse de balle de près de 30 %. En gros, par la simple augmentation de surface et de la rigidité, on a gagné 20 % sur la puissance restituée à la balle.

Pour comprendre comment, il faut se pencher sur les relations intimes du couple cadre-cordage. Les cordes s'allongent sous l'impact de la balle, ploient comme un trampoline, prennent puis restituent une partie de l'énergie à la balle, quand celle-ci a accepté de changer de direction. Une bonne part de l'énergie initiale est perdue, dans les cordes, le cadre, la bras du joueur. Mais bien entendu celui-ci en rajoute la dose désirée, par son geste technique de frappe.

Deux constats s'imposent alors : moins un cordage est raide, plus puissant il sera, puisque tenant plus longuement la balle dans ses rets, et bénéficiant d'une allonge supérieure, il sera capable de réaccélérer la balle plus efficacement. Au contraire, un cordage raide et plus tendu, sera moins puissant. Par contre, plus le cadre est rigide, moins il ploie sous le choc, et plus l'énergie restera dans la tamis, disponible pour relancer la balle. Cela est dû au fait que le cadre n'a pas le temps de restituer efficacement l'énergie qu'il dérobe, du fait de sa souplesse : la période de son fléchissement est trop différente du temps de présence de la balle dans le cordage (6 millisecondes)
Dès 1984, les cadres en bois s'évaporent du circuit des joueurs professionnels. Seul Borg tentera un retour, en 1991, avec sa raquette fétiche en bois. Opposé à Jordi Arrese, un frappeur à raquette graphite, il se fait sortir en deux sets. Depuis, il joue avec un raquette composite.

Nouveau saut technologique : l'apparition en 1987 des raquettes profilées Wilson, sur le brevet d'un inventeur allemand. On diminue la surface frontale, mais on augmente la largeur de la raquette. Jusqu'à 4 centimètres, pour les plus extrèmes. Le profilé, souvent en carbone et kevlar, est bourré de mousses diverses, comme le Navcom, chez Major, destinées à absorber chocs et vibrations. Car si ces raquettes, encore plus raides et légères, tapent comme des planches, et permettent aux cordes de remplir de façon optimale leur mission de trampoline, elles soumettent le coude du joueur au risque croissant du tennis elbow. Transmettant évidemment au bras du frappeur la moindre vibration.

"Pour le joueur moyen, c'est tout de même un progrès fantastique. On gagne 30 % en qualité de jeu. Mais il faut se faire conseiller et choisir un cordage adapté à sa façon de jouer pour éviter la tendinite", indique Eric Breton, spécialiste des cordages, à la Fédération Française. "Il faut reconnaître que cette évolution pose des problèmes aux professionnels. Ceux qui travaillent en toucher de balle, comme Edberg, trouvent ces cadres profilés trop puissants, leur reprochent de ne plus permettre un contrôle suffisant de la balle. Et puis un jouer de ce niveau met des mois, des années à s'habituer à une solution de raquette. Il ne peut pas changer tous les deux ans, sous peine de dérègler son jeu. L'évolution est si rapide qu'un jeune espoir démarre aujourd'hui avec un type de cadre qui sera dépassé quand il sera sur le circuit professionnel. Changera-t-il alors ? Difficile décision...", estime Thierry Maissant.

D'autres joueurs s'engouffrent dans cette brèche, et se font bâtir sur mesure des raquettes prototypes qui détruiraient le bras d'un joueur du dimanche.

Alors, pour rendre sa part au spectacle, certains tournois en salle utilisent des balles plus lentes. Dans les commissions de réflexion, on a parlé de diminuer la surface du carré de service, de monter le filet, de ne plus laisser qu'une balle de service, d'empêcher le jouer de sauter lors du service, de règlementer la forme des raquettes (leur surface est déjà limitée), leur composition, leur rigidité. Peu satisfaisantes, ces solutions paraissent condamnées. L'une des voies dont on parle le plus serait de réserver aux professionnels des balles un peu plus grandes, donc plus lentes en raison de frottements dans l'air accrus (proportionnels à la section de la balle). Accepteront-ils de jouer avec des super-raquettes